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30/04/2018

HISTOIRE D'UN P'TIT GARS

EOLE.jpg

(Crédit photo: Contrepoints)

 

C’est l’histoire d’un p’tit gars qu’avait bien travaillé,

Qu’avait mis d’côté un peu d’pognon
Pour s’offrir une maison.
Dans not’ campagne l’avait trouvée

En s’ baladant un jour d’été.

Et ce p’tit gars
Pas bien gras,
L’avait r’ tapée

A la force du poignet.

Il y vivait pénard comme un loir

Et l’soir,
Dans la nuit noire,
Il voyait briller les étoiles

Et la lune sans voile
Jusqu’au moment,
Sans savoir pourquoi ni comment,

Où des messieurs d’la ville
Sont v’nus planter des quilles
Au bout d’la parcelle des voisins

Ah ! les coquins.

Des quilles en façon d’moulinettes
Avec des ailes tournant sans cesse
Et si hautes qu’à les regarder
Il s’croyait fourmi au pied d’un pommier.

Plus de nuits s’reines

Que des lumières rouges

Un bruit d’ sirène
Et des choses qui bougent.

Plus moyen d’rien faire

Et vendre la maison ?

Ah ! la belle affaire

Elle vaut plus un rond !

Lui restait plus qu’à s’résigner,
Avec ses deux yeux pour pleurer...
C’est une pauvre histoire que cette histoire là !

Certains la trouvent drôle... moi pas.

 

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15/11/2010

POEME DE CIRCONSTANCE

 

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Corot, :Le Coup de vent

 

 

 

            Sur la bruyère longue infiniment,


            Voici le vent cornant Novembre ;


            Sur la bruyère, infiniment,


            Voici le vent


            Qui se déchire et se démembre,


            En soufles lourds, battant les bourgs :


            Voici le vent,


            Le vent sauvage de Novembre.


            Aux puits des fermes,

            Les seaux de fer et les poulies


            Grincent ;


            Aux citernes des fermes,


            Les seaux et les poulies


            Grincent et crient.


 

            Le vent rafle, le long de l'eau,


            Les feuilles mortes des bouleaux,


            Le vent sauvage de Novembre ;


            Le vent mord, dans les branches,


            Des nids d'oiseaux ;


            Le vent râpe du fer


            Et précipite l’avalanche,


            Rageusement, du vieil hiver,


            Rageusement, le vent,


            Le vent sauvage de Novembre.


            Dans les étables lamentables,


            Les lucarnes rapiécées


            Ballottent leurs loques falotes


            De vitres et de papier.


          - Le vent sauvage de Novembre ! -

            Sur sa butte de gazon bistre,


            De bas en haut, à travers airs,


            De haut en bas, à coups d'éclairs,


            Le moulin noir fauche, sinistre,


            Le moulin noir fauche le vent,


            Le vent,


            Le vent sauvage de Novembre.


            Les vieux chaumes, à cropetons,


            Autour des vieux clochers d'église,


            Sont ébranlés sur leurs bâtons ;


            Les vieux chaumes et les auvents


            Claquent au vent,


            Au vent sauvage de Novembre ;


            Les croix du cimetière étroit,


            Les bras des morts que sont ces croix,


            Tombent, comme un grand vol


            Qui se rabat contre le sol.


            Le vent sauvage de Novembre,


            Le vent,


            L'avez-vous rencontré le vent,


            Au carrefour des trois cents routes?


            L'avez-vous rencontré le vent,


            Le vent des peurs et des déroutes,


            L'avez-vous vu, cette nuit-là,


            Quand il jeta la lune à bas,


            Et que, n'en pouvant plus,


            Tous les villages vermoulus


            Criaient, comme des bêtes,


            Sous la tempête ?





            Sur la bruyère, infiniment,


            Voici le vent hurlant,


            Voici le vent cornant Novembre.

 

            Emile VERHAEREN : LES VILLAGES ILLUSOIRES (1894)

 

 

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                                                                 Emile Verhaeren vu par Félix Valloton 

 


 

 

 

 

 

02/10/2010

LA MORT DU LOUP

Puisque la chanson de Jean Claude ANNOUX l'évoque, voici la "Mort du loup" écrite en 1843 et tirée des DESTINEES du comte de VIGNY. C'est une belle leçon de courage et de dignité...

 

Grav loup.jpg

 

Les nuages couraient sur la lune enflammée


Comme sur l'incendie on voit fuir la fumée,


Et les bois étaient noirs jusques à l'horizon.


Nous marchions sans parler, dans l'humide gazon,


Dans la bruyère épaisse et dans les hautes brandes,


Lorsque, sous des sapins pareils à ceux des Landes,


Nous avons aperçu les grands ongles marqués


Par les loups voyageurs que nous avions traqués.


