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29/03/2010

29 MARS 1902

 

 

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29 mars 1902, naissance, à Joigny, de MARCEL AYME

 

Voici un extrait de la longue lettre de Marcel Aymé en réponse à celle d'un jeune français censé lui avoir écrit. Nous sommes en 1957, la revue « Arts », publie ce courrier le 6 mars, « tout en procédant à des coupures de dernière heure... ». Le 13 mars, elle s'en excuse auprès de l'auteur et livre à ses lecteurs les passages censurés.

Voici donc un extrait de cette « lettre », dans son intégrité.

« ...Il existe en Amérique une puissante association d'épiciers, de pétrolants, de trousse-canons qui tiennent dans l'abrutissement et le respect de leurs énormes fortunes cent soixante millions d'Américains.

Pour donner à ces pauvres gens l'illusion de la liberté politique, ils ont imaginé de créer deux partis : le républicain et le démocrate, ayant tous deux même programme. Lorsqu'il s'agit d'élire un maire, un sénateur ou un président de la République, le candidat républicain et le démocrate s'en vont aux quatre coins de l'aire électorale, braillant les mêmes promesses, les mêmes professions de foi et ne se distinguant vraiment que par les défilés de chars fleuris, chargés de filles à demi nues, que chacun d'eux organise au cours de sa tournée. Les électeurs sont excités et émus, car la presse leur dit qu'ils sont en train de faire quelque chose de grand. Finalement est élu le candidat qui a su exhiber les filles ayant le plus joli sourire et le cul le mieux tourné.

En France, comme vous savez, nous avons trois partis. Le plus honnête des trois est le parti communiste qui dit crûment à ses électeurs : « Pour vous, camarades français, mon royaume n'est pas de ce monde, mais pour nos camarades russes, il se situe sur la terre, dans un avenir, il est vrai, lointain. Ayez donc sans cesse à l'esprit que vous devez sacrifier tout ce qui vous est cher pour le bien-être du travailleur russe. »

Les deux autres partis sont la droite et la gauche, qui correspondent respectivement aux partis républicain et démocrate d'Amérique. Pas tout à fait cependant. La droite représente les intérêts de l'industrie lourde et des gros propriétaires fonciers. La gauche sert la haute banque, le grand commerce, la spéculation. Mais cette nuance même tend à disparaître, car, de plus en plus, ces activités se trouvent étroitement mêlées, imbriquées, en sorte que tel banquier se trouve être maintenant l'un des plus gros agriculteurs de France, tel autre l'un des plus grands industriels.

(...) Vous pensez bien, Monsieur, que je ne vous écris pas pour vous amuser d'une comparaison entre les partis en Amérique et les partis en France. Je ne veux qu'attirer votre attention sur ce qu'on pourrait appeler un phénomène de mimétisme politique et qui est un témoignage accablant de notre abaissement - à tous égards. Autrefois, en France, les partis avaient de fortes arêtes. Comment en sont-ils venus à n'être plus, au service d'une poignée de ruffians milliardaires, que des faux-semblants ? Mais surtout, comment se peut-il que des citoyens français se laissent prendre à ces camouflages comme le font les citoyens du Michigan ou du Texas ? Ont-ils perdu le goût de la liberté et sont-ils aveugles ? Oui, assurément, puisque la France est tombée au rang de colonie américaine. Les milliardaires de là-bas, en payant aux nôtres le prix de la trahison, leur ont appris à abêtir le peuple et la leçon n'a pas été perdue... »

Ah ! que voilà des propos tout pleins de fraîcheur ! Ils n'ont pas pris une ride !

A l'heure où, dans l'hexagone, d'aucuns singent comme on ne l'a jamais fait, le comportement et la « just-attitude » des élus du peuple de la thalassocratie, en réclamant à grands cris l'application du bipartisme dans notre système électoral, à l'instar du gauleiter de la Septimanie, ce texte de l'auteur du « Confort Intellectuel » me paraît de nature a rappeler des vérités qui sonnent clair...

Orientations:

- "Marcel Aymé, Ecrits sur la Politique (1933-1967); édition Les Belles Lettres-Archimbaud (2003)

- Note de Wikipédia: http://fr.wikipedia.org/wiki/Marcel_Aymé

 

 

 

27/03/2010

27 MARS 1797

 

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Le 27 mars 1797, naissance à Loches du poète et dramaturge Alfred de VIGNY, dont l'essentiel de l'oeuvre poétique fut réunie en un recueil: "Les Destinées", publié en 1864 après sa mort.

A l'origine, les Destinées parurent en 1843 et 1854 dans la Revue des Deux Mondes.

Qui ne se souvient des poèmes les plus célèbres: La Maison du Berger (1844), La Bouteille à la Mer (1853) et La Mort du Loup (1843), dont nous donnons ici la fin, leçon de conduite toute empreinte de dignité:

 

 

« ...

Hélas ! ai-je pensé, malgré ce grand nom d'Hommes,


Que j'ai honte de nous, débiles que nous sommes !
.

Comment on doit quitter la vie et tous ses maux,


C'est vous qui le savez, sublimes animaux !


A voir ce que l'on fut sur terre et ce qu'on laisse


Seul le silence est grand ; tout le reste est faiblesse.

- Ah ! je t'ai bien compris, sauvage voyageur,


Et ton dernier regard m'est allé jusqu'au coeur !

