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09/03/2012

FILLON A FAILLI

 

Comment se déculotte un Premier Ministre ? C’est bien simple : sous la pression (qui cache la menace) d’organisations qui font l’opinion.

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source photo:  20minutes.fr

Fillon a donc failli par le fondement au devoir qui lui incombait de mettre un terme à la souffrance animale en demandant expressément de procéder à l’ étourdissement des bêtes avant leur égorgement rituel, ainsi que l’exigent la loi de la République et la Déclaration universelle des droits de l’animal dans l’alinéa 2 de son article 3 :

« Si la mise à mort d’un animal est nécessaire, elle doit être instantanée, indolore et non génératrice d’angoisse. »

Sitôt gain de cause acquis comme il se doit par le chantage à la persécution (système ayant fait ses preuves), le grand rabbin de France et le président du consistoire central, en bons fils de Yahvé et le président du conseil français du culte musulman accompagné du recteur de la grande mosquée de Paris, en bons disciples de Mahomet, pourront s’en retourner contents chacun chez soi, quoi qu’ ils entendent demeurer, selon leurs propres déclarations : « vigilants » !

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Diable, c’est qu’il faut veiller à ce que la Bête qui dort dans le sein des goys et des infidèles ne se réveille de sa torpeur ! Sur ce dernier point qu’ils se rassurent, sa léthargie semble profonde à la Bête hélas, tant cet aréopage de beaux messieurs s’ arrange depuis des lustres à l’étourdir profondément en lui distillant telle narcose de leur cru qu’ils se refusent en retour à appliquer aux victimes de leurs boucheries...

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source photo: seneweb.com

A cette dérobade de Monsieur Fillon, Madame Dati ajoute ses commentaires : en vertu de quels principes appartiendrait-il à Fillon de se mêler des affaires de religion ? On se le demande. C’est aux clercs de la religion du livre qu’elles incombent ces affaires ; eux seuls doivent veiller à faire respecter les lois vétérotestamentaires d’un côté et coraniques de l’autre, ces dernières accommodées à la sauce de telle ou telle fatwa du jour. Il est pourtant écrit quelque part dans le Coran qu’on se doit d’épargner la souffrance aux animaux et que la compassion n’était pas étrangère au Prophète il me semble…

Alors qu’attendent nos chers députés pour faire respecter la loi ? L’absence d’empathie qu’ils montrent envers la souffrance animale en dit long sur leur asservissement et leurs cœurs de navets ! Et pourtant, ce qui s’applique en Suède, en Norvège ou en Suisse pourrait se faire en France ; c’est affaire de volonté et de détermination. Mais comme nos chers représentants en sont dépourvus et que l’Union Mafieuse des Pourris et des Salopard de l’ oligarchie ultra libérale des né-cons de l’hexagone passe son temps à se lécher le cul ou à jaboter dans la ciguë selon, les défenseurs des animaux n’ont rien à attendre d’elle.

Il a fallu que la « fille de son père » balance ce pavé dans la mare —et c’est tant mieux— pour que les éclaboussures de sang frais en l’occurrence, arrosent tout le monde.

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On découvre cette saloperie d’égorgement comme s’il s’agissait d’une nouveauté ! Mais nom d’un chien ça remonte à la nuit des temps ces pratiques barbares dites « rituelles «  ! Ça témoigne de l’obscurantisme que vingt siècles de monothéisme anthropocentriste ont infligé aux croyants en recouvrant d’une chape de plomb leurs consciences individuelles.

Il s’est trouvé pourtant des Sages pour dénoncer ce crime, à commencer par PYTHAGORE, que fait parler OVIDE dans ses « Métamorphoses » :

« Comme on se prépare à verser cruellement le sang humain, lorsqu’on enfonce le couteau dans la gorge d’une génisse et qu’on est sourd à ses mugissements ! Ah ! Quand un homme peut immoler un chevreau, malgré ses cris semblables aux vagissements de l’enfant, ou se repaître de l’oiseau nourri par ses mains, que lui manque-t-il pour arriver jusqu’au forfait ? »

Et plus tardivement, voici ce qu’écrivait le Néerlandais Bernard MANDEVILLE  dans sa Fable des Abeilles, en 1714:

