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10/11/2010

HOTEL DE LA DEROUTE

 

 

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On est arrivé dans ce monde déchu par un beau soleil, logé et nourri gratis à la bonne taverne, en croyant que ça allait durer. Et puis on s’est rendu compte, en grandissant, que le soleil chauffait moins fort, que la lune se faisait moins caressante, que des nuages tout chargé d’opprobre s’amoncelaient bien menaçants sur nos têtes et qu’on avançait, souvent à reculons,  en pataugeant de plus en plus dans la boue. Nous n’étions pas encore prêts à affronter tête nue les sacrés déluges qui s’annonçaient ! Fallait se mettre à l’abri, trouver un toit dare-dare, ça devenait urgent au risque de retomber dans la soupe primordiale !

C’est comme ça, à force de tourner en rond, qu’on est arrivé devant « l’Hôtel de la Déroute ». On n’était pas les premiers ! Que non ! Y avait même une sacré queue et pour tout dire, un grand nombre de nos semblables qui poireautaient depuis des lunes devant la porte en dépit du prix à payer. On se souvenait de « Chiquita »...

Comme par miracle ça s’est ouvert tout seul quand on s’est montré ! Et d’un coup, sans même qu’on ait à pousser, en nous avalant gloutonnement…

On a suivi le troupeau qui s’est mis à applaudir histoire de soulager la tension de ses  nerfs et de se redonner du courage. Et puis aussi peut-être, pour sympathiser les uns les autres, comme on le faisait aux rentrées des classes ou à la caserne, du moins, au temps pas si lointain où servir sous le drapeau était obligatoire.

On n’a pas été bien loin ! Derrières les vantaux, des préposés fraîchement émoulus nous ont enregistré, pesé, mesuré, photographié, estampillé, catalogué… A dire vrai, on s’en doutait ; c’est le contraire qu’on n’aurait pas compris, qu’on nous laisse entrer sans remplir la fiche, ainsi dire « incognito ». On s’est dit : « C’est régulier, dans un monde organisé, chacun doit se conformer à la loi, la respecter, et payer l’impôt ! » On l’avait compris tout jeune déjà chez nos bons parents qui nous avaient bien élevé. Alors, comme la société est une grande famille, on s’est répété comme ça : « Y a pas d’entourloupe », pour se rassurer. On savait pas encore quel fichu traquenard c’était l’Hôtel de la Déroute ! D’autant qu’on y allait confiant nous autres, sans arrière pensée, logé à la même enseigne, à la bonne franquette ! On savait pas qu’on déchanterait devant qu’on soit  tout à fait racorni…

A propos d’enseigne, l’Hôtel de la Déroute nous parut être une bonne auberge, vu qu’il en avait pas d’enseigne ! On s’est dit « On peut y aller, c’est l’Auberge de l’Ange Gardien ! ». On avait trop lu la Comtesse de Ségur, naïf qu’on était !

 

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Comment qu’on croyait que c’était un bon abri l’Hôtel ? mais sur sa mine parbleu ! Renommé, civilité oblige,  « l’Hôtel des droits de l’homme », rien moins. Pas farouche au demeurant, même, sympathique d’abords, et tout le confort ! Et la suite ! Une organisation ad-hoc, que des enarques ou archi diplômés aux postes clef, pas trop de travail mais suffisamment pour les plus courageux. Et partout profusion de jeux, de  divertissements nombreux et variés, de spectacles permanents, de boutiques regorgeant de produits surfaits autant qu’inutiles. Pour les malins qui savaient s’arranger, il y avait matière à exercer l’art subtil de la duperie qui consiste à vivre aux dépens des autres en leur bourrant le mou, en ne gardant pour soi que le créneau du moindre effort. De la sorte, en travaillant que de la tête et encore pas trop, en donnant le change et surtout en s’appliquant à répéter les vérités consacrées du système, on devait pouvoir dans cette logique, avec un peu de bonne volonté, arriver à se tailler assez rapidement sa place au soleil... Et pour peu qu’on sache plaire à la direction ça pouvait même aller très vite en besogne et sans trop d’efforts, vu qu’on les portait dans le sang ces vérités répandues, attendu que nos géniteurs eux-mêmes, formatés qu’ils étaient, se les étaient répétées plus que le nécessaire pour bien se les enfoncer dans le crâne et tenter de gravir, en fonction de leurs mérites ou de leur asservissement, l’échelon social. Des méthodes qui avaient fait leurs preuves mais qui nous disaient pas grand chose à nous qui avions encore des scrupules, et qui, en dépit de ce que nous sentions d’inéluctable, nourrissions toujours quelque espoir à l’endroit de l’âme humaine.

