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27/01/2011

BULLETIN CELINIEN

Bulletin célinien N° 326

 

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C’est la photographie de Céline donnant lecture de son discours en hommage à Zola qui illustre la couverture du premier bulletin de l’ année 2011. Elle m’incite à vous livrer quelques extraits « prophétiques » de ce texte lu par son auteur le 1e octobre 1933 à Médan. Comme le rappellent les Cahiers de l’Herne, ces pages furent publiées en 1936 par Robert Denoël dans sa plaquette « Apologie de Mort à Crédit » :

« Quand nous serons devenus moraux tout à fait au sens où nos civilisations l’entendent et le désirent et bientôt l’exigeront, je crois que nous finirons par éclater tout à fait aussi de méchanceté. On ne nous aura laissé pour nous distraire que l’instinct de destruction. C’est lui qu’on cultive dès l’école et qu’on entretient tout au long de ce qu’on intitule encore : la vie. Neuf lignes de crimes, une d’ennui. Nous périrons tous en chœur, avec plaisir en somme, dans un monde que nous aurons mis cinquante siècles à barbeler de contraintes et d’angoisses.

… La rue des Hommes est à sens unique, la mort tient tous les cafés, c’est la belote « au sang » qui nous attire et nous garde. »

Ce 326e numéro du bulletin est aussi celui de son trentième anniversaire ; Marc LAUDELOUT s’en félicite d’autant mieux que cette année 2011 (cinquantenaire de la mort de Céline), verra paraître le « D’un Céline l’autre », de David ALLIOT, attendu dans la collection « Bouquins », chez Robert Laffont. Jean-Paul LOUIS, Eric MAZET et Gaël RICHARD livreront de leur côté un « Dictionnaire de la correspondance de Céline » qui sortira des presses du Lérot. Enfin Alain de BENOIST, Arina ISTRATOVA et Marc LAUDELOUT signeront « Tout Céline », recueil regroupant « Bibliographie-Filmographie-Phonographie-Internet ». Tous les amateurs de Céline se réjouiront de ces publications annoncées qui certainement feront date.

Sans préjuger de son contenu, il y a des chances pour que le prochain bulletin se penche sur la récente « Célébration » dont les médias, récemment, se firent l’écho.  Henri GODARD, dans sa note : « Doit-on célébrer Céline » en évoquant la calamité du siècle que furent ces deux guerres épouvantables (1914-1918 et 1939-1945) pose la question de savoir « Quelle autre œuvre, dans la littérature mondiale, est autant que celle-ci à la hauteur de ce moment de l’histoire ? Sous ce double aspect, de styliste et de romancier capable de donner un visage à son époque, Céline, cinquante ans après sa mort, émerge comme un des grands créateurs de son temps. » Cela n’aura pas suffi toutefois pour « l’honorer », on connaît la suite… (cf billet précédent sur ce blog).

Les Editions du Lérot nous livrent dans une facture irréprochable (comme chaque fois),  le remarquable ouvrage de Gaël RICHARD : « Le procès de Céline ». Ce travail, dont l’auteur lui-même précise le contenu dans ce n° 326, force l’admiration par la façon dont il traite le sujet : tout a été fouillé, passé au peigne fin avec la rigueur de l’historien et l’intérêt du célinien averti. Pouvait-on faire mieux ? J’en doute. Certes, ce n’est pas une lecture de tout repos et cela fait tout de même 334 pages ! mais il faut s’y aventurer et aller jusqu’au bout pour comprendre quel rôle, chacun des protagonistes à joué dans cette malheureuse « affaire ».