« Pour être ému par la pitié, il faut que les symptômes de la misère frappent immédiatement nos sens. (…) Mais il y a des animaux plus parfaits, tels que sont la brebis et le bœuf, dont le cœur, le cerveau et les nerfs diffèrent très peu des nôtres. (…) Il m’est impossible de concevoir comment un homme, qui n’est pas endurci dans le sang et dans le carnage, peut voir sans peine la mort violente et les longues angoisses de ces innocents animaux. (…) Peut-on, sans être touché de compassion, se représenter un bœuf déjà grand, quoiqu’encore jeune, renversé et tout étourdi d’un dizaine de grands coups qu’il a reçu d son bourreau ? Sa tête armée est liée avec des cordes contre la terre. On lui fait au gosier une plaie large et profonde. Quel mortel peut entendre sans compassion ses douloureux mugissements, interrompus par le sang qui coule à grands flots ? »

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Arthur SCHOPENHAUER dénonce la réification de l’animal (Descartes=animaux-machines) et la morale du christianisme « qui n’a nul égard pour les bêtes : c’est en elle un vice, et il vaut mieux l’avouer que l’éterniser… »

Combien de zoophobes encensés pour un FRANÇOIS d’ ASSISE ?

En dépit des efforts de Peter SINGER, des antispécistes et des amis et défenseurs des animaux, force est d’admettre qu’on n’a pas beaucoup avancé puisqu’on en est toujours rendu, en 2012, à devoir s’ incliner sous le joug de religions qui n’ont rien perdu de leur arrogance ni de leur prétention à vouloir imposer par le chantage —à défaut de pouvoir le faire par la force— leur vision du monde et leur pratiques sadiques à ceux qui ne les partagent pas. C’est donc, dans le même temps qu’une atteinte à la vie tout court, une atteinte à la liberté individuelle.

Il faut admettre une fois pour toutes, comme l’écrit si bien Milan KUNDERA dans « L’insoutenable légèreté de l’être » que « La vraie bonté de l’homme ne peut se manifester en toute pureté et en toute liberté qu’à l’égard de ceux qui ne représentent aucune force. Le véritable test moral de l’humanité (le plus radical, qui se situe à un niveau si profond qu’il échappe à notre regard), ce sont ses relations avec ceux qui sont à sa merci : les animaux. Et c’est ici que s’est produite la faillite fondamentale de l’homme, si fondamentale que toute les autres en découlent. »

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Et plus loin, il poursuit en évoquant le geste de compassion de Nietzsche qui se jette en sanglots au cou d’un cheval frappé à coups de fouet par son cocher à Turin :

« Ça se passait en 1889 et Nietzsche s’était déjà éloigné, lui aussi, des hommes. Autrement dit : c’est précisément à ce moment-là que s’est déclarée sa maladie mentale. Mais selon moi, c’est bien là ce qui donne à son geste sa profonde signification. Nietzsche était venu demander au cheval pardon pour Descartes. Sa folie (donc son divorce d’avec l’humanité) commence à l’instant où il pleure sur le cheval.

Et c’est ce Nietzsche-là que j’aime, de même que j’aime Tereza, qui caresse sur ses genoux la tête d’un chien mortellement malade. Je les vois tous deux côte à côte : ils s’écartent tous deux de la route où l’humanité, « maître et possesseur de la nature », poursuit sa marche en avant. »

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 « Les hommes mériteront la Paix lorsqu’ils cesseront de vivre sur un fleuve de sang de bêtes innocentes. » (Paul DU BREUIL, Plaidoyer pour nos amies les bêtes, Paris, Panharmonie 1968)

Autrement dit : tant qu’on égorgera l’agneau, il y aura des guerres…

Orientations de lecture:

Tous les extraits de textes on été tirés de l'ouvrage de Jean-Baptiste Jeangène Vilmer paru aux PUF (2011): "Anthologie d'éthique animale"

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On lira également avec profit les deux ouvrages suivants:

 

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"Un ensemble édifiant, pour contribuer à la réflexion engagée sur le statut de la nature dans le monde d'aujourd'hui."

