24/07/2011
BULLETIN CELINIEN
Bulletin célinien n° 332
Comme les numéros qui l’ont précédé, ce bulletin fait large part aux événements du cinquantenaire de la mort de l’écrivain. Dans son Bloc-notes, l’éditorialiste esquisse un bilan du premier semestre en mettant en avant les publications incontournables que sont le « Céline » d’Henri GODARD, le recueil de témoignages rassemblés par David ALLIOT : « D’un Céline l’autre », et cette somme que constitue la « Bibliographie des articles & des études en langue française consacrés à L. F. Céline, 1914-1961 », de Jean-Pierre DAUPHIN. A ces ouvrages de référence il convient d’ajouter les deux hors-série très bien illustrés du Figaro et de Télérama, ainsi que le dossier du Magazine Littéraire et celui de la Revue des deux mondes en se souvenant que Céline, en son temps, et notamment au cours de son exil au Danemark, fut un fidèle lecteur de cette dernière. Marc LAUDELOUT évoque également les émissions radiophoniques et télévisuelles, notamment celles de France-Culture du 19 février et de France 5 du 3mars, sans oublier les deux colloques qui se sont déroulés au cours de cette première moitié d’année.
Pierre LALANNE, de son côté, assimile l’année Céline à la « Fête des fous ». Il s’en explique dans la note qu’il consacre à cet anniversaire qui « démontre l’incroyable jeunesse de l’écrivain ». Et l’une des conséquences possible de cette déferlante de publications et d’avis controversés sera peut-être que « de nouveaux lecteurs, intrigués, oseront s’approcher du monstre et alors, le mal sera fait : ils seront majoritairement séduits, conquis par la verve célinienne. Il n’y a pas à en douter, Céline est dans le paysage encore pour longtemps et se chargera, périodiquement, de nous le rappeler. »
Revenant sur le pétard mouillé de la commémoration officielle, Pierre Lalanne pense qu’avoir radié Céline des listes officielles est, plus qu’une erreur, « surtout un aveu d’impuissance et une réaction d’asservissement à la manipulation de l’opinion, aux mensonges, toujours. » Il fait très justement observer la complexité de cet écrivain irrécupérable par quelque officine que ce soit ; de là sa force, tout entière contenue dans sa liberté d’esprit et sa libre parole dérangeante qui, l’histoire ne le prouve que trop, lui valut les déboires que l’on sait… Cette complexité, il convient de « la libérer de ce réel qui a toujours étouffé et emprisonné l’écrivain dans un carcan idéologique où les spécialistes s’acharnent à l’enfoncer. » Il faut donc « revisiter » Céline, ce pour quoi, l’auteur de la note conseille de suivre les pistes ouvertes par Nicole DEBRIE et Paul del PERUGIA, qui se sont employés, l’un et l’autre à chercher Céline « derrière le masque et à le découvrir dans sa soif d’absolu ». Nous sommes d’accord avec Pierre Lalanne et conseillons aux internautes qui ne le connaîtraient pas, de visiter son blog: http://celinelfombre.blogspot.com
François MARCHETTI, dans « In memoriam Thomas Federspiel », rend hommage à celui qui « restera toujours lié au destin de Céline ». C’est en effet Thomas Federspiel qui dirigea pendant trente ans la fondation Paule Mikkelsen destinée à « offrir à Klarskovgaard, l’ancienne propriété de Thorvald Mikkelsen, des séjours d’études et de vacances à des artistes, à des écrivains et à des personnalités scientifiques ». C’est toujours lui qui « à l’automne de 1984, avait ouvert le premier, et seul, colloque Céline qui se soit tenu en Scandinavie ». Et c’est à cette occasion qu’il reçut les participants aux « maisons rouges ».
Frédéric SAENEN présente l’ouvrage que Joseph VEBRET fait paraître aux éditions Jean Picollec : « Céline l’infréquentable ? ». C’est un recueil de causeries littéraires avec David Alliot, Emile Brami, Bruno de Cessole, François Gibault, Marc Laudelout, Philippe Solers et Frédéric Vitoux.
