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06/12/2009

TELETHON

Chaque année, quand arrive le « Téléthon », j'ai toujours le même sentiment : celui de la mendicité publique institutionnalisée par le chantage à la douleur; douleur d'autant plus odieuse qu'elle touche l'enfance. Ainsi fait-on d'une pierre deux coups en culpabilisant Jacques Bonhomme sur les deux tableaux, en sorte que ce serait vraiment un salaud et un fieffé, s'il ne mettait la main à la bourse ! Je ne peux m'empêcher de penser, en notant ce trait, à un autre Jacques, Crozemarie celui-là ! Ca vous dit quelque chose ? Je le verrais assez bien sur fond d'écran Téléthon, aligner sa grosse gueule de tartuffe pour soutenir le grand matraquage médiatique sponsorisé par ceux qui veulent se donner bonne conscience. Qu'il faille combattre les maladies, toutes les maladies et il s'en trouve de très pernicieuses, personne ne le contredira. Pour ma part, je pense que c'est à l'état de le faire, ou a des mécènes qui pourraient se recruter, par exemple, dans le cartel de la pétrochimie ou celui de l'industrie pharmaceutique... Force est de constater qu'ils préfèrent s'en mettre plein les fouilles, c'est comme ça qu'on les aime !... et on en redemande ! Songeons à ce propos à ce qu'a coûté au contribuable taillable et corvéable à merci, le stock des quatre-vingt-quatorze millions de doses destinées soi-disant à combattre la dernière-née de maman grippe. On a tout lieu de craindre qu'elles ne serviront sans doute pas à grand-chose, ces doses, sinon à rendre malades, et fort durablement peut-être, des gens qui ne l'étaient pas forcément avant que de les recevoir.

La mendicité du Téléthon m'est d'autant plus odieuse qu'elle est cautionnée par les maîtres à penser du moment, tous cénacles confondus, et les figures de proue du Show-biz. A tout prendre, je préférerais, et je le dis tout net, qu'on ponctionne directement par le biais des impôts, disons une quote-part, destinée à financer la recherche. Ce serait moins vulgaire ! Quand on songe à ce que récupère l'état grâce aux contraventions et autres amendes issues d'un usage détourné du code de la route ; quand on sait ce qu'il engrange résultant de taxes de toutes catégories (le dernier amuse-gueule étant la taxe carbone) ; quand on imagine ce qu'il récolte au travers de la Française des jeux, la Loterie Nationale et autres pièges à gogo, ça laisse rêveur ! Quant à savoir à quoi sert tout ce fric, il n'est que de se promener sur la toile pour trouver des gens tout à fait renseignés qui vous en donneront un aperçu.

A force d'entendre pleurer sur les ondes et de se dire qu'on est de ces salauds qui ne participent pas à la grande fête des cœurs on en arrive au constat suivant : le pays se divise en deux ; d'un côté les ordures, de l'autre les bonnes gens...

Eh bien ! je pense moi, que les braves gens n'ont pas attendu qu'on le leur dise pour aider leur prochain; et  j'en sais un certain nombre qui dans l'ombre, visitent les pauvres comme on le faisait au Moyen-Age, les approvisionnent directement ou y pourvoient par le moyen des associations de quartier qui collectent des vivres et des vêtements. Ces anonymes ne demandent à personne un certificat de bonne conduite et ne se font, pour beaucoup d'entre eux, aucune illusions sur la charité publique et la générosité affichée par le biais du chéquier.

Quand l'état en est rendu à utiliser ses médias pour mendier de la main droite l'argent qu'il vole de la main gauche, c'est qu'il est descendu bien bas... à de ces profondeurs espérons-le d'où il ne remontera pas.

Méditez en conclusion cette petite iconographie qui illustre mon propos, elle vous en dira long !

 

La télé, c'est eux,

 

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Et le thon, c'est vous !