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27/02/2012

GUERRES DES BOERS

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Le 27 février 1881 à Majuba Hill, près de Volksrust, en Afrique du Sud, 450 Boers, sous la direction de Nicolas Smit, défirent les 400 hommes du général Colley qui trouva la mort au cours de cette bataille alors que les trois-quarts de ses soldats furent tués ou capturés. Cet épisode sanglant entre la British Army et les colons hollandais qui comprenaient dans leurs rangs de nombreux français ou descendants de français, constitue ce qu’il est convenu d’appeler la première guerre des Boers connue également sous le nom de « Guerre du Transvaal » qui se déroula du 16 décembre 1880 au 23 mars 1881.

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Majuba Hill

Les origines de cette guerre sont dues à la suprématie que la couronne britannique entendait faire régner sur les mers en s’assurant la route des Indes qui passait par Le Cap, dans le même temps qu’elle entendait s’approprier les richesses du sous-sol sud- africain constituées par les diamants de Kimberley et les gisements aurifères du Transvaal. Elle voyait d’autre part d’un mauvais œil s’installer des colons portugais au Mozambique, des colons allemands dans ce qui sera la future Namibie, des belges au Congo et des français à Madagascar qu’elle regardait comme autant de concurrents menaçants.

C’est en 1648 qu’un bateau hollandais, le Harlem, s’échoua dans la baie de la Table, à la pointe sud occidentale de l’Afrique australe et c’est dans ces circonstances dramatiques que furent jetées les bases de la future ville du Cap qui va se développer à partir de 1652 quand mouillèrent les trois navires du commandant Van Riebeeck. Ces premiers occupants hollandais, qui découvrirent une  terre à peu près vierge de tous habitants, furent rejoints à la fin du XVIIe siècle par des huguenots français. Au siècle suivant, les Boers (cultivateurs), qui n’occupaient jusque-là que la côte, décidèrent, pour échapper aux limites territoriales imposées par la Compagnie des Indes Orientales de se déplacer vers l’intérieur des terres.

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On leur donna le nom de « Treckboers » (treck=déplacement). Après la main mise des Britanniques sur la colonie du Cap en 1806, des milliers de fermiers boers entamèrent la longue marche ou « Grand Treck » ( 1835-1840), jalonnée de tous les dangers.

Ces déplacements en chariots bâchés (qui ne sont pas sans évoquer ceux des puritains d’Amérique du Nord), constituent l’épopée d’hommes et de femmes courageux et déterminés trouvant leur motivation dans la lecture de l’ancien testament et assimilant leur sort et leur mission à l’exode des Hébreux fuyant Pharaon, pour gagner la terre promise…

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Au cours de ce long périple, les Boers durent affronter bien des tribus hostiles qui causèrent dans leurs rangs de nombreux morts. Les survivants, après des luttes contre les Zoulous, établirent la république de Natalia bientôt annexée par les Britanniques. Il faudra attendre 1852 et le traité de Sand River pour que ces derniers reconnaissent aux Boers la République d’Afrique du Sud (Transvaal) et en 1854 l’Etat libre d’Orange.

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La seconde guerre, verra s’opposer pendant trois ans (1899-1902) deux peuple blancs : les Anglais et les Boers auxquels se joindront des volontaires français sous le commandement du Colonel de Villebois-Mareuil tué au combat le 5 avril 1900.

Bien que très supérieurs en nombre, les soldats de sa Majesté connaissent quelques revers lorsqu’ils se heurtent aux fermiers propriétaires de leur terre et bons combattants, dont la lutte épique n’est pas sans rappeler celle des paysans poitevins de l’armée vendéenne, comme eux, symbole de la mobilisation de tout un peuple…

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C’est le Premier ministre de la Colonie du Cap, Cécil Rhodes, qui déclenche les hostilités en 1899., sa vision impériale et raciale s’opposant à celle du calviniste Paul Kruger, président de la république du Transvaal, hostile au projet britannique de fédération sud-africaine.

