Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : serviyude volontaire

THEATRE DE LA CRUAUTE

 

joconde.jpg

Plus que tout autre saison, le printemps conduit son cortège de drames. C'est quand la vie se renouvelle en effet, que la mort approvisionne sans compter son tableau de chasse. Je me dis ça tous les ans et tous les ans je le vérifie : les merles volent trop bas ; les hérissons traversent en hésitant, et trop lentement, les chemins qui tuent ; les chats, dans l'ivresse des amours, font des kilomètres pour aller chercher leur mort ou se font tuer devant la porte...

Même les lapins et les chevreuils, rescapés des dernières cartouches, y laissent leur peau.

 

renard.jpg

Source: Hullnudd, site Les Abbesses de Gagny-Chelles

 

Et que dire des hulottes, renards, ragondins, et autres écureuils ? A ce palmarès peu glorieux de l'automobiliste, il faut ajouter la tuerie de ses semblables ; la chose est connue et sur ce point nous n'épiloguerons pas. Laissons les vivants pleurer leurs morts, il s'en trouve sans nul doute beaucoup d'innocents dans le lot ; quant aux autres, c'est après tout justice que la pareille leur soit rendue s'ils ont, au demeurant, volontairement écrasé un animal dépourvu de toute défense dans cette lutte inégale. Car il se trouve des vicieux pour alimenter l'hécatombe et leur palmarès, c'est certain, des vicieux qui « font des cartons » comme ils disent, contribuant sans états d'âme au génocide du hérisson, car c'est bien d'un génocide qu'il s'agit !

 

herisson.jpg

Source: Jardin Amateur

Songeons que ce petit animal inoffensif à la carapace d'oursin, qui n'a pour toute défense que le moyen de se rouler en boule, est en train de disparaître. Et pourtant, il faut aller chercher son origine au-delà de 50 millions d'années dans la famille la plus ancienne des mammifères, celle des insectivores. Il en a traversé des calamités ! et de terribles ! Il n'est pas sûr qu'il survive à l'automobile... Et à l'automobile, il faut ajouter les poisons qui contaminent sa chaîne alimentaire, quotidiennement déversés sur cette terre épuisée qui fut pourtant fertile... Autant dire que ses jours sont comptés ! Ainsi, ceux qui ont échappé à la route achèvent leur courte vie dans les hautes herbes, sous quelque souche, ou autre abri de fortune, piégés par les pesticides et dans des douleurs qu'on imagine, quand ce n'est pas dans la marmite des amateurs...

Sur les routes, on voit de gros solitaires ou des familles entières décimées. Ce carnage, dont les charognards font ripaille se passe de nuit  comme de jour, car beaucoup de hérissons, attaqués sans relâche par la vermine qui prolifère, perdent tous repères et, désarmés autant qu'affaiblis par ces parasites voraces, deviennent d'autant plus vulnérables et se montrent le jour, sans la protection des ténèbres. Affaiblis, et perturbés dans leurs cheminements, ils progressent désorientés ou stationnent sur les routes. Qui dira jamais l'agonie des mourants cruellement fauchés par les roues, qui traînent lamentablement leurs tripes sanglantes sous la lune ou le grand soleil comme les agonisants de la Grande Guerre le faisaient dans les barbelés ? Du haut de leurs perchis, les nettoyeurs du bitume savourent d'avance leur festin...

Une peau parcheminée par le vent, le soleil et la pluie, et sur laquelle se dressent encore quelques piquants, c'est tout ce qu'il reste bientôt de leur habit.

Habit qui pourtant est une armure, apte à défendre le hérisson contre ses prédateurs, mais hélas, à l'inverse des pieux des Anglais à Azincourt, elle ne peut rien contre des chevaux-vapeur aux mains de chauffards irresponsables.

Un hérisson sur la route s'évite facilement, et pour peu qu'on soit attentif et respectueux de la vie animale on ralenti, on s'arrête ou on fait un écart. Et à moins que d'être un très mauvais conducteur, on épargne la vie de ce petit animal  beaucoup plus facilement que celle d'un chevreuil bondissant d'un fourré, qui peut vous surprendre dans un éclair sans que vous n'y puissiez rien... Gageons que si le premier, faisait à la sacro-sainte bagnole autant de dégâts que le second, il est probable qu'il y aurait moins de ces petites victimes sur les routes !

