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22/09/2023

IN MEMORIAM ALAIN FOURNIER

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Le 22 septembre 1914 tombaient mortellement blessés, à quelques centaines de mètres de la Tranchée de Calonne, le lieutenant Henri Fournier et vingt autres de ses compagnons de la 23ème compagnie du 288ème Régiment d’Infanterie de réserve engagé sur le front des Hauts de Meuse.

La Tranchée de Calonne n’est pas un ouvrage militaire, c’est une route forestière de 25 kilomètres de long qui rattache Verdun à Hattonchâtel en suivant la ligne de crête. Elle a été tracée par l’Intendant du Roi Louis XVI en 1786.

C’est à la hauteur du croisement de cette route (aujourd’hui RD 331) avec celle de Saint-Rémy la Calonne à Lacroix sur Meuse qu’une stèle a été érigée à l’initiative du maire de Saint Rémy le 11 octobre 1964 à l’occasion du 50ème anniversaire de la disparition d’Alain Fournier. On peut y lire :

 

«  A la mémoire de Henri Alain Fournier auteur du Grand Meaulnes lieutenant au 288 RI et de ses hommes disparus dans le secteur le 22-9-1914 ».

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La fosse commune contenants les corps des 21 soldats tués le 22 septembre 1914 n’ayant été découverte que 77 ans plus tard le 2 mai 1991 à un kilomètre environ de cette plaque commémorative, on ne pouvait jusque alors parler que de « disparition »…

 

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Extrait carte IGN St Rémy la Calonne

Mobilisé le 2 août 1914, Alain Fournier se trouvant alors en villégiature à Cambo rejoint à Mirande dans le Gers le 288 RI auquel il est affecté. Il y commande la 23ème compagnie comme lieutenant en second sous les ordres du capitaine de Gramont. Le 16 août le régiment part pour Suippes d’où il prend à pied, le 17, la direction de Sainte Menehould. Le 23 août il est en cantonnement à Belleray près de Verdun et participe aux combats meurtriers livrés dans ce secteur du 24 août au 20 septembre 1914. Le 22 septembre, un détachement des 22ème et 23ème Compagnies commandées respectivement par les lieutenants Marien et Fournier partent en reconnaissance sur les Hauts de Meuse…

 

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Nous connaissons la suite malheureuse de cette mission…

Nous savons aussi la controverse à laquelle elle a donnée lieu et pour ceux qui l’ignoreraient encore, nous conseillons de lire l’excellent livre de Michel Baranger paru aux Editions Bernard Giovanangeli en 2013. L’auteur s’y emploie dans une étude fouillée à démêler le faux du vraisemblable pour ne pas dire du vrai tant les témoignages qui nous restent des deux côtés des belligérants prêtent à confusion.

Ce qui est sûr, c’est que l’auteur du Grand Meaulnes et ses compagnons ont bien trouvé la mort cet après midi du 22 septembre dans des circonstances confuses que nous ne pouvons qu’imaginer. Ce que l’on sait, c’est qu’un poste de secours et une ambulance allemande se trouvaient en position dans le seul bois de sapins du secteur (dit bois Gofrin) la forêt étant pour l’essentiel constituée de hêtres.

Il semble que la compagnie du lieutenant Marien ait subi des tirs d’observateurs ennemis auquels ils auraient répliqué tout en décrochant, ils se seraient regroupés alors à la 23ème compagnie rejointe par le capitaine de Gramont, jusqu’au-boutiste obstiné ramenant ses hommes au contact des troupes ennemies, c'est à dire à une mort assurée, la compagnie du lieutenant Egon Nicolay les prenant à revers.

Ainsi les vingt et une victimes de cet accrochage n’auraient pas été faites prisonnières et fusillées à la suite d’exactions commises contre le service sanitaire allemand en place mais bien tuées au combat comme le prouvent l’autopsie des corps retrouvés dans leur fosse commune.

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On doit cette découverte à Jean Louis, habitant de Lacroix sur Meuse, jeune accompagnateur de Maurice Genevoix revenu souvent sur les lieux où il connu l’enfer des Eparges et où il participa aux combats du 22 septembre. C’est à la suite des longues et patiente recherches de Michel Algrain que Jean Louis finit par déduction à retrouver sur le terrain le lieu du massacre et les corps des disparus dont les restes furent exhumés de la fosse (5mx3, 30cm de profondeur) du 4 au 25 novembre 1991 par trois archéologues de la DRAC de Lorraine.

Le corps d’Alain Fournier porte le numéro 16 sur la photo.

On se reportera pour plus de détail au lien suivant:https://www.etudes-touloises.fr/blogcelt/ArcheoThema%2035...

