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12/03/2024

CORVUS CORAX

 

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Certaines heures du jour et de la nuit me paraissent, plus que d’autres, de nature à octroyer le privilège de pouvoir couper le voile opaque du monde d’outre-là. Couper ou déchirer, n’importe, en ce domaine comme en bien d’autres Corvus Corax est un bon maître dont j’ai retenu la leçon ! Non point parce que l’un d’eux vint du bec cogner à mon huis puis au carreau de ma fenêtre tel qu’il le fit naguère chez Edgar le poète, mais plus simplement me visiter à date convenue certaine nuit de lune gibeuse, à l’intérieur même de ma chambre. Comment était-il entré ? Je me garderais bien de le dire n’en sachant rien moi-même. Cependant force me fut d’admettre sur le moment qu’il avait dû se glisser le jour par l’entrebâillement de la fenêtre et se cacher pour me surprendre en la nuit venue…

Ici, il convient de noter que le noir, à proportion de son épaisseur, se prête excellemment aux voyages en postmortalie, du moins je veux le croire… Assurément cet audacieux corvidé avait quelque chose à me dire télépathiquement s’entend, dans le secret de la nuit.

 

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Adonc, m’approchant de l’armoire sur la corniche de laquelle il se trouvait perché, je l’observai à la faveur de la clarté lunaire… Il se tenait un peu de biais me regardant sans animosité, d’un œil fixe mais perçant. Force me fut d’admettre que le noir de jais de son plumail lui tenant lieu de redingote, conférait à mon visiteur l’allure d’un vieil aristocrate ou mieux encore, celle d’un de ces médecins du temps des grandes calamités quand la peste noire moissonnait allègrement campagnes et villes. J’ajoute pour ceux qui ne l’auraient pas compris, que cette semblance lui venait bien entendu de son bec semblable aux masques de ces présomptueux Diafoirus.

Soudainement, comme je l’observais, il opina du chef. J’en conclu que c’était le signe… Signe attendu depuis longtemps ! Adonc, j’engageai sans différer la conversation par le moyen de la seule pensée, souhaitant la bienvenue à mon nocturne visiteur.

M’exprimant son contentement d’un clin d’œil complice, dodelinant de la tête en gonflant son plumail, ouvrant le bec, en son langage codé à mon adresse il déclama : « Crôa, croiâ, croimâ, crois- moi !

Du moins l’ouï-je de la sorte ce pourquoi, sans différer, je le crus sur parole ne demandant en effet qu’à le croire…

Or donc, le vieux rêtre sut se montrer bavard et m’en conta de telles que je ne saurais les confier à ma page fors son ultime message dont voici la moelle :

« Temps venu ! Grand changement ! Minutes comptées ! Monde rompu, corrompu, pue ! … »

A quoi il ajouta en mots clefs bien ciblés : «  Tic-tac… Tactique… TikTok ! Rwanda… Gaza… Corrida ! Ecrans… Boucan… Bataclan ! Schnouf… Bouffe… Foot… esbroufe ! Mangas… Gafa… Camora ! Toc… Cocke… Wok ! Intellos… Gauchos… Fiasco ! Parle-m’en… Parlement… Ment ! Députés… Des putes eh ! Raie…publique… Ripou…blique…  Triche ! Confusion… Fion ! Décadence… Fiente ! »

 

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Ah ! qu’il s’amusait le drôle ! Ô qu’il savait se montrer loquace l’oiseau d’Odin ! Qu’il avait du verbe ! et du corsé ce madré !...

Son inventaire dura longtemps devant que le jour ne se lève ! Maître corbel en son perchis me considérait, rêveur, sous le charme de sa prose, lissant de temps à autre son plumail luisant.

Sentant venir le crépuscule du matin il devint soudainement muet, levant son bec en fermant l’œil. J’en conclus, son discours achevé qu’il devait partir, aussi, ouvrant grand mon huis sur ce qui demeurait encore de ténèbres, lui fis-je révérence.