Jérôme DUPUIS rend compte de la vente du 17 juin dernier à Drouot où se retrouvèrent un certain nombre de céliniens connus ou d’amateurs plus ou moins fortunés, décidés d’ arracher ce jour-là à la concurrence telle ou telle pièce convoitée d’un ensemble dispersé aux quatre vents comme les membres épars d’Osiris. Quelque part dans les limbes, ou par-delà du mur du sommeil, gageons que l’ermite de Meudon, lui qui avait la « hantise du terme », dû bellement s’en payer une tranche en voyant s’envoler les prix ! Et c’est un beau titre, que d’avoir choisi pour cette relation : « La revanche posthume de Céline »
Nul doute qu’on découvrira avec plaisir l’ouvrage que prépare, Jean-Laurent POLI, sur le Montmartre de Céline. Marc Laudelout nous l’annonce dans sa note : « Céline toujours indésirable à Montmartre ». On connaît le courage des élus bien-pensants et leur « grande peur » -pour plagier Bernanos- en face du « cas » Céline ! Il n’est pas né, le maire qui se battra pour honorer son bled du nom de celui qui demeure et demeurera sans doute encore longtemps « persona non grata » devant que ne soient par quelque miracle, balayées les écuries d’Augias ! Square ou avenue Coluche, évidemment, c’est beaucoup moins risqué !
Philippe ALMERAS rend compte de l’étude de Denise AEBERSOLD : « Goétie de Céline ». La goétie, c’est le creuset où puisa l’ inspiration « féerique » de l’écrivain ; elle traverse son œuvre comme un fil d’Ariane et la rattache à ce vieux fond « païen » qui prouve à quel point Céline était sensible aux légendes et à la part d’ombre de l’inconscient collectif. Rappelons-nous le titre de l’ouvrage que lui consacra Erika Ostrovsky : « Céline, le voyeur voyant »…
Enfin ce numéro 332 propose la première partie de l’étude de Pierre de BONNEVILLE intitulée « Villon et Céline ». C’est l’occasion, à travers ce parallèle de deux vies et deux talents hors du commun de redécouvrir François Villon, si lointain et pourtant si proche qui dénonçait les maux de son temps comme Céline le fit du sien. La conclusion du premier : « Que vault le monde ? —Hélas, il ne vaut rien » aurait pu être, mot pour mot celle du second qui en tira la matière première d’une œuvre jusqu’à ce jour inégalée.
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13/07/2011
EN SOUVENIR D'ADELAIDE
Qui se souvient de Jacques DEBRONCKART ?
Comme une ombre qui passe et qui ne revient pas, comète vite oubliée, il y a des lustres qu’on ne l’entend plus à la radio. Et pourquoi ? Parce que les ondes, abandonnées aux mains serviles du cosmopolitisme institutionnalisé élevé au rang de maître à penser du plus grand nombre, ne sauraient admettre qu’on se réclame encore, aujourd’hui, de « quelque part »…
Je me souviens, pour ma part, d’Adélaïde et de ceux qui « portent dans leur cœur une rue ou un village où ils pourraient trouver leur chemin dans le noir »…
C’était en 1965. Cette année là, les Rolling Stones sont en tête des palmarès avec leur succès « Satisfaction », France Gall remporte le prix Eurovision de la chanson avec « Poupée de cire, poupée de son », Guy Marchand chante sa « Passionata », et Françoise Hardy « l’Amitié ». Le Mercure de France crée sa collection du « Temps retrouvé » et Jacques Debronckart, « Adélaïde », dix-huit ans avant de quitter ce monde…
Dans l’album sorti en 1985, qui regroupe une quinzaine de titres tous de son cru, paroles et musique, Robert Mallat lui rend hommage :
« Il n’avait que quarante-neuf ans. C’est bien tôt pour partir. Surtout comme il est parti. Dignement. Sur la pointe des pieds. Sans un cri. Sans un mot. Les mots, les cris, Jacques Debronckart les avait gardés pour ses chansons douces-amères, situées entre chien et loup, entre figue et raisin. De grands coups de gueule, d’émouvants élans de tendresse, que l’on recevait en pleine face ou en plein cœur, et qui vous laissaient groggy.