 

ferdinand.jpg

Mon chat Ferdinand, tué par un chauffard en 2009

Moi qui me tape annuellement un certain nombre de kilomètres, ne compte plus le nombre de chats tués rencontrés que j'ai ramassés et déposés sur le bas-côté ou dans le fossé lorsque j'ai pu m'arrêter, histoire de ne pas donner l'occasion à des tordus de les transformer en carpettes. La pire des saisons pour ces grands fauves en miniature dont nous sommes un certain nombre à partager le goût, n'est point tant le printemps que l'été, saison propice aux grandes transhumances des meutes décérébrées qui n'épargnent rien sur leur passage. Et quand on n'abandonne pas  minet, ou l'encombrant toutou en rase campagne à défaut du refuge, on le largue en cours de route directement par la portière ; cela s'est vu, cela se voit malheureusement à chaque ressac de la marée humaine.

 

bison futé.jpg

Dans les laboratoires on continue d'expérimenter à vif en dépit du respect dû à la vie ; dans les abattoirs on tue plus que de besoin à seules fins d'enrichir les uns et d'intoxiquer les autres ; du côté du levant, on se livre à d'ignobles vivisections sous le prétexte qu'elles font partie des traditions culinaires ; partout dans le monde, et à chaque seconde, on tue et on torture dans l'hystérie collective des arènes sanglantes...

Moloch a de beaux jours devant lui !

 

moloch.jpg

Fritz lang, Métropolis, 1927

Nous n'en finirions pas d'égrener le chapelet sans fin des animaux martyrs. Celui des hommes, nous le connaissons mieux et y attachons plus d'importance, forcément... Mais pourquoi, au fait ? A cause de la « conscience de soi » ? De la créature faite « à l'image de Dieu » ? Du respect dû à la « personne humaine » ? Comme si les animaux, ne relevaient en fin de compte que du Diable, et qu'on doive leur en manquer !

 

chouette.jpg

Eau-forte, Félix Bracquemond, 1852

Sur le chapitre, les religions, dans leur grande majorité, n'ont pas compté beaucoup de Saints François ! force est de le constater. Combien de chouettes a-t-on clouées aux portes des étables ? Combien d'ânes a-t-on lapidés ? Combien de chats a-t-on jetés vivants dans des brasiers ou écorchés pour honorer des sacrifices ?

A chaque seconde tombe une vie, dans des conditions épouvantables, pendant qu'une autre surgit quelque part dans le monde, qui ne sait pas, l'innocente, ce qui l'attend !

Qu'un seul nid d'oiseau, un seul, rempli de sa couvée toute neuve soit soudainement détruit par l'orage, suffit à prouver que le spectacle du monde n'est rien d'autre qu'un théâtre de la cruauté, et quel ! Il n'y a que les sots pour ne pas le voir, et les naïfs pour espérer qu'il puisse un jour, « in fine », changer...

L'enfer est ici, dans la beauté secrète du Diable; il ne faut pas le chercher ailleurs.

 

janus.gif

 

 

Et tant que ce monde  durera, on n'en finira pas de s'interroger sur le Diable et le Bon Dieu, de chercher à percer l'énigme du Janus bifront, de prendre Saint Ouen pour Cythère et les vessies pour les lanternes ! Et on le fera, jusqu'à ce qu'on comprenne le sourire de la Joconde ou celui de l'Ange de Reims, qui n'en est pas si éloigné...

Il nous reste encore quelques souffrances à expier !

 

reims.jpg

 

 

 

 

Lire la suite

04/05/2010 | Lien permanent

LA FRANCE COUPEE EN DEUX

« La liberté c’est l’esclavage.

L’esclavage c’est la liberté. »

BB.jpg

Onze heures sonnent à mon clocher. Madame et monsieur Taré, retour du boulanger descendent la rue de l’Enfer à distance requise, baguette sous le bras. Tous deux portent muselière. Leur chien qui les précède en trottant d’une patte allègre, un sérieux molosse, lui, n’en porte pas.

Je les observe de derrière ma grille… La rue est déserte sous le beau soleil estival qui cuit le petit bourg marchois où j’ai élu domicile. Ici, rien ne se pointe de menaçant à l’horizon. Enfin, pour le moment. L’air y est pur et le calme certain. Quand ils mettent le nez dehors, Madame et Monsieur Taré, de braves gens, gardent muselière y compris pour se promener dans le chemin creux qui contourne le petit bois derrière chez moi. Ils y passent généralement à la fraîche histoire de prendre l’air. Enfin prendre l’air c’est vite dire ! Comment pourraient ils le faire en effet autrement qu’en désoreillant les bracelets élastiques qui leur clouent le bec ?