A l’éloge qu’il fait de Gaël Richard (également auteur du « Dictionnaire des personnages dans l’œuvre romanesque de Céline »), l’éditorialiste associe à juste titre « Jean-Paul Louis, lui-même éditeur (toujours au sens editor) de nombreuses correspondances de Céline (dont celles à Albert Paraz et à Marie Canavaggia, et la moitié de « Lettres » ; le dernier volume de la Pléiade). Quel autre imprimeur-éditeur eût été partant pour se lancer dans l’édition de travaux scientifiques de cette ampleur ? »

On lira dans cette livraison du BC une note de Benoît LE ROUX sur les derniers mots de Brasillach sur Céline ainsi que la suite de l’étude de Laurie VIALA intitulée « Illustrer le texte célinien ». Cette fois-ci il s’agit pour l’auteur, non pas de juger, mais de savoir ce que le trait de Tardi apporte ou enlève aux trois romans qu’il a illustrés (le premier, le Voyage, parus chez Futuropolis/Gallimard en 1988). Et d’abord, Laurie Viala, arguant du procédé « publicitaire » craint qu’en illustrant un texte, en le privant en partie de son contenu, du moins en « nettoyant » les visualisations mentales, on nous empêche de rêver: « L’illustration serait donc véritablement une prise en otage. Le lecteur est privé de sa liberté de rêver, de figurer, bref de créer. »

Sans pour autant dédouaner le texte, elle note plus loin que ce dernier, de son côté, exerce sur le lecteur un pouvoir tout aussi tyrannique que l’image. Voire… Pour ma part je ne me suis jamais senti véritablement colonisé par l’un ou l’autre aussi loin que remonte le souvenir de mes premières lectures tant je trouvais que les illustrations des Fables de la Fontaine par Granville ou celles des œuvres de la Comtesse de Ségur collaient avec leur support. Mieux, elles ne m’ont jamais empêché de rêver, au contraire ! Ainsi des dessins de Tardi que je trouve somme toute bien « céliniens ». Le rêve, c’est en chacun de nous notre « part d’ombre » (je reviendrai sur le sujet dans un prochain billet) et s’il est des ombres suggestives, c’est bien celles des dessins de Tardi qui a volontairement employé le noir et blanc. Imagine-t-on les mêmes illustrations en couleur ? Il y est souvent question de la mort, mais elle est plutôt « guillerette » à la façon des squelettes des danses macabres du Moyen Age : ainsi des petits macchabées qui planent dans leurs barques au-dessus de la Seine. Et la vieille Henrouille n’en est pas loin de cet état, et si je l’avais dessinée je ne l’aurais pas vue autrement que ne l’a vue Tardi. Quand elle se déchaîne, c’est un régal : « Il est là-haut, il est sur son lit l’assassin ! Il l’a même bien sali son lit, hein garce ? Bien sali ton sale matelas et avec son sang de cochon ! Et pas avec le mien ! »

 

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Mais peut-être après tout Tardi n’a-t-il vu dans l’œuvre célinienne que du noir ?

Où je rejoins Laurie Viala c’est lorsqu’elle écrit : « …l’œuvre entière de Céline est fondée sur le refus du temps qui passe, sur le reniement de la mort, sur la résistance à la méchanceté, à la bêtise des hommes et à la sienne propre ». C’est par là en effet qu’il est « raffiné », comme il se plaisait à le dire ; un saint-bernard, plutôt qu’un pékinois hargneux ( et je songe à la métaphore de Nimier) qui vous mord en traître le mollet…

Quant à savoir si Tardi plagie ou non Céline, quelle importance ? Après tout, qui ne plagie par « l’autre », dès l’instant ou il prend la plume pour écrire ou dessiner ? On s’inspire toujours de quelqu’un, forcément. Tout n’a-t-il pas déjà été dit ? (Et Céline ajouterait : « une fois pour toutes ! »). Ça n’a pas beaucoup d’importance, non ; ce qui compte, c’est la façon dont on le dit. Et ça, c’est une autre affaire ! Nous savons ce que Céline pensait des « à la manière de »…

A ce propos, je ne voudrais pas oublier la citation du mois en deuxième de couverture. Elle est de Philippe VILAIN et me paraît opportune : « Pourquoi , en littérature, parle-t-on toujours « d’invention », de « modernité » pour caractériser une langue qui s’éloigne le plus de la maîtrise, de la clarté, du sensé ? Pourquoi tant d’indulgence envers l’oralitécrite, ce prêt-à-écrire réclamant si peu d’exigence ? »

Et oui, on oublie un peu trop souvent que Céline, nourri des classiques, travaillait son style, revenait sans cesse sur l’ouvrage, polissait et polissait son marbre, posé sur un piédestal et des fondations telles qu’il n’est pas prêt de s’écrouler ! C’était du temps où la littérature était encore un art. On ne demande plus aux architectes d’aujourd’hui d’être des prix de Rome, n’est-ce-pas ? Voyez le résultat…

Pour terminer cette présentation Matthias GADRET et l’éditorialiste font le bilan de l’année passée riche en événements et publications que nous espérons tout aussi fructueux en 2011. 

