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22/01/2011

L'AFFAIRE CELINE

 

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A parcourir le Web, depuis l’ « Affaire », vous savez laquelle, non pas Dreyfus, mais de la célébration de Céline, on rigole bien dans les chaumières comme aurait dit ce dernier ! A ceux qui s’interrogeraient encore, je conseille d’ouvrir le Blog du Petit célinien, une liste de liens les conduira à la plupart des réponses et commentaires sur la question.

Pour ma part, je me félicite de ce que ce « Haut Comité » de quoi au juste ? n’ait pas jugé opportun d’honorer Céline. C’est, bizarrement, en prenant cette décision, le plus bel hommage qu’il puisse lui rendre !

Que restera-t- il de tous ces beaux messieurs quand la Mort les aura cueillis plus ou moins gentiment ? Un vague souvenir sans doute pour les premiers du rang qui assurément, s’estompera avec les années. A contrario, il restera tout de Céline, sans ôter une virgule ni le moindre point d’interrogation. Alors, les commémorations, il peut les laisser à des encablures du rivage, il n’en a pas besoin dès l’instant où il est entré au Panthéon des Immortels tout seul, sans qu’on l’y pousse le 1e juillet 1961 comme y entrèrent en leur temps les plus illustres sages de l’Antiquité gréco-romaine. Voilà de quoi clouer le bec une fois pour toutes au troupeau de ses détracteurs dont les plus virulents ne peuvent pas admettre après tout qu’il ait eu du talent, qu’il ait été clairvoyant et qu’il tienne le haut du pavé des Lettres françaises, tout simplement. C’est une arête qui leur reste en travers du gosier ; évidemment, ça fait mal…

 

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Qu’on publie de nouveau les pamphlets (ou plutôt les satires), que leur lecteur et lui seul, se fasse une opinion en raison de sa sensibilité et de son goût pour l’outrance et la caricature. Qu’il y ajoute, s’il craint de les approcher sans armure, l’étude de Régis Tettamanzi (1). Qu’il pèse et soupèse – à la condition qu’il ait tout lu de Céline- le poids de ce qu’il faut retenir de l’œuvre, si tant est qu’il faille la peser ; il verra de quel côté penche la balance ! Si l’on se mettait, à sortir de l’ombre, tous ceux qui ont mal parlé de leur prochain où l’ont montré du doigt, la liste serait longue et à la considérer de près on aurait des surprises ! C’est une attitude humaine, trop humaine, parce que c’est toujours sur un autre visage de soi, en fin de compte, que l’on crache. Ceux qui l’ont compris savent à quoi s’en tenir sur l’offense, l’insulte et le mépris.

D’aucuns ont fait remarquer à juste titre que Céline se serait foutu de cette célébration et ils ont raison ; il s’en serait foutu comme à peu près Marcel Aymé s’était fichu de l’honneur qu’on lui fit un jour de lui octroyer certaine « Légion »… On connaît sa réponse ! Il me plait à moi de supposer quelle aurait été la réponse du maudit de la route des Gardes aux pontifes de ce « Haut Comité » s’il eût été vivant !

L’ « Honneur » est un plat qui ne se réchauffe pas et encore moins lorsqu’il est servi par de mauvais mitrons. Ainsi du Goncourt 1932, que quelques faux culs préférèrent octroyer à un Mazeline dont il ne reste qu’une peau de loup mitée, quand ce prix, qui consacrait un auteur, revenait de droit à celui du Voyage ; on réchauffa l’échec, non sans polémiques, avec un Renaudot qui ne lui laissa guère d’indigestion !

Pour en revenir à cette célébration, ce dont je suis sûr, c’est qu’elle ne mérite pas Céline. Et pour tout dire au risque de me répéter, je fais partie de ceux qui se félicitent qu’elle ne l’ait pas retenu. Quelle gloire en effet y a-t-il de se voir honorer par une République bananière et des chasseurs de primes dont les motivations ne sont pas toujours celles qu’on croit ?

