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26/10/2011

BULLETIN CELINIEN

Bulletin célinien n° 334

 

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Que sait-on des « croyances » de Céline ? Peu de chose. S’il ne s’est pas beaucoup confié sur le chapitre, c’est sans doute par pudeur. Le certain, c’est qu’il croyait assurément à la beauté et aussi à la bonté, gratuite, qui ne se monnaye pas. En dépit de ce qu’il pensait des hommes « en général », soyons sûrs qu’il n’aurait pas laissé sans assistance le malheureux ou l’animal abandonné, sans autre intention que de soulager l’un et l’autre de leur commune misère. Se méfiant des institutions humaines et des associations de tous ordres, rien d’étonnant à ce qu’il n’ait vu, à travers la religion, que la manifestation d’une contamination supplémentaire. C’est ce que rappelle Marc LAUDELOUT dans son Bloc-notes en rapportant cet extrait des Beaux Draps : « La religion catholique fut à travers toute notre histoire, la grande proxénète, la grande métisseuse des races nobles, la grande procureuse aux pourris (avec tous les saints sacrements), l’enragée contaminatrice ».

Ce numéro d’octobre signale la mort de Paul YONNET, sociologue qui publia en 1993 « Voyage au centre du malaise français ». Très tôt fasciné par le Voyage au bout de la nuit qu’il découvrit dans son adolescence, il fit paraître en 2009 « Le Testament de Céline ». « Céline fut le premier, écrit-il, à rompre l’isolement, à me dire si fortement que je n’étais pas seul. Et qu’à défaut de changer l’homme, on pouvait tenter de faire quelque chose de sa vie. » Le  Testament de Céline est sorti aux Editions de Fallois en 2009.

Marc Laudelout présente Henri GUILLEMIN, qui fut admirateur de Céline et de son œuvre. Guillemin, connu pour son éclectisme, laisse derrière lui une œuvre abondante, souvent méconnue. (Je me souviens pour ma part d’un de ses livres : « Jeanne, dite Jeanne d’Arc », qui ne m’avait pas laissé indifférent. Sans doute parce que Guillemin y défend la thèse de la bâtardise, sans tomber pour autant dans la fable de la survivance. L’ouvrage, disponible en Folio, fut attaqué en son temps par Régine Pernoud tenante de l’orthodoxie en matière johannique.)

A propos de Céline, on retiendra ces paroles de Guillemin que rapporte Marc Laudelout : « Je l’aimais bien, Céline, je l’aimais beaucoup, et j’aurais bien voulu le rencontrer. ». Pourrait-on imaginer à l’heure actuelle, un prosélyte de la famille de pensée à laquelle appartint Henri Guillemin, parler de Céline et de son œuvre dans les termes où il le fit en son temps, sans être autrement offusqué par les pamphlets et leur contenu ? Lui qui, souligne Marc Laudelout, « était partisan résolu d’une réédition (non caviardée) de ses écrits de combat. »

On trouvera en page 8 du présent bulletin, la reprise de « Drôle de Céline ! », article d’Henri Guillemin paru dans « La Bourse Egyptienne » du 27 février 1938. Il y évoque Céline devant la « critique » et donne son sentiment sur l’homme et son style, sur  sa force qui tient de celle du « bonimenteur » ou « bateleur de foire ». Il ne faut pas trop le prendre au sérieux ! Il faut goûter ce forgeur de verbe pour le seul plaisir que procure l’outrance quand elle se fait charmeuse. A propos de Bagatelles, voici ce qu’il dit : « En fait de grosse caisse, d’aboiements, de fausses notes arrachantes, de vociférations, de  jongleries inconcevables, de frénésies, de contorsions et de bondissements, Bagatelles comblera tous les amateurs de parades de foires et sans doute jusqu’aux plus blasés. »

On se souvient de la parution de « La Brinquebale avec Céline », d’Henri MAHE, aux éditions de la Table Ronde en 1969 dans la collection « Les vies perpendiculaires ».