Lors il s’en alla comme il était venu, sans autre bruit que celui d’un souffle qu’on reçoit venu d’outre-là. « Il s’en est allé retrouver la Camarde qui le précède ou le suit selon » songeai-je. Il s’en est allé dans un souffle. Un souffle tombé de la croix avec trois gouttes de sang…

 

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A-dieu donc monde déchu qui ne vaut pas un denier pour le racheter ! Que le vent t’emporte ! Qu’il t’emporte fors l’Oeuvre de France qui toujours, tel le phénix, plaise à la Providence, renaîtra de ses cendres pour accomplir la Promesse :

 

Igne Natura Renovatur Integra 

- INRI -

In Necis Renascor Integer

 

 

 

05/05/2016

IN MEMORIAM NEIGE

 

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"La leucémie est le jardin où fleurit Dieu." CIORAN (Syllogismes de l'amertume)

Tu es partie dimanche 24 avril à 22 heures…

A pas feutrés, je suis allé te voir à minuit une dernière fois… J’ai poussé la porte 9165 de la chambre où tu reposais tout au bout d’un couloir désert au dernier étage du CHU Dupuytren. Je savais bien que la Mort rodait alentour, qu’elle musardait en quête d’autres proies ; mais je n’avais pas rendez-vous avec elle, non, c’est ta mort à toi que je venais saluer, ton « Petit Voleur » comme disais Thérèse, la petite sœur.

Et ton « petit voleur » est venu te prendre discrètement, peu de temps après mon départ.

Il n’y avait rien à dire, Le Seigneur qui, t’ emporta cette nuit là sous son aile, savait ce qu’il faisait…


 

Tu reposais dans la pénombre sur ton lit de douleur, le drap tiré sous le menton de ton pauvre visage déformé par le mal qui, deux années durant, ne t’avait guère accordé de répit. Toi, naguère si belle, au profil parfait de l’ ange, aux yeux si tendres qui savaient quelquefois se montrer terribles quand se réveillait en ton for la lionne que tu étais, toi à la bouche rieuse et au timbre clair apte à rebondir même dans le malheur, toi… Mais était-ce toi ? Non, ce vêtement de peau parcheminé par la chimiothérapie, cette enveloppe jaunie, cette coquille terne bourrée de morphine et de cortisone, ce n’était plus toi… Tout entièrement, tu t’étais cachée dedans, toujours la même, éternelle beauté sans taches. Ah ! il fallait tirer la lettre de l’enveloppe et casser la coquille pour libérer l’oiseau ! Et l’oiseau allait s’envoler, je le savais.


Je sentais qu’il ne nous laisserait que peut de temps pour t’avoir là, encore mortelle, près de nous… Dans l’attente de quoi ? D’un miracle ? Non, le miracle était que tu partes enfin délivrée de ce corps de misère, que tu prennes la porte pour t’en aller « là où le vent n’a plus de feuilles mortes à râteler… ». Et tu t’en es allée, doucement à l’entrée de la nuit, portée par les ailes du vent pour ce pays de liberté où nous nous rendrons tous un jour, nous qui sommes encore dans ce pays de contrainte où nous subissons la dure loi de la nécessité. Te voilà libre maintenant et tu voles, tu penses « chat » et le chat vient, le chat Théophile, ou peut-être Justin, Adélaïde ou bien Achille… tu penses « arbre » et l’arbre surgit devant toi, le beau, le vieux, ton gros tilleul de Saint Joseph dont l’ombre bienfaisante couvrait, l’été, la moitié de la cour… Tout ce que tu penses t’est accordé et d’avantage encore que nous ignorons, parce qu’à présent tu sais et que nous ne savons pas, nous qui demeurons… à peine pouvons-nous supposer.

Je veux croire que tu te promènes toujours dans ta maison, que tu veilles sur les cinq chats qui l’habitent encore, avant que je ne les emmène dans la mienne, promesse que je t’ai faite et que je tiendrai ; ils compléteront mon troupeau déjà conséquent…

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JUSTIN

Je n’ai pas voulu croire que tu t’en irais au mitan de l’âge ; peut-être parce que tout s’était mis en place pour que tu restes et achèves ce que tu avais entrepris. Signes trompeurs sans doute et pourtant ô combien prometteurs ! A l’orée de la grande forêt des Prieurés Bagnolet, où je t’avais trouvé une location qui convenait à ton travail, la maison de bois sait que tu ne viendras plus… quelques uns de tes chats rôdent alentour… Catherine et Yves les ont adoptés, qui veillaient sur toi au CHU Estaing.

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JOSEPHINE

A Moulins, tes employeurs qui savaient combien tu tenais à ce poste t’ont attendue deux ans durant, ils t’attendraient encore si tu n’étais partie…

Fidèles parmi les fidèles ils t’ont raccompagnée chez toi à la petite église de La Jonchère Saint Maurice où sous la voûte, ce jeudi 28 avril, j’ai souhaité, en nous voyant réunis autour de ta bière, que la neige tombe soudainement sur nous à gros flocons blancs comme le plumail des anges, pour faire germer dans nos cœurs des graines d’immortelles, de pensées et de myosotis pour qu’on ne t’oublie pas.