Après tout, les vraies valeurs n’ont pas besoin qu’on les montre du doigt, qu’on les honore ni qu’on les commémore ; elle s’imposent d’elles-mêmes et c’est pour ça qu’elles gênent les médiocres. Elles sont de taille à faire fondre vingt années de banquise aurait dit Céline, c’est ainsi et, ajouterai-je, c’est tant mieux.





(1) Régis TETTAMANZI, Esthétique de l’outrance, Idéologique et stylistique dans les pamphlets de L.F. Céline, 2 volumes (Editions du Lérot, 16140 

 

18/12/2010

BULLETIN CELINIEN

Bulletin célinien n° 325

 

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« La T.V. est un prodigieux moyen de propagande. C’est aussi, hélas ! un élément d’abêtissement en ce sens que les gens se fient à ce qu’on leur montre… »

On ne saurait mieux dire ! J’ai laissé moi-même à la décharge, depuis 96, ce vicieux instrument de décervelage. Je ne m’en plains pas, trouvant largement de quoi satisfaire ma curiosité sur le Net.  Mais, je me suis souvent demandé ce que Céline aurait pensé des ordinateurs…

Tous les visiteurs de l’ermite de Meudon ont été surpris –du moins ceux qui le voyaient pour la première fois- de son accoutrement. On sait qu’il affectionnait de vieux gilets qu’il portait empilés les uns sur les autres, couvrant ce mille-feuilles d’une cape lorsqu’il sortait faire les courses. De chaussures point, mais la plupart du temps de grosses charentaises aux semelles épaisses, tant il est vrai que c’est par les pieds qu’on s’enrhume, c’est connu…

L’éditorialiste, rappelle l’étonnement de quelques-uns devant ce personnage d’hospice ou ce clochard céleste. Je suis, pour ma part, assez enclin à croire, comme Marc Laudelout, qu’au lieu de chercher à témoigner de quoi que ce soit, Céline en était arrivé au stade où le port de la cravate et du veston ne signifie plus grand-chose. Quand on sent la mort rôder à son entour et qu’on l’attend, qu’importent les vêtements splendides ? Et puis d’ailleurs, dans l’état où se trouvait l’écrivain, a-t-on le goût de se soucier de sa mise ? Assurément non ; on pare au plus pressé, on se garde du froid qui si bien transit les membres jusqu’à l’os ! On cherche le maximum de confort dans le minimum d’efforts, un point c’est tout.

Vincent MORCH, livre les propos de Marc-Henri Lamande et de Ludovic Longelin, respectivement interprète et auteur metteur en scène de la pièce de théâtre : « Dieu qu’ils étaient lourds ! » On se souvient de l’allusion célinienne à la lourdeur des hommes qui sont « devenus des marteaux-pilons… ». Cette pièce qui dure un peu plus d’une heure a été composée à partir d’un assemblage d’extraits choisis des différentes interviews de Céline. C’est donc à un travail sur la voix, l’expression et les silences que ce sont livrés l’auteur et l’interprète.

Pierre ASSOULINE qui a assisté à l’une des représentations au petit théâtre du Lucenaire à Paris nous dit de cette pièce qu’on est saisi, dès les premiers mots qui fusent dans une semi obscurité d’une étrange impression : celle d’avoir Louis-Ferdinand Céline devant soi. Il ne tarit pas d’éloge sur son interprétation « stupéfiante de vérité » non plus d’ailleurs que sur la sobriété de sa mise en scène. Ceux qui, comme moi ne l’ont pas vue retiendront la conclusion de Pierre Assouline : « Il serait impardonnable de manquer ça. Les céliniens y penseront longtemps après encore ; les non-céliniens devraient se laisser guider par la curiosité ; les anti-céliniens viscéraux auront raison de s’abstenir car c’est tellement bien que cela leur fera du mal. »

Sans doute ; mais pour moi, et quel que soit le talent de l’interprète, l’original vaut toujours mieux que la copie et je ne me régale vraiment que des seuls enregistrements de Céline. Merci encore à Emile Brami de les avoir réunis en deux magnifiques CD.