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En première page, Mahé rapportait ces vers de Baudelaire sur Daumier, qui s’appliquent bien à Céline :  «  C’est un ironique, un moqueur, / Mais l’énergie avec laquelle / Il peint le mal et sa séquelle / Prouve la beauté de son cœur. » Cette édition de cent lettres inédites vient d’être reprise, complétée de « La Genèse avec Céline », par les éditions Ecriture. Suivie d’un index, cette publication est forte de 434 pages. Robert LE BLANC évoque Céline et Mahé, dans une note précédemment parue dans « Présent » du 13 août 2011. Il y rappelle l’amitié et les connivences qui lièrent l’un et l’autre jusqu’à ce que l’exil danois les sépare. Mahé s’en fut voir Céline au Danemark. Puis ils se perdirent quelque peu de vue… En 1954, Céline, frileusement, tenta de renouer. Alors Mahé, en famille, lui fit une dernière visite… Pour Céline, le cœur n’y était plus, qui savait que la Mort l’attendait à sa porte : « Publie mes lettres si tu veux, mais après ma mort, qui ne saurait tarder. »

Troisième et avant-dernière partie de l’étude de Pierre de BONNEVILLE sur Villon et Céline. Cette fois, l’auteur s’attache à montrer la force qui anime l’œuvre de Villon comme celle de Céline et qui réside tout entière  dans « l’invention ». Aussi, y a-t-il « un avant et un après Villon comme il y a un avant et un après Céline. »

Rien ne résume aussi bien, semble-t-il, la démarche des auteurs respectifs de la Ballade des Pendus et de Mort à crédit, que cette confession de Céline à Louis Pauwels en 1959, et que rapporte ici Pierre de Bonneville :  « … parce que n’oubliez pas une chose, parce que la grande inspiratrice c’est la mort… si vous ne mettez pas votre peau sur la table, vous n’avez rien… il faut payer. Ce qui est fait gratuitement, sent le gratuit, il pue le gratuit. »

Comme l’écrit l’auteur de cette étude : « Le JE de Villon et le JE de Céline ne sont pas le simple JE du témoin mais sont le credo stylistique et poétique de l’émotion. » L’un et l’autre ont payé ; et tous deux, remarquons le, par la prison.

Dans « Céline sans contredit », Frédéric SAENEN, se penche sur des rééditions revues et corrigées et se livre à une critique de l’ouvrage (qui sent tout de même un peu le réchauffé), de Madame Bellosta. Nous retiendrons cette observation très juste de l’auteur de cette note : « Cet ouvrage est en définitive révélateur d’une tendance typique à l’appréhension universitaire d’un romancier tel que Céline : celle qui consiste à se bâtir un cursus académique valorisant à partir d’un auteur que l’on doit en permanence rappeler que l’on réprouve — quand on a même la mansuétude de lui accorder une once de talent. »

Dernière note de ce numéro 334, celle de François MARCHETTI. Elle à trait au décès du danois Johannes C. Johansen, frère de Bent Johansen. A lui fut confié le soins de transporter et d’enterrer « l’or » de Céline, en 1943, dans un jardin, à Stroby Egede. Comme le rapporte François Marchetti, et pour des raisons qu’il explique, il ne semble pas que Johansen ait conservé de Céline un souvenir très agréable…

20/09/2011

BULLETIN CELINIEN

Bulletin célinien n° 333

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Cette livraison de septembre s’ouvre sur l’hommage rendu à Céline au cimetière de Meudon à l’initiative de François GIBAULT, président de la Société des Etudes céliniennes. Marc LAUDELOUT en donne un résumé dans son éditorial. A l’occasion de cette cérémonie, François Gibault improvisa une allocution reproduite dans ce bulletin, en rappelant que 50 000 exemplaires de Voyage au bout de la nuit sont vendus en France chaque année sans parler des traductions.

Michel UYEN signale la parution d’un nouveau livre sur l’exil danois. Cet ouvrage, intitulé « Le dernier voyage. Les années d’exil de Céline au Danemark, 1945-1951 » à été écrit par Nico Keuning, déjà auteur en 1993 d’un « Céline, de Rennes à Saint-Malo ». Voici donc un nouveau livre sur un sujet déjà traité et notamment par Helga Pedersen, Claude Duneton, Eric Mazet et Pierre Pécastaing, David Alliot et François Marchetti…

Marc Laudelout signe la réception critique du Céline de Henri Godard au sujet duquel la presse en général ne tarit pas d’éloges. Ce sont les « céliniens » qui, note l’éditorialiste, expriment le plus de réserves et notamment Philippe ALMERAS, dont le présent bulletin publie la critique du Céline de Godard dans un article intitulé « Céline à la sauce velours ».