Non, ce qu’ils prennent argent comptant, Madame et monsieur Taré, ça n’est pas un bol d’air, c’est leur plein de CO2 et de bactéries bien grasses qu’ils ont élevées incontinent dans l’humidité constante de leur caleçon buccal où elles se plaisent à proliférer. Ils ne se décident à glisser ce dernier dans leur poche qu’à l’instant où ils passent le seuil de leur domicile, encore ne le font-ils qu’à contre cœur. Sitôt qu’ils s’échappent de leur maison, ils repêchent derechef leur torchon sanitaire là où ils l’avaient rangé entre le porte monnaie, les clefs du logis et le tire jus de leur profonde…

J’exagère, vous pensez ? Non, j’observe, et je vois la réalité en face : Madame et monsieur Taré, les bien nommés, sont des gens prudents et bien respectueux des lois. En cela, ils ne diffèrent guère de la grande majorité silencieuse de nos concitoyens soumis. Ce qui les motive ? La peur, l’obsédante et rongeuse peur, celle qu’on dit être bleue va savoir pourquoi ? Peut-être à cause du sang qu’elle fige dans les veines ? Madame et monsieur Taré ne veulent pas mourir, du moins pas encore. C’est légitime personne ne veux mourir. Ce pourquoi ils obéissent au doigt et à l’œil aux oukases du gouvernement lequel profite à dessein de la crédulité de son troupeau en raquettant les récalcitrants.

Plague_doctors'_beak_shaped_mask.png

L’Etat a bon dos auquel ceux qui l’ont accaparé font dire n’importe quoi. Rappelons-nous la parole de Nietzsche :  L’etat est le plus froid des monstres froid. Il ment froidement ; et voici le mensonge qui s’échappe de sa bouche : « Moi l’Etat, je suis le peuple. »

Aujourd’hui il n’est de peuple, dans ce monde pourri où tout est à vendre, que de masses consuméristes. Comment pourrait-il en être autrement sous le règne du gros argent qui les a asservies sans trop d’effort ?

Et à dire vrai ça n’est pas l’Etat le coupable, ce sont ceux qui derrière lui, dans la coulisse, tirent les ficelles.

L’Etat en soi n’est pas grand chose, qui ne devrait être que la volonté du Peuple s’il existait encore une aristocratie populaire, ce qui est loin d’être le cas et ne le sera sans doute plus, puisqu’elle est morte avec celle des métiers et de l’artisanat auxquels, en 1791, la loi Le Chapelier a donné le coup de grâce.

L’aubaine de la dite pandémie est plus qu’un test ; elle permet au système d’aliéner les libertés individuelles en clouant le bec à la contestation. Je l’ai dit dans la note précédente (De la servitude volontaire), sans l’adhésion du plus grand nombre le château de cartes du roi Canaille s’effondre. Mais le plus grand nombre est servile pour lequel l’esclavage est la liberté.

Le lui expliquer, c’est vouloir soulever tout seul une tonne à bout de bras vu que le plus grand nombre, la masse, c’est lourd à porter !

Savamment orchestré par l’appareil médiatique, le bourrage de crâne qui tourne en boucle sur les ondes, musèle les velléités de rébellions en muselant les museaux.

Madame et Monsieur Taré, répliqués en millions d’exemplaires dans l’hexagone, n’en ont aucunes velléités de rébellion, eux. Au point même qu’ils ne verraient pas forcément d’un mauvais œil un nouveau confinement. Non, ce qu’ils commencent à voire d’un mauvais œil c’est moi, quand ils me croisent dans la rue sans muselière. Je le sens bien à la façon de regard qu’ils me jettent. Des gens soupçonneux en somme, comme tant d’autres, simplement. Partant, étendu à la société tout entière, ça pourrait devenir sérieux rapidement, tourner vite hostile chacun se méfiant de tout le monde.

Courbet.jpg

Ça commence comme ça la tyrannie, par la délation et l’esprit de valetaille ; après, on sait plus où ça s’arrête. Parce que la tyrannie, contrairement à la dictature, elle est portée par le bas. Voyez 93 et ses réjouissances… On mélange souvent les choses. On a tord. La dictature elle est instruite par le haut et portée par le haut. La tyrannie, elle est instruite par le haut et portée par le bas. La première peut être temporairement utile ; la seconde est définitive et définitivement nocive. C’est vers ça qu’on s’achemine si une ou deux dents de l’engrenage ne pètent pas. Orwell avait tout saisit !

Alors on verra les familles, enfin ce qu’il en reste se déchirer, les enfants cafter leurs parents et réciproquement sur fond de blocus alimentaire quand on se disputera les os à ronger. Ça peut venir ; ça c’est déjà vu dans d'autres situations...

