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16/06/2022

IN MEMORIAM ADÉLAÏDE

 

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Adélaïde, ma fidèle compagne, le 7 juin dernier je t’ai trouvée vers 18h près de la porte d’entrée, sur l’herbe du bas-côté, couchée devant le pied de fougères. Mais couchée bizarrement, sur le dos comme tu aimais parfois à le faire au soleil pour te chauffer le ventre.

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Mais là, il n’y avait pas de soleil… et ta tête était tournée du côté gauche les yeux grands ouverts sur l’inconnu, une patte recroquevillée devant ton museau… De suite, j’ai vu que tu ne respirais plus, preuve trop évidente de ce que je redoutais, ton cœur avait cessé de battre. Je t’ai prise dans mes bras, tu étais lourde, molle et toute chaude encore de la vie qui venait juste de te quitter aux alentours de 17h30. Je t’ai fermé les yeux, puis arrangée en rond comme si tu dormais je t’ai posée sur un de mes lainages dans un carton. Je t’ai portée le cœur brisé sur le fauteuil du petit salon d’été où tu aimais si fort te tenir aux premiers froids de l’automne. De tous mes chats tu étais, Adélaïde, avec Victor ma préférée et tu le savais… A toi nous passions tout et tu régnais sur la colonie de nos 18 chats. Ton âge te donnait naturellement ce droit puisque tu étais la doyenne…

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Mais il me faut à présent raconter ton histoire. Une histoire peu commune. Et d’abord, je dois confesser que lorsque je t’ai trouvée, je n’ai pas douté deux secondes que tu ne fusses la réincarnation de cette chatte noire tant aimée, tuée par un chauffard le 16 juin 2000 à minuit et demie en haut de la rue de la poste et c’est pourquoi je t’avais donné son nom lorsque j’étais allé te chercher à Chavanat...

D’abord ce nom, il faut que je l’explique, me vient de la chanson de Jacques Debronckart : « Adélaïde ». Ainsi avais-je appelé Adélaïde, cette chatte noire recueillie avec ses petits, Basile et Lucas, dans les années 90 au moulin de pâte à porcelaine de la route de Poulouzat. Cette première Adélaïde avait fait ses chatons dans un vieux pneu de tracteur dressé contre le mur de l’usine. Les voisins qui me l’avaient signalée lui portaient de temps à autre à manger. Ils n’eurent pas à le faire longtemps car, sitôt découverte, j’emportai la chatte et ses petits à Saint Joseph dans l’ancien pensionnat où je vivais alors avec Neige qui autant que moi adorait les chats. Nous y vécûmes des jours heureux en compagnie de nos compagnons félins, Adélaïde régnant déjà sur ce petit monde.

Et puis, et puis il y eut l’accident où plutôt la tuerie car ç’en fut une…L’été s’annonçait, il faisait chaud ce 16 juin…

Ce soir là curieusement Adélaïde était sortie, elle qui ne quittait pour ainsi dire jamais le parc. Après l’avoir appelée et attendue vainement, nous étions montés nous coucher. Dans la rue, une voiture de rallye au moteur gonflé faisait le tour du bourg en montant la rue de la poste sur les chapeaux de roues… Nous craigniions le pire et le pire arriva. A un moment, à hauteur de la maison, nous entendîmes le bolide chasser en faisant crisser ses pneus, un choc mat et son accélération rageuse en dérapage… puis un grand silence, le genre de silence qui annonce la mort. Je n’eus pas le courage d’aller chercher notre chatte sur la route, ce fut Neige qui la déroba, sanglante et éventrée mais encore vivante, au bas-côté où le tueur était allé la chercher. Elle s’éteignit dans ses bras et ce fut une déchirure, quelque chose de nous qu’on venait d’arracher là, cruellement, à vif, le 16, sur le fil du rasoir. Ce nombre maudit qui fut fatal à la famille royale, symbolisé par la Tour foudroyée de l’arcane du Tarot de Marseille, fut fatal aussi au chauffard dont nous apprîmes la mort accidentelle, jour pour jour, un an après qu’il ait percuté Adélaïde…

Qui expliquera les pouvoirs mystérieux des chats ? Les anciens égyptiens qui les plaçaient embaumés dans leurs temples ne sont plus là pour nous le dire.