Alméras commence par rappeler quelques vérités bien sonnantes et notamment celles que lui a inspiré le colloque de Beaubourg où se sont exprimés « des exorcistes tous formés aux méthodes, aux formules conjuratoires et aux tabous du professeur émérite. Le colloque Céline de Beaubourg en février a été une démonstration presque caricaturale de la chose, les clercs chargés de commenter Céline se relayant pour le conjurer et répudier toute collusion avec lui. » Et de poursuivre – au sujet du même colloque- qu’une pleine salle de célinien aient pu « écouter sans broncher une succession de post-céliniens dire l’horreur que leur inspirent « les pamphlets » alors que personne ne leur en demandait tant. (…) Voir l’année du cinquantenaire, le sujet d’une « célébration » refusée agrémenté d’une succession de qualificatifs négatifs par de supposés admirateurs marque le résultat du réarmement moral depuis la guerre. » C.Q.F.D. Faut-il s’en étonner ? Assurément non. En un temps où les larbins des officines de la  political-correctness et autre soft-ideologie  font l’opinion, rien d’étonnant à ce que des chercheurs sans aucun doute talentueux, surfent sur la même vague en évitant prudemment les lames de fond. A l’inverse, après avoir lu Alméras, on rejette Céline ou on le prend en bloc, tel quel, comme il est, comme un chien avec ses crocs ou un chat avec ses griffes. Comme un rosier avec ses épines. Le mérite de Philippe Alméras est d’apporter quelque clarté dans une approche que d’aucuns jugeront sans complaisance et que je trouve ni plus ni moins qu’honnête. Elle n’entame rien de l’intérêt que je peux porter pour ma part à l’œuvre écrite d’un personnage hors du commun et sans aucun doute « humain » par là, trop humain pour méconnaître sa « viande » et conséquemment celle des autres. Lui, au moins avait cette faculté de ne pas s’illusionner sur les mérites de ceux qui comme on dit tiennent le « haut du pavé » et servent les gagnants. Si Céline était un saint, cela se saurait. C’était un homme, un homme tout court avec ses défauts, ses emportements, ses faiblesses et ses élans du cœur et, dirons- nous, de l’âme, avec le talent en plus, qui fait défaut au plus grand nombre, de là sa force.

Ce que reproche Alméras à Godard en somme, c’est d’avoir « mis à couvert l’objet de ses recherches » de s’être livré, en quelque sorte, à une épuration du sujet. Cela étant, tout amateur de Céline sait bien qu’il a aujourd’hui à sa disposition -tant l’arsenal est approvisionné- de quoi se renseigner au mieux sur la part d’ombre et les motivations de l’auteur de Bagatelles et à quoi s’en tenir. A lui de se faire une opinion. J’ai fait la mienne. J’apprécie autant le travail de Godard que celui d’Alméras mais pour deux raisons différentes. Pour le premier, parce que sa biographie ne ressemble à aucune autre et que j’ai eu plaisir à la lire ; pour le second, parce qu’il n’hésite pas à s’avancer en terrain miné quand c’est nécessaire. Il le fait sans complaisance et sans haine. Du moins c’est ce qu’il me semble. Ce qu’il me semble aussi, à première vue, c’est que ces deux-là (Godard, Alméras) ne doivent pas s’aimer beaucoup ! Très « universitaire » tout ça, rien que de banal… Qu’en aurait-il pensé, Ferdinand, hein ?

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En 1957, Pierre DUVERGER prenait ce cliché de la maison du Bas Meudon reproduit en page 14 de ce numéro. On y voit l’écrivain sur le balcon en compagnie de son épouse. Cette photo, est reprise parmi bien d’autres dans l’ouvrage de 92 pages que fait paraître Imec Editeur-écriture. Comme le rappelle Marc Laudelout, Pierre Duverger, qui fit la connaissance de Céline en 1943 à Saint-Malo, est l’auteur de l’unique série de photos en couleurs de Céline. C’est aussi lui qui photographia l’écrivain sur son lit de mort le 1er juillet 1961.

