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02/02/2010

MISE EN BOITES

 

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Les boîtes anciennes en tôle lithographiée, les plaques émaillées et les cartons publicitaires sont les témoins du temps où on « faisait ses courses » à « l'épicerie »...

L'épicerie, c'était alors le centre du monde. On s'y rendait au quotidien pour la simple raison qu'elle était proche du domicile ; on n'allait pas y « faire le plein » comme on le fait à présent dans les grandes surfaces. On n'achetait que le nécessaire. Et d'ailleurs, à quoi bon stocker les provisions, puisque pousser la porte de la boutique était l'occasion d'apprendre les nouvelles... Avec la disparition des commerces de proximité qui animaient la vie des quartiers et celle des bourgs, c'est tout simplement la convivialité qui s'en est allée et avec elle, un certain « art de vivre ».

 

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Si les plaques émaillées aux couleurs vives, que les archéologues du XXème siècle appellent « joyaux des rues » sont précieuses, c'est qu'elles nous rappellent, au même titre que les boîtes en tôle lithographiée, qu'il fut un temps où l'on prenait celui de vivre. La publicité invasive, de mauvais alois et de mauvais goût, ne s'était pas encore taillée la part du lion. Tout au plus, le « Bouillon KUB », par la seule force de son graphisme, avait-il pris un peu d'avance sur ses confrères. On le trouvait partout, sur les murs des maisons, et jusque sur ceux des hangars des campagnes les plus reculées. On en a la preuve quand on s'emploie à détailler les anciennes cartes postales. On y voit parfois des plaques apposées sur les pilastres des devantures ou des séries de boîtes alignées sur les étagères, derrières les vitrines...

 

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Beaucoup de ces témoins, qui se font aujourd'hui de plus en plus rares, ont été rassemblés par des collectionneurs, des amateurs, et quelques musées de particuliers comme celui, remarquable, de Rochefort, qui les présente en situation.

Ils ont fait l'objet d'ouvrages bien documentés et d'expositions temporaires et font toujours le bonheur des amateurs à la faveur de ventes spécialisées. N'ayant pu résister pour ma part au plaisir de m'en procurer quelques-uns, c'est toujours avec admiration que je porte le regard sur eux.

 

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Quoi de plus beau en effet qu'un conditionnement (on ne disait pas encore « packaging », heureusement !) usiné, et décoré par des professionnels attentifs à la qualité du graphisme attaché à celle du produit ? Quoi de plus simple, de plus fort et de plus porteur que le cube rouge et jaune en perspective sur fond outremer vantant le produit que Julius Maggi inventa un jour à l'usage des familles, et pour revigorer l'ouvrier et le soldat ? Et Tonimalt, n'a-t-il pas mis le Mont Blanc en boîte tout simplement d'un coup de crayon ?

On n'en finirait pas de flatter la Vache qui Rit, Banania et le Chocolat Menier rien qu'en les regardant. C'est qu'ils sont intemporels, de là leur force et leur attrait, et qu'ils sont gravés dans notre mémoire. Tirons-en la leçon qui s'impose : ce pouvoir, ils le doivent à la main de l'artiste plutôt qu'à la photographie, et parce que la « mise en boîte » ou en bidons (des marques d'huiles pour moteurs, déclinées aux travers de leurs nombreuses variantes.) était garante de la qualité du produit, l'artiste la soignait comme il convenait de le faire : en petite œuvre d'art. Il suffisait parfois d'un titre placé en perspective, à l'image de la marque Energol, pour animer la plaque à l'exclusion de tout autre décor. Kub avait fait des émules qui avaient compris que la perspective et le choix des couleurs étaient le moyen de dynamiser le produit ou le slogan ; aussi de nombreuses publicités en usèrent-elles avec succès.

 

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Maintenant qu'on ne met plus guère en boîte le produit mais qu'on l'empaquette, qu'on l'enveloppe, qu'on le scelle dans le plastique ou dans l'aluminium, quelque chose de merveilleux a disparu des rayonnages dont seules, les boîtes de sardines (et encore pas toutes !), quelques produits du terroir, et la crème de marron Clément Faugier nous rappellent le souvenir. Rien de mystérieux dans ce merveilleux, seulement le charme d'un temps pas si lointain où l'on savait le prix des choses et où le gaspillage institutionnalisé n'avait pas encore pris les proportions qui caractérisent le « règne de la quantité » où dorénavant, la vulgarité le dispute à la médiocrité.