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Crédit photo "Egyptomusée. Richard Lejeune"

La nuit de la mort de notre chatte, cette nuit terrible, nous creusâmes un trou profond devant la maison, en face de la porte d’entrée pour y enfouir Adélaïde. Mais avant de l’y déposer nous décidâmes d’y planter à la verticale un lourd linteau de granite de près de deux mètres de longueur qui se trouvait dans un coin du parc au pied du mur. Pour le déplacer, je soulevai l’une des extrémité à la barre à mine pendant que Neige glissait dessous deux sections de gros tubes métalliques. Ayant fait de même à l’autre extrémité, et à l’aide de la barre à mine, nous déplaçâmes la lourde pierre de taille que nous fimes tomber par l’un des bouts dans la fosse en la dressant à la verticale, calée d’un côté par la paroi du trou, de l’autre par de lourds pavés en granite.

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Nous déposâmes la chatte enveloppée dans nos lainages sur les pavés et la recouvrîmes de terre sur laquelle nous fîmes brûler la myrrhe à la lueur d’une bougie…

Sur l’extrémité de la pierre plantée tel un menhir, Neige déposa une réplique moulée de Bastet…

Cette nuit, je la revois encore comme si elle datait d’hier.

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Trois ans après cette mort tragique, je reçois un coup de fil d’une « dame à chats », comme on les appelle. Ayant appris que je recueillais les chats abandonnés elle m’explique que son voisin venant de décéder, ses cinq ou six chats rôdaient dans le voisinage. Elle avait pu en recueillir quelques uns, d’autres étaient partis mais il restait dans le bois derrière le hangar une chatte noire impossible à approcher. Je me rendis alors à Chavanat, petit village perché à 560m sur un replat du massif de Saint-Goussaud.

La chatte était au rendez-vous qui m’observait alors que je grimpais le sentier derrière le hangar. Je m’arrêtai et l’observai à mon tour. Nous ne bougions ni l’un ni l’autre. Derrière moi, la vieille dame m’ayant suivi appelait « Minette… minette… » sans résultat. L’idée, que d’aucuns trouveront parfaitement loufoque me vint qu’il pouvait s’agir d’Adélaïde. Même posture, même yeux vert, même tête. Alors d’instinct j’appelai : « Adélaïde ! »…

Je n’eus pas à le faire deux fois. La chatte, quittant son refuge, non seulement répondit à mon appel mais vint se frotter à mes jambes. Je la pris dans mes bras et la voilà qui ronronne. Un ronron fort et profond comme retenu pendant des années…

C’était elle, pour moi, aucun doute. Alors, je racontai l’histoire de la première Adélaïde à cette dame qui n’en revint pas et grâce à laquelle, je veux le croire, je venais de la retrouver.

Je l’emmenais avec moi pour ne plus la quitter jusqu’à ce 7 juin où elle s’en est allée doucement, comme Bonhomme, de mort naturelle. Elle devait avoir une vingtaine d’années, peut-être vingt et un ans. Elle nous a donné, à Pierrette et moi vingt et un ans de bonheur ayant connu trois maisons, de nombreux autres compagnons qu’elle gouvernait à sa façon, et le confort de mes genoux sur lesquels tous les matins, elle venait s’allonger au petit-déjeuner et quelquefois même à midi et le soir.

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Au revoir, Adélaïde bien aimée, fidèle compagne qui repose à présent au sommet de la tombelle au fond du parc où huit autres de nos compagnons t’ont déjà précédée.

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Reviendras-tu ou était-ce ton dernier voyage ici bas ?

