23/05/2020
DE LA SERVITUDE VOLONTAIRE
Tintin le Lotus Bleu
Un mauvais vent à l’odeur de soufre, sorti des naseaux du dragon chinois, souffle sur l’occident apportant avec lui la calamité d’un virus incertain et que l’on dit très contagieux, du moins c'est ce que prétendent les Diafoirus aux ordres. Voire. En ces temps déraisonnables les nautoniers du déluge pandémique se sont, comme autant de Tartarins impuissants, ligués pour le combattre. Pendant ce temps, comme dans la belle chanson de François Néry, les Dieux assis sur les nuages avancent les pions de l’Histoire…
Drôle d’histoire que celle d’un virus controversé autant qu’ inattendu ( ?) sorti de l’ombre, couronné de malédiction ! Est-ce un pion blanc, est-ce un pion noir ? Pion blanc pour la canaille aux commandes, assurément, puisqu’il la dédouane en quelque sorte de devoir s’expliquer sur la gestion catastrophique du pays, pion noir pour son troupeau qui, demeuré taillable et corvéable à merci passe à la tonte et derechef y repassera fatalement, tant qu’il lui restera du poil sur l’échine. Conséquences obligent !
Ne nous y trompons pas, ce virus tombe à point qui met un terme aux manifestations de rues, cloue le bec une fois pour toutes aux récalcitrants, permet la surveillance accrue du citoyen et sa soumission sans piaffer aux oukases gouvernementales.
Peut-être n’avons-nous encore rien vu… peut-être n’est-ce là qu’une mise en bouche et que le plat de résistance que nous préparent les avant-gardes de Big Brother, sera bien autrement lourd à digérer !
Logo québécois
Le lavage de cerveau, c’est vieux comme le monde ; mais le matraquage médiatique aidant ça devient carrément redoutable ! Assénés en boucle par les désinformations continues que nous déversent les ondes, les mots d’ordre des bateleurs de foire n’en finissent pas d’abêtir le si vulnérable troupeau qui en redemande et redemande encore tant il a peur du loup…
Car enfin, c’est bien de peur qu’il s’agit, d’une peur noire, et la peur entretenue, celle qui remonte du fond des âges, quotidiennement arrosée, est une arme redoutable surtout quand on a désappris qu’un jour ou l’autre il nous faudrait mourir. Cette peur, qui voit dans l’altérité la menace, est de taille à monter les gens les uns contre les autres : tel porte le masque, tel autre le refuse, apparaissant dès lors comme un criminel en puissance aux yeux du premier qui rumine à son endroit des pensées assassines. Le gouvernement, évidemment, saisit l’aubaine entre autre, de détourner l’opprobre dont ne manquerait pas de l’accabler une opinion demeurée libre d’actes et de pensées. Dès lors, diviser l’opinion sur des croyances, des rumeurs, des vérités invérifiables permet au système de se refaire à bon compte une santé et de rebondir en assénant l’injure réitérée de « complotistes » à tous ceux qui, chercheurs de vérité ou sceptiques, doutent un tant soit peu de la doxa officielle …
On voit par là comment, passé maître en procédé d’inversion accusatoire, le pouvoir se protège d’avance de toute critique susceptible de remettre en cause sa légitimité et son aptitude à conduire la nation. Car c’est bien lui, à y regarder de près, le complotiste ou comploteur en vérité et ses comparses du nouvel ordre mondial, qui brouillent les pistes, mélangent tout, informent, désinforment, déforment à dessein, faisant en sorte que les citoyens, perdant leurs billes, marchent à l’aveugle de vérités en contre vérités d’informations la plupart du temps invérifiables. Dès lors, comment s’étonner qu’un certain nombre d’entre eux ne voient en tout et partout que complots ? Qui voudrait les y pousser ne ferait pas mieux !
