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28/01/2010

LE SYNDROME DE NOE

 

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Breughel l'Ancien


A considérer le monde actuel, on ne peut qu'être frappé par l'accélération de l'Histoire qui n'est jamais que celle, apparente, du temps événementiel. Tout se passe en effet comme si nous nous trouvions prisonniers d'un vaisseau  lancé dans l'espace, échappant progressivement à l'attraction de notre planète. Avec cette différence que ce vaisseau -dans lequel nous nous trouvons en effet- fonce à l'aveuglette dans un brouillard très compact sans jamais avoir quitté la terre ferme... A cette vitesse de croisière, il y a des chances qu'il finisse par trouver un mur à percuter ; y a des signes qui ne trompent pas ! et nul besoin de lire dans le marc de café ! Le ludion qui pilote ce vaisseau est polycéphale comme l'hydre et son corps est obèse monstrueusement, gros de quelques petits plus pervers encore que sa propre viande ! Et quoique ses jours soient comptés, on a tout lieu de craindre, hélas, qu'il n'ait encore le temps de mettre bas...

C'est un lieu commun de dire que le monde moderne est celui de la vitesse, qui n'est elle-même qu'une résultante de la technique, laquelle risque bien, au train où vont les choses, ne laisser que des cendres derrière elle. Production, consommation « titrisation », sommation... En dépit de la récession, l'économie et ses légions de managers, de businessmen et de trader, partout, dicte sa loi. C'est la « consommation », c'est-à-dire la fin intégrale de notre vieux monde qu'elle vise et ses serviteurs, une fois pour toutes !  Elle en a déjà digéré un sacré morceau et se sent de taille à avaler le demeurant sans indigestion. Elle a vaincu par le bluff et digérera jusqu'au dernier bipède. Que restera-t-il alors de notre Histoire s'il n'y a plus d'hommes pour la dire ? Ce qu'il reste des mythes . Un vague souvenir d'Atlantide... Et pour qui ? le « Dernier Homme » pressenti par Nietzsche ? les Cyborgs ? Voire ...

A l'observer, on sent bien que le plus fort virus qu'aie  jamais porté la terre, est en train de la détruire à la manière du Marsupilami le dinosaure, en cognant inlassablement sur sa tête, jusqu'à ce qu'il s'effondre.  Et on peut se poser la question légitime de savoir si l'homme, ayant réussi à s'aliéner tout le vivant, ne serait pas devenu en fin de compte une sorte d'enzyme glouton ne parvenant pas à assouvir sa faim vorace. A ce rythme il finira comme l'Héautontimorouménos, si rien n'arrête son avidité dévorante, par se manger lui-même. Je veux parler de L'Homme en général. Ce qui ne veut pas dire grand chose. Parce que l'homme en particulier, l'homme véritable, à supposer qu'il s'en trouve encore un ayant suffisamment de jugeote, sait se contrôler. Il ne cherche pas à amasser les biens ni à briller dans la « jet society » ; il sait ce dont il a besoin et s'en accommode au mieux. Il se déplace, travaille, parle, mange avec pondération ; ayant gardé son équilibre et le sens de la mesure dans toutes ses activités, il n'abuse que de celles de l'esprit, où souvent, il excelle. Il attend le moment opportun pour agir et son action ne doit rien au hasard : elle est tout entière gouvernée par l'attention qu'il porte à ne pas couper la branche sur laquelle il est assis. Il prend le temps d'observer et sans précipitation, il accomplit ce qu'il doit faire avec discernement. Il sait que le temps lui est compté et chaque jour qui passe le lui confirme. Il le sait d'autant mieux qu'il s'est rendu compte depuis quelques lunes déjà, à considérer ses contemporains, qu'un certain nombre d'entre eux, quoique emportés dans le vaisseau déchaîné de la « modernité », développent le « syndrome de Noé » : ils s'emploient à leur manière à vouloir sauver le Monde. Et ils le font parce qu'ils sentent qu'une grande tempête monte de la nuit.

On connaît l'histoire du patriarche, et, si tant est qu'elle ait eu lieu, on connaît la suite : il suffit de peser où nous en sommes rendus...

L'homme véritable sait cela et les individus atteints du syndrome de Noé aussi, qui cherchent à rassembler ce qu'ils jugent opportun de ravir au déluge qui s'annonce. On ne s'étonnera pas, dès lors, qu'ils soient encouragés par les pilotes du vaisseau ! Les maîtres du Monde n'en ont cure et s'en amusent. Et parce que le syndrome de Noé leur rend service, les maîtres du Monde flattent ses serviteurs en les associant à leurs campagnes. La publicité aidant à grand renfort de sponsorisation, l'exploration « à l'extrême » de la vie et de la nature dans ce qu'elle a de plus « vrai », associé au culte de la personnalité et de l'effort consenti, ont élevé le moindre « fils de » en nouveau dieu et en conducator de la planète verte...

Dans le sillage de ces archanges d'un nouveau genre, les nautoniers de la nouvelle arche font ce qu'ils peuvent pour sauver la planète, et ils le font avec passion et conviction, portés par le sentiment de ne rien devoir laisser perdre mais, prisonniers de la technique et de l'apparence des choses, ils le font au-dehors d'eux-mêmes sans la réciprocité intérieure qu'exige l'hommage au « Roi dormant ». Que vaut en effet la sélection des « élus » des trois mondes (au sens où l'entendait le patriarche) sans la sauvegarde de leur essence ? qui elle, ne peut se faire que de l'intérieur, à l'intérieur, par l'intérieur ? Pas grand-chose à dire vrai, puisque tout n'est qu'agrégat, et que les agrégats par nature sont impermanents et donc finissent tôt ou tard par se désagréger. La Terre elle-même un jour ou l'autre et sans prévenir finira bien par secouer ses puces !

 

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C'est ce qu'à compris l'homme véritable en construisant son arche « à l'intérieur », là seulement où elle saura échapper au déluge qui ne se présente, c'est bien connu, qu'à l'heure de la mort. Plaise à lui d'y abriter ceux là seuls que son cœur lui dira d'y mettre ; il y a peu de chance que les grands usuriers, les grands prédateurs, les parasites de toute sorte, la quincaillerie de bazar et la pacotille y trouvent place !