Mais, au fait, qui était Jacques Debronckart ? Père belge, mère espagnole, un ancien sorbonnard, passé, avec armes et bagages, du côté de la musique : pianiste de Maurice Fanon, puis auteur de chansons pour Juliette Gréco, pour Nana Mouskouri, pour les Frères Jacques. Et tenté, à son tour, par l’interprétation. Nous sommes en 1960. Les yéyé se poussent du col. Brel s’est déjà fait un nom. Brel à qui, immédiatement, on compare Debronckart. Comparaison gênante : il n’y a pas la place pour deux Brel sous les feux de la rampe.
N’importe ! Debronckart y croit. Il veut y croire. En 1965, à 31 ans, il décroche son tube : « Adélaïde ». Suivent trois années obscures. En 1969, un autre tube : « J’suis heureux ». Suivent quatre années de mise au rancart. Alors, c’est, de nouveau, la course au cachet, sur cette rive gauche dont Debronckart avait déjà tâté et qui voit, peu à peu, ses lumières s’éteindre. Le 6 avril 1981, il passe à l’Olympia pour une seule soirée. Une soirée unique. Un triomphe. Mais pas la gloire. Parce que la gloire a ses caprices. Et elle n’en fait qu’à sa tête. Quitte à le regretter un jour. Parfois trop tard. Et c’est le cas. »
Le souvenir demeure. Et c’est peut-être ça, après tout, la gloire, que de ne pas être oublié...
Je n’oublie pas Jacques Debronckart. Ecoutons sa chanson, Adélaïde, dont voici les paroles et méditons au passage sur la symbolique de l’arbre et de ses racines en sachant ce qu’il en coûte, d’abattre une forêt…
Qu'ils soient d'ici où de n'importe quel parage
Moi j'aime bien les gens qui sont de quelque part
Et portent dans leur coeur une ville ou un village
Où ils pourraient trouver leur chemin dans le noir
Voilà pourquoi Jean de Bordeaux, François de Nantes
Voilà pourquoi Laurent le gars du Canigou
Pierre le Normand et toi Joël de la Charente
J'aime tant vous entendre parler de chez vous.
Quand le dernier verre se vide
Dans les bars d'Adélaïde
On a le coeur qui s'vide aussi
Lorsque l'on pense au pays !
Chaque premier janvier on dit c'est la dernière
La dernière année que je passe en Australie
Et le premier janvier suivant nous voit refaire
Même serment qui sombre à son tour dans l'oubli
Ce serait pourtant le moment de revoir nos plages
Car les pays se ressemblent de plus en plus
Et dans dix ans nous trouverons dans nos villages
Des distributeurs de hot-dogs au coin des rues !
Le whisky paraît acide
Dans les bars d'Adélaïde
Lorsque l'on garde au palais
Le souvenir du Beaujolais
Et dans vingt ans sans avoir revu nos falaises
Citoyens d'Australie conscients de leurs devoirs
A nos enfants nous apprendrons la langue française
Mais leur accent ne sera pas celui du terroir
Alors dis-moi de nos vingt ans François de Nantes
De nos vingt ans Laurent le gars du Canigou
Pierre le Normand et toi Joël de la Charente
Nos vingt ans d'aujourd'hui vous en souviendrez-vous ?
Quand le dernier verre se vide
Dans les bars d'Adélaïde
On a le coeur qui s'vide aussi
Lorsque l'on pense au pays !
Paroles et Musique: Jacques Debronckart 1965 © 1965 - Disque Philips autres interprètes: Les Frères Jacques, Isabelle Aubret (1992 "Coups de coeur")
Jacques Debronckart - "Adelaïde" par RioBravo
12:45 Publié dans Chansons | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : adelaide, jacques debronckart, australie, bordeaux, nantes, canigou, provence, hots dogs, janvier, serment, terroir