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21/03/2011

BULLETIN CELINIEN

Bulletin célinien N° 328

 

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La couverture du bulletin reproduit un dessin d’Honoré paru dans Charlie-Hebdo en début d’année. Le choix de cette illustration n’est pas hasardeuse ; elle s’inscrit dans la polémique soulevée par la question posée par Henri Godard : « Doit-on, peut-on célébrer Céline ? » que le Ministre de la Culture  a tranché comme on sait,  en répondant non.

L’éditorialiste  revient sur l’affaire de la « célébration » en publiant le point de vue de David ALLIOT célinien averti, celui de Pierre LAINE auteur d’une thèse de doctorat d’Etat sur Céline ( « De la débâcle à l’insurrection contre le monde moderne. L’itinéraire de Louis-Ferdinand Céline », université de Paris IV 1982), quelques « ultimes réactions… » d’écrivains et de journalistes, et un bref tour d’horizon dressé par ses soins (Zizanie chez les céliniens). A ce palmarès, il faut ajouter le point de vue de Claude DUNETON paru dans le Figaro du 27 janvier 2011.  « Je crois – écrit-il en parlant de Céline- qu’il serait aux anges d’avoir été refusé au Panthéon de 2011 des écrivains à célébrer ». Nous sommes, en effet, un certain nombre à le penser.

De ces « points de vue » dont beaucoup se recoupent, nous retiendrons la réaction de Marc-Edouard Nabe à l’endroit de celui (Henri Godard) « qui ose traiter Céline de « pur salaud »… Henri Godard, qui apparaît comme étant l’un des meilleurs spécialistes français de Céline, a-t-il connu l’homme, pour le juger ainsi ? On ne reprochera pas à Nabe de s’en irriter, avec le ton qui est le sien. Pour autant que nous le sachions, Céline n’était ni un salaud ni un con, n’en déplaisent à ceux qui ne le portent pas dans leur cœur ; c’était un « aboyeur » une façon de cerbère quand il se mettait en colère ; à lui s’applique cette remarque de Chamfort : « En France, on laisse en repos ceux qui mettent le feu et on persécute ceux qui sonnent le tocsin. » Il faut, pour en juger, replacer ses écrits qui sentent le soufre dans leur contexte et savoir pourquoi et comment ils ont été écrits…

Pourquoi n’était-ce ni un salaud ni un con ? Mais parce que ceux qui l’ont connu en témoignent, et tous, là-dessus,  sont unanimes, ils suffit de les lire… Et il suffit aussi d’étudier dans le détail les vidéos, d’écouter et de regarder Céline pour s’en convaincre. Sans doute était-il geignard, hargneux, vantard, égoïste, misanthrope… enfin, tout ce que le commun des mortels possède en partage avec ses semblables et exprime avec plus ou moins de brio et de naturel. Est-ce suffisant pour être un salaud ? Assurément pas, à moins bien sûr que de rapporter l’épithète à certains côtés de l’œuvre comme le pense sans doute Henri Godard, où l’auteur de Bagatelles s’abandonne dans l’outrance avec ivresse. Mais dans ce cas, tous ceux qui pratiquent la violence et l’esthétique de l’écriture dans tout ce qu’elle a d’acide, de corrosif et de cruel et qui s’y emploient avec talent sont des salauds ! Si tel est le cas, c’est à un sérieux auto-da-fé de la littérature qu’il faut s’attaquer  sans différer en remontant loin dans le temps !

Notons par ailleurs que la « saloperie » est contagieuse ; que si vous-même d’aventure, sans arrières pensées, vous trouvez pris en flagrant délit d’oser apprécier tel ou tel morceau proscrit, elle vous saute dessus par l’entremise d’un censeur, il s’en trouve toujours un dans ces cas-là ! Alors, vous risquez fort d’être catalogué tout à fait super salaud à éliminer sans différer ! Et pourtant, que peuvent tous les censeurs du monde quand la symphonie verbale vous emporte au-delà du raisonnable et du recommandable et que vous vient envie de déclamer tel texte sulfureux à haute voix pour le seul plaisir de l’entendre cascader et s’abattre en cataractes tumultueuses déchaînées ? Il faut, sur le chapitre rester très vigilant… Ces menus plaisirs sont réservés au petit nombre de celles et ceux qui n’appartiennent pas encore à la clique des biens pensants. Il en reste heureusement quelques-uns pour l’honneur de toute vraie littérature, fut-elle maudite.

On lira dans ce bulletin de mars l’article que Claude DUBOIS consacre à Alphonse Boudard ainsi que l’annonce de la parution à la Table Ronde (Collection Petite vermillon) du livre que Laurence Jyl consacre à celui qui fut le grand amour de sa vie : « Ce que je sais d’Alphonse ».

