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01/01/2010

JOUR DE L'AN

 

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En souvenir d'Aristide BRUANT, le « Chansonnier populaire » natif de Courtenay, saluons le jour de l'an à sa manière, elle vaut bien tout ce que cachent d'hypocrisie les formules consacrées qu'on débite à l'occasion.

Moi, ça m'emmerde l'jour de l'an :

C'est des giri's, c'est des magnières,

On dirait qu'on est des rosières

Qui va embrasser sa maman.

 

C'en est des fricassées d'museau :

Du p'tit môme à la trisaïeule,

Les gén'rations s'lichent la gueule ...

En d'dans ça s'dit : Crève donc Chameau !

 

Su' l'boulevard on n'est pas chez soi :

Y a' cor' pus d'monde que les dimanches,

Autour d'un tas d' baraques en planches,

Des magnières de niche oùsqu'on voit :

 

Des poupées, des singes, des marrons

Glacés, des questions nouvelles,

Des dragées, des porichinelles,

J'te vas en fout', moi, des bonbons !

 

Tas d'prop' à rien, tas d'saligauds,

Avec vos mômes, avec vos grues,

Vous m'barrez l'trottoir et les rues,

J'peux pas ramasser mes mégots !

 

C'est qu'il a du mal, el' trottoir,

Pour caler les jou' à son monde :

J'peux pus compter su' ma gironde,

On me l'a ramassée l'aut'soir.

 

Et faudrait qu' j'ay' el' cœur content ?

Ah ! Nom de Dieu ! C'est rien de l'dire :

J'étais ben pus chouette sous l'empire...

Ca m'emmerdait pas l'jour de l'an !

 

A la comparer à celle du Président de la République, je me dis que la « manière » Bruant a le mérite, elle, de ne rien promettre, de ne rien enrober, de ne rien dissimuler ; de dire tout de go et bien haut ce qu'elle pense sans fioritures ni paillettes, noblesse oblige... Ah ! quelque chose est pourri au royaume de France et tous les vœux du monde, je le crains bien, n'y pourront rien changer... Consolons nous donc, en attendant, en écoutant Bruant l'aristocrate de la chanson des rues, et à défaut de son « Jour de l'An », savourons cette voix qui vient de loin nous interpréter « Nini Peau d'Chien »..



Tu nous manques, Aristide ; comme Béraud, tu avais la langue « bien pendue » et tu portais le verbe haut ; tu ne coupais pas les cheveux en quatre et n'y allais pas par quatre chemins lorsqu'il s'agissait de combattre les corruptions et les iniquités. Quand la mort t'emporta, le 12 février 1924, les « gueux », perdirent avec toi leur chantre et leur ambassadeur ; saluons avec Jeanne Landre, ta biographe, celui qui, sans « avoir fait dans l'Histoire figure de redresseur de torts... aura déchiré le voile qui nous isolait des maudits, et il est bien qu'un poète ait eu ce courage. »

Orientation de lectures :

Aristide BRUANT : Dans la Rue

Jeanne LANDRE : Aristide Bruant

 

 

 

 

13:24 Publié dans Chansons | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bruant, landre, béraud

29/12/2009

BOUT DE L'AN

 

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Gravure de Lucas Jennis

En songeant à la fin de l'année me revient en tête la chanson de Jacques Brel : « Au suivant ! », comme si, dans la suite  interminable des mauvais jours, il fallait qu'il y en ait toujours un qui précède le « suivant »... Au suivant ! donc, ou plus exactement à la suivante car 2010, qui n'est pas encore née ne saurait, en matière de mauvaises surprises, faire mentir sa génitrice... Loin de moi l'idée de dire qu'il n'y aura pas de bons jours, il y en a toujours même dans les pires situations, et c'est très relatif me direz-vous, soit, mais enfin force est de reconnaître, tout de même, et sans référence au « bon vieux temps », bigre, que les choses, d'une façon générale, ne s'arrangent pas. Ou plutôt qu'  « on » les arrange mal, en accommodant la scène politico médiatique à la manière d'un mauvais gargotier passé maître saucier chez le prince.