Nous qui représentions le dernier carré des combattants, refusions de croire ce qu’on voulait nous faire avaler en douceur, savoir que tout allait bien à l’Hôtel comme dans le meilleur des mondes. Certes, il demeurait encore beaucoup à faire pour améliorer le sort des plus démunis, les réprouvés, parias du monde moderne relégués dans la soupente des écuries quand ce n’était pas à même le caniveau ou dans les égouts à cause de la chaleur bienfaisante des eaux usées. Pour échapper à ça, comme on était plusieurs à penser la même chose, on s’est bien vite organisé comme on a pu, méfiants, chacun dans son coin, sans toutefois rien regretter du dehors où soufflait la tempête et où rôdaient, on l’apprenait chaque jour, des légions de plus en plus nombreuses de solliciteurs et d’affamés… De temps en temps il en rentrait quelques-uns de ces affamés, soit qu’ils aient réussi à tromper la vigilance des préposés, soit, qu’ayant fait des intelligences dans la place, celles-ci leur aient ouvert les portes à l’insu du plus grand nombre, mais pas du système. Ça l’arrangeait plutôt le système, dans un sens, de laisser faire ; ça lui gagnait des voix en même temps que ça le rendait très humainement respectable.

Faut l’avouer on manquait pas de place à l’Hôtel qui couvrait largement l’étendue d’un territoire; mais le flot incessant de ceux qui  sollicitaient chaque jours un hébergement prolongé pour ne pas dire définitif, ne laissait d’inquiéter, en sourdine, les autochtones. Les dirigeants eux, ne cohabitant pas et ne voyant que de loin les indigènes, tirèrent habilement profit de ce ressac dans un monde ou aider son prochain, du moins en apparence, valait certificat d’honorabilité. De temps à autre, pour la forme, et prouver que la loi avait encore un sens, on en refoulait quelques-uns aux marches de ce petit paradis, manu militari. Tout ça n’avait pas beaucoup d’importance. Que quelques pauvres bougres ne comprennent pas pourquoi ça tombait sur leur pomme à eux plutôt que sur celle du voisin ne changeait rien à l’affaire. Non, l’important, c’était ce qu’il restait encore de devises dans le ventre de la bête, de ce gros argent sonnant et trébuchant dont il tombait encore, parfois, quelques miettes dans l’escarcelle des mendiants aux portes des églises. Les soutes n’étaient pas encore vides, voilà qui comptait ! Et d’ailleurs, l’auraient-elles été que ça n’aurait pas changé grand chose. Beau temps que la monnaie ne voulait plus rien dire… Ce qui voulait dire quelque chose par contre, c’est ce que chacun avait sur son compte, enfin, le nombre de chiffres qu’il pouvait aligner devant la virgule, tout vent que c’était. Les nantis du système, « ceux de l’establishment » comme on disait, ils avaient si bien verrouillé le leur de compte, et assuré leurs arrières et ceux de leurs proches, qu’ils n’avaient guère à redouter du lendemain. L’angoisse du lendemain c’était, pour le plus grand nombre, la crainte de ne plus pouvoir changer sa voiture, partir en vacances, se taper de temps à autre le restaurant, les stades, les concerts ou les cinémas. C’était pas encore de plus pouvoir faire bouillir la marmite. Ça viendrait. C’était pas loin sans doute, on le sentait, y avait des signes avant-coureurs comme les cumuls d’endettement, les saisies, les interdits bancaires… Il y avait beau temps que les politiciens véreux toutes obédiences confondues  ne se posaient plus la question de savoir s’il existait des lendemains pour leur ouailles, leur seul souci étant de continuer à les plumer allégrement jusqu’au duvet… Sur ce point, tout de même il auraient dû se souvenir du bon La Fontaine et de sa poule aux œufs d’or. Et pourtant…

