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15/03/2021

A-T-ON LU MILADY ?

« Sept heures du matin, c’est tôt pour un rendez-vous d’amour. Mais quoi d’autre aurait pu arrêter si souvent devant sa glace le commandant Gardefort ? Lui faire ouvrir sa porte, fermer ses tiroirs, brosser son melon, griller cigarette sur cigarette ? Se pencher à la fenêtre remplie de long en large par la Loire, de haut en bas par les derniers nuages de la nuit ; et entre les deux la ligne mince des quais d’où l’élan d’une colline projetait brusquement le château de Saumur en plein ciel ? »

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Ainsi commence Milady qui est une histoire d’amour c’est à dire un drame qui se joue en 132 pages d’une écriture sans failles entre un homme et son cheval, en l’occurence une jument, Milady.

On doit ce diamant taillé de main de maître à la plume de Paul Morand qui l’écrivit à l’âge de quarante sept ans entre Saumur et Villefranche sur Mer, de juillet à septembre 1935. Le texte fut publié l’année d’après sous le titre « Les Extravagants » dans la collection « Renaissance de la Nouvelle », dirigée par l’auteur chez Gallimard. De quoi s’agit-il ? De la relation fusionnelle d’un moine-soldat (le commandant Gardefort) et d’une princesse (la jument Milady).

 

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L’histoire fut portée à l’écran par François Leterrier en 1976. Jacques Dufilho y incarne le commandant Gardefort. Qui d’autre mieux que lui, tant il est parfait dans son rôle, aurait pu l’incarner sinon peut-être Paul Meurisse ou Jean Rochefort auxquels Paul Morand avait pensé ?

« Gardefort » n’est assurément pas un patronyme choisi au hasard, non plus d’ailleurs que le nom de son épouse née « Chaînedecoeur ». Quant au cadre, il ne pouvait s’agir que de celui de Saumur « Comme c’était loin, ce Saumur d’avant la guerre où les civils comptaient pour rien ! pensait Gardefort. » et dans les dernières pages, de celui des Ardennes, là-bas, loin à l’est, où le soleil se lève, pour en finir…

Gardefort, c’est un bloc d’ébène taillé au carré et poli par la recherche de la perfection dans son art qui est celui de la Haute Ecole. On le sent dès les premières pages, rien, ni les honneurs du rang, ni les attraits de la fortune, les liens amicaux ou les charmes féminins ne saurait le détourner de sa voie. Cette voie est un sacerdoce qui n’admet pas l’écart et Gardefort, tel un samouraï s’y donne tout entier et jusqu’au bout, c’est à dire jusqu’à la mort où il emporte celle qui fut sa seule aimée, Milady. Il est de ces hauteurs que nulle compromission ne saurait atteindre, ce pourquoi il a tout sacrifié à son art « Cela lui a coûté sa carrière. Nommé chef d’escadron dans l’Est, ayant compris qu’il n’avancerait plus sur place, qu’il ne passerait jamais écuyer en chef du Cadre noir, il finit par demander sa mise à la retraite, décidé, comme beaucoup de fanatiques du cheval, à finir sa vie à Saumur. »

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(Crédit photo: Film Leterrier)

Tout cavalier devrait connaître, lire et relire ces pages merveilleusement dédiées à ce qu’il y a de plus élevé entre un homme et un cheval, noble conquête en réciprocité. N’est pas Centaure qui veut ! On ne s’acharne pas, quand on vise à vouloir faire corps avec sa monture à l’obliger à coups de cravache ou d’éperons « L’éperon est un rasoir entre les mains d’un singe. »

Ainsi Gardefort est ferme mais doux avec Milady, comme il ne le fut jamais avec aucune femme. Qui d’autre que Milady aurait pu susciter en son cœur de tels élancements ? « A peine a-t-il parlé que la sonnette retentit ; c’est moins une sonnerie qu’un heurt, maladroit d’abord, puis assuré. (…) La porte, il l’ouvre brusquement. Dans le grand cadre clair de la Loire, libéré par les deux battants ouverts, une fine et haute silhouette se découpe sur le ciel maintenant sans nuages.