Il disait : " Si tu peux, fais que ton âme arrive,


A force de rester studieuse et pensive,


Jusqu'à ce haut degré de stoïque fierté


Où, naissant dans les bois, j'ai tout d'abord monté.


Gémir, pleurer, prier est également lâche.


Fais énergiquement ta longue et lourde tâche


Dans la voie où le Sort a voulu t'appeler,


Puis après, comme moi, souffre et meurs sans parler. »

 

Alfred de Vigny meurt le 17 septembre 1863, emporté par un cancer de l'estomac. De Saint Philibert du Roule où ont lieu ses obsèques le 19, on le conduit au cimetière Montmartre ; Aurélien Scholl dira de lui dans le Nain Jaune :

« ... De tous les oiseaux libres qui prirent leur vol en 1830, c'est le cygne qui partit le premier.

... C'était un esprit délicieux auquel l'Académie, qui n'aime que les pédants, les turbulents, les gesticulants, ne comprenait absolument rien. »

Orientation de lecture : Paul BRACH « La destinée du comte Alfred de Vigny », Plon 1927

 

 

 

26/03/2010

BULLETIN CELINIEN

Bulletin célinien n° 317

 

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C'est un numéro consacré pour l'essentiel à la « correspondance » récemment publiée dans la Pléiade, et à Albert Paraz, que nous propose Marc LAUDELOUT pour cette 317 ème livraison du bulletin.

Outre l'article fouillé d'Etienne NIVELLEAU, repris ici et déjà publié dans Rivarol (12 février 2010) dans lequel l'auteur regrette l'absence de quelques lettres qui auraient mérité de trouver place parmi les douze cents retenues par l'éditeur, on lira avec intérêt celui de Robert LE BLANC qui rétablit quelques vérités, et non des moindres !

S'il faut n'en citer qu'une, nous nous arrêterons à celle relevée par Robert Le Blanc dans l'édition, chez Gallimard, des « Lettres à la NRF » :  Déjà, en 1991, une note stupéfiante m'avait arrêté dans les Lettres à la NRF, plus précisément la lettre à Nimier du 13 mars 1957 (lettre non reprise en Pléiade), où Céline écrit : « Rilke, Faulkner, Passos : extases ! extases ! Là Aury se donne, et Paulhan ! voilà les genres reconnus par la NRF ! pour eux Gaston y va de ses 500 sacs par mois ! Quand je dis qu'il sabote ses auteurs je ne dis rien que d'évident ! aucune publicité et le silence absolu de son propre torchon ! il fait ainsi plaisir je l'admets à Marcel et jean dont les œuvres complètes en papier-cul trouveraient à peine amateurs dans les wc périphériques... »

Tout le monde a reconnu en Marcel et Jean les directeurs de La Nouvelle NRF (ce « torchon » !), Arland et Paulhan, qui n'étaient pas des auteurs à grand tirage. Tout le monde, sauf l'annotateur de service (Pascal Fouché), qui explique doctement dans une note de cinq lignes : « Il peut s'agir de Marcel Aymé, ou de Marcel Pagnol ; pour Jean on peut penser à Genet ou à Giono ! »...

On se demande en effet comment le dit annotateur a pu supposer qu'en Marcel, Céline visait Marcel Aymé, fidèle ami de l'ermite de Meudon. Merci à Robert Le Blanc d'avoir relevé cette bévue et de terminer sa note par cette conclusion bien d'actualité :

Céline plaçait plutôt son idéal artistique dans les siècles passés : les moralistes du XVIIème, Villon, et Du Bellay pour la poésie, et... quelques compositeurs sur instruments anciens. Ceux-ci, il les évoque dans une lettre d'avril 1948, qu'il convient de verser au débat sur l'identité nationale :

« Les Français ? je suis un des très rares imbéciles à avoir tout perdu (...) pour qu'on épargne, préserve, perpétue leur sale race dégénérée. Je ne le fais pas pour eux. Je le fais pour Couperin, pour Claude Gervaise, pour Clément Jannequin ! »

Dans sa note intitulée : « Albert Paraz, l'homme-orchestre », Pierre LALANNE évoque ce mal aimé de la littérature qui ne doit d'être connu par beaucoup de céliniens, que par le fait d'avoir publié dans trois de ses livres : « Le Gala des Vaches », « Valsez saucisses » et « Le Menuet du Haricot », des souvenirs de Céline et quelques unes de ses lettres. On a reproché à Paraz de s'être fait par là une publicité facile, c'était mal le connaître et comme l'explique Pierre Lalanne, douter d'une amitié sans faille et d'une admiration sans bornes ; il le dit « un homme d'une sincérité arbitraire et sans concessions pour la connerie humaine », possédant  « un sens inné pour l'équité où, dans son esprit, le faible et le persécuté ont droit à toute sa considération, son énergie et sa défense inconditionnelle ». On lira donc avec d'autant plus de profit, les « Lettres à Albert Paraz », renfermant la correspondance de 1947 à 1957, complément indispensable au gros volume de la Pléiade. Cette publication est analysée en fin de bulletin par P-L MOUDENC.

On trouvera enfin, dans ce même numéro, deux des photos prises par Michel BERNARD en juin 1956 à Meudon, qui nous montrent l'ermite de la Villa Maïtou, en compagnie de son ami Paraz.