Pierre Bruegel Parabole des Aveugles
Et d’ailleurs qu’est ce qu’un complot sinon une « résolution concertée secrètement et pour un but le plus souvent coupable. » ? C’est Littré qui le dit, qui ne se trompe jamais comme le notait Céline. Considérant les faits et méfaits de nos gouvernants qui s’abritent derrières des lois iniques votées à la sauvette, et plus largement des gouvernants de nos voisins, on voit combien cette définition s’applique sans faux plis à leur conduite. Les grands dévoreurs de libertés publiques, toujours plus gloutonnement prédateurs, qui pondent quasi journellement les lois liberticides à seules fins de museler la dissidence sont autant de pantins articulés à distance par les néoconservateurs de l’ordre mondial.
(CP, Focusnatura)
Lissés comme des polynômes, visqueux comme des stylommatophores et sans épaisseur, ils sont difficiles à saisir par quelque bout qu’on les prenne et d’autant plus qu’ils se cramponnent à leurs sièges comme les poux sur la tête d’un galeux.
On aurait pu croire que cette affaire pseudo pandémique était de nature à les faire sauter à commencer par le premier d’entre eux ; les bévues succédant aux bévues, on aurait pu croire… c’était sans compter sur la soumission de l’opinion publique.
La Boétie déjà avait tout compris qui fit paraître en 1576 son « Discours de la Servitude Volontaire ». On y trouve exposées les raisons de la soumission des individus aux tyrans qui les mènent à leur guise comme ils l’entendent. L’auteur en conclut que les peuples s’asservissent volontairement en raison d’une logique d’intérêts d’ordre pyramidal (qui nous rappelle quelque chose !). Pour faire simple : le souverain tyrannise des courtisans qui tyrannisent à leur tour des exécuteurs de basses œuvres lesquels tyrannisent des sujets ….
Rien n’a changé, nous y sommes : les présidents tyrannisent les ministres qui tyrannisent les députés tyrannisant à leur tour les sous fifres de l’administration laquelle tyrannise les citoyens. CQFD.
Et cette tyrannie, en raison de la « soft idéologie » thalassocratique contemporaine s’articule en complaisances réciproques.
Ainsi n’ y a-t-il jamais de servitude que volontaire, c’est une habitude, laquelle n’est comme chacun sait qu’une seconde nature : présentement celle des esclaves que sont devenus les peuples soumis au confort intellectuel qui les dispense de toute prise de décision et conséquemment de toute responsabilité.
Ça n’est donc pas demain, en dépit des velléités courageuses de quelques uns (et je pense ici aux Gilets Jaunes canal historique et non pas aux écolos gauchos antifas supplétifs du pouvoir, qui les ont mangés), que les dominés qui ne sont au fond que des dominos, secoueront leurs puces !
501ème Régiment de chars de combat
Ça n’est pas demain, non plus, que le 501 ème RCC appuyé par le 12ème Régiment de Cuirassiers marchera, par une nuit de pleine lune, sur la capitale pour coffrer en leurs palais de stucs et assemblées de pacotille les pantins décadents qui mènent le pays à la ruine et son peuple à l’abattoir.
12ème RC Dauphin Cavalerie
Je n’en dirai pas davantage sur ce rêve que j’aimerais pouvoir, pourtant, qualifier de prémonitoire…
Pour dire où nous en sommes rendus on a vu, depuis que le dit méchant virus a tiré sur la chevillette, décidé à manger autant de chaperons rouges ou plutôt de grand’mères qu’il en pourrait; on a vu dis-je, des comportements invraisemblables, aux champs comme à la ville : des gens passer leur pain à la javel diluée (mais oui !) ; faire chauffer (pour ne pas dire cuire !) leur courriers et journaux avant d’en user ; installer des pédiluves devant leur porte ; karchériser, après chaque usage pneumatiques et voitures ; désinfecter systématiquement leurs vêtements… et j’en passe !
