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24/12/2009

THAUMETOPOEA PITYOCAMPA

 

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source photo: "Wikimédia"

Thaumetopoea pityocampa c'est, en latin, le nom de la chenille processionnaire du pin, celle dont un papillon nocturne pond les œufs et d'où sont issues  les larves qui se développent dans ces gros nids un peu inquiétants qui pendent parfois aux branches des pins... Il semble, quand elle se décident à sortir de leur abri douillet, que rien ne puisse les arrêter dans leur marche en avant. En fonction des conditions climatiques, certaines années sont plus propices que d'autre au développement de leurs colonies ; le certain, c'est qu'elles sont invasives et que la France pour sa part leur a déjà concédé plus de la moitié de son territoire ! Elles pourraient, à terme, s'avérer redoutables si l'on n'y prenait garde, ou si, pour des raisons qui nous échappent, il leur prenait envie de muter en on ne sait trop quoi de carrément apocalyptique...


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source photo: "Voyages-étrange"

Vu du ciel, la Grande Muraille de Chine fait un peu penser  aux processionnaires en mouvement, et plus on prend de l'altitude, plus la comparaison s'affine. Au-delà de la prouesse architecturale qui en impose, et de la beauté du paysage, la Grande Muraille est sans doute la construction la plus importante qu'on n'ait jamais édifiée sur terre en masse de matériaux assemblés. Assurément elle n'a pas volé son appellation de « Merveille du Monde » et nous confirme s'il le fallait, qu'au Levant, on n'a jamais fait dans le mesquin ; qu' on n'a jamais ménagé l'effort, ni épargné les vies pour parvenir à ses fins. Qu'on a en somme, toujours eu de la suite dans les idées, en couvant au fond de soi qu'on serait peut-être un jour, les maîtres du monde...

Tenez, à ce propos, et pas plus tard que ce matin, je viens d'entendre sur les ondes que les chinois rachèteraient Volvo ; rien qu'une très banale affaire de marché me direz-vous, sans doute, mais une bonne, parce que si elle se fait, ils se l'offriront probablement moins cher et de beaucoup, que ce qu'elle avait été, précédemment achetée par Ford. Si l'affaire se règle, comme il est prévu, au début de l'année 2010, ce sera pour l'acheteur une bonne transaction non seulement pour ce qu'elle pourrait lui coûter (il offrirait 2 milliards de dollars, alors que Ford l'avait acquise 6,4 milliards en 1999), mais surtout pour ce qu'elle risquerait de lui rapporter, tant la firme semble en bonne santé dans sa catégorie quand on la compare à ses concurrents.

Comme la Chine est devenue, depuis l'effondrement du marché intérieur des USA, le premier marché du monde, on imagine ce que seront demain ses ambitions, au train où vont les choses ! D'autant qu'elle est en train de se refaire une santé, et quelle ! Le Figaro nous apprend que les réserves d'or de sa Banque Centrale ont augmenté de 76% depuis 2003 et qu'elle envisage un plan massif de rachat d'or susceptible de faire passer ses réserves des 1054 tonnes actuelles (31 milliards de dollars) qui la placent au cinquième rang, à 3000, voire 5000 tonnes au travers d'un plan massif de rachat d'or qui l'emmèneraient au second rang derrière les Etats-Unis (8000 tonnes).

 

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Ayant libéré le marché intérieur de l'or, elle entend peser sur ceux  du dehors en intégrant la bourse de Shanghaï aux marchés internationaux. Elle arrive au premier rang des producteurs d'or (270t.), devant l'Afrique du Sud qui en détenait depuis longtemps le monopole. Compte tenu de ce qu'elle a investi en achat de bons du trésor américains (744,2 milliards fin mars) devant le Japon (661,9 milliards) il reste encore quelque marge avant qu'elle ne se paye le luxe de s'offrir une OPA sur les Etats-Unis. Toutefois, il n'est pas interdit de rêver, les Chinois ont pour eux le nombre et l'apanage de la patience qui est une vertu de sang-froid laquelle, plus que jamais nécessaire dans ce monde où tout va si vite, où tout se joue sur l'échiquier, décidera pour eux de savoir à qui appartiendra le monde de demain. Alain Peyrefitte, Hélène Carrère-d'Encausse et certains autres au compte desquels il faut porter Céline l'avaient bien compris. La boutade de ce dernier serait-elle prémonitoire ? qui les « voyait » défiler « si dense et si épais qu'on verrait plus ni chemins ni route »...

