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06/01/2010

6 JANVIER 1412

 

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Marbre de Rivoire, cathédrale Notre Dame, Moulins

 

Jehanne, dite Jeanne d'Arc, plus communément nommée « la Pucelle », est née à Domrémy le 6 janvier 1412 selon la thèse officielle. Ce jour-là, bien avant l'aube, en cette nuit d'Epiphanie, les coqs se mirent à chanter de façon inaccoutumée... C'est ce que relate du moins  le chroniqueur Perceval de Boulainvilliers dans sa lettre du 21 juin 1429, au duc de Milan :

«  Elle est née en un petit village nommé Domremy, au bailliage de Bassigny, en deçà et sur les confins du royaume de France, sur la rivière de Meuse, près de la Lorraine. Ses  parents sont, de l'aveu de tous, de très simples et très braves gens. Elle est venue à la lumière de notre vie mortelle dans la nuit de l'Epiphanie du Seigneur, alors que les peuples ont coutume de se rappeler avec joie les actes du Christ. Chose étonnante, tous les habitants de ce village sont saisis d'une joie inexprimable, et, ignorant la naissance de la fillette, ils courent de tous côtés, s'enquérant de ce qui est survenu de nouveau. Pour le cœur de quelques-uns, c'est le sujet d'une allégresse nouvelle. Que dirai-je de plus ? Les coqs deviennent comme les hérauts de cette joie inattendue : ils font entendre des chants qu'on ne connaissait pas, ils battent leur corps de leurs ailes, et durant près de deux heures ils semblent présager ce que cet événement amènera de bonheur. »

On doit la découverte de ce document à Voigt, directeur des archives de Koenigsberg, qui le publia en 1820 dans la Gazette de Leipzig du 3 juin. C'est en faisant des recherches sur l'histoire des Chevaliers teutoniques que l'archiviste découvrit cette pièce conservée par l'Ordre, en Prusse orientale. Il s'agit d'une copie, mais contemporaine de l'épopée johannique ; on est par conséquent en droit d'y attacher, sinon une confiance totale, du moins quelque intérêt...

Ce qu'il y a de sûr, c'est que la Pucelle s'est élevée sur les terres de Domrémy et de Greux et que c'est là et pas ailleurs, qu'a poussé en elle l'exceptionnelle volonté d'en découdre avec l'anglais, de le bouter hors du royaume de France, et de faire sacrer roi le dauphin Charles...

Comme les quatre autres enfants de Jacques d'Arc (ou Day), natif de Ceffonds en Champagne, et d'Isabelle Romée (Ysabelette ou Zabillet), Jehanne (ou Jehannette) passa son enfance sur les bords de la Meuse, dans ce village à cheval sur les terres du Barrois mouvant et celle de la couronne de France, séparées par les caprices d'un ruisseau qui « moultes fois » changea de lit. La Pucelle, par la position du ruisseau en son temps, relevait de la couronne et sur ce point, les historiens généralement s'accordent, comme ils s'accordent sur le fait de reconnaître que la majorité des habitants du village penchaient plutôt pour le parti des Armagnacs, et donc pour le Dauphin.

La vallée de la Meuse est un couloir naturel qui facilite les communications. Lieu de passage fréquenté des marches de Lorraine, elle offrait aux riverains l'avantage d'être informé les premiers de ce qui se passait au royaume de France, et l'inconvénient d'avoir à subir les désagréments des bandes de routiers, de pillards et de la soldatesque en général. Et « c'était grande pitié au royaume de France... », l'inspirée le savait, qui aux dires des témoins du temps (voir les enquêtes du procès de réhabilitation) priait journellement le Ciel avec ferveur... Et le « Ciel » l'entendit. Il n'en fallut pas d'avantage pour déterminer sa vocation et lui permettre d'accomplir sa mission... On connaît la suite...

« Une volonté forte, n'est ce pas,  se suffit à elle-même et ferait fondre vingt années de banquise... C'est comme ça. » (Céline)

 

 

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Statue équestre d'Halbout du Tanney, mairie de Vaucouleurs

 

 

 

29/11/2009

L'HOMME DE BELLAC

 

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L'homme de Bellac existe, je l'ai rencontré.

On ne lui doit pas l'Apollon ni Amphitryon ni Electre, ni Siegfried et le Limousin ; vous l'aurez compris, il ne s'agit pas de Jean Giraudoux, non, l'Homme de Bellac s'appelle François, François tout court, tant il semble qu'il ne puisse être issu d'aucune filiation particulière excepté celle du sage d'Assise. Qu'il ait des frères ailleurs, sous d'autres cieux, certainement, mais ici, à Bellac, entre le Vincou et la route nationale, lui seul tient la place et soyons sûrs qu'il ne laisserait à personne le droit de la lui disputer !