 

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05/12/2009

PARTAGE DE LA PITIE

J'ai vu hier au soir en rentrant, comme dans un tableau, un tableau de la cruauté, une vache et un pommier dans un mauvais cadre, celui de la fin d'une zone industrielle sous une pluie battante. Je venais de me faire doubler par un gros 4x4 rempli d'une famille de polygéniteurs. Le pommier était aux trois quarts arraché, penché à l'extrême sur un bourbier où achevaient de pourrir ses pommes ; la vache, une limousine efflanquée, était plantée en vis-à-vis, emplâtrée de fange au bord du bourbier, elle attendait. On avait coupé ses cornes, mal, à mi-longueur comme on le fait ordinairement, dans un siècle où l'on ne veut plus de cornes aux vaches, plus de bogues aux châtaigniers, plus d'épines aux rosiers. Derrière la scène, un mauvais pré remontait en pente raide en direction d'un lotissement... Cette bête me fixa quand, arrivé à sa hauteur je ralentis, et bizarrement, outre le fait que je pensais en la regardant aux abattoirs alimentés quotidiennement par ses congénères pour nourrir les carnassiers et les polygéniteurs, par association d'idées me vint à l'esprit l'étrange tableau d'Evariste-Vital Luminais : « Les Enervés de Jumièges »...

 

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Cette toile emblématique  est à Rouen, au Musée des Beaux-Arts ; elle résume pour moi la condition humaine et par extension celle du vivant tout entier. On y voit deux hommes allongés dans un bac à la dérive sur la seine ; ils sont adossés à des coussins et recouverts d'un tapis qui tombe dans l'eau... L'un d'eux laisse pendre un bras comme s'il allait plonger ou venait de retirer sa main du fleuve, on ne sait pas ; l'autre a les mains ramenées sur son ventre, au-dessus du drap qu'on dirait qu'il retient. Les pieds et une partie des jambes du premier sortent de dessous le tapis ; ils sont enveloppés de bandelettes comme ceux d'une momie. Ces deux suppliciés ont été « énervés » : on leur a, selon la coutume du temps appliquée à la trahison, scié les jarrets pour en arracher les nerfs... La scène paraît figée et l'eau morte, les regards, fixes, paraissent figés eux aussi, pour l'éternité. Devant une telle toile, « même l'horreur tourne aux enchantements », sans doute parce que l'horreur est suggérée plus qu'elle n'est montrée. Le tableau, présenté au salon de 1880, est mal reçu et tourné en dérision par la critique du temps, néanmoins il trouve des défenseurs qui n'ont pas été sans saisir en le détaillant toute la force émotionnelle et l'inquiétude contenue qui s'en dégage. Et c'est vrai qu'on se sent suspendu en permanence entre deux choix en sa présence : celui de la vie et de la mort, de la révolte et de l'abandon, de la colère et de la paix. Et d'ailleurs, le bac s'approche-t-il ou s'éloigne-t-il ? Torture ou béatitude ?

Il existe deux versions du tableau ; il est probable que celle de Rouen soit l'œuvre d'atelier et la toile exposée à Sydney la version du salon. Quoi qu'il en soit, elles ne diffèrent que dans les couleurs, les visages des personnages et le luminaire-reliquaire placé au pied de l'esquif. C'est suffisant toutefois pour leur donner deux dimensions équivoques : celle de Sydney est demeurée du côté des ténèbres, celle de Rouen aborde la lumière. C'est qu'il revêt plus d'importance qu'il n'y paraît, ce « pompier » luminaire entouré de roses, et à bien observer la flamme de la bougie, on voit que le vent (le souffle) vient de la terre plutôt que du fleuve : sont-il arrivés à bon port ?

On sent combien cette œuvre, qui tire son origine d'une légende des temps mérovingiens, celle des fils de Clovis II châtiés pour trahison, est emblématique en ce qu'elle résume la puissance du destin et devant elle, comment ne pas songer à ses vers de Lamartine :

 

« Ainsi tout change, ainsi tout passe ;

Ainsi nous-mêmes nous passons,

Hélas ! sans laisser plus de traces

Que cette barque où nous glissons

Sur cette mer où tout s'efface. »

 

Revenons à cette vache puisque c'est parti d'elle. Il m'a semblé qu'elle attendait là, devant ce trou rempli d'eau, depuis des mondes d'années, patiente. Et à la considérer, cette patience, j'ai mesuré combien elle semblait proche de celle des suppliciés de Luminais, des malades et des pauvres gens, de ceux qui n'ont rien d'autre à attendre de la vie que le secours de la grâce ; qu'elle confinait à la résignation en attente de la délivrance. Et je me suis dit que c'était peut-être ça après tout la condition humaine : l'apprentissage d'une longue patience avant la chute ou le lever du rideau, comme on voudra.