Caran d'Ache.jpg

Au point où nous en sommes rendus je n’ouvre plus la radio, le rabâchage mielleux des jean foutre m'insupporte. Je fais effort pourtant. Ça passe pas. Rien à faire.

Les élus ? ah ! les élus, ils en redemandent du confinement, des gestes barrières, des masques et bergamasques ! Du plus bas au plus haut gradé ils font du zèle, passés maîtres es larbinerie ils s’acoquinent comme larrons en foire pour plaire au système, ils rivalisent d’initiatives sanitaires citoyennes. Ils sont tout prêts à majorer les amandes. Rares sont ceux qui résistent ! S’il s’en trouve un sur dix mille c’est beau !

Et la police, enfin les forces dites de l’ordre, elles appliquent les ordres sans rechigner. Ça s’est toujours fait comme ça ? Voire. Du jours où la délation commence dans la police ça sent le roussis. Nous y sommes.

A considérer la température sociale de ce mois d’août on présage de ce que pourrait être la rentrée. Déjà, les signes se font sentir d’envie d’assassinats. Les non porteurs de muselières sont visés ! Qu’ils surveillent leurs entours ! y en a qui les guettent tout prêts à les suriner. Si les insultes pouvaient tuer, y aurait déjà pas mal de morts.

Pénétrer sans muselière dans les grandes surfaces équivaut à traverser un champ de mines. Ça va venir pareil dans la rue et jusqu’en rase campagne si rien ne nous sauve de cette dévastation des esprits. Je vois rappliquer ça comme dans les films de zombies…

Ensor.jpg

La grande fracture se dessine de la France coupée en deux. Deux moitiés en déséquilibre : celle, bien mince, des résistants qui sont les derniers vestiges d’une civilisation en voie de disparition qui sait le prix de la Liberté et celle, bien épaisse, des soumis, des rampants, des alliés décérébrés, serviteurs de l’oligarchie mondialiste.

 

France, ma Douce, que se passe-t-il ?

Quand reviendras-tu ? Dis-moi, le sais-tu ?

Lire la suite

L'EPOUVANTABLE PROLIFERATION DES ASTICOTS

« Rappelez-vous l’objet que nous vîmes, mon âme, ce beau matin d’été si doux… »

 

Pas plus tard qu’hier encore, taraudé par la multiplication des pontes du troupeau de Belzébuth prince des mouches, j’entretenais mon copain Roger de l’insupportable prolifération de la nouvelle espèce d’asticots à la barre du Titanic de l’Occident.

Illustrant mon propos par l’analogie, je lui disais rapport aux asticots :

- As-tu remarqué combien ces ignobles bestioles, non contentes de grouiller sur les pauvres charognes, n’attendent pas qu’un animal blessé ou malade crève pour le bouffer tout vivant encore ? J’en ai eu la preuve y a pas si longtemps en trouvant en lisière du bois, au fond de mon parc, un hérisson non seulement couvert de vermine, mais rongé par les asticots jusqu’à l’os sur son dos, là où des mouches d’un vert métalescent (sarcophaga carnaria) étaient venues pondre.

Sarcophaga_carnaria_(Reynaldo).jpg

Je l’observais se traînant au soleil… Que faire sinon l’achever, le délivrer de sa misère ? En avais-je le cœur ? Non, alors je l’ai conduit chez le vétérinaire qui l’a piqué…

Je revois ce pauvre animal comme si c’était la veille. Entre ce qui lui restait de piquants, les larves sordides avaient foré un cratère dans lequel elles grouillaient monstrueusement comme la lave en fusion bouillonne au fond d’un volcan. Elles dansaient leur danse macabre, exhalant l’épouvantable odeur de mort des champs de bataille et des morgues qui est celle de la chair corruptible en putréfaction …

standard_tredjestadiumslarver-av-Calliphora-vicina-560x420.jpg

Tu vas comprendre pourquoi je te dis ça Roger ajoutais-je. Je te le dis rapport à ce que nous vivons au quotidien, parce que j’ai la conviction que ce que j’ai observé sur le hérisson, eh bien, c’est exactement ce qui se passe sur le corps social. Nous sommes un certain nombre à l’avoir compris comme j’ai pu le constater en l’évoquant l’autre jour au bistrot. Le corps social est malade, bien malade, pour ne pas dire qu’il est à l’agonie, mangé tout entier par les asticots. Des asticots à visage humain (homines vermes) si tu vois ce que je veux dire ! De ceux que j’appelle les nouveaux asticots, qui prolifèrent jamais rassasiés, opulents et gras d’un genre qu’on n’a encore jamais vu, portant haut le chef et pleine la besace, indifférents aux plaintes du troupeau qu’ils mènent allègrement aux abattoirs.

