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17/08/2010

BULLETIN CELINIEN

Bulletin célinien N° 321

 

 

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«  Cet homme était pure sensibilité », c’est ce qu’écrit Jacques TREMOLET de VILLERS dans un article commis à la faveur de la parution d’une partie de la correspondance célinienne dans la Pléiade. Cet article repris dans ce 321ème bulletin, évoque la tendresse que portait Céline aux enfants, aux déshérités, aux « pauvres de partout », aux animaux, à tous les malheureux de la terre. Son expérience précoce de la guerre, son exercice de la médecine, la traversée de l’Allemagne sous les bombes, son exil au Danemark traqué par les comités d’épuration et les conditions de détention dont il eut à souffrir, l’avaient sapé au point qu’il ne pouvait  supporter la souffrance chez un autre être. Qu’il ait eu la dent longue pour l’espèce humaine en général -et l’auteur de l’article le rappelle- nul ne le contestera ; c’est qu’il connaissait trop bien la nature des hommes pour ne pas avoir à s’en méfier ! Ce qui ne l’empêcha point d’en secourir plus d’un en particulier, qu’il aida du mieux qu’il pu. L’auteur nous rappelle cette phrase que Simone Weil, dit-il, avait recopiée dans son cahier où elle écrivait les mots qui « sculptent le silence intérieur » :

« La vérité est une agonie qui n’en finit pas. La vérité de ce monde c’est la mort. »

Et c’est toute l’œuvre célinienne qui tourne, peu ou proue autour de la mort, parce que cette œuvre est née de la première guerre mondiale, catastrophe universelle, dont l’auteur du voyage est sorti définitivement désillusionné.

 

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L’article de J. Trémolet de Villers s’achève sur l’extrait d’une lettre à Marie Canavaggia datée du 19 novembre 1945 qui vaut d’être cité parce  qu’il ramène l’homme à son point de départ, dans l’assurance du gîte et du couvert :

« Lorsque la folie des jours et des années s’est éteinte que notre loque n’est plus qu’un débris de fatigues, c’est la moindre des cruautés un petit brouet et un toit pour finir cette aventure atroce. Mais si le brouet et le toit font défaut alors c’est un calvaire sans nom. Regardez les animaux nos maîtres en destinée – comme ils tiennent si sagement si pathétiquement à leur vieux tapis – Braves êtres - ! Il faut avoir été chassé sans merci de tout et partout pour devenir bien simple, bien simple… pour penser comme un chien - »

Le bloc-notes de Marc LAUDELOUT évoque la chape de plomb qui pèse –et n’a pas fini de peser- à l’évocation du seul nom de Céline ailleurs que dans la stricte sphère littéraire. Pour preuve, la réaction d’une conseillère municipale à l’accueil proposé par la première élue de Dinard au colloque de la Société des Etudes céliniennes. On voudrait dire à cette dame Craveia Schütz, que les « bouffées humanistes » qu’elle déplore ne pas avoir trouvées dans l’œuvre célinienne (l’a-t-elle bien lue ?) sont à laisser au compte de ceux qui se font photographier en porte-faix à l’instar de certain ministre ; les officines bien pensantes du politiquement correct connaissent le refrain… Non, Céline ne voyait pas « l’humanité » acéphale ; c’est « l’homme », qu’il voyait sur son chemin, l’homme tout seul, l’homme tout court, et souffrant de surcroît, qu’il secourait autant qu’il le pouvait, n’en déplaise à madame la conseillère. C’est une chose de dénoncer le mal, ç’en est une autre que de tenter d’y porter remède ; il existe une marge non négligeable des mots aux actes, jugeons sur ces derniers pour avoir l’assurance de ne pas nous tromper. Et saluons au passage l’initiative de Madame Mallet, maire de Dinard, dont le bulletin reproduit la lettre. On pourra regretter au passage qu’elle se soit crue obligée de se dédouaner quant aux écrits qui sentent le soufre. Quand on aime Céline, on le prend en bloc, tout entier et on fait la part des choses : il y a des latitudes où le style l’emporte sur les idées. Et d’ailleurs, lui-même ne disait rien d’autre, qui ne s’est jamais renié ; ce que rappelle Marc Laudelout en note : « Je ne renie rien du tout… je ne change pas d’opinion du tout… je mets simplement un petit doute, mais il faudrait qu’on me prouve que je me suis trompé, et pas moi que j’ai raison. »

 

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Quoi qu’il en soit, ce n’est pas demain qu’une quelconque rue du plus reculé des chefs- lieux de la plus lointaine province portera le nom de Céline ! Ou alors, comme aurait dit ce dernier, il sait pas, l’innocent téméraire de cette initiative, quel genre de valse on lui ferait danser !

