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26/10/2010

INCONSTANCE DE L'EGO

 

 

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On sait qu’une goutte d’eau tombant sur un rail, toujours au même endroit, parvient, avec l’appui du temps, à le couper en deux ; de même, la stalactite et la stalagmite en se rejoignant au fond du gouffre finissent-elles par ne former qu’une colonne de plus en plus grosse capable, à la longue, d’obstruer la cavité souterraine toute entière.

On voit par là combien le temps prête à l’affaire, sous la réserve que rien ne vienne la perturber.

Ainsi en va-t-il de l’Ego, assimilable à la volonté pure susceptible avec le temps, comme la goutte d’eau, de réaliser l’Etre en coupant les chaînes des représentations qui cachent au « moi » la réalité et l’emprisonnent dans l’apparence du monde.

Cet Ego, présent en chacun de nous, on peut le comparer à un veilleur qui  ne monterait plus la garde, fatigué par de longues heures d’attentes inutiles. Admettons qu’il se soit endormi, livrant la place, précisément à l’instant où se présente l’ennemi. C’est à peu près la situation dans laquelle se trouve l’homme ordinaire prisonnier de ses illusions.  Les raisons du sommeil de ce guetteur, dont la nature, pourtant, est d’être vigilant, sont multiples. Elles tiennent d’abord à  l’opacité de son enveloppe mentale, assimilable au brouillard le plus épais qui ferme la vue deux pas devant soi et sur les côtés ; elles tiennent ensuite à l’aimantation du dehors, décuplée en cette fin de Kali-Yuga, insurmontable pour l’ego que nous connaissons et qui prend de plus en plus d’importance au détriment de la réalité de l’Etre. Elles tiennent enfin à la perte des transmissions, concomitante à l’extinction de la notion de « sacré ».

Orphelin de père et de mère, du ciel et de la terre, du soleil et de la lune, l’ego contemporain, secoué à chaque instant par les sollicitations et les tentations toujours plus aliénantes du « progrès », n’obéit qu’aux seuls stimuli qui l’affectent dès sa sortie de l’œuf.  Il reste, plus qu’il ne l’a sans doute jamais été, le jouet de ses affects et de ses centres d’intérêts qui, bien qu’illusoires, le mangent gloutonnement. A ce stade on est en droit de se poser la question de savoir si c’est à lui, ce « moi-je », qu’est dévolu l’achèvement de la créature ou s’il n’est qu’un leurre destiné à ne servir que le seul ennemi qui sommeille dans les ténèbres au détriment de l’Etre, qui lui, habite le soleil. D’ego à Ego, il y a la distance du moi au Soi dans l’acception junguienne.

Combien de « moi » manquent-il, à tous moments à leurs résolutions ? Combien d’entre eux trahissent-ils leurs alliés que sont la détermination et le courage ?

Comme la girouette mue par les vents contraires, ils n’ont de cesse de changer de direction, incapables de se fixer sur l’une d’elles. Le plus souvent d’ailleurs, cette inconstance n’est même plus la conséquence de l’hésitation qui précède le choix, mais plutôt le résultat produit par l’effet du miroir aux alouettes des tentations aliénantes du monde du dehors gouverné par l’argent.

Quel est en effet ce « moi » qui se lève un matin du pied gauche à cause d’ un mauvais rhume ou de quelques tracasseries de la nuit qu’un bon repas fera vite oublier ? Quel est ce moi, flatté par celui-ci, dénigré par celui-là, ballotté de droite et de gauche, comme l’épave par le flot, incapable d’entreprendre ce qu’il s’était promis la veille d’exécuter ?

Suffit-il pas d’un mauvais courrant d’air, d’une contrariété, de distractions futiles, pour le voir aussitôt s’emballer oubliant la résolution qu’il s’était fixé de tenir le cap ?

