11/02/2010
SALE NEIGE
Oui, sale neige pour les JO de Vancouver ! ou plutôt sales JO pour la neige de Vancouver qu'on se voit contraint d'acheminer à grand renfort de bennes tractées, du haut des sommets jusqu'à destination de Cypress Moutain, pour le bonheur des compétiteurs et de leurs groupies... Compétiteurs et affairistes de tout crin, car le scandale de ces JO, comme d'ailleurs celui de ce qu'est devenu le « sport » en général, élevé au rang de religion par les médias aux ordres de la putainerie internationale des grands trafiquants de devises, n'est qu'une contribution supplémentaire au saccage institutionnalisé de la planète. Qui paiera l'outrancière facture de cette mascarade ? Le contribuable, comme d'habitude, demeuré taillable et corvéable à merci, et toujours aussi con... Force m'est de le dire, car enfin, il n'a rien compris celui qui ne voit pas ce que cache l'étalage de ces dispendieuses réjouissances, formidable business au terme duquel les vrais vainqueurs déjà assurés que sont les promoteurs, les grandes marques, les publicitaires et les commanditaires, s'en mettront plein les fouilles...
Ramener les jeux d'aujourd'hui à ce qu'ils étaient à l'origine serait une bonne façon d'assainir la discipline en lui rendant ses lettres de noblesse ! Et d'ailleurs, il n'y avait pas de jeux d'hiver, où la « glisse », devenue à présent prétexte du marketing des grandes marques, étale ses performances sur un plateau doré.
Où sont-ils passés les jeux de l'Antiquité, quand de vrais athlètes se disputaient la gloire qu'accorde l'effort, sans autre outils que leurs propres muscles et leur volonté ? Peut-être certains d'entre eux usaient-ils de subtils élixirs tirés de la sève de quelques plantes « magiques », me direz-vous ? Le saura-t-on jamais ? Mais au regard des drogues actuelles qui pourrissent les stades, distillées par les laboratoires officiels ou clandestins, ce devaient être bagatelles...
La drogue n'est pas la seule à pourrir le stade, à déshonorer l'athlète, et à ramener l'exploit du corps et de la volonté aux performances d'un tricheur de poker ; le fric, qui n'est que la drogue du corps social, avec elle, se taille la part du lion ! On voudrait bien savoir combien coûteront ces « jeux », en définitive ? Ils pourraient, selon certains indicateurs atteindrent, voire dépasser, la barre des 6 milliards, et la réalisation de leurs équipements, entraîner la destruction irréversible de milieux naturels et d'espèces rares, jusqu'alors préservés. Tout cela dans l'indifférence des organisateurs, aux portes d'une ville dont on sait qu'elle couve en son sein l'abcès d'une misère sociale et d'un proxénétisme dont la réputation n'est plus à faire...
Quant au choix du site, celui d'une station à 125 kilomètres de la mer, dans une région où il pleut d'avantage qu'il ne neige, il ne pouvait être assurément plus mal choisi. Les petits curieux chercheront, comme en toute chose plus ou moins suspecte, à savoir à qui profite le crime... Quoi qu'il en soit, si mère nature continue à bouder et ne veut pas collaborer, il faudra ajouter aux six milliards, la facture des norias assurant le transport de la neige, sachant qu'on ne paiera jamais, car elle n'a pas de prix, celle des 3,7 millions de tonnes des émissions de CO2 générées par les transports et les activités pendant les 27 jours de célébration.
A l'heure où la planète crève, où bêtes et gens, abandonnés à leur triste sort sous des latitudes défavorisées en subissent les conséquences, on reste rêveur devant tant d'irresponsabilités... rêveur et révolté par ce gaspillage, bien ciblé par Antoine Descendre, dont nous partageons l'opinion :
« L'omniprésence de commanditaires olympiques, tous plus immoraux les uns que les autres, symptomatise la commercialisation de chacune des sphères de nos vies. Alors que les opportunistes du monde entier (politiciens, promoteurs, entrepreneurs, firmes de communication, médias, financiers, multinationales, proxénètes, etc) se remplissent les poches avec les olympiques et que les médias nous abreuvent d'analyses sportives et d'entrevues toutes plus insignifiantes les unes que les autres, comment peut-on ne pas s'interroger à savoir combien de pistes de bobsleigh devront encore être construites de par le monde avant que nous prenions conscience des véritables besoins de cette planète ? »
Brueghel d'Enfer, Parabole des Aveugles, 1630
12:15 Publié dans Chroniques du temps présent | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : neige, jo, vancouver, co2, sport
02/02/2010
MISE EN BOITES
Les boîtes anciennes en tôle lithographiée, les plaques émaillées et les cartons publicitaires sont les témoins du temps où on « faisait ses courses » à « l'épicerie »...