 

 

18/12/2010

BULLETIN CELINIEN

Bulletin célinien n° 325

 

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« La T.V. est un prodigieux moyen de propagande. C’est aussi, hélas ! un élément d’abêtissement en ce sens que les gens se fient à ce qu’on leur montre… »

On ne saurait mieux dire ! J’ai laissé moi-même à la décharge, depuis 96, ce vicieux instrument de décervelage. Je ne m’en plains pas, trouvant largement de quoi satisfaire ma curiosité sur le Net.  Mais, je me suis souvent demandé ce que Céline aurait pensé des ordinateurs…

Tous les visiteurs de l’ermite de Meudon ont été surpris –du moins ceux qui le voyaient pour la première fois- de son accoutrement. On sait qu’il affectionnait de vieux gilets qu’il portait empilés les uns sur les autres, couvrant ce mille-feuilles d’une cape lorsqu’il sortait faire les courses. De chaussures point, mais la plupart du temps de grosses charentaises aux semelles épaisses, tant il est vrai que c’est par les pieds qu’on s’enrhume, c’est connu…

L’éditorialiste, rappelle l’étonnement de quelques-uns devant ce personnage d’hospice ou ce clochard céleste. Je suis, pour ma part, assez enclin à croire, comme Marc Laudelout, qu’au lieu de chercher à témoigner de quoi que ce soit, Céline en était arrivé au stade où le port de la cravate et du veston ne signifie plus grand-chose. Quand on sent la mort rôder à son entour et qu’on l’attend, qu’importent les vêtements splendides ? Et puis d’ailleurs, dans l’état où se trouvait l’écrivain, a-t-on le goût de se soucier de sa mise ? Assurément non ; on pare au plus pressé, on se garde du froid qui si bien transit les membres jusqu’à l’os ! On cherche le maximum de confort dans le minimum d’efforts, un point c’est tout.

Vincent MORCH, livre les propos de Marc-Henri Lamande et de Ludovic Longelin, respectivement interprète et auteur metteur en scène de la pièce de théâtre : « Dieu qu’ils étaient lourds ! » On se souvient de l’allusion célinienne à la lourdeur des hommes qui sont « devenus des marteaux-pilons… ». Cette pièce qui dure un peu plus d’une heure a été composée à partir d’un assemblage d’extraits choisis des différentes interviews de Céline. C’est donc à un travail sur la voix, l’expression et les silences que ce sont livrés l’auteur et l’interprète.

Pierre ASSOULINE qui a assisté à l’une des représentations au petit théâtre du Lucenaire à Paris nous dit de cette pièce qu’on est saisi, dès les premiers mots qui fusent dans une semi obscurité d’une étrange impression : celle d’avoir Louis-Ferdinand Céline devant soi. Il ne tarit pas d’éloge sur son interprétation « stupéfiante de vérité » non plus d’ailleurs que sur la sobriété de sa mise en scène. Ceux qui, comme moi ne l’ont pas vue retiendront la conclusion de Pierre Assouline : « Il serait impardonnable de manquer ça. Les céliniens y penseront longtemps après encore ; les non-céliniens devraient se laisser guider par la curiosité ; les anti-céliniens viscéraux auront raison de s’abstenir car c’est tellement bien que cela leur fera du mal. »

Sans doute ; mais pour moi, et quel que soit le talent de l’interprète, l’original vaut toujours mieux que la copie et je ne me régale vraiment que des seuls enregistrements de Céline. Merci encore à Emile Brami de les avoir réunis en deux magnifiques CD.