A parcourir les actualités de la revue de presse de Yahoo, par exemple, on est surpris, à quelques jours de la fin (de l'année, pas du monde !) de voir à quel point des sujets de la plus haute importance passionnent l'opinion qui aujourd'hui ne se fait plus à Paris, mais sur le net. On est par exemple content d'y apprendre que Justine Hénin « peut jouer mieux qu'avant... », c'est elle qui le dit, et que Mégan Fox, y est déclarée « la pire actrice mais la plus sexy... », c'est elle qui ne le dit pas. On y découvre qu'un chinois (encore un) a pu s'offrir un téléphone portable grâce à la vente de son bébé ; qu'un autre (bébé, pas chinois) a fait une chute en voiture de 70 mètre dans un ravin, et on est consterné d'apprendre qu'il s'en est sorti sans égratignures ! Ce qui n'est pas le cas de celui que son père a jeté par la fenêtre d'un quatrième étage à Orly...

Vous saurez que le must, en façon de plats cuisinés, est de se payer le luxe de déguster un assortiment de tarentules grillées, et que le plaisir suprême de la détente à l'issue d'une nuit de la Saint Sylvestre trop agitée serait de s'abandonner au moelleux du lit sonique « qui couvre chaque centimètre carré de votre corps avec du son grâce à son système d'enceintes placées tout autour... ». Comme quoi l'ingéniosité humaine atteint des hauteurs inespérées quand elle se met au service de l'hédonisme de ses contemporains. Certainement qu'il aurait été le bienvenu, ce plumard, pour le quidam frappé hier par un dément d'un coup de couteau en pleine poitrine, lequel couteau, enfoncé jusqu'à la garde dans le bréchet de son porteur involontaire s'est vu retirer sans mal par les médecins stupéfaits de ce coup de chance !

Cela étant, on y voit CBS et NKM (faut-il un décodeur ?) à l'honneur, et on y apprend que Martine Aubry, Ségolène Royal et Rachida Dati ont été élues femmes de l'année. Au royaume de l'éphémère les cornichons changent, le bocal hexagonal demeure... de verre craquelé cependant ! si fragile qu'un rien suffirait à le réduire en miettes ! le moindre zéphyr ! C'est pour ça qu'on emprunte, enfin l'état, ou plutôt le gouvernement qui, au point où il en est rendu, confond les millions avec les milliards ! Qu'à cela ne tienne, ça fait toujours sérieux, sur le terme de mettre en avant la relance. C'est un peu comme le saut de ski au tremplin, faut pas se rater, bien se mettre en piste, pas avoir de jeu de jambes déplacé ! Faut pas croire non plus qu'on a des ailes ! Et puis y a les conditions extérieures qui sont pas toujours bonnes, trop de vent, la neige trop molle ou pas de neige du tout... et qui peuvent être une excuse quand on se ramasse ! Question de conjoncture n'est-ce pas ? Assurément, et comme elle est pas brillante du tout en ce bout de l'an, la conjoncture, lors même que l'autre pointe son nez déjà bien allumé à la fenêtre, on peut allègrement et faute de mieux, battre le poker dans les ministères transformés en saloons sans trop de crainte de se voir confondu en flagrant délit de tricherie...

En attendant, puisqu'il ne reste plus que deux jours à supporter ces mauvaises nouvelles, pensons à Saint Sylvestre ou Silvestre, qui fera tomber le rideau sur la défunte. Silvestre, nous dit la Légende Dorée, dont on n'a pas lieu de mettre en doute les sources, après avoir enseveli Timothée, fut emprisonné sur l'ordre du préfet Tarquinius, lequel lui avait demandé de sacrifier aux idoles. De sa prison Silvestre prédit la mort du préfet qui en effet ne devait pas tarder à la trouver, emporté par une arête de poisson, mal placée dans le gosier. Sitôt délivré de sa geôle par ses fidèles, voilà notre Saint Homme à la tête de l'église de Rome... et de prendre des mesures sur l'observation des jeûnes, et de se voir reçu par Constantin ( car c'était au temps de cet empereur convertit au christianisme ), et de se voir confronté à ses adversaires qu'il débouta les uns après les autres, car l'homme était érudit en matière de foi autant qu'il était éloquent. En suite de quoi, il ressuscita un taureau emporté par quelque sortilège, et parvint à lier la gueule d'un dragon, ce qui n'était pas, on l'imagine, une petite affaire !

