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22/12/2011

BULLETIN CELINIEN

Bulletin célinien n° 336

 

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Dernier numéro de l’année 2011, ce 336e bulletin propose un article de Claude DUNETON intitulé : « Un engagement lyrico-stylistique ».

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SKOVLY (photo La Sirène 2002)

Préfacier de la belle édition « Images d’exil », sortie des presses du Lérot et dans laquelle Eric Mazet et Pierre Pécastaing ont rassemblé tout ce qu’il y a lieu de savoir sur le séjour forcé de l’écrivain au Danemark ; auteur de « Bal à Korsör » ; et de nouveau préfacier de « Céline au Danemark » de David Alliot et François Marchetti, Claude Duneton s’attache ici à la langue de Céline et à ce qu’elle doit aux fréquentations et aux lectures de l’écrivain. Comme le disait Céline lui-même, l’argot n’est pas né d’hier ! C’est pourquoi cette langue populaire, qui a mûri avec le temps, atteint son apogée ainsi que le fait remarquer Claude Duneton, dans les dernières décennies du XIXe siècle. C’est aussi l’époque où le peuple fournit aux usines les plus forts contingents ouvriers et où les cabarets produisent « une activité chansonnière inouïe ». Claude Duneton cite Jehan Rictus et Gaston Couté, portant « témoignage de l’incendie du langage au cœur des foules ». Et comment ne pas évoquer Aristide Bruant, qui se qualifiait lui-même de « Chansonnier populaire » et l’était par excellence ? On sait l’admiration que Céline portait aux chansons de Bruant à propos desquelles, comme le rappellent les auteurs d’Images d’exil, il dira à Paraz : « Je me sers du langage parlé, je le recompose pour mon besoin — mais je le force en un rythme de chanson (…) Ce que faisait Bruant en couplets je le fais en simili prose et sur 700 pages. » On remarquera d’ailleurs combien  l’influence de Bruant transparaît dans les chansons de Céline « Règlement » et « A nœud coulant ».

 

Claude Duneton observe qu’à la même époque « la langue littéraire de haute tenue, post-hugolienne, se frottait à une langue de bourgeoisie plus familière, courtelinesque si l’on peut dire, celle des bureaux et des boutiques. » Et il note que « c’est l’imbrication progressive de ces registres, autrefois nettement séparés par les usages, qui a fourni le corps du français contemporain… ». C’est dans ce creuset qu’à puisé Céline, le poète, puisqu’ ainsi l’appelle Claude Duneton (et il n’est pas le premier à le faire), et c’est avec ce fil mêlé qu’il a tissé, sa tapisserie de Bayeux, sa longue épopée, aux sons de flûtes qui n’ont pas encore fini de faire danser les générations ! du moins celles qui lisent encore… Et l’auteur de la note, à juste titre, de s’interroger : « Mais quelle sera la moisson langagière des enfançons nés aujourd’hui ? » Oui, quelle sera-t-elle cette moisson, tant sont formatés leurs géniteurs par la novlangue, brassée de politiquement correct ? S’exprimeront-ils par onomatopées ? en messages codés ? Que surgira-t-il de cette nuit où nous nous enfonçons ?

L’éditorialiste revient sur l’idée que se font encore certains esprits enfumés du « génocideur » Céline, et répète que l’outrance des pamphlets n’a rien à voir avec un ordre de mission. Contrairement à beaucoup d’autres, Céline n’a jamais léché les bottes des Teutons nom de Dieu ! tout au plus a-t-il entretenu avec certains d’entre eux des relations épistolaires voire amicales dans le milieu artistique et littéraire qui était le sien. Cela a suffisamment été dit et démontré pour qu’on n’ait pas besoin d’en rajouter. Qu’il y ait, pour des raisons idéologiques et partisanes des gens qui n’aiment pas Céline et continuent à chercher des poux sur son crâne, c’est une chose ; mais qu’ils s’acharnent à voir en lui un « génocideur » directement responsable de la shoah en est une autre, et trop grosse pour être avalée par un esprit resté libre (il s’en trouve encore quelques uns en dépit du matraquage médiatisé de la désinformation).