Le combattant Boer, comme le paysan vendéen, pouvait compter sur le soutien de tous les siens, femmes, enfants, vieillard. Armés de fusils Mauser 1895 achetés grâce au produit des mines d’or et de diamants, les Boers combattirent à un contre cinq puis un contre huit, des troupes organisées et elles aussi, bien armées. Au début du conflit, les fermiers prennent l’offensive et connaissent quelques succès. Mais bientôt ils doivent s’incliner devant l’ennemi sous les ordres d’un nouveau commandant en chef britannique, qui emporte Pretoria, capitale du Transvaal, en juin 1900. Les dieux de la guerre seront de nouveau favorables aux Boers qui la conduiront sous la forme de guérilla de partisans où s’illustreront De La Rey, Botha et De Wet, jusqu’à ce que les Anglais répliquent par la tactique de la « terre brulée » (qui n’est pas, encore une fois sans rappeler les « colonnes infernales » de Turreau en Vendée), dévastation du pays et déportation des populations en camps de concentration.

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Général Koos de La Rey

C’est à Kitchener que l’on doit l’invention de ces camps où, ainsi que l’explique Dominique Venner « Il entend parquer ses adversaires comme du bétail pour les capturer. L’idée est d’enserrer l’Afrique du Sud « utile » dans un maillage serré de barbelés et d’innombrables fortins (on en construira 8000), tandis que les voies ferrées sont parcourues par des trains blindés. Dans la pratique, le bétail se laissera rarement capturer. (…) Tandis que les fermes et les villages sont brûlés, les femmes et les enfants sont déportés, devenant des otages pour contraindre les combattants à déposer les armes. (…) Dysenterie, furonculose, pneumonie et bronchite fauchent les enfants par centaines dans l’indifférence des gardes. Les chiffres se passent de commentaires. 27 927 femmes et enfants meurent dans ces camps dont 22 074 enfants. »

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On voit par là combien les sujets de sa Majesté furent peu sensibles au sort des civils non-combattants. Pas plus qu’ils ne le furent à Dresde, en Irak ou dans les Balkans…

La paix sera conclue le 31 mai 1902 ; les deux républiques perdent par cet accord leur indépendance au terme d’une guerre qui aura fait 7000 morts du côté anglais et 33 000 dans les rangs des Boers. Elles perdent dans le même temps leur identité culturelle et leurs racines rurales. Et pour s’assurer  la suprématie du territoire et de son organisation, maîtriser les richesses naturelles et neutraliser les velléités de rébellion, les Anglais s’emploieront à faire venir des migrants en Afrique australe de manière à constituer un espace européen au sein duquel, désormais, les Afrikaners resteront minoritaires…

 

 


Orientations de lecture:

— Nouvelle Revue d'Histoire, Numéro 48, Mai-juin 2010.

— ßernard Lugan: "Histoire de l'Afrique du Sud", éditions Ellipses.

24/02/2012

24 FEVRIER 1885

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24 février 1885, naissance de l’écrivain et artiste polonais Stanislaw Ignacy WITKIEWICZ  dit WITKACY, à Zakopane, dans les Tatras.

Traduite en français par Alain Van CRUGTEN et par Gérard CONIO, l’œuvre romanesque et théâtrale disponible aux éditions de l’Age d’Homme, comprend quatre romans, deux essais et une trentaine de pièces de théâtre. 

Le premier des romans, du au talent de cet auteur hors du commun posté aux avant-gardes de la littérature de langue slave, a été écrit en 1910 mais n’a été publié qu’ en 1972, soit 33 ans après sa mort. Il s’agit d’une œuvre de jeunesse intitulée « Les 622 Chutes de Bungo », dans laquelle Witkacy décrit sa liaison avec une maîtresse « démoniaque », l’actrice Irena Solska, sur fond d’intrigues de cour où pavoisent dans la dérision, des personnalités connues de l’intelligentsia polonaise. Dérangeante, cette première œuvre l’était assurément puisqu’elle subit le veto paternel. N’importe, on n’arrête pas un fleuve au débit capable de porter les interrogations métaphysiques de Witkacy à des hauteurs et à des profondeurs que rien de ce qu’il écrira par la suite ne démentira.