Enfin et pour conclure, Laurie VIALAT livre la dernière partie de son étude : « Illustrer le texte célinien ». Elle s’attache cette fois, comme elle l’a fait pour le Voyage, à décrypter l’interprétation graphique que donne Tardi de Mort à Crédit. Elle relève notamment les libertés qu’à pris le dessinateur avec le texte pour orienter l’œuvre dans sa vision personnelle, quelquefois partisane de la fresque célinienne. Il n’en reste pas moins que le trait de Tardi garde sa force de conviction en associant deux visions du monde qui ne sont pas tellement éloignées l’une de l’autre, du moins pour l’émotion qu’elles suscitent pour peu qu’on se laisse aller à ce qu’elles suggèrent de l’homme en général et de ses œuvres en particulier.

Saluons au passage Futuropolis de s’être lancé dans la publication des trois volumes illustrés, publiés en grand format par Gallimard.

 

16/02/2011

BULLETIN CELINIEN

Bulletin célinien N° 327

 

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Consacré pour l’essentiel aux réactions entraînées par la décision du Ministre de la Culture de retirer le nom de Céline du recueil des célébrations nationales 2011, ce numéro de février reprend un très beau texte de Jean DUTOURD écrit en 1972, à l’occasion de la mort de Lucien Rebatet. On y trouvera également la suite de l’étude de Laurie VIALA (Illustrer le texte célinien, III), ainsi qu’un calendrier dressé par l’éditorialiste pointant les principaux refus de toutes les tentatives visant à rendre hommage à l’écrivain.

2011, n’en déplaise à certains sera l’année Céline par excellence et tous les commémorés, soyons en sûr, ne seront pas de taille à y porter ombrage. Saluons pour commencer l’initiative de France Culture qui diffuse cette semaine, tous les soirs à 20 heures, quelques unes des interviews peu connues. C’est toujours un plaisir de les redécouvrir et c’en est un assurément de les entendre pour la première fois.

Comme le note Marc LAUDELOUT dans son éditorial, à présent que 10.000 exemplaires du premier tirage du recueil sont passés au pilon : « La morale républicaine est sauve et Serge Klarsfeld dit son « soulagement »…

On l’a compris, le maître chanteur –qui n’en est pas à son coup d’essai - a été entendu et deux fois plutôt qu’une par ses thuriféraires qui, quelle que soit leur place au plus haut niveau de l’Etat, ne sont à les regarder de près que ses sous-fifres ou, comme aurait dit elle-même la bête noire de monsieur Klarsfeld : des petits « à la manière de… ».

On imagine la réaction d’Henri GODARD (lequel avait rédigé le texte sur Céline) devant l’attitude du ministre ! Voilà de quoi vous débarrasser une fois pour toutes de vos illusions ! On consultera à ce propos la note de la page 9 du bulletin : « Monsieur Klarsfeld a le bras plus long que moi. »

On lira successivement les points de vue de Philippe BILGER, avocat général près la cour d’appel de Paris, et celui de Jérôme LEROY, écrivain et journaliste.

Nous retiendrons la conclusion du premier : « Ce serait une seconde mort de Louis-Ferdinand Céline (…) L’humanité dans sa totalité serait privée de lumières décisives sur elle-même si un ressentiment collectif, plus d’un siècle après sa naissance, parvenait à nous persuader que la morale du grand écrivain est plus importante que son œuvre.

Pour ma part je continuerai à lire avec passion Céline et même s’il avait été aussi un « parfait salaud », ce ne serait pas à d’autres qu’à moi d’en décider et d’en tirer les conséquences. »

Le second, qui observe que « les grands céliniens ont réglé ce problème des pamphlets quand ils veulent montrer la portée de cette œuvre majeure qui reçoit aujourd’hui les postillons d’indignés qui n’ont décidément que ça à faire. Ils prennent tout, dans sa globalité, ils n’éludent pas. » en profite au passage pour donner une leçon de grammaire à Monsieur Delanoë, lequel, encore une fois, a manqué l’occasion de se taire.