L'épicerie, c'était alors le centre du monde. On s'y rendait au quotidien pour la simple raison qu'elle était proche du domicile ; on n'allait pas y « faire le plein » comme on le fait à présent dans les grandes surfaces. On n'achetait que le nécessaire. Et d'ailleurs, à quoi bon stocker les provisions, puisque pousser la porte de la boutique était l'occasion d'apprendre les nouvelles... Avec la disparition des commerces de proximité qui animaient la vie des quartiers et celle des bourgs, c'est tout simplement la convivialité qui s'en est allée et avec elle, un certain « art de vivre ».
Si les plaques émaillées aux couleurs vives, que les archéologues du XXème siècle appellent « joyaux des rues » sont précieuses, c'est qu'elles nous rappellent, au même titre que les boîtes en tôle lithographiée, qu'il fut un temps où l'on prenait celui de vivre. La publicité invasive, de mauvais alois et de mauvais goût, ne s'était pas encore taillée la part du lion. Tout au plus, le « Bouillon KUB », par la seule force de son graphisme, avait-il pris un peu d'avance sur ses confrères. On le trouvait partout, sur les murs des maisons, et jusque sur ceux des hangars des campagnes les plus reculées. On en a la preuve quand on s'emploie à détailler les anciennes cartes postales. On y voit parfois des plaques apposées sur les pilastres des devantures ou des séries de boîtes alignées sur les étagères, derrières les vitrines...
Beaucoup de ces témoins, qui se font aujourd'hui de plus en plus rares, ont été rassemblés par des collectionneurs, des amateurs, et quelques musées de particuliers comme celui, remarquable, de Rochefort, qui les présente en situation.
Ils ont fait l'objet d'ouvrages bien documentés et d'expositions temporaires et font toujours le bonheur des amateurs à la faveur de ventes spécialisées. N'ayant pu résister pour ma part au plaisir de m'en procurer quelques-uns, c'est toujours avec admiration que je porte le regard sur eux.
Quoi de plus beau en effet qu'un conditionnement (on ne disait pas encore « packaging », heureusement !) usiné, et décoré par des professionnels attentifs à la qualité du graphisme attaché à celle du produit ? Quoi de plus simple, de plus fort et de plus porteur que le cube rouge et jaune en perspective sur fond outremer vantant le produit que Julius Maggi inventa un jour à l'usage des familles, et pour revigorer l'ouvrier et le soldat ? Et Tonimalt, n'a-t-il pas mis le Mont Blanc en boîte tout simplement d'un coup de crayon ?
On n'en finirait pas de flatter la Vache qui Rit, Banania et le Chocolat Menier rien qu'en les regardant. C'est qu'ils sont intemporels, de là leur force et leur attrait, et qu'ils sont gravés dans notre mémoire. Tirons-en la leçon qui s'impose : ce pouvoir, ils le doivent à la main de l'artiste plutôt qu'à la photographie, et parce que la « mise en boîte » ou en bidons (des marques d'huiles pour moteurs, déclinées aux travers de leurs nombreuses variantes.) était garante de la qualité du produit, l'artiste la soignait comme il convenait de le faire : en petite œuvre d'art. Il suffisait parfois d'un titre placé en perspective, à l'image de la marque Energol, pour animer la plaque à l'exclusion de tout autre décor. Kub avait fait des émules qui avaient compris que la perspective et le choix des couleurs étaient le moyen de dynamiser le produit ou le slogan ; aussi de nombreuses publicités en usèrent-elles avec succès.
Maintenant qu'on ne met plus guère en boîte le produit mais qu'on l'empaquette, qu'on l'enveloppe, qu'on le scelle dans le plastique ou dans l'aluminium, quelque chose de merveilleux a disparu des rayonnages dont seules, les boîtes de sardines (et encore pas toutes !), quelques produits du terroir, et la crème de marron Clément Faugier nous rappellent le souvenir. Rien de mystérieux dans ce merveilleux, seulement le charme d'un temps pas si lointain où l'on savait le prix des choses et où le gaspillage institutionnalisé n'avait pas encore pris les proportions qui caractérisent le « règne de la quantité » où dorénavant, la vulgarité le dispute à la médiocrité.
Orientations :
- La plaque émaillée publicitaire, Michel Wlassikov.
- Email et Pub, Courault, Bertin.
- La folie des plaques émaillées, M. Ducamp.
- La plaque émaillée belge, collectif.
- Les plaques émaillées de l'automobile, B. Rihet.
- Murs peints, M. Combier.
15:38 Publié dans Chroniques du temps présent | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : boites lithographiées, plaques émaillées, kub, menier, energol
28/01/2010
LE SYNDROME DE NOE
Breughel l'Ancien
A considérer le monde actuel, on ne peut qu'être frappé par l'accélération de l'Histoire qui n'est jamais que celle, apparente, du temps événementiel. Tout se passe en effet comme si nous nous trouvions prisonniers d'un vaisseau lancé dans l'espace, échappant progressivement à l'attraction de notre planète. Avec cette différence que ce vaisseau -dans lequel nous nous trouvons en effet- fonce à l'aveuglette dans un brouillard très compact sans jamais avoir quitté la terre ferme... A cette vitesse de croisière, il y a des chances qu'il finisse par trouver un mur à percuter ; y a des signes qui ne trompent pas ! et nul besoin de lire dans le marc de café ! Le ludion qui pilote ce vaisseau est polycéphale comme l'hydre et son corps est obèse monstrueusement, gros de quelques petits plus pervers encore que sa propre viande ! Et quoique ses jours soient comptés, on a tout lieu de craindre, hélas, qu'il n'ait encore le temps de mettre bas...