Leur nom est Légion. Rien ne les arrête. Non contents d’avoir colonisé l’Occident où ils ont fait litière, les voilà maintenant qui s’attaquent au reste du monde en progression géométrique. Mal grès qu’on en ait nous sommes impuissants, nous qui les observons enfler à vue d’œil, à pouvoir les éradiquer.

On pourrait se demander des fois comment on en est arrivé là si la réponse ne sautait aux yeux : on en est arrivé là par délégation de pouvoir, par soumission à l’indolence qui n’est tout compte-fait que l’acceptation de la servitude volontaire. A l’indolence et au confort tant matériel qu’intellectuel note bien ! Indolence qui corrode mieux que le vitriol les meilleures volontés du monde !

Boetie_1.jpg

- Mais, Victor, comment qu’ils ont proliféré ces ignobles ?

- C’est bien simple, par consentement de leurs victimes. Ils sont forts parce qu’elles sont faibles, ayant aliéné toutes leurs défenses naturelles dont la dernière d’entre-elles est l’instinct de survie. Tu me diras, question de flair, qu’elles les ont peut-être pas vu venir ? Possible. Qu’elles ont pas songé deux secondes ces malheureuses, aveuglées par les soi-disant vertus du suffrage universel que ces parasites sortiraient des urnes tel d’une couveuse, frais et dispos, avec les honneurs, pour s’installer aux meilleures places ! Belzébuth les gouverne je te dis et c’est pour l’ honorer qu’ils pompent à leur profit l’argent de la nation comme les vampires sucent le sang, jamais rassasiés.

- Tu vas pas un peu loin Victor, des fois ?

- Ou t’es rien naïf Roger, ou tu piges que dalle. Réveille toi, tu vois rien ? tu sens rien ?

- Bé, j’essaye de te suivre Victor… Si je comprends bien, pour toi, les asticots, c’est ceux qui nous gouvernent ? les représentants du peuple ?

- Ah ! tout de même, le v’la qui s’réveille. Evidemment c’est eux, qu’est ce que tu crois. Ils sont, j’insiste, le fruit des œuvres du Prince des mouches, rien moins !

Compendium_rarissimum_totius_Artis_Magicae...._Wellcome_L0027758.jpg

- Tu veux dire qu’ils obéissent au Diable ?

- Appelle-le comme ça si tu veux. Y en a qui le suivent sans même s’en rendre compte. Aux ordres ! ce sont des asticots par adaptation. Et tu sais combien sont puissant les adorateurs du Diable ! Rien les arrête dès lors qu’il les rétribue sans compter. C’est ses bataillons.

- Tiens, ça me rappelle les histoires de pacte avec le démon… mais c’est qu’ils nous voudraient du mal alors tu crois ?

- A ton avis ?

- Evidemment, vu sous cet angle… Et pourquoi donc alors les gens pensent qu’ils nous veulent que du bien ? qu’élus par la vertu de la démocratie ils sont tout ce qu’il y a de mieux pour nous défendre ?

- Nous défendre ! le v’la qui déraisonne ! La démocratie ? mais mon vieux c’est de la vaseline entre leurs mains si tu vois ce que je veux dire ! Quand elle te l’a mise bien profond dans son lit où la tyrannie sommeille, la démocratie, tu te rends compte, si peu que tu sois lucide, que tu t’es fait avoir mais c’est trop tard, c’est verrouillé ! Relis donc Platon, tu vas piger de suite ce que démocratie, qui n’est viable que pour le petit nombre, veut dire. Au regard du plus grand nombre elle permet tout, elle autorise tous les excès. Regarde 1793…

1793.jpg

- Faut quand même aller voter, non ?

- Et pour quoi faire ? J’irai voter moi quand le suffrage universel qui n’est qu’imposture programmée sera remplacé par le tirage au sort d’un certain nombre de citoyens au prorata des populations avec obligation pour les sélectionnés d’aller voter sinon macash, au trou ! Mathématiquement on aura un panel beaucoup plus représentatif que par le biais du suffrage universel où tous les imbéciles, les incultes et les bornés pour ne pas dire les cons sont majoritaires. Et comme le disait Céline, que « c’est donc bien forcé qu’ils gagnent ».

- Evidemment, vu sous cet angle… t’as pas tort. Mais alors, Victor, y-a plus rien à espérer ?

- Si, que les asticots se bouffent entre-eux ! Ça pourrait venir et booster l’inconscient collectif de la résistance histoire de finir le boulot. A dire vrai c’est un vœux pieux tant les masses sont abruties par l’incessant matraquage des cerveaux via la propagande dénoncée en son temps par Tchakhotine et tant d’ autres esprits éclairés. C’est toujours la même la propagande, rien n’a changé sinon en pire !