Nous avons écouté, retenant notre haleine


Et le pas suspendu. –

Ni le bois, ni la plaine
Ne poussait un soupir dans les airs ;

Seulement
La girouette en deuil criait au firmament ;


Car le vent élevé bien au dessus des terres,


N'effleurait de ses pieds que les tours solitaires,


Et les chênes d'en-bas, contre les rocs penchés,


Sur leurs coudes semblaient endormis et couchés.


Rien ne bruissait donc, lorsque baissant la tête,


Le plus vieux des chasseurs qui s'étaient mis en quête


A regardé le sable en s'y couchant ;

Bientôt,
Lui que jamais ici on ne vit en défaut,


A déclaré tout bas que ces marques récentes


Annonçait la démarche et les griffes puissantes


De deux grands loups-cerviers et de deux louveteaux.


Nous avons tous alors préparé nos couteaux,


Et, cachant nos fusils et leurs lueurs trop blanches,


Nous allions pas à pas en écartant les branches.


Trois s'arrêtent, et moi, cherchant ce qu'ils voyaient,


J'aperçois tout à coup deux yeux qui flamboyaient,


Et je vois au delà quatre formes légères


Qui dansaient sous la lune au milieu des bruyères,


Comme font chaque jour, à grand bruit sous nos yeux,


Quand le maître revient, les lévriers joyeux.


Leur forme était semblable et semblable la danse ;


Mais les enfants du loup se jouaient en silence,


Sachant bien qu'à deux pas, ne dormant qu'à demi,


Se couche dans ses murs l'homme, leur ennemi.


Le père était debout, et plus loin, contre un arbre,


Sa louve reposait comme celle de marbre


Qu'adorait les romains, et dont les flancs velus


Couvaient les demi-dieux Rémus et Romulus.


Le Loup vient et s'assied, les deux jambes dressées


Par leurs ongles crochus dans le sable enfoncées.


Il s'est jugé perdu, puisqu'il était surpris,


Sa retraite coupée et tous ses chemins pris ;


Alors il a saisi, dans sa gueule brûlante,


Du chien le plus hardi la gorge pantelante


Et n'a pas desserré ses mâchoires de fer,


Malgré nos coups de feu qui traversaient sa chair


Et nos couteaux aigus qui, comme des tenailles,


Se croisaient en plongeant dans ses larges entrailles, 


Jusqu'au dernier moment où le chien étranglé,


Mort longtemps avant lui, sous ses pieds a roulé.


Le Loup le quitte alors et puis il nous regarde.


Les couteaux lui restaient au flanc jusqu'à la garde,


Le clouaient au gazon tout baigné dans son sang ;


Nos fusils l'entouraient en sinistre croissant.


Il nous regarde encore, ensuite il se recouche,

Tout en léchant le sang répandu sur sa bouche,


Et, sans daigner savoir comment il a péri,


Refermant ses grands yeux, meurt sans jeter un cri.

J'ai reposé mon front sur mon fusil sans poudre,


Me prenant à penser, et n'ai pu me résoudre


A poursuivre sa Louve et ses fils qui, tous trois,


Avaient voulu l'attendre, et, comme je le crois,


Sans ses deux louveteaux la belle et sombre veuve


Ne l'eût pas laissé seul subir la grande épreuve ;


Mais son devoir était de les sauver, afin


De pouvoir leur apprendre à bien souffrir la faim,


A ne jamais entrer dans le pacte des villes


Que l'homme a fait avec les animaux serviles


Qui chassent devant lui, pour avoir le coucher,


Les premiers possesseurs du bois et du rocher.



 

Hélas ! ai-je pensé, malgré ce grand nom d'Hommes,


Que j'ai honte de nous, débiles que nous sommes !


Comment on doit quitter la vie et tous ses maux,


C'est vous qui le savez, sublimes animaux !


A voir ce que l'on fut sur terre et ce qu'on laisse


Seul le silence est grand ; tout le reste est faiblesse.
-

Ah ! je t'ai bien compris, sauvage voyageur,


Et ton dernier regard m'est allé jusqu'au coeur !


Il disait : " Si tu peux, fais que ton âme arrive,


A force de rester studieuse et pensive,


Jusqu'à ce haut degré de stoïque fierté


Où, naissant dans les bois, j'ai tout d'abord monté.


Gémir, pleurer, prier est également lâche.


Fais énergiquement ta longue et lourde tâche


Dans la voie où le Sort a voulu t'appeler,


Puis après, comme moi, souffre et meurs sans parler. "

 

10:53 Publié dans Poèmes | Lien permanent | Commentaires (0)