On a vu des gendarmes devenus collecteurs d’impôts saigner de quelques centaines d’euros de pauvres types désobéissants pour quelques kilomètres supplémentaires non-autorisés, des sauf-conduits mal renseignés ou une baguette de pain achetée sans autres provisions, ou encore et plus souvent une désobéissance (ô bien timide et combien légitime) au déconfinement imposé par des confinis (le jeu de mot est facile mais comment l’éviter ?).
On a vu des « intellectuels » bien pensants suggérer, pour ne pas dire encourager la délation tout en prônant l'obéissance inconditionnelle aux consignes journellement réitérées …
Sans doute verra-t-on pire si rien n’arrête l’audace de la bêtise et de la malfaisance acoquinées qui n’ont qu’un seul but : réifier l’individu et si possible, définitivement.
A voir défiler mes contemporains masqués de préservatifs buco-nasals, l’air traqué, hagard ou soupçonneux selon, marquant l’arrêt quand celui de devant s’arrête et redémarrant quand il redémarre, suivant les couloirs balisés comme le font moutons et vaches prisonniers des barrières qui les emprisonnent, soumis et fiers de porter leurs marques de soumission qui n’est que le prélude de celle de la Bête, laquelle sera indélébile, j’ai tout lieu de craindre que la reconquête que d’aucuns espèrent prochaine ne se transforme en esclavage généralisé.
J’aimerais bien me tromper…
« Tu trembles carcasse, mais tu tremblerais bien davantage si tu savais où je vais te mener. » (Turenne)
« Sainte Jehanne, revenez-nous !
Vous supplions à deux genoux !
Sainte Jehanne, priez pour nous !
La France a tant besoin de vous !... »
(Pierre Dudan, Politique d’abord)
Vaucouleurs; statue équestre d'Halbout du Tanney
21:07 Publié dans Chroniques du temps présent | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pandémie, dragon, déluge, echecs, pion, troupeau, virus, oukase, résistance, cerveau, foire, loup, complotiste, doxa, complots, pantins, poux, bévues, servitude, tyran, gauchos, puces, cuirassier, abattoir, javel, gendarmes, audace, moutons, vaches, bête, esclavagecarcasse, turenne, jehanne, vaucouleurs
11/08/2019
MAUDIT JOUR...
Aujourd’hui 11 août, maudit jour, la fontaine de sang de l’Aïd el Kébir, comme elle le fait hélas tous les ans, va arroser la terre de France et d’ailleurs de ses flots de sang.
On estime, pour notre seule nation, que 200 000 moutons, voire davantage, vont être sacrifiés au plaisir de l’Eternel et… de ses zélés égorgeurs.
Car on ne m’empêchera pas de penser que ceux qui s’adonnent à cette effroyable boucherie, n’en tirent dans la foulée une réjouissance malsaine au point d’y associer bien souvent leurs enfants lesquels n’hésitent pas à se faire la main en sciant gaiment le cou du mouton, tout en pataugeant dans des mares de sang.
Il faut l’avoir vue bien en face cette tuerie festive, sinon sur le vif, du moins filmée ou en image pour savoir à quoi s’en tenir sur ce qui risque de nous attendre demain si nous n’y prenons garde aujourd’hui.
Car nul ne sait de quoi demain sera fait en dépit de tout ce qui court sur le Net d’hypothèses plus ou moins bancales.
Une chose est sûre, c’est que tolérer de tels épanchements d’hémoglobine laisse présager du pire, surtout, quand le goût du sang s’acquiert dès le plus jeune âge…
(FdF Blog)
Aux forts appartient l’avenir, c’est comme ça, la nature le veut ainsi et à bien l’observer tout le démontre ; les faibles seront les moutons de demain on devrait sérieusement y réfléchir. Il appartient à l’homme de trouver sa force dans le caractère plutôt que dans les muscles, quoi que l’un n’empêche pas l’autre et le caractère, pour être de bonne trempe, comme le fer porté au rouge doit être martelé sur l’enclume avant que de refroidir dans son bain d’eau froide. Notre temps s’y prête à merveille qui n’épargne rien, ni les hommes, ni les bêtes, ni la nature tout entière. Ceux qui le comprendront auront peut-être une chance de s’en tirer quand viendra le temps du grand chambardement et que la Nature s’y associera histoire de secouer ses puces.