Ce numéro de décembre publie la première partie de l’étude de Laurie VIALA consacrée à l’illustration du texte célinien. Bâti essentiellement sur l’émotion, elle observe que « le texte de Céline est en soi un appel à l’illustration. » Serrer au plus près l’univers célinien en traduisant graphiquement l’émotion qui le porte nous paraît être en l’occurrence la bonne démarche. De mon point de vue, Tardi (que l’auteur de l’article évoquera dans les prochains numéros) s’y est admirablement employé ; comment oublier par exemple son personnage de la vieille Henrouille ? Et combien d’autres ! Sans parler des dessins qu’il nous laisse de la banlieue à laquelle son trait est familier. Mais il est certain qu’il y a des impressions qui se passent d’images, vouloir leur en donner serait leur ôter leur puissance de suggestion ; et Dieu sait si l’œuvre célinienne en renferme.

Très intéressante critique de l’Eglise parue dans Marianne du 11 octobre 1933 sous la plume de Ramon FERNANDEZ. Sans doute l’un des textes les moins connu de l’auteur du Voyage, l’Eglise n’en renferme pas moins quelques moments forts qui n’ont pas échappés à Ramon Fernandez, et notamment dans le troisième acte. Voici ce qu’il en dit : « Ce troisième acte, de beaucoup le meilleur, n’est pas loin d’être un chef-d’œuvre. M. Céline a placé franchement son évocation de la S.D.N. sur le plan de la farce féerique, à la manière d’Aristophane. L’effet est saisissant. »

Ceux qui voudront en savoir d’avantage sur les rencontres de Ramon Fernandez avec Céline pourront le faire en consultant le numéro 307 du Bulletin (avril 2009).

Quant au présent numéro, il s’achève par la narration que nous offre Willy de SPENS, d’une visite qu’il fit à l’ermite du Bas-Meudon en 1957, au printemps. Elle vaut d’être lue, car on y découvre un Céline qu’on n’attendrait pas.

En fin d’article, l’éditorialiste dresse un portrait de Willy de Spens (1911-1989) familier du monde des Lettres, auteur d’un premier roman en 1943, ami de Marcel Aymé, Jacques Chardonne, Antoine Blondin, Roger Nimier. Willy de Spens. Il devait, à la fin de sa vie, rassembler ses souvenirs dans plusieurs tomes qui connurent, en leur temps, assurément plus de lecteurs qu’aujourd’hui…

 

23/11/2010

BULLETIN CELINIEN

Bulletin Célinien N° 324

 

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L’infatigable Marc LAUDELOUT, auquel rien de ce qui touche à Céline de près ou de loin ne semble échapper, rappelle dans ce numéro de novembre quelques vérités. Il apporte notamment -en réponse aux critiques de certain lecteur de la revue « Commentaire »- des précisions toujours utiles à ceux qui, comme ce lecteur et le directeur de cette revue, seraient susceptibles de se laisser abuser par des jugements hâtifs autant que partiaux témoignant, sinon d’une mauvaise connaissance de l’œuvre et de son auteur, du moins d’opinions partisanes asservies à la politique contemporaine de la pensée  « correcte ». Assurément, nous ne partageons pas l’opinion de ceux qui lisent Céline avec des gants et double dose d’antidote à seules fins d’obtenir leur certificat de civisme ou d’être considérés par le gratin aux ordres, qui continue hélas à faire la pluie et le beau temps dans le monde des Lettres…

Céline l’avait prédit et l’on n’en finirait pas de répertorier les travaux universitaires qui lui sont régulièrement consacrés. Il s’en trouve de particulièrement intéressants et parmi ceux-ci, celui qu’ Yves PAGES a présenté pour l’obtention de sa thèse de doctorat en 1991. Frédéric SAENEN l’évoque sous son titre « Céline, fiction du politique », dans une note qu’il lui consacre.  Cette thèse, initialement publiée par les éditions du Seuil en 1994 est aujourd’hui reprise par Gallimard dans la collection « TEL ». De l’aveu de Frédéric Saenen ces 474 pages donnent, dès la dernière tournée, « la furieuse envie de replonger dans le Voyage, Guignol’s band ou la trilogie allemande. Avec un regard vraiment neuf. »