 

 

 

 

23/12/2009

SALUT AUX COUREURS D'AVENTURES

 

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Illustration d'Ivan BILIBINE

A la question reprise par Heidegger dans son « Introduction à la Métaphysique » (1): « Pourquoi donc y a-t-il l'Etant et non pas plutôt Rien ? », substituons un instant celle-ci : « Pourquoi donc manifesté-je à présent ce Monde plutôt qu'un autre ? ». Elle vise, dans la perspective solipsiste, formulée par Ladislav Klima (2) au sujet du « problème mondial », à transgresser l'interdit de la déchirure de l'écran où se joue la farce de nos représentations, en posant la possibilité d'un « contournement » de la manifestation.

La prise de conscience de l'émergence de l'étant (et l'éventualité de sa disparition fantomatique en dépit du paradoxe de sa solidité apparente) peut mettre sur la voie, tout en sachant qu'on ne soulève pas impunément le voile d'Isis.

La sensation qu' on peut avoir, d'être captif de l'immensité tentaculaire d'un monde contingent favorise, sans qu'on l'attende, le « renversement », et fait en sorte que quelque chose, comme un voleur, vienne se glisser dans la faille pour ébranler nos certitudes, en brisant la chaîne qui nous entrave et muselle nos velléités de croqueurs de pommes. On ne saurait trop ouvrir les yeux, ni les oreilles, parce qu'il n'y a rien de plus trouble ni de plus obscur en effet qu'un monde borné à ce qu'il nous est donné de voir et d'entendre le matin, au réveil.

L'assurance qu'on a d'être éveillé, alors qu'on reste, comme le répète Gustav Meyrink (3) « prisonnier du sommeil », nous cache la nature du réel et fixe la limite de notre horizon aux modèles qu'on nous a enseignés. Dès lors, la représentation du monde n'apparaît plus que comme une collection d'objets mémorisés, plus ou moins interchangeables, qui sont autant de pièges, étalés sur les tréteaux d'un démiurge insaisissable. Ce panorama, « dressé par les sens dans la conscience » (4), dont on pourrait croire qu'il change en fonction de nos particularismes sociaux qui en déforment à peine les contours, se renouvelle quotidiennement en imprimant la marque de l'usure dans la chambre noire de notre cerveau ; à peine l'entropie en accélère-t-elle le processus de décomposition. La seule issue que nous pourrions trouver dans le fouillis de nos raisonnements n'est qu'une impasse au fond de laquelle nous aurons tout loisir de pourrir avec les décombres de la pensée, prisonniers du temps et de nos projections.

C'est un autre chemin qu'il convient de prendre, du genre de ceux qui s'enfoncent au milieu des bois « dans le non frayé » (5) qui laissent croire qu'ils ne conduisent nulle part. C'est le sentier du « guerrier » et du « rebelle » qui reste sur ses gardes et se nourrit de révoltes et d'abord contre soi-même, la « personne », c'est-à-dire le « masque », et contre tout ce que ce masque a fabriqué à l'insu du combattant qui se lève, de faux appuis et de faux frères. Ce chemin est étroit et plein d'embûches, jonché de spectres et de cadavres ; à l'évidence ce genre de route n'est pas fait pour la multitude qui chemine au hasard des transhumances, vers la chaleur accueillante de l'étable, prélude des abattoirs. C'est une piste de guerre plutôt que de promenade, où l'on avance en vigilance, à la manière du Cavalier Bleu (6), en louvoyant, guidé par l'appel d'une voix à peine audible et dont on reconnaît le timbre, au fur et à mesure de la progression ; ce n'est pas la voix de la raison des hommes, ce n'est pas non plus celle de leurs folies.

Ceux qui ont foulé ces terres savent que seule « l'âme douée de la constitution la mieux trempée et de l'astuce la plus granitique ose s'aventurer dans ces contrées... » (7). Chercher la cause de cet engagement autre part que dans l'obsession viscérale de la fuite du temps et le refus de la soumission serait manquer de lucidité. Elle procède de notre crainte de voir le monstre l'emporter finalement sur nous et par là, nous donne des ailes, et l'aptitude de vendre chèrement notre peau.