Ce numéro de décembre publie la première partie de l’étude de Laurie VIALA consacrée à l’illustration du texte célinien. Bâti essentiellement sur l’émotion, elle observe que « le texte de Céline est en soi un appel à l’illustration. » Serrer au plus près l’univers célinien en traduisant graphiquement l’émotion qui le porte nous paraît être en l’occurrence la bonne démarche. De mon point de vue, Tardi (que l’auteur de l’article évoquera dans les prochains numéros) s’y est admirablement employé ; comment oublier par exemple son personnage de la vieille Henrouille ? Et combien d’autres ! Sans parler des dessins qu’il nous laisse de la banlieue à laquelle son trait est familier. Mais il est certain qu’il y a des impressions qui se passent d’images, vouloir leur en donner serait leur ôter leur puissance de suggestion ; et Dieu sait si l’œuvre célinienne en renferme.

Très intéressante critique de l’Eglise parue dans Marianne du 11 octobre 1933 sous la plume de Ramon FERNANDEZ. Sans doute l’un des textes les moins connu de l’auteur du Voyage, l’Eglise n’en renferme pas moins quelques moments forts qui n’ont pas échappés à Ramon Fernandez, et notamment dans le troisième acte. Voici ce qu’il en dit : « Ce troisième acte, de beaucoup le meilleur, n’est pas loin d’être un chef-d’œuvre. M. Céline a placé franchement son évocation de la S.D.N. sur le plan de la farce féerique, à la manière d’Aristophane. L’effet est saisissant. »

Ceux qui voudront en savoir d’avantage sur les rencontres de Ramon Fernandez avec Céline pourront le faire en consultant le numéro 307 du Bulletin (avril 2009).

Quant au présent numéro, il s’achève par la narration que nous offre Willy de SPENS, d’une visite qu’il fit à l’ermite du Bas-Meudon en 1957, au printemps. Elle vaut d’être lue, car on y découvre un Céline qu’on n’attendrait pas.

En fin d’article, l’éditorialiste dresse un portrait de Willy de Spens (1911-1989) familier du monde des Lettres, auteur d’un premier roman en 1943, ami de Marcel Aymé, Jacques Chardonne, Antoine Blondin, Roger Nimier. Willy de Spens. Il devait, à la fin de sa vie, rassembler ses souvenirs dans plusieurs tomes qui connurent, en leur temps, assurément plus de lecteurs qu’aujourd’hui…

 

23/11/2010

BULLETIN CELINIEN

Bulletin Célinien N° 324

 

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L’infatigable Marc LAUDELOUT, auquel rien de ce qui touche à Céline de près ou de loin ne semble échapper, rappelle dans ce numéro de novembre quelques vérités. Il apporte notamment -en réponse aux critiques de certain lecteur de la revue « Commentaire »- des précisions toujours utiles à ceux qui, comme ce lecteur et le directeur de cette revue, seraient susceptibles de se laisser abuser par des jugements hâtifs autant que partiaux témoignant, sinon d’une mauvaise connaissance de l’œuvre et de son auteur, du moins d’opinions partisanes asservies à la politique contemporaine de la pensée  « correcte ». Assurément, nous ne partageons pas l’opinion de ceux qui lisent Céline avec des gants et double dose d’antidote à seules fins d’obtenir leur certificat de civisme ou d’être considérés par le gratin aux ordres, qui continue hélas à faire la pluie et le beau temps dans le monde des Lettres…

Céline l’avait prédit et l’on n’en finirait pas de répertorier les travaux universitaires qui lui sont régulièrement consacrés. Il s’en trouve de particulièrement intéressants et parmi ceux-ci, celui qu’ Yves PAGES a présenté pour l’obtention de sa thèse de doctorat en 1991. Frédéric SAENEN l’évoque sous son titre « Céline, fiction du politique », dans une note qu’il lui consacre.  Cette thèse, initialement publiée par les éditions du Seuil en 1994 est aujourd’hui reprise par Gallimard dans la collection « TEL ». De l’aveu de Frédéric Saenen ces 474 pages donnent, dès la dernière tournée, « la furieuse envie de replonger dans le Voyage, Guignol’s band ou la trilogie allemande. Avec un regard vraiment neuf. »