Intéressante restitution de l’article de François PIGNON dans le Soir illustré du 13 juillet 1961, rédigé 12 jours après sa mort : « Louis-Ferdinand Céline est mort dans la solitude et la pauvreté, mais tout le monde qui le repoussait réalise soudain que la parole venimeuse et le verbe dur de l’écrivain ont été le cri le plus formidable jamais poussé au nom d’une humanité misérable. » François Pignon brosse ici —non sans quelques approximations biographiques— comme le note Marc Laudelout un panorama en raccourci de la vie du médecin écrivain en concluant : « Une page survivra de l’écrivain maudit : des pages bouleversantes, délirantes, dans leur forme et leur expression, un immense coup de poing de réalisme sur la table de la société, une dénonciation révoltée et brutale de toute la misère de l’humanité. »

10000 euros, c’est le prix auquel est parti l’un des 400 exemplaires sur alfa de l’édition originale (Denoël 1937, in-8e), de Bagatelles pour un massacre enrichi d’un bel envoi à Henri Poulain. C’est l’une des adjudications passées à Drouot dans la vente du 17 juin dernier. La page 11 du présent bulletin reprend la recension qu’a fait le Magazine du Bibliophile de cette vente. Retenons au passage que la collection complète (N° 0 de 1981 au N° 330 de mai 2011) du Bulletin célinien de Marc Laudelout a été adjugée à 7000 euros…

Francis BERGERON, l’érudit président de l’Association des Amis d’Henri Béraud, rend compte du tout récent film de Patrick BUISSON « Paris Céline », itinéraire filmé de Lorànt Deutsch sur les traces de l’écrivain, agrémenté de rétrospectives de son temps. Il nous dit que ce film « est véritablement un grand moment » et que son interprète « grand acteur qui ne paye pas de mine, cultivé et amoureux de Paris, donne en final une bonne heure de plaisir à l’état pur. » Nous voulons bien le croire, en attendant de voir ce film.

A la faveur d’un extrait du Voyage au bout de la nuit, au travers duquel Céline, en parlant de la mort de Bébert évoque Montaigne : « … Ah ! qu’il lui disait le Montaigne, à peu près comme ça à son épouse. T’en fais pas va, ma chère femme ! Il faut bien te consoler !... Ça s’arrangera !... Tout s’arrange dans la vie… » Paul J. SMITH se livre à une étude qui montre tout se qui peut distancier Montaigne de Céline ou au contraire les rapprocher et qui se retrouve dans Plutarque dont ils prirent l’un et l’autre la mesure.

Enfin Robert LE BLANC nous annonce le retour de Céline dans les lettres de Bretagne, tel que le propose le numéro hors série (9) de l’automne 2011. Céline y apparaît en première de couverture ; non toutefois en première place, laquelle est dévolue à Chateaubriand, mais en marge, au-dessus de Xavier Grall et de le Clézio.

21/03/2011

BULLETIN CELINIEN

Bulletin célinien N° 328

 

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La couverture du bulletin reproduit un dessin d’Honoré paru dans Charlie-Hebdo en début d’année. Le choix de cette illustration n’est pas hasardeuse ; elle s’inscrit dans la polémique soulevée par la question posée par Henri Godard : « Doit-on, peut-on célébrer Céline ? » que le Ministre de la Culture  a tranché comme on sait,  en répondant non.

L’éditorialiste  revient sur l’affaire de la « célébration » en publiant le point de vue de David ALLIOT célinien averti, celui de Pierre LAINE auteur d’une thèse de doctorat d’Etat sur Céline ( « De la débâcle à l’insurrection contre le monde moderne. L’itinéraire de Louis-Ferdinand Céline », université de Paris IV 1982), quelques « ultimes réactions… » d’écrivains et de journalistes, et un bref tour d’horizon dressé par ses soins (Zizanie chez les céliniens). A ce palmarès, il faut ajouter le point de vue de Claude DUNETON paru dans le Figaro du 27 janvier 2011.  « Je crois – écrit-il en parlant de Céline- qu’il serait aux anges d’avoir été refusé au Panthéon de 2011 des écrivains à célébrer ». Nous sommes, en effet, un certain nombre à le penser.