Faisant suite à une note relatant les demandes réitérées de Céline à son éditeur pour se voir, de son vivant, publié dans la Pléïade, ce numéro publie deux lettres inédites de Céline à Claude Gallimard, datées respectivement de 1960 et 60 ou 61. On y lira entre autre, sur le ton qui nous est familier : « …je vois venir la Pentecôte c’est-à-dire la Toussaint, mais pas du tout ma Pléïade, dont on a tant parlé… » De fait jamais Céline ne se verra « pléiadé » de son vivant puisque, décédé comme on sait le premier juillet 61, ce Panthéon des lettres ne lui ouvrira ses portes qu’en février 1962. Il aura fallu tout de même attendre 48 ans avant que ne soit publiée la correspondance et encore, non intégralement ; quant au demeurant, sentant par trop le soufre, il est douteux qu’il puisse rejoindre un jour le gros de l’œuvre…

Marc Laudelout nous livre un intéressant dossier sur Roland CAILLEUX. Médecin comme Céline et attaché comme lui aux médecines naturelles et à l’hygiénisme. Cailleux, comme son confrère, fut aussi écrivain, beaucoup moins connu cependant, et de petit tirage. Il a néanmoins laissé avec « Saint Genès ou la vie brève », publié en 1943, un exercice de style qui prouve son talent et ses exigences en littérature.

 

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Admirateur de Céline, il le fut, mais avec réserves, son tempérament critique le portant à se méfier des exagérations et des plaintes céliniennes. On verra d’ailleurs, en se reportant à des notes datées du 19 juin 1957 ce que pensait vraiment Cailleux de Céline ; il n’est pas tendre ! Les céliniens avertis n’y apprendront rien car Cailleux enfonce des portes ouvertes mais tout de même, en 1957, combien savaient cela ? Ces observations acerbes sinon réelles n’enlèvent rien à celui qui fut d’une certaine façon, avec ses qualités et ses défauts, « humain trop humain » en même temps que le plus grand auteur de son temps.

La rencontre de Roland Cailleux avec Marcel Aymé, en janvier 1943 a donné lieu à une narration inédite dictée à sa femme. On lira avec intérêt ces quelques lignes publiées dans ce dossier et on retiendra entre autres le portrait qu’il donne de l’auteur de Travelingue : « Les deux traits caractéristiques qui frappent d’abord chez Marcel Aymé, ce sont ses grandes oreilles et ses silences. S’il a de grandes oreilles, c’est pour mieux écouter sans doute. Il est très difficile de ne jamais dire un mot et Marcel Aymé y réussit en prenant un air particulier où l’on croit déceler l’ennui, la timidité, le « Qu’est-ce que je fous ici ?... » et le « Qu’est-ce que je pourrais foutre de mieux ailleurs ?... »

On trouvera enfin le brouillon de la lettre adressée le 12 septembre 1943 par Cailleux à Céline pour lui demander son avis au sujet de son Saint Genès. On y lira ces lignes qui contredisent par quelque côté ce que pensait Cailleux de Céline en 1957… « J’ai eu une presse excellente par ici et je pourrais croire que c’est arrivé si je ne me disais que, par ces temps de crise de papier, on peut pondre n’importe quelle ordure, elle aura toujours du succès. Mais vous, vous ne mentez pas. » dixit. Alors pourquoi s’offusquer sur le tard d’un  travers des plus répandus, de celui qui pourtant avait prévenu, dans le Voyage: «  Il faut choisir, mourir ou mentir. Je n’ai jamais pu me tuer, moi… ».

Enfin, David LABREURE signe un article sur Céline et la médecine du travail, dans lequel, s’appuyant sur les observations du Docteur Destouches sur le taylorisme et le fordisme, il montre tout l’intérêt que  ce dernier portait à l’observation de l’état de santé des travailleurs au sein même de l’entreprise ainsi qu’à leur affectation à des taches adaptées à leurs déficiences ou à leurs handicaps. Extraite du Cahier Céline n°3 (Gallimard 1977), cette sujétion montre aussi qu’en ce domaine, Céline était en avance sur son temps :« Il serait sans doute possible d’étudier sérieusement, dès à présent, les modalités éventuelles d’emploi de ces malades chroniques dans l’industrie. »