  • Milady !

Comme chaque matin, elle est là. Mais chaque matin il l’attend comme si elle ne devait jamais revenir ; elle est toujours à l’heure et il la croit toujours en retard ; elle est toujours la même et il la voit plus belle… »

Le commandant qui ne fréquente personne n’a que deux amis, le jeune Léal, un sous-lieutenant de cuirassiers et le retraité Béguier de la Digue.

Il a sentit d’instinct chez le premier - c’est pourquoi il l’enseigne - l’intelligence du cheval « - Léal, mon ami, enfoncez-vous bien ceci dans la cervelle : on va toujours trop lentement au pas ; on va toujours trop vite au trot et au galop. Souvenez-vous du tour de force du marquis de la Bigue qui mit une heure pour traverser la Place d’Armes de Versailles sans avoir une seule fois abandonné le galop. Et ce n’est pas qu’il s’accrochait à la bouche, puisqu’il n’avait pour rênes que deux fils de soie ! » 

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Saumur, c’est la ville de la jeunesse, Morand le dit qui ajoute « Qu’il est beau de vivre là ses vingt ans, mais qu’il est amer d’y finir ses jours ! »

Gardefort y vit en reclus en face de la Loire, dans sa villa et sa carrière,  «  Il nommait ainsi un jardinet, derrière sa maison, un enclos d’une cinquantaine de mètres carrés qu’il avait pris soin d’aménager en manège privé… »

Quand il lui arrivait de sortir en ville il ne le faisait qu’à bicyclette « Jamais le commandant Gardefort ne se promenait à cheval ; n’eût-il pu aménager sa « carrière », il aurait monté Milady dans son salon, tant l’idée de laisser à sa monture les rênes sur le cou lui paraissait insupportable. »

Retenons la leçon, le cheval n’est pas fait  pour la promenade et autres ballades équestres qui ne sont que du divertissement. Ce n’est pas un outil de distraction ou un instrument de loisir à l’instar du vélo ou de l’automobile. Pour le commandant, Milady était l’alter ego qu’il n’avait jamais trouvé chez aucune femme et surtout pas chez son épouse dont il s’était séparé sans tenir compte, n’étant pas un homme de calcul, des conséquences financières entraînées par son divorce… Cinquante mille francs. Ces cinquante mille francs réclamés, il ne les avait pas. Il lui faudrait les emprunter mais alors à 40% par mois… « Gardefort ne dormit pas. Il errait la nuit et le jour, il s’alitait, repris par les fièvres (…) De tout, il pouvait se passer, à peu près de tout, sauf… »

Sauf de ce que lui coûtait la nourriture et l’entretien de Milady. Il vendit ses précieux grands traités d’équitation. On lui en donna sept mille francs à quoi il ajouta les quatre mille autres francs de tout ce qu’il avait gagné aux concours.

« Avoine… cent francs… Paille… soixante… »…  « Avoine… cent francs… Luzerne… soixante… », ces chiffres lui bourdonnaient dans la tête et il se sentait devenir fou, en pensant à Milady. (…)  Il n’y tenait plus. Il lui fallait l’argent tout de suite. Ne plus pouvoir acheter l’avoine de Milady ! Plutôt tuer sa femme… » Il s’en fut jusqu’à Montsoreau trouver son vieux camarade Béguier de la Digue… Il y passa la journée, repoussant heure après heure l’ultime requête : « - Mon ami, j’ai un service à vous demander… » Quand enfin il parvint à l’énoncer, elle tomba dans le vide, Béguier, distrait, n’y prêtant pas attention. Alors, Gardefort comprenant que c’était fini, emporté par le désespoir, devint caustique et divagua devant la collection d’éperons de son hôte et sa dernière acquisition : des pointes de dix centimètres ! « - Il faut bien faire saigner le cheval, répondit en rageant le commandant qui n’en pensait pas un mot. »

Au moment de prendre congé « Une phrase lui traversa le cerveau avec l’impétuosité d’un cri : « L’éperon est un rasoir entre les mains d’un singe. » Comme il aimait cette maxime qu’il citait souvent ! Et c’était lui qui… La honte l’envahit. Ses cinquante mille francs, sa femme, sa gueuserie, la misère du monde, tout fut oublié. »