Pourtant l’Hôtel, au début, il fonctionnait quasi en autarcie. Des locataires pas feignants et débrouillards avaient, en raison de leurs aptitudes personnelles, monté de petites entreprises prospères. D’autres, par atavisme, s’étaient mis à cultiver ce qui restait encore de bonnes terres. L’administration, réduite au nécessaire, suivait son chemin comme aussi les grosses fortunes. Ces dernières, bien qu’en surcharge pondérale, n’ayant pas encore dépassé le budget qui faisait vivre la petite colonie étaient tolérées; néanmoins on sentait qu’elles s’approchaient d’un seuil qu’elles ne tarderaient pas à franchir et qu’à partir de là viendraient tous les désastres… On pouvait s’inquiéter. On le fit, le jour où l’on s’aperçut de la fuite des capitaux comme si l’Hôtel était troué de partout. Plus qu’un gros rhume, c’était une sacrée crise d’asthme qui s’annonçait rédhibitoire. Les dirigeants, arguant de cette « crise » derrière laquelle ils se réfugièrent d’un commun accord pour justifier l’échec de leur politique et masquer le scandale de leur train de vie et de leurs compromissions, assurèrent qu’il n’y avait pas à s’inquiéter mais seulement à serrer d’un ou deux crans sa ceinture pour refaire surface. Eux-mêmes, d’ailleurs, ne faisaient rien d’autre : ils ne touchaient plus leurs tickets restaurants  ni leur prime de ressemelage. C’était qu’un mauvais moment à passer ! Et encore, qu’on savait pas la chance qu’on avait d’être au premier rang des pionniers de l’inévitable expansion du mondialisme ! Entendant par là qu’au-delà de notre horizon, borné d’un côté par la mer et de l’autre par des montagnes ou des plaines inhospitalières d’où soufflait un vent aigre, il existait des partenaires admiratifs qui ne demandaient qu’à s’ouvrir à notre marché pour n’en faire qu’un, énorme, où tout, absolument tout, serait à acheter et à vendre. C’est ainsi, et grâce à cette aubaine, qu’on remonterait la pente, aidé en cela par la réputation d’excellence qu’avait l’Hôtel au-delà des mers et très loin vers le soleil levant où des auberges bien plus costaudes couvaient de fortunés rapaces qu’on n’ imaginait guère.

On connaît la suite. Ruinés par les délocalisations, le jeu des opérations boursières et les scandales financiers, les petits épargnants et les petites entreprises que rachetèrent d’habiles maquignons pour les revendre à de plus grosses elle mêmes à la botte de titanesques entièrement dévolues aux banques, se retrouvèrent en chemise avec leurs deux yeux pour pleurer.  Un certain nombre préféra quitter l’Hôtel définitivement et s’en alla sans bagages, en fumée, par la cheminée des crématoriums. Les autres essayèrent de trouver quelque appui auprès des syndicats ou de la presse en s’apercevant bien vite que les uns et les autres, aux ordres, n’obéissaient in fine, qu’au seul système… 

On devait se rendre à l’évidence : le trépied de l’intelligence politique, scientifique et financière avait tout verrouillé et, comme on venait de l’apprendre par des réseaux de dissidents, en se haussant au rang de démiurge, s’employait à pétrir dans la boue, à l’insu d’un peuple qui n’existait plus et qui de toutes façons, lobotomisé n’aurait pas réagi, un monstrueux homonculus  dont le directeur de l’Hôtel n’était qu’un piètre réplicant. Cet homonculus, dès son achèvement prochain règnerait sur le groupe hôtelier planétaire sans états d’âme, attendu qu’il en serait dépourvu, afin d’accomplir le grand rêve d’un conseiller qui avait servi plus d’un directeur et s’y connaissait en façons de golems… Un conseiller qui, sans trouver d’Aetius devant lui, « sous les sabots de ses chevaux » se taillait la route dans les gouvernements comme un autre en son temps l’avait fait dans les champs catalauniques…