On consultera avec profit le petit livre de Dominique Bussillet : « Les Enervés de Jumièges », éditions 2007, Cahiers du Temps, Cabourg.

 

 

 

04/12/2009

OU VONT LES VILLES ?

« Tous les chemins vont vers la ville... »

Emile Verhaeren, « Les villes tentaculaires », Mercure de France.

 

« Ces Métamorphoses de la banlieue sont à la fois le reflet de notre impuissance individuelle et celui de l'impuissance collective des puissants. Je sais pourtant qu'en dépit d'un certain refrain, rien n'est « irréversible». Si je ne le savais pas, je renoncerais sur-le-champ à dénoncer les erreurs ou les horreurs de la civilisation dans laquelle nous sommes engagés.

... Voilà beaucoup de gémissements préliminaires... Ils me seront, une fois de plus, sévèrement reprochés par les tenants, fervents ou résignés, des « mutations », réputées inéluctables, du siècle qui s'achève. Le « refus de la vie »...la « macération dans la nostalgie »... Habituels griefs que formulent, à l'encontre des passéistes dont je suis, ceux dont je ne veux pas être, qui acceptent à peu près tout ce que le destin leur propose ou leur impose...

Remettre en cause le phénomène monstrueux de la banlieue de Paris, c'est désigner le mal là où il s'est fixé comme un cancer qui n'alarme pas moins les hérauts du passé que les docteurs du présent. Pour des raisons diverses et parfois contradictoires, n'est-ce pas l'avenir qui, les uns et les autres, nous effraie ? L'effroi qui se manifeste, nous savons qu'il a l'âge de notre contre-civilisation. »

Yvan Christ, « Les métamorphoses de la banlieue parisienne », Balland 1969

 

De tout temps et en tous lieux les villes ont changé de visage, et parce que ce sont des agrégats, leur configuration est impermanente. C'est une évidence qui n'a point besoin d'être démontrée ; une bonne connaissance de l'Histoire et l'examen d'archives et de photographies anciennes suffisent pour s'en rendre compte. Cela étant, force est de reconnaître que certaines ont subi plus que d'autres l'outrage des ans et le vandalisme des hommes. Question de « civilisations » me direz-vous ? sans doute. Et à ce propos, il n'est que de constater où en est rendue la nôtre pour apprécier les dégâts ! Quel autre idiome parlera mieux pour l'exprimer, que la « novlangue » de Big Brother: « l'erreur, c'est la vérité ; le beau, c'est le laid... » ? Qu'importe n'est-ce pas puisque tout, un jour ou l'autre disparaîtra ? Voire... je suis enclin pour ma part à penser qu'Il restera toujours quelque chose, « de la forme et l'essence divine de mes amours décomposés ! »...

Qu'il se trouve encore, quelque part dans un coin du monde, des villes pour ainsi dire « sanctuarisées », c'est possible ; c'est même probable, mais leurs jours sont comptés : tôt où tard le grand bouleversement  les emportera qui partout nivelle, banalise, uniformise au nom de la sacro-sainte trinité « banque-béton-bitume » à grand renfort de matraquage publicitaire (Hollywood sur le Potala...). A terme -et nous y sommes- son objectif est de régner sur le grand « bazar » urbain transformé exclusivement en espace de chalandise pour consommateurs décérébrés. A ce chancre pire que le mal caduc, la lèpre et le choléra réunis, il ne me paraît de remède, à bien considérer la chose, que dans l'effondrement général et sans retour du système à tuer les peuples qu'est devenue l'économie globale mondialisée. Souhaitons que ce cataclysme antédiluvien emporte avec lui les maîtres à penser et les serviteurs du monstre qu'ils ont gavé, qui nous dévore sans états d'âme. Evidemment, ça fait du monde ! Et ça risque d'en faire davantage encore à cause de l'effet de proue qui s'en suivra, ou des dégâts collatéraux comme on dit... C'est peut-être ça, après tout, l'issue de la crise... peut-on savoir ? C'est comme d'une balance en déséquilibre : quand l'un des plateaux est chargé et l'autre vide, elle penche d'un côté, forcément ; libérons la charge, elle retrouve d'elle-même son équilibre, c'est une loi jusqu'à présent incontournable de la gravitation universelle.