 



Des myosotis d’ailleurs, il y en a plein la cour de ta maison, là où j’avais, les uns après les autres enterré dix-huit de tes chats qui t’avaient précédé dans la tombe à compter du jour de ta redoutable leucémie. Il est des mystères qui, pour des yeux éclairés, n’en sont pas...

A présent, ta maison, l’ancien pensionnat Saint Joseph où nous connûmes nos joies et nos peines, quand je m’en approche et retrouve tes aires familières, me fend le cœur… C’est un sanctuaire où tout parle de toi. Elle attend que vienne le jour où tout disparaîtra pour renaître à nouveau comme le phénix, purifié, de ses cendres.

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C’est alors, passé au crible de l’épreuve comme il te fut donné à toi, Neige, de le vivre, que nous saurons enfin pourquoi, il fallait en passer par là…

 


« Pour voir le monde avec des yeux neufs, il faut avoir perdu ses yeux anciens à force de pleurer… » (Meyrink, Le Visage vert)

 

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VICTOR

 

 Toi qui es dans la lumière, puisses-tu éclairer notre chemin, à nous qui sommes encore dans les ténèbres.

 

« … Bientôt je l’entendrai cette douce harmonie

Bientôt dans le beau ciel, je vais aller te voir

Toi qui vint me sourire au matin de ma vie

Viens me sourire encore… Mère… voici le soir !...

Je ne crains plus l’éclat de ta gloire suprême

Avec toi j’ai souffert et je veux maintenant

Chanter sur tes genoux, Marie, pourquoi je t’aime

Et redire à jamais que je suis ton enfant !...

(Thérèse de Lisieux : Pourquoi je t’aime, ô Marie)

 

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LUCETTE

 

 

Et qui d’autre, mieux que Louis Cattiaux, le sage, saura réchauffer nos cœurs ?

 

  • « L’épreuve dénude la vérité et la fait resplendir pleinement. » (I/27’)
  • « La nature donne des leçons, elle n’en reçoit pas. »(I/47)
  • « La science des hommes est un fumier recouvert de clinquant. La science de Dieu est un or recouvert de boue. »(II/6)
  • « L’aiguillon de la mort est là pour obliger les hommes à rechercher le pourquoi de toutes choses et d’eux-mêmes. »(II/13)
  • « L’extrême humiliation de la mort est l’entrée obligatoire à la splendeur de la vie céleste, car la séparation terrestre est le commencement du ciel manifesté. »(II/76’)
  • « Quand nous serons préparés à suivre la mort sans nous retourner, nous pourrons jouer avec le monde sans crainte de mourir. »(III/86’)
  • « Quand nous mourrons, nous nous réveillerons en Dieu et nous nous souviendrons de notre vie comme d’un rêve absurde. »(IV/43)
  • « Toutes les habitudes mènent à la mort. Le ronronnement et l’assoupissement des cloîtres sont autant à craindre que les tentations du monde. »(IV/45)
  • « Dieu vit et attend dans chacun de nous. Il suffit de mourir au monde et à soi-même pour l’entendre et pour le voir aussitôt. »(IV/80)
  • « Celui qui voit et aime Dieu à travers toutes les apparences du monde, est seul à ne pas s’étonner et à ne pas souffrir quand tout s’évanouit. »(IV/83)
  • « C’est dans le malheur et au moment de la mort que l’homme révèle ce qu’il porte en lui. »(V/25)
  • « Plus on appartient à l’Etre, plus le monde devient irréel. Plus on se donne au monde, plus Dieu semble inexistant. »(V/45)
  • « User du monde comme d’un prêt consenti par Dieu, et l’en remercier en toute circonstance : voilà l’intelligence. »(V/61)
  • « Ceux qui disputent au sujet de Dieu ne sont pas en lui. »(V/86’)
  • « La mort est un phénomène qu’il faut étudier longtemps avant de pouvoir le dominer réellement par la puissance du Dieu vivant incarné en nous. »(VII/29)
  • « Tes leçons sont dures, Seigneur, et beaucoup ne les comprennent pas, mais pour tes enfants, c’est un enrichissement sans fin. Ô bon Seigneur, enseigne-nous doucement et avec patience, car ce monde est mauvais et la douleur l’habite. »(XXXV/19)

 

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LE CHRIST D'AGONGES

 


 

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