Nous autres, clairvoyants, nous souvenant d’un livre que nous avions lu en 1984, décidâmes de mettre les voiles, certaine nuit d’un trente avril, préférant finir nos jours dans la cabane d’un jardinier au sein de quelque forêt gaste d’au-delà du glacis qui s’étendait sur l’arrière de l’Hôtel plutôt qu’entre ses murs où le pire s’annonçait probable. Dans cette forêt, en s’ouvrant quelque clairière, on s’était dit qu’on pourrait cultiver des légumes non trafiqués, cueillir des fruits sains et faire son pain d’un blé sans reproches. C’était sans compter sur ce que nous découvrîmes en quittant la place…

On aurait pu pourtant se poser la question de savoir d’où venaient ces bruits lointains, ces ronflements comme d’un troupeau de bisons qui ferait trembler la terre. C’est quand on a débouché, après des jours et des jours de marche sur l’arrière de l’Hôtel qu’on a été surpris !

D’abord, on a su qu’on n’était pas des premiers, nous l’apprîmes des réprouvés croupis dans leur fange : tous les dirigeants et leur suite nous avaient précédé par les coursives le plus discrètement possible, en troupeaux serrés de rats organisés, jusqu’au tarmac de leur  héliport personnel. Ensuite, en débouchant hors les murs, on a compris enfin d’où venaient les bruits ! C’étaient ceux des escadrons de grosses Komatsu chenillées et des dumpers qui nettoyaient le terrain ayant joliment entamé l’Hôtel en ne laissant sur quelques pans de murs en guise de témoins que les pancartes « A VENDRE » qu’ avaient fait poser ceux qui l’avaient quitté les poches pleines.

Elles demeurèrent ces pancartes comme des totems pour amuser les générations futures de petits réplicants…

On n’avait peut être pas l’air malins nous autres, avec nos valises, devant les décombres, mais ce qu'on savait, c'est qu'on allait très vite s'organiser en résistance, dans la forêt...

 

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02/11/2010

LA MORT D'AASE




01/11/2010

ORA PRO NOBIS

 

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Pierre-sur-Haute (Forez)

« Ora pro nobis » nous demandent les morts en ce jour qui leur appartient.

« Priez pour nous  et si vous ne savez pas le faire pensez à nous, rien qu’un peu, nous qui avons laissé quelques traces sur terre et des souvenirs dans vos cœurs ».

Alors « on » va les « visiter » les morts, ailleurs que dans la mémoire ou par le moyen de la photo posée dans le cadre doré sur le coin de la commode ou de la cheminée ; on va les voir chez eux, au cimetière,  c’est la coutume.

Là se retrouvent les cohortes des familles les bras chargés de chrysanthèmes, fleur d’origine orientale traditionnellement dévolue aux défunts. On s’est muni quelquefois de la balayette et de la truelle, d’un seau et d’une brosse en chiendent, histoire de nettoyer les salissures que 364 jours ont accumulées sur la chape des morts. Les prévoyants s’y sont pris la veille, enfin, s’ils sont du pays. S’ils ont avalé 250 kilomètres et un bon repas, c’est une autre affaire ! Ils parent au plus urgent, composent avec la patine du temps qu’ils font disparaître sous l’alignement des pots de fleurs artificielles, des céramiques et des plaques souvenir et, bien sûr, déposent l’incontournable chrysanthème . On est venu pour ça.

Devant le portail, on cause comme à la sortie de la messe ou du bistrot. Un an qu’on ne s ‘est pas vu, c’est pas rien ! Les petits ont grandi ; c’est l’occasion de demander des nouvelles de la santé en se félicitant d’être de ce côté plutôt que de l’autre, un malheur est si vite arrivé ! Les enfants trépignent… On se quitte après avoir échangé les banalités réconfortantes d’usage et chacun s’en retourne d’où il est venu ou en profite, au passage, pour visiter le voisinage.

