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01/12/2011

L'EMPRISE

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Tout pouvoir est despotique. Le plus obscur d’entre eux, la démocratie, à l’observer de près, constitue peut-être le fleuron des totalitarismes. Et cela, seuls les anarchistes semblent l’avoir compris. Ils ont bien vu que la caractéristique des gouvernements des démocraties parlementaires résidait dans leur esprit de système et la dérive de leurs institutions. Leur « meilleur des mondes » ne sera jamais qu’un enfer pavé de bonnes intentions et assurément l’un des plus répressifs.

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Souvenons-nous des démocrates de 89 ! Et des démocraties dites populaires de la fin du XXe siècle, donc ! Comment qu’elles prirent racines les mignonnes! Comment qu’elles furent arrosées de sang frais jusqu’à saturation ! Ah ! les salopes ! Ces pourvoyeuses de profiteurs et tyranniques assassins qui sablaient le champagne en toge prétexte sur les cadavres de la plèbe !

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Grands démocrates...

A considérer le siècle commençant, monstre ruminant la fin des nations qu’il n’en finit pas d’avaler, à considérer plus particulièrement l’Europe occidentale et les USA ce « modèle » de société avancée et de civilisation, leurs politiciens véreux et leurs épigones tous plus malfaisants et corrompus les uns que les autre, on est en droit de se demander si le suffrage dit « universel » dont ils tirent légitimité est encore le meilleur système pour parer au pire ! Rien n’est moins sûr… En laissant croire au peuple (quel peuple ?) qu’on lui donne le choix, qu’en lui permettant de s’exprimer par les urnes il reste en définitive le seul décideur, on le berne, on bafoue le contrat social et il se retrouve en définitive gros-Jean comme devant. Le curieux dans cette affaire c’est qu’il en redemande, le peuple ! Ah ! il n’est pas mûr, certainement, pour taper un bon coup du poing sur la table ! pour dire « Ça suffit ! tirons la chasse ! ».

Pour s’arroger le droit de balayer, et définitivement devant sa porte les scories de la sociale démocratie (ou de la démocratie sociale comme on voudra) et du libéralisme débridé, il faut en vouloir, se dire qu’on est encore un homme, qu’on n’attend pas l’aumône pour s’offrir une paire de couilles. Mais voilà, il est retourné, le peuple, à une forme de servitude pire qu’en les temps anciens —je veux dire de féodalité— où il restait aux croquants assez de ressort, c’est-à-dire de courage, pour emmancher les faux et les couteaux de pressoir histoire d’en découdre avec l’affameur...

L’asservissement contemporain est autrement pernicieux, bien plus insidieux que l’ancien, en cela qu’il est « volontaire ». Par conséquent, force est d’admettre aujourd’hui que le peuple s’est aliéné dans une servitude volontaire. Alors évidemment, dans ces cas-là, c’est miracle s’il se décide à secouer ses puces ! et s’il se trouve encore quelqu’un d’assez libre et courageux pour l’inciter à le faire !

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L'Opérateur céphalique

Mais de quel peuple s’agit-il au fait ? Peut-on légitimement, aujourd’hui parler de « peuple » ? Non. Et pourquoi ? Parce que les émules du Père Lustucru, comme autant d’habiles opérateurs céphaliques, en lui martelant la tête sur l’enclume de la société marchande l’ont décervelé. Ils ont transformé à coup de matraquage réitéré ce peuple, ce tiers-état naguère respectable, en masses non plus laborieuses mais « consuméristes ». Il ne faut donc, en toute objectivité, plus parler de peuple, mais de masses consuméristes. Tout comme à l’évidence il ne faut plus parler de « salaire » mais de « pouvoir d’achat ». C’est le système du gavage de l’oie.

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Ça marche tant qu’il y a de la graine, autrement dit tant que le troupeau peut remplir les cadies et les réservoirs. Ça peut très vite s’enrayer à supposer qu’il y ait une paille dans l’engrenage, disons, de la chaîne alimentaire…

A ce propos, et puisque tout tourne autour des « biens » de consommation (lesquels soit dit en passant sont le plus souvent des maux), observons comment le « système » (peut-on le nommer autrement ?) a su verrouiller l’aliénation en inversant le signifiant chez le lampiste taillable et corvéable qu’il gouverne et conduit à l’abattoir.