 

Orientations :

 

-      La plaque émaillée publicitaire, Michel Wlassikov.

-      Email et Pub, Courault, Bertin.

-      La folie des plaques émaillées, M. Ducamp.

-      La plaque émaillée belge, collectif.

-      Les plaques émaillées de l'automobile, B. Rihet.

-      Murs peints, M. Combier.

 

 

 

28/01/2010

LE SYNDROME DE NOE

 

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Breughel l'Ancien


A considérer le monde actuel, on ne peut qu'être frappé par l'accélération de l'Histoire qui n'est jamais que celle, apparente, du temps événementiel. Tout se passe en effet comme si nous nous trouvions prisonniers d'un vaisseau  lancé dans l'espace, échappant progressivement à l'attraction de notre planète. Avec cette différence que ce vaisseau -dans lequel nous nous trouvons en effet- fonce à l'aveuglette dans un brouillard très compact sans jamais avoir quitté la terre ferme... A cette vitesse de croisière, il y a des chances qu'il finisse par trouver un mur à percuter ; y a des signes qui ne trompent pas ! et nul besoin de lire dans le marc de café ! Le ludion qui pilote ce vaisseau est polycéphale comme l'hydre et son corps est obèse monstrueusement, gros de quelques petits plus pervers encore que sa propre viande ! Et quoique ses jours soient comptés, on a tout lieu de craindre, hélas, qu'il n'ait encore le temps de mettre bas...

C'est un lieu commun de dire que le monde moderne est celui de la vitesse, qui n'est elle-même qu'une résultante de la technique, laquelle risque bien, au train où vont les choses, ne laisser que des cendres derrière elle. Production, consommation « titrisation », sommation... En dépit de la récession, l'économie et ses légions de managers, de businessmen et de trader, partout, dicte sa loi. C'est la « consommation », c'est-à-dire la fin intégrale de notre vieux monde qu'elle vise et ses serviteurs, une fois pour toutes !  Elle en a déjà digéré un sacré morceau et se sent de taille à avaler le demeurant sans indigestion. Elle a vaincu par le bluff et digérera jusqu'au dernier bipède. Que restera-t-il alors de notre Histoire s'il n'y a plus d'hommes pour la dire ? Ce qu'il reste des mythes . Un vague souvenir d'Atlantide... Et pour qui ? le « Dernier Homme » pressenti par Nietzsche ? les Cyborgs ? Voire ...

A l'observer, on sent bien que le plus fort virus qu'aie  jamais porté la terre, est en train de la détruire à la manière du Marsupilami le dinosaure, en cognant inlassablement sur sa tête, jusqu'à ce qu'il s'effondre.  Et on peut se poser la question légitime de savoir si l'homme, ayant réussi à s'aliéner tout le vivant, ne serait pas devenu en fin de compte une sorte d'enzyme glouton ne parvenant pas à assouvir sa faim vorace. A ce rythme il finira comme l'Héautontimorouménos, si rien n'arrête son avidité dévorante, par se manger lui-même. Je veux parler de L'Homme en général. Ce qui ne veut pas dire grand chose. Parce que l'homme en particulier, l'homme véritable, à supposer qu'il s'en trouve encore un ayant suffisamment de jugeote, sait se contrôler. Il ne cherche pas à amasser les biens ni à briller dans la « jet society » ; il sait ce dont il a besoin et s'en accommode au mieux. Il se déplace, travaille, parle, mange avec pondération ; ayant gardé son équilibre et le sens de la mesure dans toutes ses activités, il n'abuse que de celles de l'esprit, où souvent, il excelle. Il attend le moment opportun pour agir et son action ne doit rien au hasard : elle est tout entière gouvernée par l'attention qu'il porte à ne pas couper la branche sur laquelle il est assis. Il prend le temps d'observer et sans précipitation, il accomplit ce qu'il doit faire avec discernement. Il sait que le temps lui est compté et chaque jour qui passe le lui confirme. Il le sait d'autant mieux qu'il s'est rendu compte depuis quelques lunes déjà, à considérer ses contemporains, qu'un certain nombre d'entre eux, quoique emportés dans le vaisseau déchaîné de la « modernité », développent le « syndrome de Noé » : ils s'emploient à leur manière à vouloir sauver le Monde. Et ils le font parce qu'ils sentent qu'une grande tempête monte de la nuit.