41VPDZF3V7L._SX195_.jpg

- Ah ! mais c’est tout à fait ce que dit Chomsky dans ses « Dix stratégies de manipulation des masses » maintenant que j’y songe.

- Exact ! c’est dit clairement je vois que tu t’en souviens.

A ce propos je te les rappelle : la première, qui est aussi la plus efficace, est celle de la « distraction » qui permet d’exercer un contrôle total des populations par l’aliénation de leur libre-arbitre, c’est le boulot de la télé décérébrante ; la seconde est celle du « problème-solution » du type j’te balance une pseudo pandémie et poussé par la trouille tu t’empresses de demander le remède via l’injection tératogène et mortifère ; la troisième est celle de la « dégradation » qui permet aux mafias financières de tenir tous les marchés et les groupes de pression ; la quatrième, ou « stratégie du différé » est fondée sur la torture par l’espérance qui vise à remettre à demain l’inévitable en laissant croire qu’il pourra peut-être ne pas avoir lieu, c’est l’histoire du puits et du pendule.

- Elle est terrible celle-là ! Et la cinquième si je me souviens bien c’est bien celle de « l’infantilisation » ?

- Très juste ! C’est le culte forcé du jeunisme, du bisounourisme, de la boboïtude. Pour résumer c’est pousser au crétinisme les citoyens, ce dont se charge la publicité et les médias pour les ramener à l’âge de neuf ans les transformant en individus irresponsables. La sixième fait appel à « l’émotionnel » lequel est incontrôlable par l’abruti qui, conséquemment reste pilotable à vue de sorte à pouvoir tout obtenir de lui. De là découle naturellement la septième stratégie qui vise à maintenir le public dans « l’ignorance et la bêtise ». Là encore la télévision s’en charge via les émissions débilitantes assénées quotidiennement par la valetaille des asticots. La huitième couronne la précédente faisant en sorte que les masses n’aient pour seule perspective que celle de la « médiocrité » pour ne pas dire nullité. Elles mettent ainsi un point d’honneur à ne convoiter que la bêtise et la vulgarité. Par là elles se sentent branchées.

- Je vois ce que tu veux dire parce que j’ai un copain anglais qui dit tout le temps « cool », « c’est cool »…

- Pardi ! puisque c’est entre « cool » et « fuck » que se déploie l’essentiel de leur programme aux rosebifes. Si t’as pigé ça, t’as tout compris !

C’est d’ailleurs d’outre-atlantique que nous vient toute cette merde manipulatoire dénoncée par Chomsky et excellemment par Lucien Cerise note bien ! Mais bon, il reste les deux dernières stratégies que je n’ai pas évoquées plus haut : celle de la « culpabilisation » d’où découle la repentance ; on n’en finit pas de s’excuser et c’est donc bien normal, nous les salauds, qu’on soit châtiés. Enfin la dixième consiste pour les asticots en chefs à mieux connaître les individus qu’ils ne se connaissent eux-mêmes via les manipulations génétiques et autres petites merveilles des neuro sciences, de la PNL, de l’ingéniérie sociale et de la robotique. On n’arrête pas l’Progès !

61vesPeVwcL.jpg

- Où qu’il va s’arrêter, lui-même, d’ailleurs ?

- Pas bien loin ! Quand la fée électricité va fermer boutique et mettre les voiles ça va remettre les pendules à l’heure tu vas voir. Quand ça viendra va falloir pédaler tous à la dynamo et darre darre !

- J’y reviens à tes asticots, Victor, y aurait pas tout d’même un super décapant, enfin quelque chose qui pourrait tomber du Ciel pour nous en débarrasser ?

- Va savoir, Roger, les voies du Seigneur sont impénétrables ! Et pourquoi pas, Il pourrait bien, si ça le prend, lessiver sans tarder les écuries d’Augias et pousser les asticots et tous ceux qui leur lèchent le cul à l’égout ! Veux-tu que j’te dise, moi, j’attends ça avec autant d’impatience qu’ un rendez-vous galant !

asticots,mouches,belzébuth,occident,charognes,vermine,os,volcan,mort,servitude,survie,argent,sang,peuple,bataillons,angle,démocratie,platon,tyrannie,1793,imposture,suffrage,masses,propagande,manipulation,injection,torture,puits,pendule,valetaille,chomsky,cerise,robotique,dynamo,écuries d'augias

 

« Ah je l’attends je l’attends,

L’attendrai-je encore longtemps ? »


 

Lire la suite

15/10/2022 | Lien permanent

24 FEVRIER 1885

Photo W3.jpg

24 février 1885, naissance de l’écrivain et artiste polonais Stanislaw Ignacy WITKIEWICZ  dit WITKACY, à Zakopane, dans les Tatras.