Il y a ceux qui viennent honorer les morts le jour d’avant, histoire d’éviter des rencontres inopportunes ou, pour les plus pressés, de se débarrasser d’une corvée à laquelle ils sacrifient tout de même à cause du « qu’en dira-t-on ». Les discrets, les solitaires et les rêveurs s’y risquent les jours suivants, dans le sillage des visiteurs « près de leurs sous », qui ont acheté leur chrysanthème au rabais ou en solde, comme on voudra, enfin un de ceux dont les autres n’ont pas voulu…

Les romantiques s’y rendent à la tombée de la nuit. Les oublieux volontaires et les affranchis des préjugés moraux attachés au souvenir de ce qui ne les concerne plus, ne se déplacent pas du tout.

Dans l’épouvantable capharnaüm du bazar mortuaire contemporain et l’horreur de ses productions, la seule présence des chrysanthèmes aide à oublier, le temps de leur courte vie ce que sont devenus nos cimetières. L’ayant rappelé dans la note du 6 novembre 2009 ( voir Archives 11/2009), je n’ajouterai dans la présente que quelques photos pour mieux illustrer mon propos.

 

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Desges (Gévaudan)

 

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Aulnay (Saintonge)

 

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Grands Chézeaux (Marche)

On y comparera si l’on a quelque peu le goût sûr, la beauté sobre des tombes anciennes à la vulgarité outrecuidante des productions du siècle. Ayant atteint le degré zéro de la création artistique et artisanale, elles témoignent par leur prétention et leur laideur de la faillite de  « l’art » populaire attaché au royaume des morts ; elles en disent long sur l’irresponsabilité de ceux qui s’arrogent le droit, à seules fins d’en tirer bénéfice en les répandant, de corrompre ce qu’il reste encore d’authentique dans l’âme des humbles. Et ils le font d’autant plus facilement qu’ils exploitent l’émotion au travers de symboles qui parlent d’eux-mêmes le langage  de la douleur inconsolable d’une mère ou d’un époux.

 

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Très répandu partout hélàs !

A tout prendre, les charognards du bord des routes sont plus respectables que ces gens qui font métier d’exploiter la mort sous toutes ses formes et d’en vivre. Les charognards du bord des routes, eux, nettoient le terrain et ne laissent rien derrière; ceux des bazars funéraires, non contents de souiller l’enclos des morts de leurs productions ignobles, polluent les âmes et vident les bourses dans le même temps.

Rendons grâce aux chrysanthèmes qui ont la magie de nous faire oublier le temps éphémère de leur courte vie, que nos cimetières sont devenus des dépotoirs où l’on chasse de leurs tombes ceux qui pourtant les ont payées de leurs deniers, pour les remplacer par celles que nous condamnons. Faites en le constat vous-même et vous verrez combien de sépultures anciennes, frappées du sceau de l’infamie sont vouées à être détruites ! Comme les grands arbres de la forêt, destinés à être abattus, ou le bétail, les communes, plutôt que de les prendre à leur charge et de les entretenir sobrement, les ont marqué au fer rouge : « Sépulture réputée être à l’abandon faisant l’objet d’une procédure de reprise. S’adresser à la mairie ». C’est toute l’élégance de la formulation administrative pouvant se résumer en l’occurrence d’une façon plus triviale : « Ote-toi de là que je m’y mette ».

Aussi est ce à la Toussaint, la nuit tombée, qu’il faut aller surprendre « les grands cimetières sous la lune » ou les petits, qu’on appelait si bien dans le vieux temps « l’enclos des morts » ; ils y retrouvent leur majesté ancienne, celle d’un temps où les concessions étaient dites « perpétuelles » et où on pouvait y dormir en paix dans l’attente du grand réveil…

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Notre-Dame-de-Mons (Livradois)