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Métropolis, Fritz Lang

Personne mieux que Georges Orwell n’a su exprimer la situation qui est à présent la nôtre, aussi bien qu’il ne l’a fait dans son chef d’œuvre « 1984 », en s’appuyant sur la « novlangue ». C’est une arme redoutable la novlangue ! Qui réussit sans peine à nous faire prendre St Ouen pour Cythère ou les vessies pour les lanternes pour peu qu’on s’y laisse prendre. En ces temps de grande obscurité, elle fonctionne à merveille la novlangue. On notera à ce propos qu’entre elle et le langage châtré de la « political correctness » c’est pacte de larrons en foire. Servi par la mentalité « bisounours » qui le brosse dans le sens du poil, il semble que le système ait encore de beaux jours devant lui !

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La mentalité bisournours en effet, d’une façon générale, et a priori, dans le coupable veut voir la victime. On connaît la musique ! Et en allant jusqu’au bout, c’est la victime qui devient coupable, tout comme le laid devient beau chez le Bobo. La victime, n’était-elle pas, par sa seule présence sur les lieux du drame une provocation ? un « appel au viol » ? N’a-t-elle point incité inconsciemment, certes, au passage à l’acte d’un « agresseur » victime d’un monde déboussolé ? D’un innocent égaré par l’exigence d’une jouissance immédiate, que la faiblesse seule et le conditionnement social poussèrent dans le moment à la satisfaction de sens sans cesse harcelés ?

Cette bisounourserie bling-bling, chez laquelle l’inversion des valeurs est de règle, n’est qu’une des variantes du snobisme intellectuel cher aux Bobos. Elle se montre aux vernissages de la jet society comme sur les plateaux de télévision, dans les festivals et les réceptions plus ou moins mondaines à seules fins de lécher les pompes du système. Elle y parvient. Et au point où nous en sommes rendus, il n’est pas sûr qu’elle ne finisse par reléguer dans les soupentes du Louvre, toutes les œuvres majeures pour les remplacer par les divagations et les impostures de lard contemporain qui, comme chacun sait, rapporte gros à ses maquignons. C’est la même chose en politique, avec toutefois un temps d’avance pour les marchands du temple. Cet état d’esprit néo-conservateur prépare le melting-pot universel où tout le monde sera beau métissé et gentil. Il entend régir —et régira si rien ne l’arrête— le « village mondial », en travelling, sur fond branché de parc d’attraction.

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L'Amérique d'aujourd'hui: NEOCON...

 

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... et celle d'hier: VIEUX SAGE (Chief White Man, Kiowa Apache)

 

Au fond de mon âme, comme dans la chanson de Serge Lama, j’entends monter le son du tam-tam…

Et puisqu’il est question de chanson, il me souvient d’une, pas si lointaine, de François Béranger : « Tranche de vie ». Ça commençait comme ça, prometteur :

« Je suis né dans un p’tit village

Qu’a un nom pas du tout commun,

Bien sûr entouré de bocage

C’est le village de Saint Martin… »

Chanson populaire comme on n’en entend plus guère par chanteur populaire parce que « du peuple », comme on n’en voit plus guère. Mais hélas, en dépit de ses talents, François Béranger comme beaucoup de gens de talents d’ailleurs, croyait aux « Droits de l’homme » et à « l’Internationale »… encore des histoires ! Et dans un sens, ces purs là aussi ont leur part de responsabilité dans la débâcle, car ç’en est une et sérieuse qui s’annonce sur fond de guerre de religion.

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Le village mondial ne s’appellera jamais Saint-Martin… dommage.

On en recausera, si on a l’occasion…

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Lu sur le Web :

Inversion des valeurs : lettre d'une mère à une autre mère, après le journal télévisé de RTP1 (Portugal). (Info ou intox ? Se non è vero è ben trovato ! )

 

 Chère madame,

J'ai vu votre protestation énergique devant les caméras de télévision contre le transfert de votre fils de la prison de Porto à la prison de Lisbonne. Je vous ai entendue vous plaindre de la distance qui vous sépare désormais de votre fils et des difficultés que vous avez à vous déplacer pour lui rendre visite. J'ai aussi vu toute la couverture médiatique faite par les journalistes et reporters sur les autres mères dans le même cas que vous et qui sont défendues par divers organismes pour la défense des droits de l'homme, etc.