Traduite en français par Alain Van CRUGTEN et par Gérard CONIO, l’œuvre romanesque et théâtrale disponible aux éditions de l’Age d’Homme, comprend quatre romans, deux essais et une trentaine de pièces de théâtre. 

Le premier des romans, du au talent de cet auteur hors du commun posté aux avant-gardes de la littérature de langue slave, a été écrit en 1910 mais n’a été publié qu’ en 1972, soit 33 ans après sa mort. Il s’agit d’une œuvre de jeunesse intitulée « Les 622 Chutes de Bungo », dans laquelle Witkacy décrit sa liaison avec une maîtresse « démoniaque », l’actrice Irena Solska, sur fond d’intrigues de cour où pavoisent dans la dérision, des personnalités connues de l’intelligentsia polonaise. Dérangeante, cette première œuvre l’était assurément puisqu’elle subit le veto paternel. N’importe, on n’arrête pas un fleuve au débit capable de porter les interrogations métaphysiques de Witkacy à des hauteurs et à des profondeurs que rien de ce qu’il écrira par la suite ne démentira.

portrait1.jpg

« L’Adieu à l’automne » paraît en 1927, « L’ Inassouvissement » en 1930. « L’Unique Issue », roman philosophique inachevé, est publié dans les années qui précèdent sa disparition en 1939. Hanté par l’idée de la mort consécutive au suicide de sa fiancée, Witkiewicz n’aura de cesse de traquer cette thématique et l’angoisse métaphysique inhérente à la néantisation ou à la survivance de l’Etre dans les questions d’ontologie générale qui jalonnent son œuvre. Nourri de philosophie allemande, rien d’étonnant à ce que l’auteur de « l’Unique Issue » ait condensé dans cet ultime ouvrage son explication du monde et la présence de l’Etre dans ce dernier. Le constat qu’il fait du déclin de l’Occident, qui ne s’inscrit cependant pas dans une perspective spenglérienne mais aboutit aux mêmes conclusions, ne laisse aucun doute quant au catastrophisme général qui guette les « sociétés évoluées » qui ont consommé la mort de Dieu. A plusieurs reprises il reprendra le thème de la décadence et de la prévarication des démocraties : « A mesure que la vie devient, grâce à l’évolution sociale, plus confortable, plus sûre dans ses traits, plus automatique et mécanique dans ses fonctions, il y a de moins en moins de place pour l’angoisse métaphysique dans l’âme humaine ». La réification des valeurs les ayant dépouillées de leur dimension transcendantale, rien d’étonnant, dès lors, à ce que le monde ne soit plus qu’une « représentation » grotesque vidée de son contenu, mécanisée à outrance et peuplée de mollusques décérébrés.

Portrait 2.jpg

Et Witkacy le décrit, ce monde, en utilisant sa plume comme une rapière trempée dans le vitriol. Il ferraille dru, dans l’exubérance d’un verbe truculent, burlesque à souhait, haut en couleurs, volontiers provocateur et outrancier selon, qui ne s’essouffle jamais et porte le lecteur « nom d’un chien ! » à ne plus jamais l’oublier après l’avoir lu. On ne sort plus tout à fait innocent de la lecture de Witkiewicz, comme aussi de celle de Ladislav KLIMA qui, je le confesse, m’a confirmé certains « pressentiments » perçus, mais en gestation chez Berkeley au sujet de la Grande Question qui  ne peut être que d’ordre ontologique. Witkiewicz, philosophe  « praticien » comme Klima, l’avait excellemment compris. Ce pourquoi tous deux furent mis au ban de la philosophie institutionnalisée ; le premier pour avoir flirté avec le solipsisme, le second, pour l’avoir vécu.

Il y a plus d’un point commun entre Witkiewicz de Klima. Si je les rapproche, c’est parce qu’ils n’ont pas ménagé leur « carcasse », expérimentant de la vie tout ce qu’ils pu dans l’excès comme dans l’ascèse. Sceptique « innassouvi », Genezip Kapen (je n’hésite qu’à peine), à la différence de Sider (désir) le héros de « Némésis la Glorieuse », ne brisera pas le miroir de la manifestation « qui n’est qu’une farce » dixit Klima . Il s’abandonnera à la folie au lieu que Sider, plongeant dans l’ abîme, conquerra l’immortalité.