De ces « points de vue » dont beaucoup se recoupent, nous retiendrons la réaction de Marc-Edouard Nabe à l’endroit de celui (Henri Godard) « qui ose traiter Céline de « pur salaud »… Henri Godard, qui apparaît comme étant l’un des meilleurs spécialistes français de Céline, a-t-il connu l’homme, pour le juger ainsi ? On ne reprochera pas à Nabe de s’en irriter, avec le ton qui est le sien. Pour autant que nous le sachions, Céline n’était ni un salaud ni un con, n’en déplaisent à ceux qui ne le portent pas dans leur cœur ; c’était un « aboyeur » une façon de cerbère quand il se mettait en colère ; à lui s’applique cette remarque de Chamfort : « En France, on laisse en repos ceux qui mettent le feu et on persécute ceux qui sonnent le tocsin. » Il faut, pour en juger, replacer ses écrits qui sentent le soufre dans leur contexte et savoir pourquoi et comment ils ont été écrits…

Pourquoi n’était-ce ni un salaud ni un con ? Mais parce que ceux qui l’ont connu en témoignent, et tous, là-dessus,  sont unanimes, ils suffit de les lire… Et il suffit aussi d’étudier dans le détail les vidéos, d’écouter et de regarder Céline pour s’en convaincre. Sans doute était-il geignard, hargneux, vantard, égoïste, misanthrope… enfin, tout ce que le commun des mortels possède en partage avec ses semblables et exprime avec plus ou moins de brio et de naturel. Est-ce suffisant pour être un salaud ? Assurément pas, à moins bien sûr que de rapporter l’épithète à certains côtés de l’œuvre comme le pense sans doute Henri Godard, où l’auteur de Bagatelles s’abandonne dans l’outrance avec ivresse. Mais dans ce cas, tous ceux qui pratiquent la violence et l’esthétique de l’écriture dans tout ce qu’elle a d’acide, de corrosif et de cruel et qui s’y emploient avec talent sont des salauds ! Si tel est le cas, c’est à un sérieux auto-da-fé de la littérature qu’il faut s’attaquer  sans différer en remontant loin dans le temps !

Notons par ailleurs que la « saloperie » est contagieuse ; que si vous-même d’aventure, sans arrières pensées, vous trouvez pris en flagrant délit d’oser apprécier tel ou tel morceau proscrit, elle vous saute dessus par l’entremise d’un censeur, il s’en trouve toujours un dans ces cas-là ! Alors, vous risquez fort d’être catalogué tout à fait super salaud à éliminer sans différer ! Et pourtant, que peuvent tous les censeurs du monde quand la symphonie verbale vous emporte au-delà du raisonnable et du recommandable et que vous vient envie de déclamer tel texte sulfureux à haute voix pour le seul plaisir de l’entendre cascader et s’abattre en cataractes tumultueuses déchaînées ? Il faut, sur le chapitre rester très vigilant… Ces menus plaisirs sont réservés au petit nombre de celles et ceux qui n’appartiennent pas encore à la clique des biens pensants. Il en reste heureusement quelques-uns pour l’honneur de toute vraie littérature, fut-elle maudite.

On lira dans ce bulletin de mars l’article que Claude DUBOIS consacre à Alphonse Boudard ainsi que l’annonce de la parution à la Table Ronde (Collection Petite vermillon) du livre que Laurence Jyl consacre à celui qui fut le grand amour de sa vie : « Ce que je sais d’Alphonse ».

Enfin et pour conclure, Laurie VIALAT livre la dernière partie de son étude : « Illustrer le texte célinien ». Elle s’attache cette fois, comme elle l’a fait pour le Voyage, à décrypter l’interprétation graphique que donne Tardi de Mort à Crédit. Elle relève notamment les libertés qu’à pris le dessinateur avec le texte pour orienter l’œuvre dans sa vision personnelle, quelquefois partisane de la fresque célinienne. Il n’en reste pas moins que le trait de Tardi garde sa force de conviction en associant deux visions du monde qui ne sont pas tellement éloignées l’une de l’autre, du moins pour l’émotion qu’elles suscitent pour peu qu’on se laisse aller à ce qu’elles suggèrent de l’homme en général et de ses œuvres en particulier.

Saluons au passage Futuropolis de s’être lancé dans la publication des trois volumes illustrés, publiés en grand format par Gallimard.