 

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Michel Baranger dans son livre rapporte ce que dit le rapport officiel de l’étude anthropologique : « Le sujet N°16, bien que dépourvu de plaque d’identité, avait pu être identifié avec certitude comme étant Alain Fournier, grâce à ses galons de lieutenant cousus sur du tissu gris-bleu, retrouvé sur les os de l’avant bras, ainsi qu’à ses galons d’épaulette et au numéro de son régiment :288, en laiton doré, agrafé sur une patte de collet rouge ; par ailleurs on rapprocha le calcul de la stature du squelette -1,70m- faite d’après la méthode de Fully et Pineau, de la taille mentionnée -1,69m- sur le livret militaire du lieutenant Henri Alban Fournier. L’analyse des impacts de balles sur son squelette a montré que « son sternum et sa deuxième côte droite avaient été touchés par une même balle » tirée juste face à lui, blessure grave à la poitrine, sans doute qui ne devait lui laisser que très peu d’heures à vivre. On put enfin rapprocher l’odontogramme du maxillaire supérieur -dix dents soignées et obturées- d’une carte postale représentant la grotte de Lourdes, envoyée à sa famille par Henri Fournier, le 17 mai 1909, au dos de laquelle il a écrit :  « De Tarbes où je viens de faire plomber ma 10ème dent. » »

Alain Fournier et ses 20 compagnons ont été inhumés dans la petite nécropole de Saint Rémy la Calonne, sur la pente qui regarde le sud, derrière le chevet de l’église.

 

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L’entend-il "la voix sourde et merveilleuse qui appelle"...

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13/04/2010

13 AVRIL 1860

 

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LES TOITS d'OSTENDE (1884)

« Je suis né à Ostende, le 13 avril 1860, un vendredi, jour de Vénus. Eh bien ! chers amis, Vénus, dès l'aube de ma naissance, vint à moi souriante et nous nous regardâmes longuement dans les yeux. Ah ! les beaux yeux pers et verts, les longs cheveux couleur de sable. Vénus était blonde et belle, toute barbouillée d'écume, elle fleurait bon la mer salée. Bien vite je la peignis, car elle mordait mes pinceaux, bouffait mes couleurs, convoitait mes coquilles peintes, elle courrait sur mes nacres, s'oubliait dans mes conques, salivait sur mes brosses... »

Ainsi s'exprime James ENSOR, le peintre de l'étrange qui fascina Verhaeren et Ghelderode.

 

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Ensor doit sans doute beaucoup à ses compatriotes Breughel le Vieux et Jérôme Bosch, mais aussi à Rembrandt et à Goya, à Turner et à Manet ; ce fut avant tout un coloriste qui produisit ses oeuvres les plus réputées entre 1880 et 1885.

André de Ridder, dans la biographie qu'il lui consacra dit de lui : « Il a travaillé, sa vie durant, dans un désert, sans appuis, presque sans amis, réfugié en lui-même et dans le monde merveilleux de la peinture (...) A Ostende, il naquit, il vécut, il se plia à ses habitudes, il réalisa son œuvre (...) Ce cadre se compose d'un paysage : la mer, le ciel, quelques dunes, un bout de campagne pauvre, aux fermes basses, et d'une maison dans une petite ville : celle de sa mère, devenue la sienne, avec la boutique fantasque au-dessus de laquelle il a installé son atelier... »

Je me souviens d'Ostende, la « Reine des Plages » et de la visite que je fis un jour à la maison du peintre, au 27 de la rue de la Flandre qui monte en direction de la mer. Derrière la vitrine de la boutique laquée de vert, des grenouilles naturalisées patinaient sur un miroir au milieu des masques, des coquillages et d'autres objets insolites...

La grand-mère ouvrit ce magasin de souvenirs et de chinoiseries, sa fille prit la suite et entre ces murs, le petit-fils, dans l'atelier qu'il aménagea à l'étage, puisa son inspiration. C'est là qu'il vint à bout de son « grand œuvre » : L'entrée du Christ à Bruxelles, qui fut exposé pour la première fois au Palais des Beaux-Arts à Bruxelles en 1929.

Rien n'a bougé dans la maison, du moins on le suppose, et il semble que le temps s'y soit arrêté là où le peintre l'avait posé. On y sent flotter la présence de quelque chose qu'on a du mal à définir, la même chose qu'on sent dans les toiles et qu'on emporte avec soi sans le vouloir.  Quelque chose qui vous mettrait mal à l'aise si peu que vous y attachiez une intention mauvaise, celle, par exemple, qui vous aurait fait voir les œuvres pour ce qu'elles ne sont pas : des figurations cruelles contagieuses comme la peste et le choléra. Car la mort y rôde son aise, la mort fantasque comme on l'aimait au Moyen Age, burlesque et guillerette dans ses farandoles, celle qui nous tire par la droite et par la gauche et finira bien par nous emporter, n'est-ce pas, puisque c'est elle qui aura le dernier mot !

 

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Le peintre lui même, dans la petite toile remarquable des « squelettes se disputant un hareng saur », n'apparaît-il point en filigrane : hareng saur... art Ensor ? comme déchiré entre le bien et le mal, la lumière et les ténèbres ?

 

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A considérer son œuvre peinte et son oeuvre gravée, on sent bien que ce peintre de la lumière a trempé ses pinceaux dans les ténèbres comme Emile Verhaeren y avait trempé sa plume, et c'est par là, me semble-t-il, qu'il furent l'un et l'autre lumineux.

 

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