18/01/2014
IN MEMORIAM GRIBOUILLE
Au cimetière parisien de Bagneux repose Marie-France GAITE, au bout de la longue allée des tilleuls de Hollande, division quatre-vingt-seize, en compagnie des écureuils et des corbeaux… une tombe bien discrète… au bord de la haie…
Y’a des corbeaux ma mère
Y'a des corbeaux là-haut
Qui dorment sur les pierres
Et gardent les tombeaux
Elle a quitté ce monde le 18 janvier 1968 dans son appartement de la rue Crozatier, seule, emportée par l’alcool et les médicaments, un mélange détonant. Pourquoi ? Comment ? Quelle importance ? Mais elle était bien jeune… Elle aurait eu vingt-sept ans le 17 juillet de cette même année.
De la préface que Françoise Mallet-Joris a écrite pour l’ouvrage de Marie-Thérèse Orain qui regroupe les textes des chansons de Gribouille on retiendra :
Elle était le désespoir sous sa forme la plus séduisante, le désespoir qui chante, avec de brusques coups de gueule et d’inattendus mouvements de tendresse qui l’étonnaient elle-même. Le désespoir étonné devant le spectacle du monde, étonné que ce spectacle-là, on pût le supporter.
Sans doute, qu’elle était le désespoir. Tout l’exprime au travers de ses textes. Et puisque le désespoir inspire, comme l'inspira la Muse au poète de la Nuit de mai :
"Les plus désespérés sont les chants les plus beaux,
Et j'en sais d'immortels qui sont de purs sanglots."
Je vais mourir demain
Au poteau de la gare
Fusillée par un train
Au champ des rails noirs…
(Mourir demain)
Je n’ai pas fait de rondes
Pas joué au cerceau
Moi je suis de ce monde
Où l’on se fout à l’eau
Où l’on se fout à l’eau…
(Les rondes)
Si je ne fais pas de toi un très beau souvenir
Dont on parlait parfois, c’est que je vais mourir
Je ne sais pas comment, je ne sais pas pourquoi
Mais il y a sûrement une bête aux abois.
(Si je ne fais pas de toi)
Gribouille aura traversé le monde de la chanson à la vitesse d’une comète. Son sillage demeure dans les cœurs qui lui sont restés fidèles, qu’ils l’aient connue ou pas. Je veux croire qu’elle appartenait à l’assemblée des « cœurs purs » que chante Caussimon et dont témoignent les photos que nous a laissé d’elle Claude Mathieu. Son visage, souvent empreint de gravité, au-delà de la tristesse, regarde dans la direction du « vert paradis des amours enfantines ». Elle ressemblait à un garçon c’est vrai ; ou plutôt, un garçon pouvait lui ressembler. Mais elle était fille autant que la Pucelle de Domrémy -dont je pressens qu’elle avait les traits- pouvait l’être : battante, susceptible, sensible et déterminée.
Elle croyait à l’amour et n’en supportait pas la parodie. Un ange l’a emportée sur son aile il y a aujourd’hui quarante-six ans…
On a dit d’elle qu’elle serait devenue telle ou telle… On n’en sait rien. Elle fut Gribouille tout simplement. Et quand j’entends sa voix, je la sens là, tout près, vivante comme jamais…
La plupart des gens ne meurent qu’au dernier moment ; d’autres commencent et s’y prennent vingt ans d’avance et parfois davantage. Ce sont les malheureux de la terre.
(Louis Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit)
Orientations :
GRIBOUILLE: "Je vais mourir demain", éditions Christian Pirot 2001.
Résumé d'une vie: ICI
17:34 Publié dans Portraits | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gribouille, bagneux, écureuils, corbeaux, crozatier, désespoir
Les commentaires sont fermés.