 

27/01/2011

BULLETIN CELINIEN

Bulletin célinien N° 326

 

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C’est la photographie de Céline donnant lecture de son discours en hommage à Zola qui illustre la couverture du premier bulletin de l’ année 2011. Elle m’incite à vous livrer quelques extraits « prophétiques » de ce texte lu par son auteur le 1e octobre 1933 à Médan. Comme le rappellent les Cahiers de l’Herne, ces pages furent publiées en 1936 par Robert Denoël dans sa plaquette « Apologie de Mort à Crédit » :

« Quand nous serons devenus moraux tout à fait au sens où nos civilisations l’entendent et le désirent et bientôt l’exigeront, je crois que nous finirons par éclater tout à fait aussi de méchanceté. On ne nous aura laissé pour nous distraire que l’instinct de destruction. C’est lui qu’on cultive dès l’école et qu’on entretient tout au long de ce qu’on intitule encore : la vie. Neuf lignes de crimes, une d’ennui. Nous périrons tous en chœur, avec plaisir en somme, dans un monde que nous aurons mis cinquante siècles à barbeler de contraintes et d’angoisses.

… La rue des Hommes est à sens unique, la mort tient tous les cafés, c’est la belote « au sang » qui nous attire et nous garde. »

Ce 326e numéro du bulletin est aussi celui de son trentième anniversaire ; Marc LAUDELOUT s’en félicite d’autant mieux que cette année 2011 (cinquantenaire de la mort de Céline), verra paraître le « D’un Céline l’autre », de David ALLIOT, attendu dans la collection « Bouquins », chez Robert Laffont. Jean-Paul LOUIS, Eric MAZET et Gaël RICHARD livreront de leur côté un « Dictionnaire de la correspondance de Céline » qui sortira des presses du Lérot. Enfin Alain de BENOIST, Arina ISTRATOVA et Marc LAUDELOUT signeront « Tout Céline », recueil regroupant « Bibliographie-Filmographie-Phonographie-Internet ». Tous les amateurs de Céline se réjouiront de ces publications annoncées qui certainement feront date.

Sans préjuger de son contenu, il y a des chances pour que le prochain bulletin se penche sur la récente « Célébration » dont les médias, récemment, se firent l’écho.  Henri GODARD, dans sa note : « Doit-on célébrer Céline » en évoquant la calamité du siècle que furent ces deux guerres épouvantables (1914-1918 et 1939-1945) pose la question de savoir « Quelle autre œuvre, dans la littérature mondiale, est autant que celle-ci à la hauteur de ce moment de l’histoire ? Sous ce double aspect, de styliste et de romancier capable de donner un visage à son époque, Céline, cinquante ans après sa mort, émerge comme un des grands créateurs de son temps. » Cela n’aura pas suffi toutefois pour « l’honorer », on connaît la suite… (cf billet précédent sur ce blog).

Les Editions du Lérot nous livrent dans une facture irréprochable (comme chaque fois),  le remarquable ouvrage de Gaël RICHARD : « Le procès de Céline ». Ce travail, dont l’auteur lui-même précise le contenu dans ce n° 326, force l’admiration par la façon dont il traite le sujet : tout a été fouillé, passé au peigne fin avec la rigueur de l’historien et l’intérêt du célinien averti. Pouvait-on faire mieux ? J’en doute. Certes, ce n’est pas une lecture de tout repos et cela fait tout de même 334 pages ! mais il faut s’y aventurer et aller jusqu’au bout pour comprendre quel rôle, chacun des protagonistes à joué dans cette malheureuse « affaire ».

A l’éloge qu’il fait de Gaël Richard (également auteur du « Dictionnaire des personnages dans l’œuvre romanesque de Céline »), l’éditorialiste associe à juste titre « Jean-Paul Louis, lui-même éditeur (toujours au sens editor) de nombreuses correspondances de Céline (dont celles à Albert Paraz et à Marie Canavaggia, et la moitié de « Lettres » ; le dernier volume de la Pléiade). Quel autre imprimeur-éditeur eût été partant pour se lancer dans l’édition de travaux scientifiques de cette ampleur ? »