 

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A. DURER

 

Le « guerrier » (8) ne meurt pas de la mort ordinaire ; il s'y prend à l'avance. Voilà pourquoi il s'observe comme son propre ennemi, et commence par déranger les strates discordantes de la conscience, qu'on peut assimiler à l'empilement des couches géologiques où se rassemblent à la faveur des failles, des résidus et des dépôts qui peuvent être de précieux auxiliaires.

Celui qui entreprend le voyage doit aiguiser sa sagacité, affiner ses facultés de discernement, ne pas relâcher l'attention, et nourrir la foi du charbonnier car l'ennemi rusé l'emportera, aussi longtemps que l'ego restera complaisant avec lui-même. Il doit donc entretenir ce « feu » qu'évoque Gurdjieff (9), sans l'aide duquel aucune fusion ne peut être obtenue, susceptible de changer le monde intérieur en un tout ; voilà pourquoi il est dit que l'homme doit être prêt à tout sacrifier et à tout risquer pour sa libération. Klima, à travers le concept de la « Volonté absolument commandante », ne vise rien d'autre. Le feu, c'est la volonté gouvernée à parts égales par l'intuition et la raison du Sage, laquelle peut paraître déraisonnable aux yeux des hommes. Ainsi armé, le « Noble Voyageur » méditera ces deux versets tirés du « Message Retrouvé » (10), qui l'aideront mieux qu'une carte topographique à orienter sa marche :

«  C'est le monde du dedans qui changera premièrement,

ensuite, le monde du dehors sera aussi fait clair et beau. » (XX/48')

«  Tout ce qui est véridique au-dedans est aussi valable

au-dehors, car les deux ne font qu'un en trois. » (III/65')

Fort de ce qu'il en aura tiré, il puisera dans sa propre terre la matière de son Œuvre Royal pour trans-former le monde en vertu des lois de réciprocité qui le régissent et en ouvrent l'accès. Car ce monde fugace, constitué d'agrégats frappés du sceau de l'usure et de la corruption, doit par sa nature même disparaître un jour dans le chaudron du Cosmocrator pour renaître, tel le phénix, épuré de toutes scories.

Ceux qui, venus d'horizons divers, ont traversé ces landes phénoménales à priori inhospitalières, s'accorderont sur la pertinence de l'observation de Klima :

« Voici le chemin de la liberté ! ne se laisser décourager par rien, ni par ses propres doutes ni par les absurdités les plus colossales, moins encore par le ricanement des imbéciles » (11).

Le prix de la liberté implique non seulement qu'on s'affranchisse de l'emprise des passions, mais aussi de celles des croyances et des espérances profanes fabriquées par les fantômes d'un vaisseau qui coule et qui est celui du vieux monde qui nous a vu naître. C'est donc la marque d'un esprit libre que d'échapper à l'influence des opinions humaines ; et c'est bien ici qu'achoppent les raisonneurs, les lourdauds et les rêveurs qui s'obstinent à croire que quelque chose va se mettre à changer sous le soleil uniquement en raison de l'idée qu'ils se font d'eux-mêmes et de leurs mérites personnels. Tout ce qui arrive, dès l'instant qu'on est sur la piste, arrive à dessin ; et l'arpenteur d'âme reconnaîtra les signes de son changement à proportion du soin qu'il aura mis à balayer les écuries d'Augias.

La fable des religions et leur morale d'esclave, celle de tous les cénacles occultistes ou spirites et leurs expériences naïves, les intrigues et les complaisances des loges, les délayages des « spiritualités »assaisonnées à la sauce « New-âge », tous ces périphériques satellisés, ont grandement contribué à transformer en plomb l'or initial du feu qui nous anime. Aussi est-ce une grâce, que d'échapper à la succion de la lune et de ses épiphytes ! N'étant plus soumis aux tentations du monde, ayant fait table rase des interdits et réglé son compte au ressentiment, le Noble Chevalier, seul au monde, pèsera le poids des mots et des sentences humaines et le comparera à celui des cendres de ses souvenirs. Il accomplira son parcours par les chemins de traverse en considérant l'obstacle comme le bienvenu. Il verra, comme il est dit dans la « Marelle » (12), « toute chose futile avec gravité et toute chose grave avec futilité », ainsi les épreuves à affronter seront-elles autant d'occasions de le réconcilier avec lui-même.