On lira enfin la deuxième partie de l’étude de Pierre de Bonneville intitulé « Villon et Céline ». Il y démontre que Villon, comme Céline, « n’écrit que sur le mode de la satire et de la charge : le Lais -ce qu’on appelle le Petit testament- et le Testament sont des règlements de comptes. Voyage au bout de la nuit, le premier ouvrage de Céline est déjà un pamphlet ». Et plus loin après avoir mis l’accent sur leur nature prédestinée de « moutons noirs, de mauvais enfants, d’êtres maudits, de persécutés », l’auteur rapporte ces mots de Céline à Francine Bloch :  « Je suis une saloperie qu’on aurait dû pendre… on me le dit, on me l’écrit, eh bien dame, c’est curieux, comment qu’il a réchappé à ça, ce con-là ? Il aurait dû être pendu depuis longtemps, ou bien empalé ou n’importe quoi… » Voilà comme on l’aime, Céline, en verve !

Ce 333ème numéro du bulletin s’achève sur la présentation de l’Année Céline 2010, parue aux éditions du Lérot. Elle renferme entre autres des lettres de Céline (à Herminée Howyan, Georges Michau, J.G. Daragnès, Georges Geoffroy, Paul Marteau, Jules Almansor, Maurice Lemaître, Claude Gallimard, etc…), une étude de Gaël Richard « Sur les routes d’Eure et Loir, hiver 1918, une étude de Guillaume Grondin : « La science grotesque. La représentation de la figure du savant dans les romans de Céline », ainsi qu’une bibliographie critique et un index des œuvres, des noms et des lieux cités par Céline.

Et puisque ce numéro est dédié à Claude LEVEILLEE, artiste aussi prolifique que talentueux disparu le 9 juin dernier, je vous invite en guise d’hommage, à écouter encore une fois, et pour certains, peut-être pour la première fois, sa merveilleuse chanson « Frédéric » qu’il composa et interpréta en 1962.



22/10/2010

BULLETIN CELINIEN

Bulletin célinien N°323

 

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Marc LAUDELOUT signe un article des plus intéressants relatif aux souvenirs des deux avocats ayant défendu Céline : maîtres Albert Naud et Jean-Louis Tixier-Vignancour. On connaît les griefs d’accusation plus ou moins recevables portés contre l’écrivain ; ce qu’on sait moins, c’est la stratégie qu’adoptèrent ces deux magistrats pour tirer leur client d’une situation fâcheuse.

Tous deux jouèrent d’habileté conformément à leur caractère assurément aux antipodes l’un de l’autre. Naud, le premier, avec prudence - conscient qu’il était, en ces temps pourris de revanche et de délation qu’il jugeait lui-même exécrables, d’avancer en terrain miné – tenta de faire admettre à l’exilé qu’il devait acquiescer à la condamnation d’un an de prison, rendue par défaut, et qu’il convenait pour lui de rentrer en France. On imagine la réaction de Céline, qui en aucune manière, n’envisageait le retour avant que l’amnistie n’ait été accordée.

Tixier-Vignancour ayant compris qu’il était inutile de chercher à convaincre Céline et qu’il n’obtiendrait pas plus de succès que n’en avait obtenu son confrère, mit donc tout en œuvre pour obtenir l’amnistie ; et il l’obtint, par le moyen d’un stratagème évoqué par David ALLIOT dans son ouvrage : « l’Affaire Louis-Ferdinand Céline. Les archives de l’ambassade de France à Copenhague, 1945-1951. Horay, 2007 ».

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Jean-Louis Tixier-Vignancour (doc: Assemblée nationale)

 

 

Tixier en effet, en s’appuyant sur la loi du 16 août 1947 « accordant l’amnistie aux grands invalides de guerre qui n’ont pas été condamnés à plus de trois ans de prison et dont la peine est définitive », va plaider en présentant son client sous son véritable patronyme et non sous son nom d’auteur, et cela, comme on dit, « à la cloche de bois », sans même avoir prévenu ses proches…

Le jugement est rendu le 20 avril 1951 après une courte délibération, et l’amnistie est accordée attendu, comme l’évoquera plus tard le Commissaire du gouvernement Camadeau, qu’il « n’y avait pas de quoi fouetter un chat ». Prudence obligeant, Tixier gardera le secret le temps nécessaire à ce que le ministère public ne puisse plus se pourvoir en cassation… C’est donc le 26 avril qu’il annoncera la nouvelle à la presse provoquant les cris d’orfraie notamment de « l’Humanité », qui n’attendait que la curée pour se jeter sur l’ignoble « collabo ».