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« L’Adieu à l’automne » paraît en 1927, « L’ Inassouvissement » en 1930. « L’Unique Issue », roman philosophique inachevé, est publié dans les années qui précèdent sa disparition en 1939. Hanté par l’idée de la mort consécutive au suicide de sa fiancée, Witkiewicz n’aura de cesse de traquer cette thématique et l’angoisse métaphysique inhérente à la néantisation ou à la survivance de l’Etre dans les questions d’ontologie générale qui jalonnent son œuvre. Nourri de philosophie allemande, rien d’étonnant à ce que l’auteur de « l’Unique Issue » ait condensé dans cet ultime ouvrage son explication du monde et la présence de l’Etre dans ce dernier. Le constat qu’il fait du déclin de l’Occident, qui ne s’inscrit cependant pas dans une perspective spenglérienne mais aboutit aux mêmes conclusions, ne laisse aucun doute quant au catastrophisme général qui guette les « sociétés évoluées » qui ont consommé la mort de Dieu. A plusieurs reprises il reprendra le thème de la décadence et de la prévarication des démocraties : « A mesure que la vie devient, grâce à l’évolution sociale, plus confortable, plus sûre dans ses traits, plus automatique et mécanique dans ses fonctions, il y a de moins en moins de place pour l’angoisse métaphysique dans l’âme humaine ». La réification des valeurs les ayant dépouillées de leur dimension transcendantale, rien d’étonnant, dès lors, à ce que le monde ne soit plus qu’une « représentation » grotesque vidée de son contenu, mécanisée à outrance et peuplée de mollusques décérébrés.

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Et Witkacy le décrit, ce monde, en utilisant sa plume comme une rapière trempée dans le vitriol. Il ferraille dru, dans l’exubérance d’un verbe truculent, burlesque à souhait, haut en couleurs, volontiers provocateur et outrancier selon, qui ne s’essouffle jamais et porte le lecteur « nom d’un chien ! » à ne plus jamais l’oublier après l’avoir lu. On ne sort plus tout à fait innocent de la lecture de Witkiewicz, comme aussi de celle de Ladislav KLIMA qui, je le confesse, m’a confirmé certains « pressentiments » perçus, mais en gestation chez Berkeley au sujet de la Grande Question qui  ne peut être que d’ordre ontologique. Witkiewicz, philosophe  « praticien » comme Klima, l’avait excellemment compris. Ce pourquoi tous deux furent mis au ban de la philosophie institutionnalisée ; le premier pour avoir flirté avec le solipsisme, le second, pour l’avoir vécu.

Il y a plus d’un point commun entre Witkiewicz de Klima. Si je les rapproche, c’est parce qu’ils n’ont pas ménagé leur « carcasse », expérimentant de la vie tout ce qu’ils pu dans l’excès comme dans l’ascèse. Sceptique « innassouvi », Genezip Kapen (je n’hésite qu’à peine), à la différence de Sider (désir) le héros de « Némésis la Glorieuse », ne brisera pas le miroir de la manifestation « qui n’est qu’une farce » dixit Klima . Il s’abandonnera à la folie au lieu que Sider, plongeant dans l’ abîme, conquerra l’immortalité.

Dans « Traités et diktats » Klima —qui ne s’est pas donné la mort— notait : « L’homme qui se respecte quitte la vie quand il veut ; les braves gens attendent tous, comme au bistrot, qu’on les mettent à la porte. » 

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Le 18 septembre 1939, C’est au tour de Witkacy de plonger dans l’abîme. Lui qui, sa vie durant s’était tenu au bord du gouffre (concept récurrent dans l’oeuvre: les précipices du mystère… les abîmes de l’Inconnu… les bords du précipice… le gouffre métaphysique… le trou sans fond… le gouffre soudain…) finira par y tomber en se saignant à blanc comme on saigne l’agneau, à l’orée d’un bois des environs de Jesiory, en Polésie après l’invasion de la Pologne par l’Allemagne et la Russie… Mort volontaire curieusement choisie trois jours avant l’automne à laquelle il avait dit adieu douze ans plus tôt. Suicide du philosophe parce que suicide de la philosophie ; effondrement des piliers supportant l’édifice social : les religions, l’art, la philosophie. Confrontation de l’être et de l’étant dans un combat de Titans perdu d’avance sur la mer déchaînée des passions exacerbées d’un siècle moribond.