Voilà pourquoi notre Saint, qui avait de la suite dans les idées et de la persévérance, me semble le bienvenu pour lier la gueule d'une année qui somme toute, au spectacle qu'offre le monde, l'a bien aussi puante que celle d'un dragon. Ca serait sans doute une bonne chose et le moyen de faire en sorte qu'elle ne contamine pas l'autre, un malheur est si vite arrivé !

 

 

 

27/12/2009

CHANSON de MARGARET

 

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Pierre MAC ORLAN doit peut-être son goût de « l'Aventure » aux chansons populaires qui marquèrent sa jeunesse. S'il s'y est exercé avec talent, c'est sans doute, comme il nous l'explique dans son recueil des « Chansons pour accordéon » paru à la NRF en 1953, parce que la chanson est le moyen privilégié de transmettre à la postérité ce que recèlent de tendresse ou de violence les âmes.

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«  L'idée d'écrire des chansons ne m'est pas venue récemment. Dans presque tous mes livres, j'ai introduit une chanson sentimentale, qui me paraissait résumer très clairement des situations romanesques un peu usées par leur fréquence. La chanson est le meilleur moyen d'exprimer  cette sentimentalité quotidienne de l'âge des souvenirs de la rue et de leurs conséquences. »

La « Chanson de Margaret », qui appartient aux « Chansons de charme pour situations difficiles », a été composée par Mac Orlan en souvenir du Havre, « ...ville méthodiquement concassée. » qu'on pouvait prendre, avant qu'elle n'eut à subir les bombardements, pour un «... faubourg de la vie britannique ». Et si l'auteur fait allusion à Tampico c'est assurément comme il nous le dit pour le pétrole mais aussi peut-être, parce que ce nom sonne à l'oreille comme un mot magique martelé par le destin. C'est, dirons ceux qui sont attentifs au langage des oiseaux, parce que dans Tampico il y a « temps » et qu'il y a « tant pis ». Tampico, un nom qui pèse son poids de mystère comme Valparaiso, Istanbul, Caracas ou Vladivostok...

« N'allez pas croire que je nourrisse une hostilité particulière à l'égard de Tampico ; mais je n'aime pas l'odeur du pétrole. Si l'on part du principe que l'aventure est à Tampico, on ne peut  qu'aboutir à cette conclusion que j'ai déjà donnée. Un ingénieur qui embarque avec un bon contrat dans sa poche pour faire son métier dans une compagnie pétrolifère ne considère pas Tampico comme une image de l'aventure. Par contre, une personne de mœurs légères, qui exerce sa profession dans un café chantant du Havre, ira vers cette ville que son imagination revêt de couleurs merveilleuses comme Jason partait pour la conquête de la Toison d'Or. »

« On ne gagne rien de bon à rôder autour des derricks, quand on n'a pas de nombreuses actions dans une compagnie pétrolifère. Margaret, en se rendant à Tampico, fut victime de cette dangereuse illusion qui associe l'or à l'odeur du pétrole. »

Ecoutons la « Chanson de Margaret, créée par Germaine MONTERO sur une musique de V. Marceau ; en voici le premier couplet :

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« C'est rue de la Criqu' que j'ai fait mes classes ;

Au Havre dans un « star » tenu par Chloé.

C'est à Tampico qu'au fond d'une impasse

J'ai trouvé un sens à ma destiné'.

On dit que l'argent c'est bien inodore.

Le pétrole est là pour vous démentir

Car à Tampico quand ça s'évapore

Le passé revient qui vous fait vomir. »