Chacun de nous peut quotidiennement le constater et s’employer à le corriger à hauteur de ses aptitudes personnelles. Encore faut-il le vouloir parce qu’en fin de compte, c’est d’un « dressage » qu’il s’agit, et non des moindres ! Un dressage s’appuyant sur la douceur et la fermeté à l’exclusion de toute violence contre soi-même. Et, sans jamais faillir à la tâche, même et surtout peut-être, dans le repos. Il faut laisser « advenir » l’Ego, le laisser nous surprendre, par quelque grâce, comme un voleur qui n’emporterait que le superflu pour nous alléger. Ensuite, il faut apprendre avec lui à chevaucher le tigre qui ne manquera pas de traverser les zones d’ombre où veille l’ennemi et tout son clinquant de pacotille.

On ne mesure pas la valeur d’un homme au seul rapport à l’argent mais aujourd’hui, force est d’admettre que c’est par là qu’il est le plus facile de voir à quel stade en sont rendus nos contemporains, frères en humaine condition.

 

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(source photo: pinklemonblog.com)

 

Je ne parle pas de l’oligarchie régnante, non plus d’ailleurs que de ses affidés, pseudo hussards du marché et serviteurs de l’économie globale galopante et de la haute finance, pourvoyeurs de devises et de biens de consommation superflus et criminogènes ; qu’ils soient, ces champions, ces selfs made man, où ces diplômés ex-business des grandes écoles, pour le plus grand nombre pourris jusqu’à la moelle par le profit, cela va de soit et le contraire nous étonnerait ! Je ne parle pas de ceux-là, non, je parle des « tondus », de ceux qu’on appelle communément le « troupeau » et qui, aux yeux du prince ne valent pas un kopek. Et bien ceux-là aussi à leur manière, même quand ils le soupçonnent malgré qu’ils en aient, sont les zélés serviteurs d’un système qui ne saurait vivre sans eux. Ces aveugles sont les premiers, crédit poussant crédit, à se précipiter tête baissée sur les tarmacs des « discounts » y compris les dimanches. Que peut-on attendre de leurs transhumances de somnambules qui font la queue aux caisses des grandes surfaces comme à celles des péages, des stades, des cinémas et de la foire du trône ? Trouveront-ils, ces nouveaux esclaves, leur Toussaint Louverture ?

 

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Et toi même, lecteur, trouveras-tu-le tiens ?

Dans la zone d’ombre, où veille l’ennemi, il n’est « point nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer » ; et d’une certaine façon puisqu’il nous colle à la peau comme la tique au chien, vouloir se débarrasser du monstre qui nous suce le sang est une motivation légitime autant que nécessaire pour préparer la venue de l’Etre. Disons le tout de suite, la situation n’est pas nouvelle et depuis que le monde est monde, sans doute en a-t-il toujours plus ou moins été ainsi. Mais le stade où nous en sommes rendus aujourd’hui ne s’est encore jamais vu, à l’appui de ce que nous enseigne  l’Histoire depuis qu’elle est écrite. C’est l’heure trompeuse où les anciennes écoles de sagesse sont remplacées par les bazars du prêt à porter des « spiritualités » nouvelles et j’en passe, où les religions ne préparent plus à la « venue de l’Etre » et au passage de la mort, où les marchands et les hypocrites occupent le temple, où le roi ne guérit plus des écrouelles… Que reste-t-il à l’homme sinon l’aptitude qu’il a gardé au fond de lui, pour peu qu’il veuille oublier, oublier un instant seulement, son identification aux modèles sociaux, de s’ouvrir à la « Grâce » qui n’est que la voix qu’il n’entend plus et qui lui parlait déjà, pourtant, en le rassurant, in-utero : « Ne crains point, crois seulement… touche et vois. »

Dans l’utérus du monde où chacun de nous se trouve -dans l’attente d’une délivrance prochaine qui pourrait s’avérer brutale, préparons notre sortie dès à présent ; cela demande effort assurément, mais c’est à ce prix que beaucoup, sinon tous, seront sauvés et tirés de la boue où nous disparaissons.

 

 

« Très  malins, vous  avez trouvé  le  savon

pour  décrasser la  peau, mais la  crasse du

dedans demeure sans remède devant votre

malice. »  (Louis CATTIAUX, Le Message retrouvé, 10/XXV)

 

« Ordonner la boue du monde est un pis-

aller ; en sortir, voilà l’intelligence ! (Message retrouvé, 10’/XX)

 

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