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Peinture de Witkiewicz

Des trois phares qui éclairent la littérature polonaise des années 1920-1930, Schulz, Gombrowicz, Witkiewicz, c’est probablement ce dernier qui porte le plus loin et nous prévient des écueils. C’est un visionnaire dont le regard ne trompe pas. A ce sujet, cet artiste polyvalent, qui fut indifféremment peintre, écrivain, photographe, pitre et comédien, demande dans un de ses courriers à son ami Bronislaw Malinowski de lui envoyer des photos de philosophes anglo-saxons : « Il est très utile pour moi, pour saisir la pensée d’un philosophe, d’avoir au moins devant les yeux la photo de celui qui a écrit. » L’appliquant à lui même, on ne saurait mieux dire tant l’homme et l’œuvre sont un tout cohérent. Witkacy l’exprime sur « arrêt d’image » ou dans ses mimiques qui ne sont pas sans rappeler celles du dadaïste Raoul Hausmann. En déstructurant et déconstruisant le masque, elles font tomber l’obstacle illusoire des identifications, façon  d’artiste ou de bateleur d’éternité, comme on voudra.

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Il y a du Breughel, du Bosch, de l’Ensor dans les romans de Witkiewicz, comme dans ceux de Céline et je m’étonne, évoquant Rabelais, que Piotr Rawicz ne l’ait pas vu. Piotr Rawicz par lequel nous savons que Gallimard, sollicité pour publier Witkiewicz a loupé le coche, comme pour Céline ! Et c’est tant mieux parce qu’il revenait de droit à Vladimir Dimitrijevic de l’accueillir à l’Age d’Homme.

Contempteur de la modernité décadente et de la démocratie totalitaire infestée depuis les Grecs Witkacy de façon prémonitoire a prévu ce que serait le monde qui est le nôtre. Gérard Conio, qui souligne dans l’œuvre la lucidité de l’analyse witkacéenne, l’a bien compris : « A la démocratie nobiliaire du passé correspond dans le présent la démocratie capitaliste, insipide et insidieuse et Witkacy n’aura pas de mots trop durs pour dénoncer ce « chancre ». La montée des masses, telle qu’elle se produit en Occident du fait du progrès matériel, de ce que l’on appellera plus tard « la société de consommation » incarne à ses yeux le Mal Absolu. »

Dans ses « Réflexions et commentaires sur la philosophie de l’Unique Issue », Gérard Conio poursuit et nous ne pouvons qu’aller dans son sens à moins que d’être aveugle. Voici ce qu’il écrit page 241 : « Seuls les adeptes serviles du consensus idéologique occidental peuvent prétendre aujourd’hui que la victoire de la soi-disant démocratie américanoïde sur les « forces du mal » a fait triompher la justice et la liberté. La principale différence entre ce nouveau totalitarisme et les précédents consiste dans une inversion et une falsification des valeurs qui instrumentalise le langage lui-même et met directement le respect de l’individu, l’application des droits de l’homme, au service d’une aliénation qui ne s’exerce plus par la terreur mais par la séduction. Il se produit une réification générale qui entraîne la perte définitive des principes constitutifs de la dignité humaine. On ne se contente pas de tuer la liberté « au nom de » la liberté, comme l’ont fait toutes les révolutions, depuis 1789, mais on utilise la liberté elle-même pour mettre en place son contraire. On vit désormais sous le signe de l’oxymoron, ceux qui se disent : la « culture du marché », la « guerre humanitaire » et celui qui ne se dit pas mais qui les résume tous : le despotisme de la liberté.

Cette situation suggère une autre vision de l’histoire que celle qui a cours dans les grands moyens officiels d’information.

Tout en s’opposant « formellement », verbalement, aux précédents systèmes de domination, le fascisme, le nazisme, le communisme, la démocratie totalitaire les prolonge, les améliore, les parachève. Il y avait beaucoup de naïveté dans les moyens de coercition employés par ces idéologies qui, au moins, ne cachaient pas leurs véritables desseins. Les nouveaux maîtres du monde, les « oligarques », comme on les appelle en Russie, ont compris qu’il était vain de croire à la possibilité, à long terme, de conditionner l’être humain de l’extérieur, par le chantage, par la menace, par la torture, par la violence. Il est beaucoup plus facile et plus efficace de l’acheter. Le viol des consciences se perpètre aujourd’hui non du dehors, collectivement, mais du dedans, individuellement. Les individus eux-mêmes renoncent à leur individualité qu’ils troquent contre « les coupons de privatisation ». On assiste à la privatisation du monde, mais cette « privatisation » signifie la véritable fin de la conscience de soi de chaque Existence Particulière. »

