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10/11/2016

SCANDALEUX ABATTOIRS

Par ordonnance royale de 1833 autorisation fut accordée à la ville de Limoges d’ouvrir et de mettre en activité l’abattoir public et commun qu’elle a fait construire dans le pré de Beauséjour, hors de l’enceinte de cette ville.

Beauséjour, un nom pareil, ça ne s’invente pas !

Les bouchers qui abattaient jusque là dans la rue Torte ( l’actuelle rue de la Boucherie ) dans les conditions qu’on imagine, furent contraints de se rendre désormais aux échaudoirs de Beauséjour pour la tuerie en dépit des protestations successives qu’ils firent connaître dans une brochure intitulée : « Observations des bouchers de la ville de Limoges. » et de leur tentative d’une grève de l’abattage, votée par leur confrérie assemblée dans la petite chapelle de Saint Aurélien.

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Cette obligation d’abattre dans un établissement public fut à l’origine du démembrement d’une des plus fortes corporations de la ville de Limoges, celle des bouchers.

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L’abattoir de Beauséjour fonctionna jusqu’à la construction de celui de la route de Nexon qui prit le relais.

 

J’ai connu les vestiges du vieil abattoir avant leur démolition : une cour fermée par de grands murs, des bâtiments en symétrie en vis à vis de l’ allée centrale pavée en dos d’âne et bordée de caniveaux. Une entrée monumentale avec des piliers et des grilles à piques, deux pavillons carrés campés de part et d’autre du portail, en façon de corps de garde.

 

On aura compris que l’endroit avait quelque chose d’une caserne sauf que là, on n’abattait pas en différé au grès des humeurs belliqueuses du voisinage, on tuait de suite, au fur et a mesure des arrivages…

 

Comme toutes les friches industrielles et pour peu que le mauvais temps soit de la partie ce genre d’endroit parle tout seul, nul besoin de le questionner. On imagine… Et ce qu’on imagine relève le plus souvent sans trop d’efforts du film d’horreur. Tous les sensitifs le savent.

Je ne me suis pas attardé ce jour-là à détailler les échaudoirs vaseux, les trous des toitures et les bris de tuiles, l’éclatement des verrières ; j’ai traversé les herbes folles sous un ciel chargé, louvoyé entre des tas de briques et de pavés arrachés, des morceaux de ferrailles, de rails, de chariots déglingués… tout le bataclan de l’abominable besogne destiné à tuer les bêtes…

Beauséjour, c’est aujourd’hui un ensemble d’immeubles dans lesquels pour ce qui me concerne, je dormirais assez mal.

 

Ce passé est mort et enterré. C’est du nouvel abattoir, celui de la Route de Nexon par lequel le scandale, aujourd’hui arrive. Il a été dénoncé mais quelles seront les suites, si suites il y a ? Et si d’aucuns veulent y voir une question de « règlement de comptes », histoire de se dédouaner, j’en resterai pour ma part à ce que montrent les vidéos et les photos prises sur le tas et dont on ne mettra pas en doute la véracité. Quoi d’étonnant puisque, paraît-il, c’est monnaie courante d’abattre, à Limoges comme ailleurs, des vaches pleines arrivées au terme de leur gestation. On ne le savait pas. Il faut que quelque indiscrétion des plus salutaires enfin nous l’apprenne. Que nous apprendront-elles demain ces indiscrétions ? Que des détraqués et des sadiques assouvissent leurs penchants sans trop de risques de représailles ? Que des responsables, business oblige, ferment les yeux et se bouchent les oreilles ? Que la filière viande est pourrie jusqu’à l’os ? Et quoi d’autre encore ? Qu’il s’est vu des choses terribles dans les abattoirs, d’animaux torturés, parfois découpés encore vivants ?

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Tant que les hommes pataugeront dans le sang des bêtes, il y aura des guerres

 

Je ne m’attarderai pas à vous donner les détails de ces éviscérations et de ces égorgements, de la puanteur qui s’en dégage et qui est le parfum de l’Enfer, de tout ce qui se passe d’épouvantable, quotidiennement, chez nous en France et partout dans le monde aux dépens des animaux dont l’homme « civilisé » fait grande consommation.

Il faut une certaine dose d’hypocrisie tout de même, pour admettre qu’on puisse caresser l’agneau d’une main ou l’offrir en peluche à ses enfants, se réjouir du spectacle des chevreaux tétant leurs mères, et accepter qu’on les débite en quartiers saignants pour s’en repaître de l’autre.