On en saura de fait un peu plus en consultant l’ouvrage de David Alliot, sur les tractations « dans la coulisse » de l’habile avocat, et ses intelligences avec le Commissaire du gouvernement…

Marc Laudelout, en brossant un rapide portrait des deux défenseurs montre combien Céline, évidemment, délaissa quelque peu Maître Naud le trouvant sans doute trop frileux, au profit de son confrère chez qui il devait apprécier les traits de caractères incisifs et redoutables propres à sa famille d’esprit ayant bien senti, comme le fit observer Pierre MONNIER, que là où « Naud, ancien résistant, s’efforçait de sauver un coupable, Tixier se battait pour un innocent. »

C’est le 1er juillet 1951 que Louis et Lucette rentrent en France par avion ; diminué par ses années de prison et d’exil mais libre et en possession de ses pleins droits civiques, il ne restera au « maudit » que dix courtes années jour pour jour pour achever son œuvre puisque, par un curieux concours de circonstances il s’éteindra chez lui, au Bas-Meudon, le 1er juillet 1961…

A l’appui de cet article figure une chronologie de l’épopée célinienne de 1947 à 1951, tirée du « Calendrier d’exil » d’Eric MAZET et Pierre PECASTAING.

Faisant suite au texte de Marc Laudelout, Thierry BOUCLIER résume les arguments de défense sur lesquels s’est appuyé Maître Tixier-Vignancour pour blanchir son client. Et dans la foulée est reproduit le texte qu’André BRISSAUD fit paraître le 13 mai 1951 dans l’hebdomadaire belge « Le Phare dimanche ». Il y rappelle qu’en 1950, il fut l’un des « seuls –ou à peu près- à dire que cette condamnation ne déshonorait que ses juges à gage, asservis à l’exécutif. ». Et nous retiendrons particulièrement sa dernière phrase : « La trahison des clercs français n’est certainement pas là où une presse asservie a bien voulu la voir »…

Ce numéro d’octobre s’achève sur la deuxième partie de l’étude de Gérard PEYLET intitulée « Le paysage urbain crépusculaire dans Voyage au bout de la nuit et Mort à crédit ». L’auteur a bien raison de s’appuyer sur les travaux de Michel Collot, philosophe du paysage qui a saisi la relation de l’être à l’étant au travers de l’approche intimiste du paysage, « miroir de l’affectivité ». L’un et l’autre se façonnent en réciprocité et Céline le prouve dans les descriptions qui sont les siennes des champs de bataille, de la banlieue, des villes, de la campagne… L’homme n’est pas éloigné de son sujet –même quand il en rajoute - c’est un sensitif, nous le savons, dont l’âme s’exprime par le moyen qu’elle a trouvé de transmettre l’indicible. Rappelons nous Gide :  « Ce n’est pas la réalité que peint Céline ; c’est l’hallucination que la réalité provoque ; et c’est par là qu’il intéresse. »  

On pourrait dire de la « noirceur » de l’oeuvre célinienne qu’elle grésille parce qu’elle contient de la lumière ; elle préfigure, sans le dire, ce qu’il pourrait y avoir au bout de la vie, c’est en cela que le pessimisme célinien, à mes yeux, n’est pas foncièrement nihiliste. Je lui trouve même, quelque part, un côté rédempteur en vertu  d’une logique qui veut que l’on traverse le noir avant de voir la lumière.

C’est vrai, comme le fait remarquer l’auteur, que le jour, chez Céline, mange les hommes à sa façon aussi bien que la nuit, et que les brumes et les brouillards les engloutissent de la même manière. Mais ne dit-on pas que le crépuscule du matin, au chant du coq, est aussi le moment « où l’homme meurt » ? Le rapport à la mort, familier au docteur Destouches, ne peut pas se résumer, chez lui, à la seule matérialité de la cessation des fonctions de la machine humaine ; cet homme avait trop « l’âme celte » pour s’arrêter aux seules apparences…

Il reste a étudier son paysage « caché », c’est un exercice qui pourrait réserver des surprises !

Mentionnons, pour en terminer, une note de l’éditorialiste présentant l’ouvrage récemment paru d’André DERVAL : « L’accueil critique de Bagatelles pour un massacre » ed. Ecriture, 2010.

Vous trouverez comme chaque fois à l’intérieur du bulletin une liste d’ouvrages disponible à commander au BC, BP 70, B 1000 Bruxelles 22, ou directement par courrier électronique : celinebc@skynet.be