On lira dans cette livraison du BC une note de Benoît LE ROUX sur les derniers mots de Brasillach sur Céline ainsi que la suite de l’étude de Laurie VIALA intitulée « Illustrer le texte célinien ». Cette fois-ci il s’agit pour l’auteur, non pas de juger, mais de savoir ce que le trait de Tardi apporte ou enlève aux trois romans qu’il a illustrés (le premier, le Voyage, parus chez Futuropolis/Gallimard en 1988). Et d’abord, Laurie Viala, arguant du procédé « publicitaire » craint qu’en illustrant un texte, en le privant en partie de son contenu, du moins en « nettoyant » les visualisations mentales, on nous empêche de rêver: « L’illustration serait donc véritablement une prise en otage. Le lecteur est privé de sa liberté de rêver, de figurer, bref de créer. »

Sans pour autant dédouaner le texte, elle note plus loin que ce dernier, de son côté, exerce sur le lecteur un pouvoir tout aussi tyrannique que l’image. Voire… Pour ma part je ne me suis jamais senti véritablement colonisé par l’un ou l’autre aussi loin que remonte le souvenir de mes premières lectures tant je trouvais que les illustrations des Fables de la Fontaine par Granville ou celles des œuvres de la Comtesse de Ségur collaient avec leur support. Mieux, elles ne m’ont jamais empêché de rêver, au contraire ! Ainsi des dessins de Tardi que je trouve somme toute bien « céliniens ». Le rêve, c’est en chacun de nous notre « part d’ombre » (je reviendrai sur le sujet dans un prochain billet) et s’il est des ombres suggestives, c’est bien celles des dessins de Tardi qui a volontairement employé le noir et blanc. Imagine-t-on les mêmes illustrations en couleur ? Il y est souvent question de la mort, mais elle est plutôt « guillerette » à la façon des squelettes des danses macabres du Moyen Age : ainsi des petits macchabées qui planent dans leurs barques au-dessus de la Seine. Et la vieille Henrouille n’en est pas loin de cet état, et si je l’avais dessinée je ne l’aurais pas vue autrement que ne l’a vue Tardi. Quand elle se déchaîne, c’est un régal : « Il est là-haut, il est sur son lit l’assassin ! Il l’a même bien sali son lit, hein garce ? Bien sali ton sale matelas et avec son sang de cochon ! Et pas avec le mien ! »

 

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Mais peut-être après tout Tardi n’a-t-il vu dans l’œuvre célinienne que du noir ?

Où je rejoins Laurie Viala c’est lorsqu’elle écrit : « …l’œuvre entière de Céline est fondée sur le refus du temps qui passe, sur le reniement de la mort, sur la résistance à la méchanceté, à la bêtise des hommes et à la sienne propre ». C’est par là en effet qu’il est « raffiné », comme il se plaisait à le dire ; un saint-bernard, plutôt qu’un pékinois hargneux ( et je songe à la métaphore de Nimier) qui vous mord en traître le mollet…

Quant à savoir si Tardi plagie ou non Céline, quelle importance ? Après tout, qui ne plagie par « l’autre », dès l’instant ou il prend la plume pour écrire ou dessiner ? On s’inspire toujours de quelqu’un, forcément. Tout n’a-t-il pas déjà été dit ? (Et Céline ajouterait : « une fois pour toutes ! »). Ça n’a pas beaucoup d’importance, non ; ce qui compte, c’est la façon dont on le dit. Et ça, c’est une autre affaire ! Nous savons ce que Céline pensait des « à la manière de »…

A ce propos, je ne voudrais pas oublier la citation du mois en deuxième de couverture. Elle est de Philippe VILAIN et me paraît opportune : « Pourquoi , en littérature, parle-t-on toujours « d’invention », de « modernité » pour caractériser une langue qui s’éloigne le plus de la maîtrise, de la clarté, du sensé ? Pourquoi tant d’indulgence envers l’oralitécrite, ce prêt-à-écrire réclamant si peu d’exigence ? »

Et oui, on oublie un peu trop souvent que Céline, nourri des classiques, travaillait son style, revenait sans cesse sur l’ouvrage, polissait et polissait son marbre, posé sur un piédestal et des fondations telles qu’il n’est pas prêt de s’écrouler ! C’était du temps où la littérature était encore un art. On ne demande plus aux architectes d’aujourd’hui d’être des prix de Rome, n’est-ce-pas ? Voyez le résultat…

Pour terminer cette présentation Matthias GADRET et l’éditorialiste font le bilan de l’année passée riche en événements et publications que nous espérons tout aussi fructueux en 2011.