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21/12/2009

LE CHATEAU SANS JOIE

 

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Le « Château sans Joie », bande dessinée parue en cinquante épisodes dans l'hebdomadaire pour la jeunesse « Ames Vaillantes », du 31 mai 1942 au 27 juin 1943, est dû à la plume et au talent de « Patrice ». Qui est ce Patrice dont nous ne savons rien ? Je ne l'ai pour ma part trouvé nulle part. Toujours est-il que son histoire, si bien illustrée, m'a fait rêver de longues heures dans mon enfance ; et ce n'est pas sans quelque plaisir que je m'y plonge à nouveau en « remontant le temps », elle n'a sur ce point,  rien à envier à la madeleine de Proust en vertu de pouvoir.

Ce n'est point tant l'intrigue en elle-même, que la façon dont elle est illustrée qui m'enchante. L'histoire est celle de deux enfants, Jean et Rosette Dumontier, et de leur chien Pipo. Ils ont été séparés de leur père, ingénieur en mission au Tibet, à la suite d'une inondation et se sont retrouvés, entraînés par le torrent, au cœur d'une chaîne rocheuse des plus hostile...

Après maintes péripéties, dont la chute dans un gouffre, et le cheminement dans des souterrains, ils se retrouvent en présence de Jolivet, prisonnier évadé du bagne du « Château sans Joie »...

 

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Que fait-on au château ? On produit de l'or... Et ce sont des esclaves, prélevés sur la population des autochtones du plateau, qui piochent jusqu'à épuisement le minerai sous la montagne,  pour approvisionner, par d'interminables galeries, l'énorme meule qui le broie. Nos trois héros, ne doivent d'échapper à l'accident de parcours qui les a précipité sous cette meule, que par le déclanchement de la sonnerie stridente qui marque l'heure de la pose et stoppe le mécanisme... Cet épisode, n'est pas sans évoquer celui du « Puits et du Pendule ».  Jolivet, qui s'est fait reprendre par les gardes à seules fins de sauver nos trois héros, ne doit son salut sur le bûcher que grâce au stratagème monté par les enfants. On le voit, c'est toujours sur le fil, que les protagonistes échappent à la catastrophe !

Le maître des lieux (le savant fou Simplex, avare au dernier degré), vaut à lui seul qu'on s' attarde à le détailler ; tel que l'a rendu le dessinateur, on imagine Charles Dullin dans le rôle ! Quant à son régisseur, l'ambitieux traître Kroquemir, la haine qui le ronge et la convoitise atteignent à de ces hauteurs qui nous font trouver le vieillard, à côté de lui,  presque sympathique. Bref, d'aventures en aventures, nos trois héros finissent par s'en sortir, ayant réussi à percer le secret de l'écluse, seul moyen de quitter l'immense cirque fermé au fond duquel se dresse le château. Le maître des lieux, devenu fou, s'éteint au moment où son repaire et son or disparaissent dans les flammes et l'explosion de la forteresse qui emporte avec elle  Kroquemir... « Rideau sur tout cela »...

 

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Le charme de cette histoire est porté avant tout par le trait dont Patrice l'a illustrée, je l'ai dit. Il y a du graveur chez cet artiste, du graveur sur bois : la ligne est épurée, large, généreuse. Elle est « piquante », aiguë, en dents de scie, bec d'oiseau, griffes et crocs... Autant dire qu'elle se montre agressive quand il faut. En cela elle porte comme il se doit le texte qu'elle anime. Patrice ajoute à ses talents de graphiste ceux du coloriste : les aplats sont monochromes et les encres, qui s'adaptent excellemment à leur support n'ont rien perdu de leur éclat, sans doute parce qu'elles sont restées longtemps à l'abri de la lumière, mais aussi parce qu'elles étaient de meilleure qualité que nombre de celles d'aujourd'hui. Apprécions ces bleus de cobalt, ces bleus de Prusse ces rouges garance et vermillon, ces ocres jaunes, ces verts sulfate et Véronèse... toute la palette des bruns et des noirs. Bref, il y a de la « patte », du caractère, de la vigueur... de la beauté tout simplement. Cela s'appelle le talent, comment ne pas tomber sous le charme ?

 

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19/12/2009

BULLETIN CELINIEN

Bulletin Célinien N° 314

 

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Trois cent quatorzième livraison du « Bulletin célinien » et dernière de l'année. L'éditorialiste y présente le cinquième volume de la Pléiade consacrant l'œuvre de celui qui n'aura pas connu la joie de figurer de son vivant au rang des élus du « panthéon » de la littérature. Aurait-il imaginé seulement qu'une partie de sa volumineuse correspondance puisse un jour y trouver place ?  Etablie par Henri Godard et Jean-Paul Louis, l'édition de ce choix de lettres qui se suivent en raison de la chronologie, constitue un volumineux pavé de plus de 2000 pages. A le parcourir, on voit bien que l'écrivain n'a qu'une façon de s'exprimer et c'est ce qui fait la force de son style ; c'est ce que rapporte un critique du « Point » cité par Marc Laudelout à la faveur de sa présentation :

« L'épistolier est aussi saisissant, énorme, inventif, farouche que l'écrivain qu'on connaît. Il n'a pas deux écritures ni deux encres. »

Et c'est par là que les pamphlets (ou  satires) relèvent pleinement de leur auteur ; ils sont travaillés à la manière du reste, ce en quoi ils en font partie de l'oeuvre, quoi qu'on en pense. Cela étant, la probabilité pour qu'on les trouve un jour dans un sixième volume de la Pléiade équivaut à peu près, à celle qui consisterait à vouloir dénicher, mettons en dix secondes, une aiguille dans une botte de foin...

