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29/03/2014

IN MEMORIAM DOMINIQUE de ROUX

 

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On ne peut guère évoquer Dominique de Roux sans penser aux Cahiers de l'Herne, à Louis-Ferdinand Céline et à Witold Gombrowicz; non seulement parce qu'il consacra à ces deux auteurs atypiques et majeurs du XXème siècle deux des célèbres cahiers dont il fut le directeur éclairé, mais aussi parce qu'il leur dédia deux essais parus initialement en collection 10X18:  l'un "La mort de Céline"  (1969), l'autre "Sur Gombrowicz" (1971)

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Né le 17 septembre 1935 à Boulogne-Billancourt, Dominique de Roux fut emporté trop jeune par une crise cardiaque en 1977 , "il meurt dans l'ambulance à 19H40, le mardi 29 mars, d'une rupture de la valve coronaire, liée à la maladie de Marfan". C'est ce que précise son biographe, Jean-Luc Barré dans l'ouvrage récemment édité par Perrin dans la collection "Tempus": Dominique de Roux. L'homme des extrêmes". 

Tant il est vrai que c'est dans la "matière" de leur propre vie que les grands auteurs puisent leur inspiration (on se souvient de Céline, évoquant tout jeune la Providence en souhaitant qu'elle ne lui épargne rien: "... mais ce que je veux avant tout, c'est vivre une vie remplie d'incidents, que, j'espère, la Providence voudra placer sur ma route..."), il faut parcourir le livre de Jean-Luc Barré pour voir que la vie de Dominique de Roux n'aura pas, non plus été celle d'un tiède. 

On peut où non partager les convictions et les engagements qui furent les siens, mais ce qui est sûr, c'est qu'on ne peut qu'être d'accord avec l'idée qu'il se faisait de toute littérature: défendre "l'esprit vivant" contre" la lettre morte", rejoignant par là  Nietzsche :" De tout ce que l'on écrit, je n'aime que ce que l'on écrit avec son sang; écris avec ton propre sang et tu sauras que le sang est esprit".

Cependant comme le note J-L Barré: "Dominique de Roux n'accordait pas à l'élaboration de son oeuvre personnelle une priorité absolue, l'écriture fût-elle tout entière au coeur de sa vie. Comme si être écrivain ne lui suffisait pas tout à fait pour se réaliser, il s'emploiera à investir le champ littéraire dans son intégralité. Il se fera non seulement romancier, essayiste, pamphlétaire et grand reporter, mais aussi fondateur de revues, directeur de collection, éditeur, et plus encore à la tête des Cahiers de l'Herne, passeur, instigateur, découvreur, avant de chercher dans l'action et l'aventure politique de nouveaux modes d'expression, d'autres façons de s'accomplir."

Des romans, des essais, des entretiens, 36 cahiers de l'Herne publiés sous sa direction, voilà ce que nous a laissé cet homme qui savait si bien voir chez les autres ce qu'ils ont d'essentiel. En témoigne son "Céline" dont voici un extrait des dernières pages:

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" A l'heure où la grande pitié de la littérature française nous oblige à la longue marche, solitaires à côté d'autres solitaires, jusqu'à la fin, en deçà de la mise en condition générale et bientôt contre elle, n'imitons pas Céline, comme ceux qui se stérilisent dans leur impuissance, à se saisir d'une telle maîtrise.

Ecoutons Céline. Compromettons-nous sans jamais rompre nos attaches avec la VIE. Car voici les temps d'un seul et même combat. Le combat de la parole signifiante contre les mots, de la volonté d'intégration contre les puissances de la désintégration, et c'est là le mystère suprême d'Orphée déchiré par ces femmes thraces que sont les mots laissés à eux-mêmes.

En France, nous sommes en territoire ennemi. Nous serons toujours et partout en territoire ennemi.

Il y a cinq ans, mourait Céline qui semblait, jusque dans son être, destitué, agent et victime de ce temps de toutes les abolitions.

Contre toutes les épreuves, contre tous les systèmes et les monopoles, Céline n'a cessé d'engager son oeuvre. Il a perdu la tête, à tel point que nul ne peut le revendiquer pour sien. A travers ses épreuves, il a créé sa propre lumière, et il SAIT. 

Alors les écrivains qui ne voudront pas se soumettre aux mots d'ordre, aux entreprises de critiques officiels, qui lutteront contre les lois et la vile dictature de la mode, qui prouveront par leur oeuvre vivante, par la provocation de leurs vies -contre les traîtres inconscients et les faux témoins professionnels, contre la race des esprits prostrés- ceux-là, rejoindront les membres épars de Céline que l'on menait en terre le 1er juillet de l'été 1961, dans ce désert des Tartares où il monte sa garde contre ceux qui n'arriveront jamais. Ainsi travailleront-ils pour l'au-delà de la Révolution, organiseront-ils la stratégie de l'Apocalypse en termes de victoire.

Car les temps changent, et ce sont les temps du Grand Changement qui, maintenant, viennent.

Rejoindre la clarté, tout changer.

Rejoindre la clarté.

Céline, il a rejoint."

8 AOUT 1968

"Adieu donc, pauvre souffrant, mon docteur..."