On lira enfin le point de vue de Pierre ASSOULINE, romancier, journaliste et critique littéraire qui, après avoir appris la décision du ministre, juge que « la volte-face est indigne et injustifiable. On saura désormais à quelle aune il convient de mesurer les prochaines décisions du ministre de la Culture. En attendant, son art consommé de la langue de bois lui permettra certainement d’expliquer comment son désaveu n’a en rien bafoué l’indépendance des historiens, conservateurs et universitaires membres du Haut Comité chargé de préparer les célébrations nationales. »

Parmi les nombreuses autres réactions, on retiendra celle d’Alain CORBIN : «… il y aura toujours quelqu’un pour dire qu’il est inadmissible de célébrer Thiers parce qu’il a écrasé la Commune, Turenne parce qu’il a ravagé le Palatinat et Rousseau parce qu’il a abandonné ses enfants. » ; celle d’Anne  KLING : «  … on en arrive tellement au stade de la caricature dans les exigences formulées et les empressements serviles à y répondre qu’il faut ça pour dessiller certains yeux qui n’avaient pas encore saisi l’ampleur de la chose. En ce sens, ces dérisoires polémiques, parfaitement à l’image d’un pouvoir lui-même minable, sont des plus utiles et nécessaires. » ; et celle de Philippe REGNIEZ, éditeur : « Quant à la commémoration elle-même, outre qu’en retirer Céline est de la censure pure et simple, elle ne nous fait ni chaud ni froid quand on regarde les personnages qui ont les faveurs du ministère de la culture, et les noms de ceux qui aujourd’hui reçoivent la légion d’honneur. Grâce à Dieu, l’œuvre de Céline se place à un autre niveau et c’est à ce niveau-là qu’il convient de savoir si les Français d’aujourd’hui méritent ou non Céline. »

Félicitons Marc Laudelout d’avoir repris dans son bulletin l’article que fit paraître Jean Dutourd en 1972 dans l’hebdomadaire Matulu. On y retrouve tout le talent de notre cher académicien et surtout son discernement en face de la conjuration des imbéciles. Remplaçons le nom de Rebatet par celui de Céline et on aura la réponse qu’il aurait pu faire aux zélés censeurs du système :

« … un artiste est essentiellement un homme qui se métamorphose. (…) Evidemment, il est impossible de faire comprendre cela aux terroristes de la vie littéraire française qui ont des catégories mentales de conseillers municipaux. Pour eux, un individu comme Rebatet doit être supprimé ou tout au moins réduit au silence pour diverses raisons : parce qu’il est un grand pécheur, parce qu’il a choisi le noir au lieu du blanc (crime métaphysique), parce qu’il est un ennemi politique, enfin parce que le talent est par nature antipathique. »

C’est à un éloge de Tardi que se livre Laurie Viala dans la troisième partie de son étude et elle a raison, parce que l’illustrateur de Céline non seulement connaît tous les coins et les recoins du Paris de la jeunesse de Ferdinand mais aussi parce qu’il a été vérifier sur place le décor des théâtres d’opération extérieurs à la capitale. Et puis, comme l’auteur du Voyage, Tardi, il faut le reconnaître, excelle dans l’allégorie, dans « l’hallucination que la réalité provoque », pour ne pas faire mentir André Gide.

 

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On retrouve les mêmes décors et scènes de rue dans les fantastiques aventures d’Adèle Blanc-Sec, la couleur en plus, car Tardi, au même titre qu’un dessinateur, est un coloriste. A tel point que son trait noir et blanc et ses à-plats  qui illustrent le texte célinien, renferment aussi de la couleur ; mais il a eut raison, il fallait la suggérer ici et ne point la montrer : Le sang comme la boue se suffisent à eux-mêmes.

En lisant les « Années d’opprobres » qui couvrent la troisième de couverture de ce numéro 327, on se pose la question de savoir quelle nouvelle offense, quelle nouvelle insulte sera faite à la mémoire du veilleur de la route des Gardes. Hélas, il n’est plus là pour mordre ! C’est bien dommage…

 

18/12/2010

BULLETIN CELINIEN

Bulletin célinien n° 325

 

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« La T.V. est un prodigieux moyen de propagande. C’est aussi, hélas ! un élément d’abêtissement en ce sens que les gens se fient à ce qu’on leur montre… »

On ne saurait mieux dire ! J’ai laissé moi-même à la décharge, depuis 96, ce vicieux instrument de décervelage. Je ne m’en plains pas, trouvant largement de quoi satisfaire ma curiosité sur le Net.  Mais, je me suis souvent demandé ce que Céline aurait pensé des ordinateurs…

Tous les visiteurs de l’ermite de Meudon ont été surpris –du moins ceux qui le voyaient pour la première fois- de son accoutrement. On sait qu’il affectionnait de vieux gilets qu’il portait empilés les uns sur les autres, couvrant ce mille-feuilles d’une cape lorsqu’il sortait faire les courses. De chaussures point, mais la plupart du temps de grosses charentaises aux semelles épaisses, tant il est vrai que c’est par les pieds qu’on s’enrhume, c’est connu…

L’éditorialiste, rappelle l’étonnement de quelques-uns devant ce personnage d’hospice ou ce clochard céleste. Je suis, pour ma part, assez enclin à croire, comme Marc Laudelout, qu’au lieu de chercher à témoigner de quoi que ce soit, Céline en était arrivé au stade où le port de la cravate et du veston ne signifie plus grand-chose. Quand on sent la mort rôder à son entour et qu’on l’attend, qu’importent les vêtements splendides ? Et puis d’ailleurs, dans l’état où se trouvait l’écrivain, a-t-on le goût de se soucier de sa mise ? Assurément non ; on pare au plus pressé, on se garde du froid qui si bien transit les membres jusqu’à l’os ! On cherche le maximum de confort dans le minimum d’efforts, un point c’est tout.