Dans ce même bulletin, présentation est faite par son auteur, Véronique Robert-Chovin, de l'ouvrage intitulé « Devenir Céline. Lettres inédites de Louis Destouches et de quelques autres, 1912-1919 », paru chez Gallimard en octobre 2009. Au travers de cette correspondance, qu'on ne trouve pas toute entière dans le cinquième volume de la Pléiade, le héros, dixit l'auteur « est comparable à certaines apparitions. Il n'est pas décrit, il apparaît, se dégage lentement de la nuit, se révèle à travers les voix de celles et ceux qui ont été là à ce moment, qui s'expriment en même temps que lui, que Céline peut s'animer et reprendre vie. » Véronique Robert-Chovin nous explique que cette correspondance lui a été remise par Lucette Destouches et nous fait part de son émotion lorsqu'elle ouvrit cette « boîte en carton un peu abîmée et poussiéreuse qui contenait un trésor. Toutes les lettres étaient là, réunies par correspondant dans de grandes enveloppes. » C'est assurément un pan, et non des moindres, de l'aventure célinienne qui nous manquait, tant il est vrai que tout se trame dès la jeunesse... Rappelons-nous Céline lui-même qui le savait bien, qui nous le dit dans « Guignol's Band » :

« On est parti dans la vie avec les conseils des parents. Ils n'ont pas tenu devant l'existence. On est tombé dans des salades qu'étaient plus affreuses l'une que l'autre. On est sorti comme on a pu de ces conflagrations funestes, plutôt de traviole, tout crabe baveux, à reculons, pattes en moins...

... On parle souvent des illusions qu'elles perdent la jeunesse. On l'a perdue sans illusions la jeunesse !... Encore des histoires !... »

Suit une note du Dr. Destouches, retrouvée par Henri Thyssens, sur « Une petite thérapeutique des acouphènes par le son et par transmission osseuse » parue en 1923, au temps ou Destouches n'était pas encore Céline. Pas grand-chose de commun avec ce que nous connaissons de ce dernier sauf peut-être, le rapprochement que s'amuse à faire Henri Thyssens de cette invention,  avec celles qui sortaient du cerveau prolifique d'Henry de Graffigny, le Courtial de Mort à crédit.

Nous retiendrons enfin, outre la fin de l'étude du Dr Bergougnan qui applique à Céline cette remarque de Laurence Durell, d'être « un homme torturé, au-delà de ce qu'il est humainement possible de supporter, par le manque de tendresse dans le monde. », deux lettres intéressantes d'admiratrices de l'œuvre et de l'homme. L'une adressée à Céline en 1949 par Lilika Nakos, romancière et journaliste grecque, l'autre, envoyée le 6 novembre 1984 à François Marchetti par Astrid Detlefsen, danoise attachée au service de Mikkelsen, avocat de Céline. Dans ce courrier où elle explique à François Marchetti qu'elle n'a rencontré qu 'une fois « le génial écrivain à l'esprit partagé : chevaleresque, souriant, vêtu d'un veston de velours bleu », Astrid Detlefsen nous fait part surtout des relations de sa sœur qui elle, avait rencontré Céline à plusieurs reprises ; il en ressort ce que nous savons déjà du comportement de Céline, généralement fait de délicatesse et de prévenance, avec les femmes qu'il appréciait.

Enfin, pour les amateurs et les bibliophiles, Claude Haenggli signale l'ouverture d'une librairie célinienne à Saint-Rémy de Provence, qu'on peut visiter au 4 de la rue Carnot. Contact Jean-Simon Mandeau (voyageauboutdelanuit@orange.fr)

 

LE BULLETIN CELINIEN, périodique mensuel, abonnement B.P.70, B 1000 Bruxelles 22. ( L'abonnement coûte 48 euros)

 

 

17/12/2009

PREMIERE NEIGE

 

 

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Michel de Ghelderode à écrit, à ma connaissance, l'un des plus beaux textes sur la neige.

Le voici :

« Les neiges se dénouèrent et traversèrent verticalement les zônes d'or où sont les anges, les zones bleues où sont les oisels, les zones noires où sont les humains, pour venir saupoudrer Flandre à ce moment muette et tous ses vents pointus demeurés en suspens. Vraiment c'était une grâce, car rien n'est immaculé comme neige et rien n'est plus blanc fors l'hostie, les cloisons du ciel et le plumail des anges. Les neiges chues épousèrent la douce forme de Flandre et devinrent de verre craquelé sous le pas des bonnes gens. Peut-être avaient-elles un parfum ou pressées dans la main rendaient-elles un son musical, mais il est certain qu'elles contenaient encore du feu. »

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Valerius de Saedeleer, 1927