Faisant suite à une note relatant les demandes réitérées de Céline à son éditeur pour se voir, de son vivant, publié dans la Pléïade, ce numéro publie deux lettres inédites de Céline à Claude Gallimard, datées respectivement de 1960 et 60 ou 61. On y lira entre autre, sur le ton qui nous est familier : « …je vois venir la Pentecôte c’est-à-dire la Toussaint, mais pas du tout ma Pléïade, dont on a tant parlé… » De fait jamais Céline ne se verra « pléiadé » de son vivant puisque, décédé comme on sait le premier juillet 61, ce Panthéon des lettres ne lui ouvrira ses portes qu’en février 1962. Il aura fallu tout de même attendre 48 ans avant que ne soit publiée la correspondance et encore, non intégralement ; quant au demeurant, sentant par trop le soufre, il est douteux qu’il puisse rejoindre un jour le gros de l’œuvre…

Marc Laudelout nous livre un intéressant dossier sur Roland CAILLEUX. Médecin comme Céline et attaché comme lui aux médecines naturelles et à l’hygiénisme. Cailleux, comme son confrère, fut aussi écrivain, beaucoup moins connu cependant, et de petit tirage. Il a néanmoins laissé avec « Saint Genès ou la vie brève », publié en 1943, un exercice de style qui prouve son talent et ses exigences en littérature.

 

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Admirateur de Céline, il le fut, mais avec réserves, son tempérament critique le portant à se méfier des exagérations et des plaintes céliniennes. On verra d’ailleurs, en se reportant à des notes datées du 19 juin 1957 ce que pensait vraiment Cailleux de Céline ; il n’est pas tendre ! Les céliniens avertis n’y apprendront rien car Cailleux enfonce des portes ouvertes mais tout de même, en 1957, combien savaient cela ? Ces observations acerbes sinon réelles n’enlèvent rien à celui qui fut d’une certaine façon, avec ses qualités et ses défauts, « humain trop humain » en même temps que le plus grand auteur de son temps.

La rencontre de Roland Cailleux avec Marcel Aymé, en janvier 1943 a donné lieu à une narration inédite dictée à sa femme. On lira avec intérêt ces quelques lignes publiées dans ce dossier et on retiendra entre autres le portrait qu’il donne de l’auteur de Travelingue : « Les deux traits caractéristiques qui frappent d’abord chez Marcel Aymé, ce sont ses grandes oreilles et ses silences. S’il a de grandes oreilles, c’est pour mieux écouter sans doute. Il est très difficile de ne jamais dire un mot et Marcel Aymé y réussit en prenant un air particulier où l’on croit déceler l’ennui, la timidité, le « Qu’est-ce que je fous ici ?... » et le « Qu’est-ce que je pourrais foutre de mieux ailleurs ?... »

On trouvera enfin le brouillon de la lettre adressée le 12 septembre 1943 par Cailleux à Céline pour lui demander son avis au sujet de son Saint Genès. On y lira ces lignes qui contredisent par quelque côté ce que pensait Cailleux de Céline en 1957… « J’ai eu une presse excellente par ici et je pourrais croire que c’est arrivé si je ne me disais que, par ces temps de crise de papier, on peut pondre n’importe quelle ordure, elle aura toujours du succès. Mais vous, vous ne mentez pas. » dixit. Alors pourquoi s’offusquer sur le tard d’un  travers des plus répandus, de celui qui pourtant avait prévenu, dans le Voyage: «  Il faut choisir, mourir ou mentir. Je n’ai jamais pu me tuer, moi… ».

Enfin, David LABREURE signe un article sur Céline et la médecine du travail, dans lequel, s’appuyant sur les observations du Docteur Destouches sur le taylorisme et le fordisme, il montre tout l’intérêt que  ce dernier portait à l’observation de l’état de santé des travailleurs au sein même de l’entreprise ainsi qu’à leur affectation à des taches adaptées à leurs déficiences ou à leurs handicaps. Extraite du Cahier Céline n°3 (Gallimard 1977), cette sujétion montre aussi qu’en ce domaine, Céline était en avance sur son temps :« Il serait sans doute possible d’étudier sérieusement, dès à présent, les modalités éventuelles d’emploi de ces malades chroniques dans l’industrie. »