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Crédit photo" Egyptomusée. Richard Lejeune"

Ce petit texte, je le dédie à tous les amoureux des chats et je le mets en ligne en mémoire de Jean Grenier, auteur de « Sur la mort d’un chien » et je pense aussi à Pierre Gascar inoubliable auteur de « Les Bêtes » et tout naturellement à Howard-Phillips Lovecraft inconditionnel amoureux des chats, à Paul Léautaud et à son troupeau félin ainsi qu’à Louis-Ferdinand Céline ami des animaux, dont le chat Bébert atteignit 24 ans d’âge, ce qui n’est pas rien !

 

04/05/2010

THEATRE DE LA CRUAUTE

 

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Plus que tout autre saison, le printemps conduit son cortège de drames. C'est quand la vie se renouvelle en effet, que la mort approvisionne sans compter son tableau de chasse. Je me dis ça tous les ans et tous les ans je le vérifie : les merles volent trop bas ; les hérissons traversent en hésitant, et trop lentement, les chemins qui tuent ; les chats, dans l'ivresse des amours, font des kilomètres pour aller chercher leur mort ou se font tuer devant la porte...

Même les lapins et les chevreuils, rescapés des dernières cartouches, y laissent leur peau.

 

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Source: Hullnudd, site Les Abbesses de Gagny-Chelles

 

Et que dire des hulottes, renards, ragondins, et autres écureuils ? A ce palmarès peu glorieux de l'automobiliste, il faut ajouter la tuerie de ses semblables ; la chose est connue et sur ce point nous n'épiloguerons pas. Laissons les vivants pleurer leurs morts, il s'en trouve sans nul doute beaucoup d'innocents dans le lot ; quant aux autres, c'est après tout justice que la pareille leur soit rendue s'ils ont, au demeurant, volontairement écrasé un animal dépourvu de toute défense dans cette lutte inégale. Car il se trouve des vicieux pour alimenter l'hécatombe et leur palmarès, c'est certain, des vicieux qui « font des cartons » comme ils disent, contribuant sans états d'âme au génocide du hérisson, car c'est bien d'un génocide qu'il s'agit !

 

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Source: Jardin Amateur

Songeons que ce petit animal inoffensif à la carapace d'oursin, qui n'a pour toute défense que le moyen de se rouler en boule, est en train de disparaître. Et pourtant, il faut aller chercher son origine au-delà de 50 millions d'années dans la famille la plus ancienne des mammifères, celle des insectivores. Il en a traversé des calamités ! et de terribles ! Il n'est pas sûr qu'il survive à l'automobile... Et à l'automobile, il faut ajouter les poisons qui contaminent sa chaîne alimentaire, quotidiennement déversés sur cette terre épuisée qui fut pourtant fertile... Autant dire que ses jours sont comptés ! Ainsi, ceux qui ont échappé à la route achèvent leur courte vie dans les hautes herbes, sous quelque souche, ou autre abri de fortune, piégés par les pesticides et dans des douleurs qu'on imagine, quand ce n'est pas dans la marmite des amateurs...

Sur les routes, on voit de gros solitaires ou des familles entières décimées. Ce carnage, dont les charognards font ripaille se passe de nuit  comme de jour, car beaucoup de hérissons, attaqués sans relâche par la vermine qui prolifère, perdent tous repères et, désarmés autant qu'affaiblis par ces parasites voraces, deviennent d'autant plus vulnérables et se montrent le jour, sans la protection des ténèbres. Affaiblis, et perturbés dans leurs cheminements, ils progressent désorientés ou stationnent sur les routes. Qui dira jamais l'agonie des mourants cruellement fauchés par les roues, qui traînent lamentablement leurs tripes sanglantes sous la lune ou le grand soleil comme les agonisants de la Grande Guerre le faisaient dans les barbelés ? Du haut de leurs perchis, les nettoyeurs du bitume savourent d'avance leur festin...

Une peau parcheminée par le vent, le soleil et la pluie, et sur laquelle se dressent encore quelques piquants, c'est tout ce qu'il reste bientôt de leur habit.

Habit qui pourtant est une armure, apte à défendre le hérisson contre ses prédateurs, mais hélas, à l'inverse des pieux des Anglais à Azincourt, elle ne peut rien contre des chevaux-vapeur aux mains de chauffards irresponsables.

