09/11/2011
DIJON AU FIL DES RUES
La victoire ailée de la place de la République veille sur la ville aux cent clochers qui fut, jusqu’au XVe siècle, capitale de l’ancien duché de Bourgogne.
Aujourd’hui capitale régionale, Dijon, dont la renommée dans le domaine de la gastronomie comme dans celui des arts n’est plus à faire, a conservé suffisamment de témoins architecturaux des siècles passés pour qu’on ne doute pas qu’elle fut –et qu’elle demeure- l’une des cités la plus prestigieuse de France.
Pour découvrir une ville, rien ne vaut que de la traverser à pied, faute de quoi le regard, à trop embrasser et trop vite, se perd en conjectures sur ce qu’il faut en retenir. C’est qu’il balaye confusément sans voir, comme le font ces touristes promenés dans de petits trains. Les découvertes se méritent, et il convient de s’y préparer, comme un traqueur à l’affût. Et il ne faut pas craindre de revenir sur ses pas au risque de passer à côté de ce qui nous attendait : tel petit « détail » qui mérite qu’on s’y attarde et que peut-être, les plus proches des riverains n’ont jamais vu…
Dijon, comme toutes les villes qui ont une histoire, fourmille de ces trésors sur la piste desquels il faut savoir se placer.
Les monuments en font partie, mais eux sont tellement « évidents » qu’ils s’imposent d’eux-mêmes. Et pour peu qu’on passe à côté, ou qu’on n’ait pas le temps de les visiter, on se consolera en les retrouvant dans les pages des ouvrages d’art et d’histoire qui leur sont consacrés…
L’église Notre-Dame marque le cœur de la vieille ville ; sa flèche élancée et ses quatre clochetons gouvernent les toits pentus revêtus de tuiles plates.
A son pied, la rue de la chouette, plutôt ruelle que rue d’ailleurs, tire son nom du petit animal sculpté dans le congé d’un contrefort de l’une des chapelles de l’église.
Affectionnée des dijonnais qui ne manquent pas de la gratifier d’une caresse au passage, l’icône, à ce qu’on rapporte, aurait le pouvoir d’exhausser les vœux. L’état d’usure de son plumage témoigne assez du nombre de mains qui se sont posées sur son aile !
Ce jacquemart qui sonne les heures, rappelle qu’il y en eu ici comme ailleurs, d’heureuses et de terribles ; les voussures des portails de l’église Notre Dame orphelines de leurs statues matraquées par le vandalisme révolutionnaire de 1794 en savent quelque chose !
Pour peu qu’on lève les yeux, on voit, aux linteaux des portes et des fenêtres, sur la rue ou dans des cours d’hôtels particuliers, des têtes sculptées qui n’ont rien à envier aux mascarons de Bordeaux.
Les engoulants et autres figurines ouvragées dans les sablières des maisons à pans de bois disent assez bien l’art des charpentiers du moyen âge et de la renaissance.
Les sculpteurs classiques et les tailleurs de pierres ont laissé dans les palais et les hôtels particuliers des chefs d’œuvres de finesse et de précision, telle cette frise en encorbellement sur arcade, ce monogramme ou cette console de balcon.
La couleur est omni présente à Dijon qui a conservé de la tradition bourguignonne l’art de pavoiser ses rues. Elle a su se limiter à la rue et aux boutiques en n’affectant pas l’ordonnance architecturale des façades, comme on le voit bien souvent à l’heure actuelle dans les « rénovations » à la mode de trop de cœurs de ville. On ne dira jamais assez que c’est la matière même de la pierre de taille, la terre cuite de la tuile, l’oxydation du cuivre, la patine du zinc, les gris colorés des menuiseries qui assurent la beauté des monuments qu’ils habillent. C’est tellement vrai pour les menuiseries qu’elles doivent le plus souvent rester monochrome pour les fenêtres en accordant une autre valeur à la porte d’entrée.
Remarquons combien le « gris zinc », partout présent en France, ou l’ « ocre jaune », était par excellence la couleur privilégiée des palais comme des maisons les plus humbles.
On comparera la tonalité de ces contrevents ajourés à la française avec celle du zinc patiné de cet ouvrage et on verra que c’est la même.
De même s’inspirera-t-on avec bonheur du vert de gris de ce clocher ou de ce dôme pour l’appliquer sur des ferronneries ou des menuiseries.
Franchissons le seuil d’une église ou d’un palais et laissons nos yeux émerveillés se poser sur la beauté des œuvres sorties des mains d’artisans passés maîtres dans leur art. Voici la tour lanterne de Notre Dame et ses verrières au travers desquelles brillent les premiers éclats de l’étoile du matin.
Voici le grand escalier du palais des états et ses degrés de pierre que foulèrent les princes.
Voici, pratique assez peu courante pour qu’elle vaille d’être montrée, de faux vitraux dus au pinceau d’un artiste oublié…
Traversons le marché couvert qui a su conserver son architecture de briques et de métal ainsi que l’a voulu l'entreprise Eiffel en 1868.
On n’en finira pas d’arpenter les rues de Dijon sans se lasser. Du pavé aux faîtages, partout, on sera surpris par quelque chose de remarquable, voire d’insolite.