On connaît l'histoire du patriarche, et, si tant est qu'elle ait eu lieu, on connaît la suite : il suffit de peser où nous en sommes rendus...

L'homme véritable sait cela et les individus atteints du syndrome de Noé aussi, qui cherchent à rassembler ce qu'ils jugent opportun de ravir au déluge qui s'annonce. On ne s'étonnera pas, dès lors, qu'ils soient encouragés par les pilotes du vaisseau ! Les maîtres du Monde n'en ont cure et s'en amusent. Et parce que le syndrome de Noé leur rend service, les maîtres du Monde flattent ses serviteurs en les associant à leurs campagnes. La publicité aidant à grand renfort de sponsorisation, l'exploration « à l'extrême » de la vie et de la nature dans ce qu'elle a de plus « vrai », associé au culte de la personnalité et de l'effort consenti, ont élevé le moindre « fils de » en nouveau dieu et en conducator de la planète verte...

Dans le sillage de ces archanges d'un nouveau genre, les nautoniers de la nouvelle arche font ce qu'ils peuvent pour sauver la planète, et ils le font avec passion et conviction, portés par le sentiment de ne rien devoir laisser perdre mais, prisonniers de la technique et de l'apparence des choses, ils le font au-dehors d'eux-mêmes sans la réciprocité intérieure qu'exige l'hommage au « Roi dormant ». Que vaut en effet la sélection des « élus » des trois mondes (au sens où l'entendait le patriarche) sans la sauvegarde de leur essence ? qui elle, ne peut se faire que de l'intérieur, à l'intérieur, par l'intérieur ? Pas grand-chose à dire vrai, puisque tout n'est qu'agrégat, et que les agrégats par nature sont impermanents et donc finissent tôt ou tard par se désagréger. La Terre elle-même un jour ou l'autre et sans prévenir finira bien par secouer ses puces !

 

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C'est ce qu'à compris l'homme véritable en construisant son arche « à l'intérieur », là seulement où elle saura échapper au déluge qui ne se présente, c'est bien connu, qu'à l'heure de la mort. Plaise à lui d'y abriter ceux là seuls que son cœur lui dira d'y mettre ; il y a peu de chance que les grands usuriers, les grands prédateurs, les parasites de toute sorte, la quincaillerie de bazar et la pacotille y trouvent place !

 

 

 

14/01/2010

CES CHENES QU'ON ABAT

 

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En relisant la vingt quatrième élégie de Ronsard « Aux bûcherons de la forêt de Gâtine » je pense aux arbres abattus, et il ne se trouve guère de semaines sans que je n'en croise au bord des routes ou n'en suive aux culs des semis...

« Escoute, Bucheron, arreste un peu le bras ;

Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas ;

Ne vois-tu pas le sang lequel degoute à force

Des nymphes qui vivoient dessous la dure écorce ?

Sacrilège meurtrier, si on pend un voleur

Pour piller un butin de bien peu de valeur

Combien de feux, de fers, de morts et de détresses

Mérites-tu, meschant, pour tuer nos Déesses ?

...