 

 

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(Crédit photo: Cadre noir)

Le carroussel de Saumur commençait; il passa en revue les chevaux qu’il visita dans leurs box… Dans la tiédeur de cette nuit de juillet, en son errance, Gardefort pensait à Milady, à tout ce qui la liait à lui, leur complicité, leur intimité « … quand il s’absentait, il lui laissait toujours dans sa mangeoire un vieux pyjama de pilou dans lequel il transpirait les jours d’attaque paludéenne, pour qu’elle ne se déshabituât pas de lui. »

Ils avaient leur language à eux « … un étrange idiome de jeunes mariés (…) un tendre baragoin hippo-humain… ». Il l’imaginait dans l’écurie, reposant comme à l’habitude, ou quand elle le sentait proche, donnant du front, lui prodiguant des gamineries, des caresses bien à elle. Et comme il se sentait trop triste pour monter se coucher sans l’avoir revue, il fit le détour. Quelqu’un d’autre était là dans l’écurie venu détailler Milady, un amateur, un banquier…

Vendre son âme au Diable n’eût pas était pire pour Gardefort que de vendre Milady, amour de sa pauvre vie « Toutes mes maîtresses m’ont trompé. (…) Enfin un jour où j’ai trouvé une jument qui avait les plus belles qualités d’un cheval et qui était en même temps une vraie femme, un jour j’ai rencontré Milady. Je l’ai formée, et ce n’est qu’après que je l’ai séduite. Pour la première fois, je suis aimé, aimé pour moi-même, sans traîtrise, justement aimé, parce que je suis le meilleur et le plus fort. »

A Léal, qui pousse le commandant à vendre sa jument pour payer ses dettes, il rétorque « …j’aime Milady. Je l’aime d’amour et elle est devenue mon épouse. Ce n’est pas une liaison, ce n’est pas un amusement, c’est ma raison de vivre. »

Dès lors, s’en séparer c’est mourir, et puisqu’il le faut, que l’implacable enchaînement des causes et des effets l’y pousse, le commandant Gardefort cède. La suite, on l’imagine, Grumbach le banquier emportera Milady dans l’ Est, loin de ses aires familières.

Alors il faut en finir « On eût dit qu’un même malheur les touchait, tant l’âme du cavalier semblait avoir passé dans le corps de l’animal.

Le commandant Gardefort montait Milady pour la dernière fois.

Il l’avait vendue.

Il avait vendu la compagne de sa vie.

Milady avait compris. Pour la première fois, elle se laissait monter sans entrer en défense, sans garder pour elle aucune de ses forces. Elle s’abandonnait. (…) Milady s’éteignait. »

Devant la porte, le van l’attendait pour l’emporter.

« Il se retourna vers Milady. Elle vint se frotter contre sa joue. Il flatta une dernière fois ces flancs, ce cœur qui avait battu si souvent entre ses jambes, il l’embrassa sur les naseaux et lui caressa les yeux.

Milady gravit le plan incliné garni de tapis-brosse et s’engagea avec hésitation dans le van. »

  • Où est-elle à présent, oui, où est-elle ?

Gardefort reçu des nouvelles élogieuses de Milady. Grumbach l’invita à la Renardière, son domaine des Ardennes. Il s'y rendit...

...

«  - Comment n’a-t-il pas été tué net ? demanda le chef de la gendarmerie.

  • Sa jument a amorti le choc : elle est d’ailleurs morte sur le coup. »

 

La dernière leçon de Gardefort « Marcher droit ! » vient d’unir pour l’éternité l’homme à sa jument. L’un et l’autre en chutant des trente mètres de l’acqueduc ont rejoint l'outre là dans une ultime résistance de l’animal et une impérieuse contrainte du cavalier, la dernière. Comme il est dit dans la Ballade de la Gêole de Reading : « Chacun de nous tue ce qu’il aime… » Est-ce là le prix de l’amour-fou ?