En attendant, et pour revenir à notre propos, n'importe quel esprit demeuré saint (il doit s'en trouver encore quelques-uns ayant échappé au conditionnement généralisé du totalitarisme marchand), s'il se promène dans Paris, ressentira au fil de sa marche une tension, une oppression et un malaise, nés d'un déséquilibre engendré par le sentiment de se trouver en « porte-à-faux » dans une ville souffrante qu'il ne reconnaît plus.

Souffrante parce qu'amputée chaque jour d'un de ses membres, éventrée allègrement, cautérisée de toutes parts, rapiécée de bric et de broc à la va-vite sans soucis de cohérence ni d'unité architecturale, transformée enfin, en une gigantesque mégalopole que plus rien ne distinguera des autres...

 

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Rappelons-nous : « Sarcelle » était un nom d'oiseau... La forêt de Bondy alignait ses chênes aux portes de la capitale... La voie royale portait à Saint-Denis sous une voûte d'arbres centenaires... Baltard couvrait le cœur de Paris... Que voit-on à présent, à leur place ? Partout des barres et des tours criminogènes où il eut été salutaire, dès leur sortie de terre, de pousser à grands coups de pompes dans le cul, pour qu'ils y vivent et qu'ils y meurent, ceux qui les ont conçues et commandées; et, dans le trou des halles, l'inqualifiable « forum » apothéose de la société de consommation, étalage de toutes les médiocrités et malfaçons en matière d'architecture et d'urbanisme. Cette incongruité, à peu près du même ordre que l'Opéra Bastille, est une pompe à fric qui le dispute en ce domaine au centre Pompidou ou à la « pyramide » du Louvre, insulte à celle de Kheops, qui n'a rien à faire là où elle se trouve tout comme la quincaillerie de l'Opéra de Ott. Pourquoi ? Mais parce que la cour du Louvre, au même titre que la Place de la Bastille, étant achevée se suffisait à elle-même ; et puisque l'architecte du temps l'avait voulue telle, il convenait de la respecter.

Voilà ce que produit le siècle et comment il fonctionne : il faut être aveugle et avoir perdu tous repères pour ne pas le ressentir dans sa peau, viscéralement... Rien de nostalgique là-dedans, pas de référence au « bon vieux temps », nuls regrets, seulement  un constat, un constat tranchant comme un glaive : on ne sait plus faire la ville, ni l'ordonner ni l'entretenir. Et si par quelque miracle, un projet remarquable voit le jour quelque part, notez qu'il est bientôt balayé par la vulgarité d'un autre, qu'un aménageur sans scrupule aura posé là, sans soucis du voisinage.

Ce qui est vrai pour Paris l'est pour toutes les capitales régionales, pour ne parler que du seul hexagone ; on n'en finirait pas d'énumérer les catastrophes : elles sont de l'ordre de Mériadec à Bordeaux, épouvantable empilement de détritus en béton et de placages agressifs clinquants et vulgaires témoignant à quel stade nous en sommes rendus de « l'art urbain » ! Quant aux formes, on se demande où le maître d'œuvre est allé les chercher ! Assurément pas dans l'Art de bâtir et les principes de la section dorée ! On n'en finirait pas d'énumérer ces épouvantails qui font peur même aux oiseaux ! Les cancers qui rongent le centre de Bourges ou les abords de la cathédrale de Rouen sont du même ordre à échelle réduite, tout comme l'église de la place du vieux marché consacrée à la mémoire de la Pucelle qui nous fut belle d'audace et de courage. Elle méritait mieux...

Elle a un nom, cette idéologie de la table rase grassement financée à coups de deniers publics. Parrainée et voulue par les élus locaux, sans aucun soucis de continuité  du tissu urbain, sans respect du caractère et du vocabulaire architectural du bâti existant, sans prise en compte des accompagnements d'arbres, des sols anciens et de la disposition des espaces ouverts, elle sévit partout, on l'appelle : la « rénovation urbaine ».