Outre une note de Laurence CHARLIER nous informant de l’actualité célinienne, on trouvera dans ce 321ème numéro la préface que Jacqueline MORAND-DEVILLER a donnée à la réédition de sa thèse « Les idées politiques de Louis-Ferdinand Céline », parue en 1965 mais depuis longtemps épuisée. Cette nouvelle publication de 304p., due à l’initiative d’Emile Brami, est disponible aux Ed. Ecriture, coll. « Céline & Cie ».

 

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Le Bulletin signale également la parution d’un « Dictionnaire du pamphlet » dû à Frédéric SAENEN et disponible dans la coll. « Illico » aux Ed. Infolio à Genève.

Enfin, l’éditorialiste propose une évocation de Maurice Bardèche enrichie d’un témoignage de Pierre MONNIER qui rappelle combien les anciens élèves de Bardèche tenaient l’érudition, le courage et l’humour de ce dernier en haute estime.

Pour conclure, Frédérique LEICHTER-FLACK est allée voir ce qui se cachait derrière l’allusion de Bardamu, desespéré par la mort de Bébert, sur « une page d’une lettre qu’il écrivait à sa femme le Montaigne, justement pour l’occasion d’un fils à eux qui venait de mourir ». Elle donne en note cette lettre, écrite par Montaigne de Paris, le 10 septembre 1570. L’auteur de l’article a bien vu que ce que Bardamu raillait chez Montaigne,  «  ce n’était pas la dérision en face de la mort d’un enfant, d’un effort littéraire de consolation, mais le scandale même de la tentative. », parce qu’il y a des chagrins inconsolables que le temps lui même ne peut pas effacer, pas davantage que les mots, qu’ils soit dits, ou écrits. Céline, sur le chapitre, savait à quoi s’en tenir…

15/11/2009

LA GUERRA DI PIERO





Voici une chanson qui compte parmi les plus belles ayant traité de la guerre et de ses ravages...

J'en donne cette traduction libre afin de respecter le rythme:

 

Sous les blés tendres où tu dors dans ton gîte

Ce n’est pas la rose ni la tulipe

Qui t’accompagnent dans ton sommeil

Mais plus de mille coquelicots vermeils.

 

« Au fil rapide de mon torrent

Je veux revoir les brochets d’argent

Et plus jamais les corps des soldats

Charriés par l’eau froide les bras en croix. »

 

Ainsi disais-tu et c’était en hiver

Tout comme les autres vont vers l’enfer

Tu t’en vas triste, le vent se lève,

Qui t’enveloppe bientôt de neige.

 

Couvre-toi bien Piero, couvre-toi

Entends le vent t’apporter la voix

De tes compagnons, pauvre piétaille

Jetés à la Mort sur le champ de bataille

 

Mais tu restas sourd et le temps passa

Qui fait les saisons et qui marche au pas

Et un beau matin tu vis la frontière

Comme le printemps chassait l’hiver.

 

Puis quand vint ton heure, marchant le cœur lourd

Tu vis un soldat au creux d’un labour

Triste comme toi et le regard morne

Sous la couleur d’un autre uniforme.

 

Tue-le Piero, tue-le bien vite,

Il ne faut pas que tu hésites

La guerre te l’ordonne et c’est maintenant

Qu’il faut rougir la terre de son sang.

 

« Ah ! mais si je vise la tête ou le cœur,

La Mort l’emportant et que je demeure

Jamais  je ne pourrai, de son regard

Chasser la douleur de ma mémoire. »

 

Et pendant que tu songes, lui s’enhardit

Te considère en ennemi,

Epaule son arme et te met en joue,

Sous sa mitraille tu tombes à genoux.

 

Tu t’effondras sans jeter un cri,

Avec le regret avec le souci,

De partir sans t’être fait pardonner

Ni tes erreurs ni tes péchés.

 

Tu t’effondras sans jeter un cri

En sachant bien que les jours de ta vie

Finissaient là au creux de ce labour

Sans autre espoir de revoir le jour.

 

« O ma Ninette il faut bien du courage

Mourir en mai n’est pas de mon âge,

Ninette belle pour voir l’enfer

J’aurai mieux aimé m’y rendre en hiver.

 

Au milieu des blés qui te firent un lit

Tu t’effondras serrant ton fusil

La bouche pleine de mots gelés

Que le soleil ne pu réchauffer.

 

Sous les blés où tu dors dans ton gîte

Ce n’est pas la rose ni la tulipe

Qui t’accompagnent dans ton sommeil

Mais plus de mille coquelicots vermeils...