Moi aussi je suis une mère et je peux comprendre vos protestations et votre mécontentement. Je veux me joindre à votre combat car, comme vous le verrez, il y a aussi une grande distance qui me sépare de mon fils. Je travaille mais gagne peu et j'ai les même difficultés financières pour le visiter. Avec beaucoup de sacrifices, je ne peux lui rendre visite que le dimanche car je travaille tous les jours de la semaine et aussi le samedi et j'ai également d'autres obligations familiales avec mes autres enfants.

Au cas où vous n'auriez pas encore compris, je suis la mère du jeune que votre fils a assassiné cruellement dans la station service où il travaillait de nuit pour pouvoir payer ses études et aider sa famille. J'irai lui rendre visite dimanche prochain. Pendant que vous prendrez votre fils dans vos bras et que vous l'embrasserez, moi je déposerai quelques fleurs sur sa modeste tombe dans le cimetière de la ville. Ah, j'oubliais. vous pouvez être rassurée, l'état se charge de me retirer une partie de mon maigre salaire pour payer le nouveau matelas de votre fils puisqu'il a brûlé les 2 précédents dans la prison où il purge sa peine pour le crime odieux qu'il a commis. Pour terminer, toujours comme mère, je demande à tout le monde de faire circuler mon courrier, si intime qu'il soit. nous parviendrons ainsi peut-être à arrêter cette inversion des valeurs humaines.

 

04/12/2009

OU VONT LES VILLES ?

« Tous les chemins vont vers la ville... »

Emile Verhaeren, « Les villes tentaculaires », Mercure de France.

 

« Ces Métamorphoses de la banlieue sont à la fois le reflet de notre impuissance individuelle et celui de l'impuissance collective des puissants. Je sais pourtant qu'en dépit d'un certain refrain, rien n'est « irréversible». Si je ne le savais pas, je renoncerais sur-le-champ à dénoncer les erreurs ou les horreurs de la civilisation dans laquelle nous sommes engagés.

... Voilà beaucoup de gémissements préliminaires... Ils me seront, une fois de plus, sévèrement reprochés par les tenants, fervents ou résignés, des « mutations », réputées inéluctables, du siècle qui s'achève. Le « refus de la vie »...la « macération dans la nostalgie »... Habituels griefs que formulent, à l'encontre des passéistes dont je suis, ceux dont je ne veux pas être, qui acceptent à peu près tout ce que le destin leur propose ou leur impose...

Remettre en cause le phénomène monstrueux de la banlieue de Paris, c'est désigner le mal là où il s'est fixé comme un cancer qui n'alarme pas moins les hérauts du passé que les docteurs du présent. Pour des raisons diverses et parfois contradictoires, n'est-ce pas l'avenir qui, les uns et les autres, nous effraie ? L'effroi qui se manifeste, nous savons qu'il a l'âge de notre contre-civilisation. »

Yvan Christ, « Les métamorphoses de la banlieue parisienne », Balland 1969

 

De tout temps et en tous lieux les villes ont changé de visage, et parce que ce sont des agrégats, leur configuration est impermanente. C'est une évidence qui n'a point besoin d'être démontrée ; une bonne connaissance de l'Histoire et l'examen d'archives et de photographies anciennes suffisent pour s'en rendre compte. Cela étant, force est de reconnaître que certaines ont subi plus que d'autres l'outrage des ans et le vandalisme des hommes. Question de « civilisations » me direz-vous ? sans doute. Et à ce propos, il n'est que de constater où en est rendue la nôtre pour apprécier les dégâts ! Quel autre idiome parlera mieux pour l'exprimer, que la « novlangue » de Big Brother: « l'erreur, c'est la vérité ; le beau, c'est le laid... » ? Qu'importe n'est-ce pas puisque tout, un jour ou l'autre disparaîtra ? Voire... je suis enclin pour ma part à penser qu'Il restera toujours quelque chose, « de la forme et l'essence divine de mes amours décomposés ! »...