C'est un lieu commun de dire que le monde moderne est celui de la vitesse, qui n'est elle-même qu'une résultante de la technique, laquelle risque bien, au train où vont les choses, ne laisser que des cendres derrière elle. Production, consommation « titrisation », sommation... En dépit de la récession, l'économie et ses légions de managers, de businessmen et de trader, partout, dicte sa loi. C'est la « consommation », c'est-à-dire la fin intégrale de notre vieux monde qu'elle vise et ses serviteurs, une fois pour toutes ! Elle en a déjà digéré un sacré morceau et se sent de taille à avaler le demeurant sans indigestion. Elle a vaincu par le bluff et digérera jusqu'au dernier bipède. Que restera-t-il alors de notre Histoire s'il n'y a plus d'hommes pour la dire ? Ce qu'il reste des mythes . Un vague souvenir d'Atlantide... Et pour qui ? le « Dernier Homme » pressenti par Nietzsche ? les Cyborgs ? Voire ...
A l'observer, on sent bien que le plus fort virus qu'aie jamais porté la terre, est en train de la détruire à la manière du Marsupilami le dinosaure, en cognant inlassablement sur sa tête, jusqu'à ce qu'il s'effondre. Et on peut se poser la question légitime de savoir si l'homme, ayant réussi à s'aliéner tout le vivant, ne serait pas devenu en fin de compte une sorte d'enzyme glouton ne parvenant pas à assouvir sa faim vorace. A ce rythme il finira comme l'Héautontimorouménos, si rien n'arrête son avidité dévorante, par se manger lui-même. Je veux parler de L'Homme en général. Ce qui ne veut pas dire grand chose. Parce que l'homme en particulier, l'homme véritable, à supposer qu'il s'en trouve encore un ayant suffisamment de jugeote, sait se contrôler. Il ne cherche pas à amasser les biens ni à briller dans la « jet society » ; il sait ce dont il a besoin et s'en accommode au mieux. Il se déplace, travaille, parle, mange avec pondération ; ayant gardé son équilibre et le sens de la mesure dans toutes ses activités, il n'abuse que de celles de l'esprit, où souvent, il excelle. Il attend le moment opportun pour agir et son action ne doit rien au hasard : elle est tout entière gouvernée par l'attention qu'il porte à ne pas couper la branche sur laquelle il est assis. Il prend le temps d'observer et sans précipitation, il accomplit ce qu'il doit faire avec discernement. Il sait que le temps lui est compté et chaque jour qui passe le lui confirme. Il le sait d'autant mieux qu'il s'est rendu compte depuis quelques lunes déjà, à considérer ses contemporains, qu'un certain nombre d'entre eux, quoique emportés dans le vaisseau déchaîné de la « modernité », développent le « syndrome de Noé » : ils s'emploient à leur manière à vouloir sauver le Monde. Et ils le font parce qu'ils sentent qu'une grande tempête monte de la nuit.
On connaît l'histoire du patriarche, et, si tant est qu'elle ait eu lieu, on connaît la suite : il suffit de peser où nous en sommes rendus...
Dans le sillage de ces archanges d'un nouveau genre, les nautoniers de la nouvelle arche font ce qu'ils peuvent pour sauver la planète, et ils le font avec passion et conviction, portés par le sentiment de ne rien devoir laisser perdre mais, prisonniers de la technique et de l'apparence des choses, ils le font au-dehors d'eux-mêmes sans la réciprocité intérieure qu'exige l'hommage au « Roi dormant ». Que vaut en effet la sélection des « élus » des trois mondes (au sens où l'entendait le patriarche) sans la sauvegarde de leur essence ? qui elle, ne peut se faire que de l'intérieur, à l'intérieur, par l'intérieur ? Pas grand-chose à dire vrai, puisque tout n'est qu'agrégat, et que les agrégats par nature sont impermanents et donc finissent tôt ou tard par se désagréger. La Terre elle-même un jour ou l'autre et sans prévenir finira bien par secouer ses puces !
C'est ce qu'à compris l'homme véritable en construisant son arche « à l'intérieur », là seulement où elle saura échapper au déluge qui ne se présente, c'est bien connu, qu'à l'heure de la mort. Plaise à lui d'y abriter ceux là seuls que son cœur lui dira d'y mettre ; il y a peu de chance que les grands usuriers, les grands prédateurs, les parasites de toute sorte, la quincaillerie de bazar et la pacotille y trouvent place !
19:58 Publié dans Chroniques du temps présent | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : consommation, noé, syndrome, atlantide