François de Bellac relève de la seule lignée anonyme du « petit peuple », celui des fadets et des ondins, qu'il faut approcher l'âme pure au risque de se voir tancé de quelque apostrophe bien tournée et bien ciblée parce que ces êtres sensibles ont la réplique habile, le verbe haut, et comme on dit généralement, la « langue bien pendue ». On voit par là que l'Homme de Bellac se « mérite », on ne le traque pas ! Si des circonstances on ne peut plus propitiatoires vous le font rencontrer, vous le reconnaîtrez facilement : il porte le front bas rehaussé d'arcades sourcilières généreuses qui, si on s'y attarde, confèrent à son profil qui cherche en permanence la monnaie, quelque ressemblance avec celui de l'aigle. C'est qu'il vole, comme lui, à de ces hauteurs qui sont l'ordinaire de ce noble animal ! inutile en l'occurrence de préciser qu'il a l'œil vif tout à fait apte à repérer, à des distances auxquelles vous n'oseriez prétendre, le moindre déplacement des points d'assemblage de son environnement familier. Il est attentif à tout et rien apparemment ne saurait le surprendre tant il partage avec les chats certaines aptitudes d'agilité et une patience à toute épreuve.

Si d'aventure vous le croisez, sachez que c'est lui qui se sera arrangé sans qu'il n'y paraisse pour se trouver sur votre chemin ayant senti d'instinct que vous étiez du nombre à lui porter quelque intérêt. Chemin faisant, entré familièrement en confidence, il vous révélera d'un verbe saccadé et truculent, et sans que vous n'ayez besoin de le pousser, les petits secrets de son territoire et les habitudes de ses sujets sur lesquels, à leur insu, il règne en maître.

« Ah ! pouvoir un instant, un instant seulement percer le secret des simples ! sonder les fêlures de leur crâne par lesquelles s'expriment les dieux et en leur compagnie  tutoyer les anges » ! Voilà ce que vous vous direz peut-être après l'avoir quitté, le regrettant déjà.

Contrairement à celui de Néanderthal ou au vieil homme de Tautavel, l'homme de Bellac n'a pas d'âge. Il semble que le temps se soit arrêté tout bonnement sur sa personne à l'âge qu'il a : celui de l'éternelle jeunesse. Façon de dire que l'homme de Bellac est intemporel, qu'il ne relève pas du temps mais du seul espace vital de son petit monde auquel appartiennent l'église, les terrasses et la rue du Coq. Ce royaume, il l'arpente toujours vêtu du même uniforme : casquette de coureur cycliste, pantalon de survêtement, chaussures de sport, pull ou blouson selon la saison. Mais ce qui le singularise plus encore que son habit c'est ce qu'il tient en permanence sous le bras gauche, ployé dans un sac en nylon, qu'il ne s'autoriserait à poser pour rien au monde dès lors qu'il à quitté son toit pour sa tournée... Que tient-il de mystérieux, si dévotement pressé sur son cœur, l'homme de Bellac ? Sa marotte ? L'aurai-je vu ce qu'il porte, m'appartiendrait-il de le dévoiler ?

Ce qu'il tient je ne l'ai pas vu, mais on me l'a dit... quelqu'un dans la confidence ! Alors je vous le livre tel quel, sous toutes réserves : François tient les « starting-blocks » avec lesquels en son temps il remporta sur le stade certain critérium qui le rendit célèbre. Ce prolongement de lui-même, qui doit veiller à son chevet, c'est tout ce qui lui reste de familier passé au stade de reliques. N'étant point destinées au regard profane, il faut être en intelligence ou recommandé pour qu'il consente à vous les dévoiler ! Par contre, il ne se fera pas prier pour vous chanter « l'Aventura », du moins le refrain ; il vous demandera même de le noter... Lui sait très bien à quoi s'en tenir sur le chapitre et son évaluation ne varie pas : 16 ! Vous la confirmerez, ou en rajouterez un peu selon... sans trop forcer toutefois, parce qu'il n'est pas dupe ! Et comme à ses heures il courtise les muses, demandez-lui à l'occasion quelques poèmes de son cru, ils vous surprendront, sinon par la rime, du moins par la précision et souvent la justesse avec laquelle il peint les caractères humains de son petit monde...

« Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle... », je songe à l'homme de Bellac, je sais qu'il se promène non point au-dessous, mais au-dessus des nuages de plomb... qu'il se trouve à des encablures du rivage des mesquineries du siècle et des moqueries des gens, que tout l'intéresse et qu'un rien l'occupe et le miracle, c'est qu'il trouve l'aventure sans prendre le large, tout simplement, rien qu'en  traversant le caniveau des ruelles aux plis sinueux qui sont l'ordinaire de son royaume...

 

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