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Et page 243, il poursuit : « Comme dans les anti-utopies de Zamiatine et d’Orwell, les individus perdent leur « particularité » pour devenir des numéros interchangeables, identiques. Cette élimination se concrétise par la fin de l’art et par le suicide de la philosophie. La crise de l’art moderne correspond à la destruction des valeurs esthétiques par les valeurs économiques et sociales. La rationalisation de l’empirisme logique annule le concept même d’ Existence Particulière. »

Quant à Witkacy, voici ce qu’il fait dire, page 168 de l’Unique Issue,  à l’un de ses « double », le peintre Marceli : « C’est maintenant seulement que, acculés au mur par la ruine spontanée du système capitaliste, sans même l’aide des forces socialistes en ébullition —la tumeur maligne a tout simplement commencé à pourrir— nous sommes sur le point de créer une culture universelle harmonisée par la régulation centrale de la production et de la répartition des biens dans le monde entier. Nous voulons remplacer l’absence et l’impossibilité d’une puissance régulatrice objective par la création d’un appareil pseudo-objectif, d’un groupe omniscient des cerveaux les plus forts, placés dans des carcasses de castrats du corps, sans appétence, sans intérêt pour la vie, un appareil qui régulerait la totalité de la vermine humaine sur la totalité de notre planète bien-aimée, une totalité absolue, car qui ne s’y soumet pas devra périr automatiquement. »

Voici, pour ceux qui le découvriraient, deux extraits tirés de « l’Inassouvissement ».

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« Mais tout semblait se dérouler dans un autre monde, quelque part au loin, au-delà d’une mystérieuse barrière qui était cependant en lui-même et non dans la réalité extérieure. Il n’était pas lui-même dans tout cela. Il se demandait avec étonnement : « Comment ? Donc c’est bien moi et c’est bien ma vie unique ? C’est comme cela qu’elle s’écoule et non autrement, parmi des milliards de possibilités ? Et jamais, plus jamais autrement — mon Dieu ! » Il sombrait dans un abîme vertigineux, dans un souterrain, dans une prison où régnait la douleur sèche, éternelle et étouffante de l’  « être-tel » (et non de l’ « être-autre »). Et il n’y avait pas d’issue. » (p.173)

« Oh ! où était la justice en ce monde ? mais ce qui était le pire, c’était que l’indignation, l’humiliation, la vexation, la colère, tout passait ou se changeait en un désir inconnu jusqu’alors, confinant à l’absolu sexuel incommensurable. La saloperie absolue obtenue à l’aide d’un transformateur intérieur qui transformait les « contenus » quelconques en une seule et unique espèce : sexuelle. Où était-il vraiment, sacré nom de Dieu, ce Zypcio détesté (on ne savait déjà plus par qui — c’était comme pour elle) ? Il y avait quelque chose qui souffrait salement, anéanti par cette femme personnelle, aplati comme une crêpe. Mais où était sa personnalité ? Elle s’était dissipée dans la nuit sauvage et magique de mars qui s’étendait sur Ludzimierz. En même temps que lui et sa tragédie, ce palais tout entier semblait être un petit pépin craché par on ne savait qui, au milieu de la menace de la nature et des événements imminents — si seulement ils avaient pu voir cela ! Mais pour eux, leurs propres problèmes et souffrances emplissaient l’univers jusqu’au bord. Les fictions notoires ne pouvaient leur faire mépriser leur importance personnelle — ils étaient un bétail sain. »(p. 221)

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On consultera avec profit le Cahier Witkiewicz N° 4 "Colloque de Bruxelles" aux éditions l'Age d'Homme.

A voir également: Witkiewicz, dramaturge génial en avance sur son temps; Anna Fialkiewicz-Saignes; Danuta Najdyhor; les videos suivante, malheureusement en polonais mais intéressantes par l'image.