Quand le fric règne en maître absolu, que l’imposture est aux commandes quand la crapule tire les ficelles dans la coulisse, le spectacle du monde ne doit pas étonner les consciences lucides qui l’observent. Jamais sans doute au cours de l’Histoire, eût égard aux moyens techniques dont dispose le pouvoir, nous n’avons été aussi près de disparaître en tant qu’hommes, de disparaître non point comme « viande », il en restera toujours quelque chose d’exploitable, mais comme « conscience », comme individualité consciente…
C’est donc à la réification de l’être que nous assistons et tout concourt à le montrer, il n’y a qu’à sortir dans la rue ou se pencher à sa fenêtre, se rendre à n’importe quels spectacle ou manifestation, tourner le bouton de n’importe quel poste pour comprendre qui est au gouvernail et qui remplit les soutes, nouveau coke en stock.
Au point où nous en sommes rendus d’inhumanité engendrée par l’humanitarisme (ce qu’avait justement vu Max Scheler) on peut –et l’on doit- s’attendre au pire ! surtout quand le nombre toujours croissant d’ONG, soi-disant animées de bonnes intentions, idiotes utiles du système, s’emploient à laminer ce qu’il reste encore de peuples libres et entiers par l’encouragement obligatoire au grand mélange dans le village people.
La diabolisation orchestrée de l’idée de nation, le non respect du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, le nivellement des cultures, la disparition des identités et celle des sociétés organiques, l’ingérence des états dans tous les domaines, le culte rendu au business, aux affaires et aux apparences, caractérisent les sociétés actuelles qui ne sont en fin de compte que le reflet de ce qu’est devenu, à force de matraquage médiatique et de manipulation de bateleurs de foire, l’individu contemporain qui n’a qu’une prétention : celle du bonheur matériel ici bas et tout de suite s’il se peut !
Pour en revenir à nos moutons, puisque c’est d’eux qu’il s’agit, je vous invite à vous reporter dans ce même blog aux deux notes précédemment commises sur le même thème : « La vie écarlate » et « La fontaine de sang ».
Quand le Dieu Jaloux commande qu’on lui égorge une créature pour lui être agréable, on doit s’interroger sur la portée du « Je te donne ceci, tu me donnes cela » du contrat sacrificatoire.
Quand les égorgeurs, comme la mérule, partout se répandent et prolifèrent, il y a tout lieu de s’inquiéter, surtout quand on leur ouvre en grand les portes et qu’on les encourage en traquant ceux qui par malheur, se mettent en travers en émettant l’ombre d’un doute !
Quant à l’intolérable souffrance animale, qui l’évoque parmi les Bien- pensants qui ne sont, comme le notait si bien Louis Cattiaux, qu’autant de panses- bénites ? Ajouterais-je, qu’en dehors de Madame Bardot, de Monsieur Cassen et de trop peu d’autres, je n’ai pas entendu beaucoup de personnalités du spectacle et de la culture s’émouvoir de la chose et la dénoncer comme il conviendrait de le faire.
Et les Vegans, hein ? Où sont-ils les Vegans et la L214 donc ? On les voit pas beaucoup aux abattoirs de plein air de l’Aïd les Vegans… C’est assurément moins risqué de s’en prendre au boucher du coin et surtout, quand il n’est ni Hallal ni Casher.
Cette souffrance-là, au rendez-vous tous les 11 août sur nos terres, n’a rien à y faire et il faudra bien, d’une manière ou d’une autre, y mettre un terme; inutile de l’ajouter à toutes celles, quotidiennes, qui frappent au hasard de l’ humeur belliqueuse de l’ennemi du dedans n’importe lesquels de nos concitoyens. Le terrible dans cette affaire sordide, c’est qu’elle touche peu de monde en dehors des âmes sensibles qui finissent par l’oublier. Les salauds, qui sont légion et ordinairement de grands carnassiers, eux s’en émeuvent guère… Qu’ils boivent donc à la coupe écarlate tant qu'ils le peuvent, ils la boiront un jour ou l’autre jusqu’à la lie.