Remarquable comme cette grille à piques de hallebarde, ou ce fleuron habilement forgé ; ce coq en mosaïque ou cette enseigne en drapeau, meublée d’apothicaires.
Insolite comme cette souche de cheminée en voie de dégradation qu’on a « chaussée » d’un filet bleu de cobalt au dessus duquel trône le rouge brique des mitres de poterie.
Insolite et surprenant comme ce nid béni des dieux, symbole de la vie qui sans cesse se renouvelle…
...et s’en va, ainsi que le dit au passant ce crâne en médaillon maçonné dans le mur de l’église, gravé par une main anonyme depuis longtemps sous les terreaux.
Il demeure, en quoi réside sa secrète beauté et nous passons, en quoi, sans doute, réside la nôtre…
14:13 Publié dans carnet de route | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dijon, victoire, chouette, notre dame, vitrail, vandalisme, clocher, bourgogne, traqueur, lion, engoulant, jacquemart, mascarons, bordeaux, renaissance, frise, monogramme, zinc, ferronnerie, vert de gris, dôme, lanterne, coq, nid, cobalt
04/03/2011
4 MARS 1429
On s’accorde à reconnaître que c’est le 4 mars, aux alentours de midi que Jeanne d’Arc et son escorte arrivèrent à Chinon après avoir quitté au matin l’Isle Bouchard, couvrant ainsi la onzième et dernière étape de sa longue chevauchée de 509 kilomètres.
Quelques historiens tiennent pour le 6 mars la date de cette arrivée. Quoi qu’il en soit, ce n’est que le troisième jour qu’elle sera reçue par celui qu’elle appelle alors le « Dauphin ». En attendant, elle loge au pied de la forteresse chez une hôtesse que certains auteurs veulent voir comme étant l’épouse ou la fille de Roger de la Barre.
De son logis, où elle partage son temps en recueillement et en conversation avec ses hôtes et ses compagnons, et de l’église Saint Maurice, où elle se rend pour prier, elle peut voir la masse de la forteresse qui s’étant tout en longueur, forte de ses trois châteaux : à l’est le fort Saint-Georges, à l’ouest le château du Coudray, et au milieu, pris entre les deux, le logis du Roi dit château du milieu, que Charles affectionne particulièrement. C’est là qu’elle sera reçue…
Mais en attendant l’audience tarde, La Pucelle s’impatiente. C’est que le Roi est craintif et soupçonneux à l’extrême. Sa nature inquiète, facilement influençable, subit les pressions de La Trémoille et de Regnault de Chartres qui en tiennent tous deux pour la négociation avec Bourgogne et voient d’un mauvais œil l’intruse venue des marches de Lorraine contrecarrer leur plan.
Le Roi hésite, et avant de la recevoir, il décide de la faire entendre par des conseillers et la fait interroger dans l’hôtellerie où elle s’est installée.
Simon Charles, Maître des Requêtes de la Chambre des Comptes du Roi, rapporte ce que Jean de Metz, présent à l’interrogatoire lui a confié. On sait ainsi que la Pucelle, d’abord, ne voulut rien dire de sa mission s’en remettant à la volonté qui était la sienne de n’en référer qu’au seul Roi. Sous l’insistance de ses interlocuteurs elle confie toutefois qu’elle a reçu double mandat de la part du Roi des Cieux, savoir :
- lever le siège d’Orléans ;
- conduire le Dauphin à Reims pour le couronnement et le sacre.
Ce que confirmera le pli dont est porteur Jean de Metz et qu’il doit remettre au Roi de la part du Capitaine de Vaucouleurs.
On sait combien Jeanne attachait d’importance au soutien de Robert de Baudricourt et qu’elle n’eût de cesse de quitter la place par la Porte de France qu’après avoir reçu de lui des lettres de recommandation.
Ces lettres, les gentilshommes de son escorte ne furent autorisés à les produire que le deuxième où le troisième jours de son arrivée. Faut-il voir dans ce retard la pression des conseillers – et particulièrement de La Trémoille- peu enclins à la recevoir ? C’est possible et même probable ; c’est en tout cas l’avis de plusieurs historiens.
Aussi n’est-ce qu’après avoir reçu ce message confirmant les dires de Jeanne, que le futur Roi Charles VII, prit enfin la décision de lui accorder l’audience qu’elle demandait et qui allait changer le cours de l’Histoire.
C’est à « haute heure », c’est à dire à la tombée du soir, aux alentours de sept heure le 6 mars, que la Pucelle, toute vêtue de noir « pourpoint et chausses attachées, robe courte de gros gris noir » (rapport du greffier de la Rochelle), les cheveux noirs coupés à l’écuelle (contrairement à ce que rapportent de nombreuses images), ferme et résolue, gravit la venelle pentue qui monte au château...
Illustration Boutet de Monvel
18:19 Publié dans carnet de route | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : jeanne d'arc, la pucelle, le dauphin, charles vii, la trémoille, chinon, le coudray, le fort saint georges, jean de metz, robert de baudricourt, vaucoukeurs, l'isle bouchard, chevauchée, orléans, bourgogne