Adieu, chesnes, couronne aux vaillants citoyens,

Arbres de Jupiter, germes Dodonéens,

Qui premiers aux humains donnastes à repaistre ;

Peuples vraiment ingrats, qui n'ont sçeu recognoistre

Les biens receus de vous, peuples vrayment grossiers,

De massacrer ainsi leurs peres nourriciers. »

On chercherait vainement aujourd'hui les chênes millénaires de l'immense forêt hercynienne, de la grande forêt d'Ardenne ou de la légendaire forêt de Brocéliande. Jacques Brosse, dans sa belle étude sur la mythologie des arbres nous dit du chêne de Zeus, qui est la variété Quercus Robur de Linné, qu'avec l'âge « ce chêne acquiert un port d'une majesté incomparable. C'est seulement vers soixante ou même quatre-vingts ans qu'il fructifie et sa longévité est à proportion. Il vit au moins quatre ou cinq cents ans, et vivrait bien davantage s'il n'était abattu par l'homme qui veut exploiter son bois au moment où il peut en tirer le meilleur profit. Sinon il atteint le millénaire ou même le dépasse. « Quercus Robur pourrait sans doute parvenir à l'âge de 2000 ans, il aurait alors quelque neuf mètres de diamètre » (H. de Witt). C'est probablement à cette taille gigantesque et à cet âge qu'étaient voués les vigoureux ancêtres qu'étaient les chênes sacrés protégés par des lois sévères qui condamnaient à mort ceux qui les abattaient sans nécessité. »

 

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Les arbres qui façonnent nos paysages, derniers vestiges du peuplement arboricole de nos campagnes sont aujourd'hui victimes de massacre à la tronçonneuse et de défrichements quelquefois à grande échelle. On ne leur laisse pas le temps de vieillir. Et parce que le « temps c'est de l'argent », en vertu du sacro-saint principe de rentabilité de la société de consommation, les propriétaires boiseurs, encouragés par les pouvoirs publics, continuent de remplacer presque partout les peuplements traditionnels de feuillus par des résineux. On mesure déjà, et on mesurera bien mieux encore dans quelque temps, les dégâts faits par ce procédé à l'écosystème...

Il reste encore de belles forêts me direz-vous, sans doute, et assurément, en l'espèce des forêts domaniales gérées par l'ONF qui entretient de belles futaies. Et sur des parcelles difficilement exploitables, il est toujours possible de dénicher quelques beaux hêtres, voire de très vieux sujets ayant échappé au destin tragique de leurs frères transformés pour la plupart, il n'y a pas si longtemps encore, en traverses de chemins de fer...

On ne contestera pas que la forêt soit de production, c'est même sa fonction première ; ce qui est plus discutable c'est la façon dont on la gère dans la logique du « grand gaspillage » de la société marchande et de la jouissance immédiate des biens qui se font tous deux au détriment de la vie, sous toutes ses formes.

Le chêne doit sa réputation de noblesse au fait qu'on l'ait préféré comme bois d'œuvre au détriment des autres essences. Les maîtres charpentiers l'ont employé avec brio sur terre où sur mer et leurs chefs d'œuvre ont donné aux chênes sacrifiés une seconde vie. Les compagnons menuisiers ont habillé de boiseries les murs entiers de bâtiments nationaux, palais, châteaux et pavillons de plaisance. Les charrons et les artisans des campagnes ont façonné dans son bois les instruments du labeur et le mobilier des maisons paysannes, à part égale pour ce dernier, avec le bois des fruitiers et celui du hêtre.  Et nul ne contestera que c'est dans le bois de chêne, utilisé pour la fabrication du merrain, que vieillissent le mieux les grands crus...

Chacune de ces réalisations, on ne saurait le contester, honore à part égale celui qui a fourni son bois et celui qui l'a mis en œuvre. On aurait du mal à gratifier d'une telle reconnaissance ce que produit le siècle, il suffit de passer en revue ce qui sort des fabriques : mobilier « rustique », menuiseries « traditionnelles », cercueils ( Ah ! les  redondantes boîtes, vernies et boursouflées bardées de dorures...), pour y trouver partout la marque de la vulgarité. J'y vois l'ultime affront fait au roi des bois, et à tout prendre je le préfère en bûche de Noël.

A ce propos, j'observe depuis quelque temps la disparition de grandes allées de chênes d'alignements et de haies, de sujets isolés en milieu de pré... On justifie ces coupes en arguant de prétextes fonciers ou sécuritaires (comme on l'a fait pour les platanes en bordure de nationales aujourd'hui déclassées), ou de prétextes phytosanitaires, ou plus simplement encore on ne les justifie pas. On dispose de « son bien » comme on l'entend, sans plus se préoccuper de paysage, de faune, de flore, de milieu ou de quoi que ce soit susceptible de porter atteinte au droit de propriété.