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Crédit photo (En pleine gueule)

C’est bien de signer les pétitions dénonçant ces crimes qui sont des assassinats de la plus basse espèce, je n’en manque pas une, mais je vais vous donner un conseil qui est aussi LA solution et la seule : si vous ne voulez plus entendre leurs cris, voir couler leur sang, égorger leurs petits, faites comme moi, NE MANGEZ PLUS LA VIANDE DES BETES ABATTUES, c’est le premier pas qui coûte, il faut le franchir, après, ça va de soi. Vous verrez comme vous vous sentirez plus « léger » et vous saurez que cette légèreté, cette insoutenable légèreté de l’être, n’est pas due à une perte de poids mais à un effort consenti de volonté pure. Dire NON, une fois pour toute à ces meurtres en série quotidiennement réitérés pour la satisfaction du palais des carnassiers, c’est admettre que l’homme peut vivre sans s’empiffrer de steacks tartares, de foie de veau ou de selle d’agneau. Mais il faut commencer par soi car, comme l’a clairement écrit Louis Cattiaux, c’est en changeant le monde du dedans que celui du dehors changera, en réciprocité.

Conseil: Voir ce site

02/03/2010

PAVES DES RUES (1)

 

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Les pavés des rues luisent sous la pluie comme les écailles des poissons morts...

C'est du moins le souvenir qui m'est resté de ceux d'une avenue de ma ville natale, au bout de laquelle on trouvait la caserne Beaublanc et le parc d'Artillerie. Cette avenue, dotée du nom d'un ancien maire, partait de la place Carnot pour rejoindre la route de Bellac ;  nous passions par là dans notre enfance, ma sœur et moi, quand, devancés par la grand' mère, nous « montions » rendre visite aux cousines de la rue Racine. Nous montions, car la rue fort pentue qui portait à la leur, exigeait de nos mollets un effort soutenu et chaque fois, c'était une expédition ! Je m'y préparais à l'avance, dans la joie fébrile qu'accorde généralement l'espérance de découvrir « quelque chose » d' insolite sur le trajet. Ce quelque chose, pour moi, se cachait en partie dans les lézardes des vieux murs, les pavés des rues, l'empierrement des caniveaux, ou ces grosses bornes de granite qu'on trouve parfois devant les entrées charretières et qu'on appelle  « chasses roues ». Les détours que nous faisions et dont j'étais la cause à seule fin de les voir, me remplissaient d'aise ; et je dois aux bonnes grâces de la grand'mère qui cédait à mes caprices, ce goût que j'ai gardé depuis pour le pavé des rues et les éléments de voirie qui l' accompagnent : bordures de granite, calades, bornes, dalles, lourdes grilles de fonte et plaques de fonderie, hauts murs de pierre cachant des demeures mystérieuses, piles monumentales et portails à fers de lances...

Il existait, dans le quartier que nous traversions, des usines de porcelaine aujourd'hui démolies ; je me souviens de la cour pavée de l'une  d' elles, et de la particularité qu'offrait son sol d'être partiellement revêtu de « gazettes », qui sont les bris des moules réfractaires dont on se servait alors pour cuire les produits.

 

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Limoges, rue du Pont Saint Etienne

 

C'était une spécificité locale que Limoges devait partager avec d'autres villes porcelainières et dont la rue du vieux pont Saint Etienne a gardé le souvenir. Compte tenu de leur petit calibre, ces gazettes permettaient d'obtenir d'élégants sols calepinés en bandes alternées, décorés de motifs géométriques, de rosaces, d'étoiles, de monogrammes ou de chevrons. On les posait très serrées, dans le sens de leur hauteur, à la façon des « calades » ou du « pisé » fait de galets tirés des ruisseaux ; et quoiqu'il restât peu de place entre elles, rien ne me paraissait plus beau que d'y voir pousser les mousses et les lichens...

 

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Limoges, rue du Pont Saint Etienne

Il était fréquent d'employer les gazettes à l'intérieur des maisons pour paver le sol des cuisines ou celui des couloirs ; et de la même façon, on les utilisait pour assainir les écuries et les remises, les fournils, et quelquefois les caves. Les usines en produisaient en quantité telle, qu'on s'en servait pour stabiliser les remblais ou combler des ravines ; il n'est pas rare aujourd'hui encore, d'en retrouver dans les déblais à la faveur de travaux publics ou de fondations, parmi des vestiges plus anciens.

 

 

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Limoges, rue du Pont Saint Etienne

L'emploi de gazettes en revêtement de voirie demeurait toutefois l'exception, la part noble revenant de plein droit aux pavés. Pavés de granite en l'occurrence, tirés des carrières proches de Limoges, ou de celle plus éloignée du Maupuy dominant Guéret, dont l'importante production permettait d'exporter à Paris, Bordeaux ou Lyon, des produits de qualité inégalée. Les géologues savent que le granite bleu du Maupuy se présente sous la forme d'un batholithe dont le sommet actuel culmine à 686 mètres ; d'énormes chaos et boules rocheuses l'environnent, qu'on rencontre au milieu des landes et des bois. Certaines portent encore des traces de débitage, ou sont accompagnées de pierres de taille abandonnées, car elles furent exploitées par des tâcherons au même titre que la roche mère.