Un hérisson sur la route s'évite facilement, et pour peu qu'on soit attentif et respectueux de la vie animale on ralenti, on s'arrête ou on fait un écart. Et à moins que d'être un très mauvais conducteur, on épargne la vie de ce petit animal  beaucoup plus facilement que celle d'un chevreuil bondissant d'un fourré, qui peut vous surprendre dans un éclair sans que vous n'y puissiez rien... Gageons que si le premier, faisait à la sacro-sainte bagnole autant de dégâts que le second, il est probable qu'il y aurait moins de ces petites victimes sur les routes !

 

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Mon chat Ferdinand, tué par un chauffard en 2009

Moi qui me tape annuellement un certain nombre de kilomètres, ne compte plus le nombre de chats tués rencontrés que j'ai ramassés et déposés sur le bas-côté ou dans le fossé lorsque j'ai pu m'arrêter, histoire de ne pas donner l'occasion à des tordus de les transformer en carpettes. La pire des saisons pour ces grands fauves en miniature dont nous sommes un certain nombre à partager le goût, n'est point tant le printemps que l'été, saison propice aux grandes transhumances des meutes décérébrées qui n'épargnent rien sur leur passage. Et quand on n'abandonne pas  minet, ou l'encombrant toutou en rase campagne à défaut du refuge, on le largue en cours de route directement par la portière ; cela s'est vu, cela se voit malheureusement à chaque ressac de la marée humaine.

 

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Dans les laboratoires on continue d'expérimenter à vif en dépit du respect dû à la vie ; dans les abattoirs on tue plus que de besoin à seules fins d'enrichir les uns et d'intoxiquer les autres ; du côté du levant, on se livre à d'ignobles vivisections sous le prétexte qu'elles font partie des traditions culinaires ; partout dans le monde, et à chaque seconde, on tue et on torture dans l'hystérie collective des arènes sanglantes...

Moloch a de beaux jours devant lui !

 

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Fritz lang, Métropolis, 1927

Nous n'en finirions pas d'égrener le chapelet sans fin des animaux martyrs. Celui des hommes, nous le connaissons mieux et y attachons plus d'importance, forcément... Mais pourquoi, au fait ? A cause de la « conscience de soi » ? De la créature faite « à l'image de Dieu » ? Du respect dû à la « personne humaine » ? Comme si les animaux, ne relevaient en fin de compte que du Diable, et qu'on doive leur en manquer !

 

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Eau-forte, Félix Bracquemond, 1852

Sur le chapitre, les religions, dans leur grande majorité, n'ont pas compté beaucoup de Saints François ! force est de le constater. Combien de chouettes a-t-on clouées aux portes des étables ? Combien d'ânes a-t-on lapidés ? Combien de chats a-t-on jetés vivants dans des brasiers ou écorchés pour honorer des sacrifices ?

A chaque seconde tombe une vie, dans des conditions épouvantables, pendant qu'une autre surgit quelque part dans le monde, qui ne sait pas, l'innocente, ce qui l'attend !

Qu'un seul nid d'oiseau, un seul, rempli de sa couvée toute neuve soit soudainement détruit par l'orage, suffit à prouver que le spectacle du monde n'est rien d'autre qu'un théâtre de la cruauté, et quel ! Il n'y a que les sots pour ne pas le voir, et les naïfs pour espérer qu'il puisse un jour, « in fine », changer...

L'enfer est ici, dans la beauté secrète du Diable; il ne faut pas le chercher ailleurs.

 

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Et tant que ce monde  durera, on n'en finira pas de s'interroger sur le Diable et le Bon Dieu, de chercher à percer l'énigme du Janus bifront, de prendre Saint Ouen pour Cythère et les vessies pour les lanternes ! Et on le fera, jusqu'à ce qu'on comprenne le sourire de la Joconde ou celui de l'Ange de Reims, qui n'en est pas si éloigné...

Il nous reste encore quelques souffrances à expier !

 

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