Si l'ombre du doute parfois l'étreint, ce sera pour juger de sa fermeté, et si Némésis la Glorieuse (13) lui taille la route, ce sera pour lui montrer, à la manière du chacal, ce noble animal,ce qui reste à digérer de corrompu ; c'est une sage conseillère qui de bonne trempe, forgera son âme et sa volonté !

 

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Musée du CAIRE

Salut et Gloire aux Fils de la Terre et du Ciel qui ont accompli sans faillir l'Arcane et assumé le destin du Mat pour réitérer le parcours afin de cuire et recuire l'Ouvrage. Ceux qui ont remporté la première victoire sur eux-mêmes, savent ce qu'il en coûte d'efforts, et ce qu'il en est des vérités à la lettre qui ne sont pas vécues organiquement. Ils savent aussi ce que « se préparer » veut dire, faute de quoi, ils couraient le risque dans l'entreprise de s'enfoncer dans les sables mouvants des illusions de la pensée qui sommeille. La préparation est à l'esprit ce que l'armure est au corps ; elle nécessite patience, ténacité, courage et intelligence et commence par « l'observation de soi », qui doit s'effectuer sans complaisance, dans tous les actes de la vie.

C'est la lutte contre les habitudes et tout ce qui s'y rattache qui confère la maîtrise des fonctions de la « machine humaine » (14). Tout ce qui identifie l'homme aux circonstances qui l'emprisonnent doit être tranché sans faillir, à l'instar du combat d'Hercule avec l'Hydre.

Voilà ce que nous livre le Message Retrouvé, vers lequel nous nous tournons encore, qui résume bien la tâche :

«  Le seul travail qui compte véritablement est le travail

sur nous-même. Le reste set un pis-aller provisoire

consenti aux nécessités de nos vies prisonnières. » (XVI/20)

«  Toutes les habitudes mènent à la mort. Le ronronnement

et l'assoupissement des cloîtres sont autant à craindre

que les tentations du monde. » (IV/45)

Les Coureurs d'Aventure ont commencé par-là, chacun dans leur coin du monde, comme les pionniers du Grand Nord canadien des romans de James Oliver Curwood (15), ou ceux de l'épopée johannique ; saluons en eux les montreurs du chemin et lançons nous sur leurs traces, il y a des chances, quand ils se retourneront, que nous reconnaissions leur visage...

 

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Départ de Vaucouleurs, (Illustration J.BOUTET de MONVEL)

 

(1)         Martin Heiddeger : Introduction à la Métaphysique, éd. Gallimard.

(2)         Ladislav Klima : Je suis la Volonté Absolue, éd. Café-Climat.

(3)         Gustav Meyrinck : Le Visage Vert, éd. Du Rocher.

(4)         André Pieyre de Mandiargues : introduction au Musé Noir, éd. Gallimard.

(5)         Martin Heidegger : Chemins qui ne mènent nulle part, éd. Gallimard.

(6)         Henri Montaigu : Le Cavalier Bleu, éd. Denoël.

(7)         Ladislav Klima, opuscule cité.

(8)         Carlos Castaneda : Enseignements d'un sorcier yaqui ; Le Voyage à Ixtlan, éd. Gallimard.

(9)          Ouspensky : Fragments d'un Enseignement Inconnu, éd. Stock.

(10)        Louis Cattiaux : Le Message Retrouvé, éd. Amis de Louis Cattiaux.

(11)        Ladislav Klima, opuscule cité.

(12)        Gérard de Sorval : La Marelle ou les Sept Marches du Paradis, éd. Trédaniel.

(13)        Ladislav Klima : Némésis la Glorieuse, éd. La Différence.

(14)        Ouspensky, opuscule cité.

(15)        J.O. Curwood : Série des Romans canadiens, non réédités, éd ; Hachette.