Je pense pour ma part que ce bois finira tôt ou tard par alimenter les chaudières parce que confort oblige, et crise pétrolière de surcroît ! C'est donc, à terme, « la grande pitié » des chênes de France et par extension des bois de feuillus que je vois poindre à l'horizon. Que les arbres donnent leur chaleur quoi de plus naturel ? D'autant, qu' à la différence du pétrole, c'est une matière renouvelable, à condition toutefois d'en replanter ! Dites-moi combien de chênes, de hêtres, de charmes et de frênes remplacent ceux que l'on coupe ?

Il fut un temps pas si lointain où l'on « jardinait » la forêt, où on ne prélevait des arbres que le nécessaire, un peu comme on le faisait de la toison de l'agneau. On émondait les chênes qui devenaient alors les « têtards » caractéristiques des pays de bocage. Naturellement quand il fallait du bois d'œuvre on abattait les fûts, mais toujours on replantait, et presque toujours, dans la même essence. J'ai connu un vieux paysan qui avait pour habitude, quand il partait « faire sa tournée » de fouir la terre de son bâton, pas n'importe où ! là seulement où il jugeait utile de le faire ! ensuite de quoi, tirant du profond de sa poche un gland, il le laissait tomber dans ce trou qu'il refermait avec précaution. Cet homme, comme beaucoup de ses semblables, avait « le sens de la terre » et donc celui du ciel, puisque l'un ne va pas sans l'autre, ainsi que le montrent les arbres qui relient les deux...

Ces gestes sont perdus, et les opérations exemplaires sponsorisées et médiatisées du type « Je plante un arbre » ne les remplaceront pas, même si elles partent d'une bonne intention.

Combien de temps nous reste-t-il encore, pour rêver sous la houppe des chênes ? Combien de temps pour guetter, les soirs de pleine lune, sur les lisières ou au mitant des clairières isolées, les oiseaux de nuit perchés sur les têtards ? Nous qui ne savons rien de ce que pouvaient êtres les grands bois de la forêt des Gaules, au moins pouvons-nous l'imaginer au travers de ce que rapporte Pline de celle de Germanie :

« L'énormité des chênes de la forêt hercynienne, respectés par le temps et contemporains de l'origine du monde, dépasse toute merveille par leur condition presque immortelle. Sans parler d'autres incroyables particularités, c'est un fait que les racines, se rencontrant et se repoussant, soulèvent de véritables collines, ou bien, si la terre ne les suit pas, s'arc-boutent comme des lutteurs pour former des arcs jusqu'à la hauteur des branches mêmes, ainsi que des portes béantes où peuvent passer des escadrons de cavalerie. »

On aurait bien du mal à trouver de pareils sujets ! L'air et les sols sont tellement pollués qu'ils ne vieilliraient plus guère au-delà de cent ans.

 

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Et ceux qui résistent encore en dépit des conditions difficile, gardent fière allure même malades, même morts, comme le prouve certain châtaigner de mes amis, qui fait figure de patriarche fossilisé dans le nord de la Haute-Vienne.

 

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Ce n'était donc pas un hasard, on le comprend si les vieux arbres étaient respectés et assimilés à des divinités par les peuples barbares... Barbares ? à les comparer aux très civilisés contemporains, je les verrais plutôt raffinés les hommes de ces temps obscurs, je veux dire « reliés » à une dimension perdue, qui avaient bien compris qu'ils n'étaient eux-mêmes, au même titre que l'arbre ou l'animal, qu'une émanation du vivant sous une forme différente. C'est ce que nous dit, d'une certaine façon l'Art pariétal des Magdaléniens : mesurons la distance qui le sépare de «  Lard contemporain » et tirons-en les conclusions qui s'imposent...

Ah progrès, vous avez dit progrès !

 

Orientation bibliographique: Jacques BROSSE, Mythologie des arbres, Petite Bibliothèque Payot n° 161, 1994