« Du vent passa dans les branches des arbres et la voix du boucher s’affaiblit. Elle résonnait maintenant tout au fond d’une voûte noire, mêlée aux mugissements plaintifs, à la voix de tous les agneaux que nous avions tués. Je courais dans les herbes.
- Olivier ! Olivier ! cria encore le boucher. Et je courais toujours dans les herbes.
Mon Dieu, mon Dieu, faites qu’on ne tue jamais plus les moutons. »
(Pierre GASCAR, Les Bêtes, prix Goncourt 1953)
17:41 Publié dans Chroniques du temps présent | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : aïd-el-kébir, sang, tuerie, moutons, caractère, trempe, nature, chambardement, puces, fric, crapule, ficelles, coulisse, conscience, gouvernail, soutes, coke, stock
23/02/2018
LE SANG DES GLAIEULS
La boucherie Brutus occupait sur la place une parcelle en longueur qui s’étendait en légère déclivité du caniveau de la rue jusqu’au talus de la voie ferrée au pied duquel coulait le ruisseau. Au fond de la boutique s’ouvrait une porte vitrée de quatre carreaux dépolis. Elle donnait accès à la cuisine. A partir de là, par une porte semblable, on gagnait le laboratoire et ensuite la tuerie, directement sous le hangar où Libéral Brutus travaillait les bêtes.
(Peinture de Paul Laurent COURTOT)
A cette époque, dans les campagnes, les bouchers abattaient chez eux et dans les conditions qu’on imagine. Traverser cette enfilade de pièces obscures toutes baignées d’une persistante odeur de saindoux ranci, c’était comme de passer dans un tunnel dont on ne savait au juste si on sortirait vivant. Au bout quand même, après avoir affronté cette épreuve qui revenait à passer le Styx ou l’Achéron, l’audacieux pouvait souffler, le jardin tout baigné de lumière le recevait comme Saint-Pierre au Paradis, dans le rouge éclatant de ses glaïeuls abreuvés du sang des agneaux...
- Tu connais le chemin Victor ? Les choses ont pas beaucoup changé depuis le départ de mon défunt mari, tu t’en doutes hé ! Je ne t’accompagne pas. Fais attention aux orties et aux ronces en passant, hein ? Tu verras, y en a plus que de légumes tu sais ! Quand j’eus fermé derrière moi la porte du laboratoire où des piles de plats en aluminite et de raviers fleuris reposaient sur des paillasses carrelées de blanc ainsi qu’à l’ hôpital ou dans les morgues, je débouchai dans l’abattoir, lequel se résumait de fait à un hangar adossé sur l’arrière de la maison et dont le faîtage montait jusqu’à hauteur de la fenêtre de la chambre du couple. Le cousin Brutus avait tenu cet édifice suffisamment élevé de façon à pouvoir hisser par le palan à chaîne les bêtes abattues. Libéral, de la sorte, en les ouvrant sur leur longueur dans le gras du ventre d’un habile et unique coup de lame effilée, pouvait aisément les éviscérer au dessus du baquet prévu à cet effet, toujours disposé à recevoir leurs entrailles fumantes, comme les labours de la Marne avaient reçu celles de l’Oncle Arsène. En soi, l’endroit, au premier coup d’oeil, n’avait rien que de rassurant. Même, il pouvait donner le change en laissant croire qu’ il ne s’agissait là que d’un simple bûcher. Cependant, à le détailler, c’était une autre affaire, il s’avérait terrible et fascinant à la fois.