A grands coups de gueule, on la justifie en avançant les concepts de « modernité » et de « développement durable ( !) » qu'on oppose à celui de passéisme (le mal absolu !) sans se rendre compte qu'on est passé d'un monde porteur de sens à un monde de signes dilué dans un bouillon culturel où tout vaut tout, alimenté par les discours lénifiants des maîtres à penser du moment. Rien que de normal là-dedans, dès lors que règne la quantité, aurait dit Guénon. Il ne faut donc pas s'étonner si nos villes sont traitées de la sorte en supermarchés desservis par des voies routières qu'il devient périlleux de traverser à pied ! Quand l' espace se privatise chaque jour davantage, quand les banques , les sociétés d'assurance et les commerces de luxe se taillent la part du lion au détriment de la convivialité de ceux de proximité, quand la minéralisation des sols partout l'emporte sur les parcs publics et les boulevards arborés, rien d'étonnant à ce que les « usagers » (vocable qui en dit long...) se comportent en ludions dangereusement irresponsables.

On a souvent cherché l'origine de cette dégradation dans l'industrialisation et les progrès techniques ; elles n'expliquent pas tout, on le verra par exemple en feuilletant le numéro 25 de la revue « Paris Villages » de Rémi Koltirine consacrée en partie au « Rationalisme » en architecture. Cette dégringolade, il faut plutôt la traquer dans la faillite des « élites », le vide culturel et l'absence de sensibilité des maîtres d'ouvrage, la déqualification des entreprises et le pouvoir illimité du gros argent.

Le pic n'est sans doute pas atteint, et le processus commencé dans les années soixante risque d'avoir encore de beaux jours devant lui ! Tant qu'il y aura du fric à faire, au prix où en est rendu le mètre carré au cœur des métropoles, on a tout lieu de craindre que ce que nous a laissé le dix-neuvième siècle ne serve plus qu'à combler les vallons des périphéries urbaines où coassent encore quelques grenouilles et où dansent les libellules... A ce propos on consultera avec intérêt le site « decroissance.info » et particulièrement la suite de Jean-Marc Sérékian : « Un jardin de la France en béton armé ». Ce qui est vrai pour la ville de Tours l'est assurément pour beaucoup d'autres.

En un temps où les architectes ajoutaient à l'enseignement de Centrale celui de l'Ecole nationale des Arts décoratifs et concouraient au prix de Rome, c'est pas si vieux, on pouvait s'attendre à des projets qualifiants intégrés dans leur milieu sans rupture ni rejet de greffe. Quand il s'agissait de commandes publiques on produisait des œuvres à la hauteur de ce qu'avaient bâti les prédécesseurs, elles pouvaient alors s'afficher sans crainte de porter atteinte au site, qu'il soit naturel ou bâti. Elles répondaient à ce qu'on est en droit d'attendre d'une œuvre d'art.

 

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Admirons ce qu'ont laissé les Tony Garnier, les Auguste Perret, les Fernand Pouillon, les frères Niermans et comparons avec  ce qu'osent pondrent aujourd'hui la plupart de leurs prétentieux confrères, souvent à coups de passe-droit, de pots de vins et de prébendes... l'Histoire jugera. Non point qu'il n'existe pas d'œuvres réussies, il y en a, mais elles disparaissent dans la tourbe des productions standardisées et celles résultant d'égos hypertrophiés. On peut penser que l'arche de la Défense soit une prouesse de technologie, mais dans son contexte fourre-tout, elle ne signifie rien. Et d'ailleurs quel intérêt y aurait-il à se promener sur ce site entièrement dévolu au trafic, au tertiaire et aux affairistes ? où les infrastructures et les superstructures n'ont plus rien d'humain ? Voilà la ville d'aujourd'hui, qu'en sera-t-il de celle de demain ? Tout porte à croire, au train où vont les choses qu'elle sera pire, à moins, à moins que le « système » qui commence à s'effriter, ne vole en éclat mais ça, c'est une autre affaire.