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Paul Morand, né le 13 mars1888, meurt le 23 juillet 1976 à 88 ans. Celui qui fut reçu à l’Académie française sur le tard en 1969, fut l’un des rares écrivains du XXème siècle ayant su trouver grâce aux yeux de son contemporain Céline, ce qui n’est pas rien !

18/04/2011

BULLETIN CELINIEN

Bulletin célinien n° 329

 

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Les amateurs de Céline seront agréablement surpris d’apprendre la publication par les Editions du Lérot, en un seul volume, des ouvrages de Jean-Pierre DAUPHIN : « Bibliographie des articles en langue française consacrés  à Céline ». La nouvelle édition, revue et augmentée, qui regroupe les périodes 1914-1944 et 1945-1961, forte de 470 pages s’intitule : « Bibliographie des articles de presse & des études en langue française consacrés à L-F Céline, 1914-1961 » On peut se la procurer par l’intermédiaire du Bulletin (BP 70, Gare centrale, B 1000 Bruxelles) ou directement chez l’éditeur (Du Lérot, éditeur, Les Usines Réunies, 16140 Tusson). Dans son éditorial, Marc LAUDELOUT souligne l’intérêt de ce « travail titanesque » qui couronne les efforts d’années de recherches.

En quatrième page, dans une note intitulée « Céline sur papier glacé », l’éditorialiste présente le dernier numéro hors série du Figaro Magazine « Céline, une saison en enfer ». On en conviendra, cette publication est une réussite autant par la teneur des articles que par leur accompagnement  iconographique. Photographies connues et moins connues ainsi que dessins, souvent tirés en pleine page qui l’illustrent à merveille, sont à la hauteur de la maquette de couverture. Nous attendons le hors-série de Télérama de juin 2011 en espérant qu’il aura la qualité de celui du Figaro.

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Dans une chronologie sur vingt années, courrant de 1967 à 1987, Marc Laudelout rappelle –et ce n’est que justice- ce que la recherche célinienne doit à l’universitaire Jean-Pierre Dauphin, organisateur du premier colloque international consacré à Céline à Oxford en 1975, et co-fondateur avec Henri Godard et Philippe Alméras de la Société d’Etudes céliniennes en 1976. On lui doit de nombreuses publications et études dont les 8 Cahiers Céline parus chez Gallimard entre 1976 et 1988. Jean-Pierre Dauphin est à l’origine de la création de la Bibliothèque Louis-Ferdinand Céline (BLFC) à l’Université Paris VII centre Jussieu.

Ce numéro d’avril rend hommage, sous la plume de Jean-Paul ANGELELLI à Jean José Marchand décédé à Paris le 8 mars dernier. Né en 1920, J.J. Marchand publia l’autobiographie de la première partie de sa vie au Rocher en 2001, sous le titre : »Le Rêveur ». Cet admirateur de l’œuvre de Drieu, de Willy de Spens, de Lucien Rebatet fut, comme le rappelle J.P Angelelli dans sa note, « un grand homme de télévision dans les années 60-70 comme en témoignent ces extraordinaires ‘Archives du XXe siècle » : des entretiens filmés avec cent cinquante personnalités, dont Morand, Montherland,, Lévi-Strauss, Caillois. Il y a un Monnerot, hélas resté innédit… ».

Ceux qui voudront approcher de plus près J.J. Marchand consulteront son blog qui court sur une année (août 2009-août 2010) et témoigne d’une grande érudition littéraire : Journal de lectures de Jean josé Marchand (http://jean-jose-marchand.over-blog.com).

La troisième partie de « Céline sur tous les fronts » de Marc Laudelout annonce une biographie de Céline par Henri Godard à paraître prochainement chez Gallimard. Dans le même temps paraîtra aux éditions Pierre-Guillaume de Roux une version corrigée et augmentée du « Céline. Entre haines et passion » de Philippe Alméras, paru initialement chez Laffont. Signalons également, à paraître aux éditions Michel de Maule, le recueil de souvenirs de Marouschka Dodelé qui fut élève des cours de danse de Lucette Almanzor : « Une enfance chez Louis-Ferdinand Céline ».