Qu'il se trouve encore, quelque part dans un coin du monde, des villes pour ainsi dire « sanctuarisées », c'est possible ; c'est même probable, mais leurs jours sont comptés : tôt où tard le grand bouleversement  les emportera qui partout nivelle, banalise, uniformise au nom de la sacro-sainte trinité « banque-béton-bitume » à grand renfort de matraquage publicitaire (Hollywood sur le Potala...). A terme -et nous y sommes- son objectif est de régner sur le grand « bazar » urbain transformé exclusivement en espace de chalandise pour consommateurs décérébrés. A ce chancre pire que le mal caduc, la lèpre et le choléra réunis, il ne me paraît de remède, à bien considérer la chose, que dans l'effondrement général et sans retour du système à tuer les peuples qu'est devenue l'économie globale mondialisée. Souhaitons que ce cataclysme antédiluvien emporte avec lui les maîtres à penser et les serviteurs du monstre qu'ils ont gavé, qui nous dévore sans états d'âme. Evidemment, ça fait du monde ! Et ça risque d'en faire davantage encore à cause de l'effet de proue qui s'en suivra, ou des dégâts collatéraux comme on dit... C'est peut-être ça, après tout, l'issue de la crise... peut-on savoir ? C'est comme d'une balance en déséquilibre : quand l'un des plateaux est chargé et l'autre vide, elle penche d'un côté, forcément ; libérons la charge, elle retrouve d'elle-même son équilibre, c'est une loi jusqu'à présent incontournable de la gravitation universelle.

En attendant, et pour revenir à notre propos, n'importe quel esprit demeuré saint (il doit s'en trouver encore quelques-uns ayant échappé au conditionnement généralisé du totalitarisme marchand), s'il se promène dans Paris, ressentira au fil de sa marche une tension, une oppression et un malaise, nés d'un déséquilibre engendré par le sentiment de se trouver en « porte-à-faux » dans une ville souffrante qu'il ne reconnaît plus.

Souffrante parce qu'amputée chaque jour d'un de ses membres, éventrée allègrement, cautérisée de toutes parts, rapiécée de bric et de broc à la va-vite sans soucis de cohérence ni d'unité architecturale, transformée enfin, en une gigantesque mégalopole que plus rien ne distinguera des autres...

 

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Rappelons-nous : « Sarcelle » était un nom d'oiseau... La forêt de Bondy alignait ses chênes aux portes de la capitale... La voie royale portait à Saint-Denis sous une voûte d'arbres centenaires... Baltard couvrait le cœur de Paris... Que voit-on à présent, à leur place ? Partout des barres et des tours criminogènes où il eut été salutaire, dès leur sortie de terre, de pousser à grands coups de pompes dans le cul, pour qu'ils y vivent et qu'ils y meurent, ceux qui les ont conçues et commandées; et, dans le trou des halles, l'inqualifiable « forum » apothéose de la société de consommation, étalage de toutes les médiocrités et malfaçons en matière d'architecture et d'urbanisme. Cette incongruité, à peu près du même ordre que l'Opéra Bastille, est une pompe à fric qui le dispute en ce domaine au centre Pompidou ou à la « pyramide » du Louvre, insulte à celle de Kheops, qui n'a rien à faire là où elle se trouve tout comme la quincaillerie de l'Opéra de Ott. Pourquoi ? Mais parce que la cour du Louvre, au même titre que la Place de la Bastille, étant achevée se suffisait à elle-même ; et puisque l'architecte du temps l'avait voulue telle, il convenait de la respecter.

Voilà ce que produit le siècle et comment il fonctionne : il faut être aveugle et avoir perdu tous repères pour ne pas le ressentir dans sa peau, viscéralement... Rien de nostalgique là-dedans, pas de référence au « bon vieux temps », nuls regrets, seulement  un constat, un constat tranchant comme un glaive : on ne sait plus faire la ville, ni l'ordonner ni l'entretenir. Et si par quelque miracle, un projet remarquable voit le jour quelque part, notez qu'il est bientôt balayé par la vulgarité d'un autre, qu'un aménageur sans scrupule aura posé là, sans soucis du voisinage.

Ce qui est vrai pour Paris l'est pour toutes les capitales régionales, pour ne parler que du seul hexagone ; on n'en finirait pas d'énumérer les catastrophes : elles sont de l'ordre de Mériadec à Bordeaux, épouvantable empilement de détritus en béton et de placages agressifs clinquants et vulgaires témoignant à quel stade nous en sommes rendus de « l'art urbain » ! Quant aux formes, on se demande où le maître d'œuvre est allé les chercher ! Assurément pas dans l'Art de bâtir et les principes de la section dorée ! On n'en finirait pas d'énumérer ces épouvantails qui font peur même aux oiseaux ! Les cancers qui rongent le centre de Bourges ou les abords de la cathédrale de Rouen sont du même ordre à échelle réduite, tout comme l'église de la place du vieux marché consacrée à la mémoire de la Pucelle qui nous fut belle d'audace et de courage. Elle méritait mieux...