Vincent MORCH, livre les propos de Marc-Henri Lamande et de Ludovic Longelin, respectivement interprète et auteur metteur en scène de la pièce de théâtre : « Dieu qu’ils étaient lourds ! » On se souvient de l’allusion célinienne à la lourdeur des hommes qui sont « devenus des marteaux-pilons… ». Cette pièce qui dure un peu plus d’une heure a été composée à partir d’un assemblage d’extraits choisis des différentes interviews de Céline. C’est donc à un travail sur la voix, l’expression et les silences que ce sont livrés l’auteur et l’interprète.

Pierre ASSOULINE qui a assisté à l’une des représentations au petit théâtre du Lucenaire à Paris nous dit de cette pièce qu’on est saisi, dès les premiers mots qui fusent dans une semi obscurité d’une étrange impression : celle d’avoir Louis-Ferdinand Céline devant soi. Il ne tarit pas d’éloge sur son interprétation « stupéfiante de vérité » non plus d’ailleurs que sur la sobriété de sa mise en scène. Ceux qui, comme moi ne l’ont pas vue retiendront la conclusion de Pierre Assouline : « Il serait impardonnable de manquer ça. Les céliniens y penseront longtemps après encore ; les non-céliniens devraient se laisser guider par la curiosité ; les anti-céliniens viscéraux auront raison de s’abstenir car c’est tellement bien que cela leur fera du mal. »

Sans doute ; mais pour moi, et quel que soit le talent de l’interprète, l’original vaut toujours mieux que la copie et je ne me régale vraiment que des seuls enregistrements de Céline. Merci encore à Emile Brami de les avoir réunis en deux magnifiques CD.

Ce numéro de décembre publie la première partie de l’étude de Laurie VIALA consacrée à l’illustration du texte célinien. Bâti essentiellement sur l’émotion, elle observe que « le texte de Céline est en soi un appel à l’illustration. » Serrer au plus près l’univers célinien en traduisant graphiquement l’émotion qui le porte nous paraît être en l’occurrence la bonne démarche. De mon point de vue, Tardi (que l’auteur de l’article évoquera dans les prochains numéros) s’y est admirablement employé ; comment oublier par exemple son personnage de la vieille Henrouille ? Et combien d’autres ! Sans parler des dessins qu’il nous laisse de la banlieue à laquelle son trait est familier. Mais il est certain qu’il y a des impressions qui se passent d’images, vouloir leur en donner serait leur ôter leur puissance de suggestion ; et Dieu sait si l’œuvre célinienne en renferme.

Très intéressante critique de l’Eglise parue dans Marianne du 11 octobre 1933 sous la plume de Ramon FERNANDEZ. Sans doute l’un des textes les moins connu de l’auteur du Voyage, l’Eglise n’en renferme pas moins quelques moments forts qui n’ont pas échappés à Ramon Fernandez, et notamment dans le troisième acte. Voici ce qu’il en dit : « Ce troisième acte, de beaucoup le meilleur, n’est pas loin d’être un chef-d’œuvre. M. Céline a placé franchement son évocation de la S.D.N. sur le plan de la farce féerique, à la manière d’Aristophane. L’effet est saisissant. »

Ceux qui voudront en savoir d’avantage sur les rencontres de Ramon Fernandez avec Céline pourront le faire en consultant le numéro 307 du Bulletin (avril 2009).

Quant au présent numéro, il s’achève par la narration que nous offre Willy de SPENS, d’une visite qu’il fit à l’ermite du Bas-Meudon en 1957, au printemps. Elle vaut d’être lue, car on y découvre un Céline qu’on n’attendrait pas.

En fin d’article, l’éditorialiste dresse un portrait de Willy de Spens (1911-1989) familier du monde des Lettres, auteur d’un premier roman en 1943, ami de Marcel Aymé, Jacques Chardonne, Antoine Blondin, Roger Nimier. Willy de Spens. Il devait, à la fin de sa vie, rassembler ses souvenirs dans plusieurs tomes qui connurent, en leur temps, assurément plus de lecteurs qu’aujourd’hui…