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Aux éditions Robert Laffont, collection « Bouquins », vient de sortir le gros ouvrage de David Alliot « D’un Céline l’Autre », préfacé par François Gibault. Près de 1200 pages de témoignages dispersés jusqu’alors dans des livres ou des revues, regroupés dans cette somme, nous apportent  à travers cette publication, le regard des contemporains de l’écrivain.

Deux personnalités sont évoquées dans ce numéro, toutes deux, amis de Céline. La première par Antoinette Le Vigan, dite Tinou, qui fut aussi l’épouse de Robert Coquillaud (1900-1972) dit Le Vigan, dit La Vigue par Céline ; elle a confié ses souvenirs à Eric MAZET, qui les rapporte ici en 1987. On y apprend que Céline, « Jupiter », régnait en maître sur ses amis et plus loin : « Quand je demandais à Céline pourquoi il écrivait avec des mots si orduriers, il me répondait : « Le niveau français, c’est la boîte à ordure !... ».

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On y apprend également la brouille de Le Vigan avec Céline entre 1941 et 1942 suite à des propos rapportés à ce dernier par Arthur Pfannstiel, traducteur en allemand de Bagatelles, concernant une supposée dénonciation par Le Vigan aux occupants, de Céline et Mahé comme défaitistes… Pour en savoir plus sur Robert Le Vigan, on, ne manquera pas de se reporter aux biographies que lui ont consacré Hervé Le Boterf (Robert Le Vigan, le mal aimé du cinéma, paru en 1986 chez France-Empire) et Claude Beylie et André Bernard (Robert Le Vigan, désordre et génie, paru en 1996 chez Pygmalion)

Le portrait de la seconde personnalité, du à la plume d’Alain CAMPIOTTI, concerne l’anthropologue George Montandon (1879-1944) qui devint l’ami de Céline à la fin des années trente. Il y voit les sympathies de ce médecin aventurier pour le bolchevisme, doctrine dont Montandon traita dans un ouvrage de 1923 : « Deux ans chez Koltchak et chez lez bolcheviks ». Ce fils de riche industriel obtint ses diplômes de médecine en Suisse.

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Passionné d’ethnologie, après des études en Angleterre et en Allemagne, il se rend en Abyssinie en 1910 où il exerce ses talents auprès du souverain, puis après la première guerre mondiale, il s’occupe du rapatriement de prisonniers austro-hongrois dispersés en Sibérie, alors que la guerre civile fait rage en Russie. Il y rencontrera des chefs bolcheviques tout en menant des études d’anthropologie locale, et dans la foulée, fréquentera les hordes du « Baron fou » von Ungern-Sternberg. Arrêté par la Tchéka, accusé d’espionnage, il finira par se tirer d’affaire et publiera son livre d’aventures chez les Bolcheviques ; récit picaresque qui n’est pas, comme le note Alain Campiotti, sans avoir quelques accents céliniens avant la lettre… Céline, qui a connu et lu Montandon s’en est inspiré pour ses pamphlets et le cite dans l’Ecole des cadavres.

Enfin nous n’omettrons pas d’évoquer la première partie de l’excellente étude qu’Agnès HAFEZ-ERGAUT consacre à « Casse-Pipe » au travers de son analyse : « Hommes, chevaux et guerre dans Casse-Pipe ». Non seulement elle donne envie de relire ce petit chef d’œuvre, mais elle donne aussi celle de s’attarder sur la misère et la grandeur oubliée de ces compagnons de tout temps des hommes que furent les chevaux, et dont on oublie -ou pire on ignore- que près d’un million deux cent mille de ceux appartenant à la seule armée française resta sur les champs de bataille.

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C’est ce que rapporte une note de cette étude : « Il est dit que le chiffre officiel des chevaux morts (section vétérinaire de l’armée) serait gravé sur une plaque se trouvant dans une salle interditre au public du château de Saumur. Le texte en serait : « Aux 1.140.000 chevaux de l’armée française morts pendant la guerre mondiale 1914-1918. Le Musée du Cheval reconnaissant, 1923. ». Casse-Pipe, accompagné de riches appendices, constitue la première partie du troisième volume des romans de Céline édités dans la Pléiade.