(Peinture de Felice BOSELLI)
Je fus quelques minutes à méditer sur le seuil, dans l’ombre chaude de la tuerie désaffectée où bourdonnaient des mouches bleues. Appuyé au mur du fonds voisin, le billot en forme d’établi usé jusqu’à la trame, portait encore, de part et d’autre de sa tête de bœuf sculptée dans le hêtre, ses ustensiles d’inquisiteur glissés dans leur feuillure. Il y avait là toutes sortes de lames adaptées à leur besogne, scies, feuilles et tranchoirs affûtés. A un clou planté sur le travers, pendait le fusil à aiguiser, le même que celui que portait le loup à sa ceinture sur les gravures de Granville...
N’étaient-ce la poussière et les toiles d’araignées qui les décoraient, on aurait pu croire que le boucher avait rangé ses outils de la veille. Je ne touchai à rien. Comme je me tenais à peu près à l’endroit où devait naguère se trouver le tueur, je modifiai ma position et m’approchai du mur et de l’anneau scellé dans la pierre auquel Libéral attachait les bêtes, comme si c’était à mon tour et à cette place de recevoir le coup fatal. Plut au ciel que le boucher fut habile artisan ! J’y songeais en me souvenant d’histoires qu’on racontait sur Vaugirard où des tueurs avinés manquaient plus d’une fois les chevaux, les estropiant terriblement avant que de les achever. Combien de bœufs et combien de veaux le cousin Brutus avait-il assommés sans trembler, sur ce ciment encore gras de ses oeuvres ? Combien d’agneaux bêlants et de cochons grognants avait-il égorgés sous l’emprise de son genoux impitoyable ? Et de chevreaux donc, de chevreaux tout palpitants, dont il savait sa femme gourmande ? Oui, combien de sanglotants chevreaux immolés sans pitié par ses puissantes mains à seule fin d’engraisser le corps obèse de la bouchère et celui de ses pratiques ? Je fus fut quelques secondes à m’abîmer dans la sensation étrange qu’un jour, comme tout le monde, il me faudrait consentir moi aussi à me laisser attacher à l’anneau. Comme le veau, je ne saurais pas qui viendrait me chercher. Ni où, ni quand ça se passerait. Ni pour nourrir quoi... Sans doute valait-il mieux ne pas savoir. A moins que... Mais aurais-je la patience, et le courage ? Aurais-je le temps, devant que ne se lève l’ombre fatale qui tout efface ? Car “si tôt les morts refroidissent” ! N’est-ce pas ? Et d’ailleurs, que disait-elle d’autre la sentence lue en chemin, sur le gnomon de l’église ?
“Comme une ombre qui passe et qui ne revient pas"
Ainsi passent nos jours qui s'en vont à grands pas."
Sous le hangar bardé de planches disjointes noircies au carbonyle, je pensai à la détresse des animaux et sentis soudainement le poids insupportable de leur souffrance m’ habiter tout entier. Ça montait dans mes jambes du caniveau naguère tout gluant de sang, tombait sur mes épaules du plancher à claires-voies du galetas où séchaient les peaux. Ça sortait des murs comme de la gueule ouverte d’une gorgone vomissant les sanglots plaintifs du chevreau qu’on égorge ou le grognement inouï du cochon auquel le boucher fait un sourire d’une oreille à l’autre pendant que siffle indifférente la locomotive qui passe le pont, là-bas dans la courbe, au bout du jardin, sur le remblai...
Ça me traversa, m’assaillant de partout... Je n’allai pas jusqu’aux glaïeuls à petits pas ! j’ y courus avec l’envie de crier très fort comme le petit apprenti de la “Vie écarlate” de Pierre Gascar: “ Mon Dieu, mon Dieu, faites qu’on ne tue plus jamais les moutons...”.
( Texte extrait du chapitre XXVI de "Le Temps revient" )
18:35 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : boucherie, sang, glaïeuls, agneaux, orties, ronces, légumes, baquet, morgue, entrailles, marne, billot, clou, granville, tranchoirs, boeufs, chevaux, vaugirard, chevreaux, anneau, gnomon, église, galetas, caniveau, cochon, locomotive, moutons