 

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Ce granite extrêmement dur présente un coefficient de porosité de 0,1, inférieur à celui du Labrador, c'est dire qu'il fut et reste toujours un excellent matériau de voirie.

Des générations de carriers et de tailleurs de pierres (dont beaucoup d'Italiens avant la dernière guerre) se sont succédées sur le site, dans l'ordre immuable qu'imposait la transformation de la matière première en produit finit : le mineur extrayait le bloc ; le débiteur, qui connaissait le fil de la roche, la séparait en plaques et en barres ; le tailleur de pierre en pierres à bâtir et en bordures de trottoirs, dalles et bouches d'égouts ; l'épinceur en pavés et boutisses.

 

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Tailleurs de pierre italiens au Maupuy en 1933 (source:Les Maçons de la Creuse, bulletin n° 13)

L'exploitation des carrières du Maupuy, arrêtée en 1990, a laissé la nature reprendre ses droits. L'endroit a de quoi surprendre ; quand on le découvre entre le cri des buses et celui des rafales dans les branches des sapins, on s'attend à ce que le vent porte à l'oreille l'écho des derniers coups de marteaux et des épinçoirs...

On accède à ces curieuses brèches ennoyées, ouvertes au sommet du massif, par une route forestière bordée d'énormes blocs sciés qui répondent à ce que le « land art » demande au plus exemplaire des « ready-made » tant il est vrai que ces alignements venus d'un autre monde nous interpellent par leur seule présence.

 

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Massif du Maupuy, Saint Sulpice le Guérétois

Rendons hommage à travers eux aux maçons et aux paveurs marchois qui partout en France ont laissé le témoignage d'une « œuvre » de pierre achevée, tirée toute entière de leurs mains ; elle ne date pas d'hier, et pourtant, partout où on la voit encore, elle a résistée aux outrages du temps et des hommes jusqu'à ce qu'un « art » dit urbain, assurément de mauvais aloi, se soit mis dans la tête d'en venir à bout en faisant « peau neuve » de nos rues anciennes...

Les rues pavées sont aussi vieilles que le monde civilisé ; l'histoire nous apprend que les phéniciens et les chinois revêtaient d'un dallage les voies royales et les abords des palais. Mais c'est aux romains que revient la pratique d'habiller les chaussées circulées empruntées par les légions et les chars, de lourdes dalles de pierre généralement assemblées en « opus incertum » posé sur béton de chaux et terre compactée. Ces chaussées à profil bombé, facilitant l'écoulement des eaux dans des caniveaux latéraux, montrent fréquemment, quand elles sont mises au jour par les archéologues, la trace des roues des chars profondément entaillée dans leur revêtement.

C'est à partir du XIIème siècle, à l'instigation de Philippe Auguste dont l'objectif était d'assainir les rues bourbeuses et nauséabondes de la capitale, qu'on commença à les revêtir de grès tiré des carrières de Fontainebleau. La chronique de Saint Denis (1186) donne quelques indications sur le pavage des rues, notamment de la « croisée de Paris », à l'aide de « carreaux »(grandes dalles carrées pouvant atteindre jusqu'à un mètre de côté), et de « rabots » (petites dalles).

François 1er et Henri IV poursuivent l'œuvre de Philippe Auguste sans pour autant la mener à bien car sous Louis XIII, époque à laquelle on remplaça les carreaux et les rabots par les « pavés du roi », il restait encore beaucoup à faire !

C'est donc au XVII ème siècle qu'appartient « l'invention du pavé », du moins tel qu'on peut le voir dans la cour de Versailles ou dans celles des hôtels particuliers du Marais. Pavé de grès de 18x18 ou 20x20, d'une épaisseur de 23 cm.

 

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Au XIXème siècle, qui vit l'achèvement des grands travaux de voirie et celui du revêtement des chaussées de la capitale et de celles de toutes les grandes villes, on mit définitivement au point le pavé de granite dit « mosaïque » en même temps qu'on expérimenta le pavé de bois. Ce dernier, pour les raisons qu'on imagine (durabilité, sécurité) ne connut pas le succès que ses partisans escomptaient et on l'abandonna définitivement en 1938, au seul profit du pavé de granite plus résistant que celui de grès. Pour diverses raisons, (dont entre autres l'avantage qu'il offrait aux émeutiers de pouvoir  élever des barricades...), la pratique du pavé fut abandonnée définitivement dans la deuxième moitié du XXème siècle au grand bonheur des sociétés de goudronnage...

 

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Pont Saint Martial, Limoges

 

( à suivre...)