Elle a un nom, cette idéologie de la table rase grassement financée à coups de deniers publics. Parrainée et voulue par les élus locaux, sans aucun soucis de continuité  du tissu urbain, sans respect du caractère et du vocabulaire architectural du bâti existant, sans prise en compte des accompagnements d'arbres, des sols anciens et de la disposition des espaces ouverts, elle sévit partout, on l'appelle : la « rénovation urbaine ».

A grands coups de gueule, on la justifie en avançant les concepts de « modernité » et de « développement durable ( !) » qu'on oppose à celui de passéisme (le mal absolu !) sans se rendre compte qu'on est passé d'un monde porteur de sens à un monde de signes dilué dans un bouillon culturel où tout vaut tout, alimenté par les discours lénifiants des maîtres à penser du moment. Rien que de normal là-dedans, dès lors que règne la quantité, aurait dit Guénon. Il ne faut donc pas s'étonner si nos villes sont traitées de la sorte en supermarchés desservis par des voies routières qu'il devient périlleux de traverser à pied ! Quand l' espace se privatise chaque jour davantage, quand les banques , les sociétés d'assurance et les commerces de luxe se taillent la part du lion au détriment de la convivialité de ceux de proximité, quand la minéralisation des sols partout l'emporte sur les parcs publics et les boulevards arborés, rien d'étonnant à ce que les « usagers » (vocable qui en dit long...) se comportent en ludions dangereusement irresponsables.

On a souvent cherché l'origine de cette dégradation dans l'industrialisation et les progrès techniques ; elles n'expliquent pas tout, on le verra par exemple en feuilletant le numéro 25 de la revue « Paris Villages » de Rémi Koltirine consacrée en partie au « Rationalisme » en architecture. Cette dégringolade, il faut plutôt la traquer dans la faillite des « élites », le vide culturel et l'absence de sensibilité des maîtres d'ouvrage, la déqualification des entreprises et le pouvoir illimité du gros argent.

Le pic n'est sans doute pas atteint, et le processus commencé dans les années soixante risque d'avoir encore de beaux jours devant lui ! Tant qu'il y aura du fric à faire, au prix où en est rendu le mètre carré au cœur des métropoles, on a tout lieu de craindre que ce que nous a laissé le dix-neuvième siècle ne serve plus qu'à combler les vallons des périphéries urbaines où coassent encore quelques grenouilles et où dansent les libellules... A ce propos on consultera avec intérêt le site « decroissance.info » et particulièrement la suite de Jean-Marc Sérékian : « Un jardin de la France en béton armé ». Ce qui est vrai pour la ville de Tours l'est assurément pour beaucoup d'autres.

En un temps où les architectes ajoutaient à l'enseignement de Centrale celui de l'Ecole nationale des Arts décoratifs et concouraient au prix de Rome, c'est pas si vieux, on pouvait s'attendre à des projets qualifiants intégrés dans leur milieu sans rupture ni rejet de greffe. Quand il s'agissait de commandes publiques on produisait des œuvres à la hauteur de ce qu'avaient bâti les prédécesseurs, elles pouvaient alors s'afficher sans crainte de porter atteinte au site, qu'il soit naturel ou bâti. Elles répondaient à ce qu'on est en droit d'attendre d'une œuvre d'art.

 

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Admirons ce qu'ont laissé les Tony Garnier, les Auguste Perret, les Fernand Pouillon, les frères Niermans et comparons avec  ce qu'osent pondrent aujourd'hui la plupart de leurs prétentieux confrères, souvent à coups de passe-droit, de pots de vins et de prébendes... l'Histoire jugera. Non point qu'il n'existe pas d'œuvres réussies, il y en a, mais elles disparaissent dans la tourbe des productions standardisées et celles résultant d'égos hypertrophiés. On peut penser que l'arche de la Défense soit une prouesse de technologie, mais dans son contexte fourre-tout, elle ne signifie rien. Et d'ailleurs quel intérêt y aurait-il à se promener sur ce site entièrement dévolu au trafic, au tertiaire et aux affairistes ? où les infrastructures et les superstructures n'ont plus rien d'humain ? Voilà la ville d'aujourd'hui, qu'en sera-t-il de celle de demain ? Tout porte à croire, au train où vont les choses qu'elle sera pire, à moins, à moins que le « système » qui commence à s'effriter, ne vole en éclat mais ça, c'est une autre affaire.