 

 

 

11:39 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : klima, meyrink, conscience, guerrier

21/12/2009

LE CHATEAU SANS JOIE

 

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Le « Château sans Joie », bande dessinée parue en cinquante épisodes dans l'hebdomadaire pour la jeunesse « Ames Vaillantes », du 31 mai 1942 au 27 juin 1943, est dû à la plume et au talent de « Patrice ». Qui est ce Patrice dont nous ne savons rien ? Je ne l'ai pour ma part trouvé nulle part. Toujours est-il que son histoire, si bien illustrée, m'a fait rêver de longues heures dans mon enfance ; et ce n'est pas sans quelque plaisir que je m'y plonge à nouveau en « remontant le temps », elle n'a sur ce point,  rien à envier à la madeleine de Proust en vertu de pouvoir.

Ce n'est point tant l'intrigue en elle-même, que la façon dont elle est illustrée qui m'enchante. L'histoire est celle de deux enfants, Jean et Rosette Dumontier, et de leur chien Pipo. Ils ont été séparés de leur père, ingénieur en mission au Tibet, à la suite d'une inondation et se sont retrouvés, entraînés par le torrent, au cœur d'une chaîne rocheuse des plus hostile...

Après maintes péripéties, dont la chute dans un gouffre, et le cheminement dans des souterrains, ils se retrouvent en présence de Jolivet, prisonnier évadé du bagne du « Château sans Joie »...

 

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Que fait-on au château ? On produit de l'or... Et ce sont des esclaves, prélevés sur la population des autochtones du plateau, qui piochent jusqu'à épuisement le minerai sous la montagne,  pour approvisionner, par d'interminables galeries, l'énorme meule qui le broie. Nos trois héros, ne doivent d'échapper à l'accident de parcours qui les a précipité sous cette meule, que par le déclanchement de la sonnerie stridente qui marque l'heure de la pose et stoppe le mécanisme... Cet épisode, n'est pas sans évoquer celui du « Puits et du Pendule ».  Jolivet, qui s'est fait reprendre par les gardes à seules fins de sauver nos trois héros, ne doit son salut sur le bûcher que grâce au stratagème monté par les enfants. On le voit, c'est toujours sur le fil, que les protagonistes échappent à la catastrophe !

Le maître des lieux (le savant fou Simplex, avare au dernier degré), vaut à lui seul qu'on s' attarde à le détailler ; tel que l'a rendu le dessinateur, on imagine Charles Dullin dans le rôle ! Quant à son régisseur, l'ambitieux traître Kroquemir, la haine qui le ronge et la convoitise atteignent à de ces hauteurs qui nous font trouver le vieillard, à côté de lui,  presque sympathique. Bref, d'aventures en aventures, nos trois héros finissent par s'en sortir, ayant réussi à percer le secret de l'écluse, seul moyen de quitter l'immense cirque fermé au fond duquel se dresse le château. Le maître des lieux, devenu fou, s'éteint au moment où son repaire et son or disparaissent dans les flammes et l'explosion de la forteresse qui emporte avec elle  Kroquemir... « Rideau sur tout cela »...

 

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Le charme de cette histoire est porté avant tout par le trait dont Patrice l'a illustrée, je l'ai dit. Il y a du graveur chez cet artiste, du graveur sur bois : la ligne est épurée, large, généreuse. Elle est « piquante », aiguë, en dents de scie, bec d'oiseau, griffes et crocs... Autant dire qu'elle se montre agressive quand il faut. En cela elle porte comme il se doit le texte qu'elle anime. Patrice ajoute à ses talents de graphiste ceux du coloriste : les aplats sont monochromes et les encres, qui s'adaptent excellemment à leur support n'ont rien perdu de leur éclat, sans doute parce qu'elles sont restées longtemps à l'abri de la lumière, mais aussi parce qu'elles étaient de meilleure qualité que nombre de celles d'aujourd'hui. Apprécions ces bleus de cobalt, ces bleus de Prusse ces rouges garance et vermillon, ces ocres jaunes, ces verts sulfate et Véronèse... toute la palette des bruns et des noirs. Bref, il y a de la « patte », du caractère, de la vigueur... de la beauté tout simplement. Cela s'appelle le talent, comment ne pas tomber sous le charme ?

 

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