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25/11/2009

AU PAYS DE PIERRE VERY

 

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Le pays de Pierre Véry c'est celui de Goupi Mains-Rouges, à mi-chemin d'Angoulême et de Périgueux, à l'écart des grands itinéraires. Ce plateau, qui n'excède nulle part 170 mètres entre Montmoreau, Aubeterre sur Dronne et Chalais, on l'imagine peuplé de renards, de loups et de revenants. Il convient, pour en saisir l'âme, de s'y promener à pied par les grands chemins et ceux de traverse, si possible au crépuscule du soir ou du matin... Rien d'improbable alors à ce que vous y rencontriez une vache cheminant dans le brouillard, ou plutôt une façon de vache semblant à peine toucher le sol, comme possédée du Malin. Peut-être vous conduira-t-elle, dans la foulée de Siméon, jusqu' à Pont-Egaré que vous aurez du mal à trouver sur la carte à moins que Goupi-Tonkin, l'aventurier, ne vous renseigne...

Ce pays, aux terres mollement ondulées coupées de bois, de brandes, d'étangs et de labours n'a pas beaucoup changé depuis le temps où l'auteur des « romans à mystère et fantastique », né à Bellon le 17 novembre 1900, s'est éteint à Paris le 12 octobre 1960. L'aventurier de bibliothèque que fut Pierre Véry le parcourut dans tous les sens ce vieux pays du temps de sa jeunesse ; et plus tardivement encore, il y a des chances qu'il continua de l'explorer, quand il venait séjourner dans sa vieille maison d'Aubeterre accrochée au talus, dans le prolongement de l'église souterraine.

Remontons la grand-rue qui porte son nom ; rien de plus propice à développer le fantastique dans une imagination galopante que ce bourg d'Aubeterre. Tout y transpire le mystère et d'abord, cette église souterraine à la si haute voûte qu'on dit que c'est la plus haute de France dans sa catégorie. Creusée par les moines bénédictins de Saint Maur dans le calcaire coquiller, on imagine quel labeur il a fallu et quelle astuce pour évider la masse colossale du dépôt marin et évacuer les déblais !

On l'a faite en s'enfonçant, du haut de la colline jusqu'au sol actuel à hauteur du chemin, réservant des piliers massifs octogonaux d'une hauteur de vingt mètres et plus soutenant les voûtes d'arêtes. Il est probable qu'existait sur le devant une autre église ou peut être une partie de celle-ci, qui s'est effondrée au temps de la Guerre de Cent Ans, sapée par l'érosion ou minée par les soudards, emportant avec elle le chœur et le porche. Il ne subsiste de cette partie qu'une crypte, remarquable en cela qu'elle fait songer par sa disposition à un sanctuaire de Mithra. On imagine l'auteur des Disparus de Saint-Agil inspecter ces voûtes qui sentent le nitre ; on l'imagine déambuler dans le triforium, s'aventurer dans la galerie lourde d'humidité qui remonte au château, à la recherche des Chiche-Capon, se pencher à l'une des fenêtres du fond si haut perchées qu'on les dirait accrochées au ciel pour contempler le reliquaire réservé dans la pierre et ce qui fut probablement un baptistère creusé dans le sol de la nef, au milieu des sarcophages... Car des sarcophages et des morts, du moins leurs spectres, il y en a partout sous ses voûtes qui gardent leur secret puisque l'endroit servit longtemps d'ossuaire : on y disposait les morts les uns sur les autres sous des couches de terre alternées.

Hormis « Pont-Egaré », son premier récit (1929) qui s'inscrit dans le cadre local, les autres œuvres de Pierre Véry prennent ailleurs que dans la campagne voisine, leur source d'inspiration. C'est qu'à la différence du voisin Eugène Le Roy qui campa dans la Double pas si lointaine le cadre de « L'Ennemi de la Mort » et dans la forêt Barade celui de « Jacquou le Croquant », Pierre Véry s'inscrit dans un autre registre que celui du régionalisme : le roman d'aventure à connotation policière sur fond de rébus et de fantastique , singulièrement vivant parce qu'animé en permanence du souffle de la jeunesse. Qu'on en ait tiré des films qui marquèrent leur temps et continuent de nous enchanter, sont la preuve s'il en fallait une que le roman véryen se prête volontiers à l'écran ; tout y est disposé pour susciter en nous des souvenirs et des émotions dont la plupart tirent leur force du théâtre de l'enfance, de ses peurs  de ses enthousiasmes et de son insatiable soif de curiosité et de mystère. L'enchanteur Véry nous promène en kaléidoscope et nous marchons avec lui de pensions en salons de thé, de bureaux en enfilades, et de corridors en corridors obscurs. Il trace dans le sillage de Mac-Orlan avec le manuel du Parfait Aventurier sous un bras et le catalogue de la Manufacture de Saint Etienne sous l'autre ; et s'il met le cap sur les antipodes, c'est à la boussole qu'il le fait, placée dans l'angle de sa table de travail.

Si nous avons envie de le suivre, comme on est porté naturellement au rêve, c'est peut-être simplement parce qu'il nous tire, le temps que dure la lecture d'un de ses livres et son effet de prou, de l'enlisement d'un monde de plus en plus gris et saumâtre qui nous prépare des lendemains dont on peut craindre qu'ils ne nous fassent plus guère rêver....

On regrettera l'absence de rééditions, mais il est facile de trouver la plupart de ses œuvres sur le marché de l'occasion. En explorant la toile on pourra avec un peu de chance dénicher la somme des trois volumes publiés par les éditions Le Masque (collection les Intégrales) regroupant l'essentiel de l'œuvre policière (dernier tome publié en 1997) ; vous y découvrirez qu' au talent de l'écrivain, Pierre Véry ajoutait celui du dessinateur ; vous pourrez en juger à travers la série des petits tableaux des dialogues d'Outre Tombe...

A ce propos, si d'aventure vous passez par Bellon, allez lui faire un clin d'œil au petit cimetière, ça lui fera toujours plaisir !

http://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Véry

 

 

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