Dans « Traités et diktats » Klima —qui ne s’est pas donné la mort— notait : « L’homme qui se respecte quitte la vie quand il veut ; les braves gens attendent tous, comme au bistrot, qu’on les mettent à la porte. » 

composition miroir.jpg

Le 18 septembre 1939, C’est au tour de Witkacy de plonger dans l’abîme. Lui qui, sa vie durant s’était tenu au bord du gouffre (concept récurrent dans l’oeuvre: les précipices du mystère… les abîmes de l’Inconnu… les bords du précipice… le gouffre métaphysique… le trou sans fond… le gouffre soudain…) finira par y tomber en se saignant à blanc comme on saigne l’agneau, à l’orée d’un bois des environs de Jesiory, en Polésie après l’invasion de la Pologne par l’Allemagne et la Russie… Mort volontaire curieusement choisie trois jours avant l’automne à laquelle il avait dit adieu douze ans plus tôt. Suicide du philosophe parce que suicide de la philosophie ; effondrement des piliers supportant l’édifice social : les religions, l’art, la philosophie. Confrontation de l’être et de l’étant dans un combat de Titans perdu d’avance sur la mer déchaînée des passions exacerbées d’un siècle moribond.

Peinture W.jpg

Peinture de Witkiewicz

Des trois phares qui éclairent la littérature polonaise des années 1920-1930, Schulz, Gombrowicz, Witkiewicz, c’est probablement ce dernier qui porte le plus loin et nous prévient des écueils. C’est un visionnaire dont le regard ne trompe pas. A ce sujet, cet artiste polyvalent, qui fut indifféremment peintre, écrivain, photographe, pitre et comédien, demande dans un de ses courriers à son ami Bronislaw Malinowski de lui envoyer des photos de philosophes anglo-saxons : « Il est très utile pour moi, pour saisir la pensée d’un philosophe, d’avoir au moins devant les yeux la photo de celui qui a écrit. » L’appliquant à lui même, on ne saurait mieux dire tant l’homme et l’œuvre sont un tout cohérent. Witkacy l’exprime sur « arrêt d’image » ou dans ses mimiques qui ne sont pas sans rappeler celles du dadaïste Raoul Hausmann. En déstructurant et déconstruisant le masque, elles font tomber l’obstacle illusoire des identifications, façon  d’artiste ou de bateleur d’éternité, comme on voudra.

Photo W1.jpg

Il y a du Breughel, du Bosch, de l’Ensor dans les romans de Witkiewicz, comme dans ceux de Céline et je m’étonne, évoquant Rabelais, que Piotr Rawicz ne l’ait pas vu. Piotr Rawicz par lequel nous savons que Gallimard, sollicité pour publier Witkiewicz a loupé le coche, comme pour Céline ! Et c’est tant mieux parce qu’il revenait de droit à Vladimir Dimitrijevic de l’accueillir à l’Age d’Homme.

Contempteur de la modernité décadente et de la démocratie totalitaire infestée depuis les Grecs Witkacy de façon prémonitoire a prévu ce que serait le monde qui est le nôtre. Gérard Conio, qui souligne dans l’œuvre la lucidité de l’analyse witkacéenne, l’a bien compris : « A la démocratie nobiliaire du passé correspond dans le présent la démocratie capitaliste, insipide et insidieuse et Witkacy n’aura pas de mots trop durs pour dénoncer ce « chancre ». La montée des masses, telle qu’elle se produit en Occident du fait du progrès matériel, de ce que l’on appellera plus tard « la société de consommation » incarne à ses yeux le Mal Absolu. »

Dans ses « Réflexions et commentaires sur la philosophie de l’Unique Issue », Gérard Conio poursuit et nous ne pouvons qu’aller dans son sens à moins que d’être aveugle. Voici ce qu’il écrit page 241 : « Seuls les adeptes serviles du consensus idéologique occidental peuvent prétendre aujourd’hui que la victoire de la soi-disant démocratie américanoïde sur les « forces du mal » a fait triompher la justice et la liberté. La principale différence entre ce nouveau totalitarisme et les précédents consiste dans une inversion et une falsification des valeurs qui instrumentalise le langage lui-même et met directement le respect de l’individu, l’application des droits de l’homme, au service d’une aliénation qui ne s’exerce plus par la terreur mais par la séduction. Il se produit une réification générale qui entraîne la perte définitive des principes constitutifs de la dignité humaine. On ne se contente pas de tuer la liberté « au nom de » la liberté, comme l’ont fait toutes les révolutions, depuis 1789, mais on utilise la liberté elle-même pour mettre en place son contraire. On vit désormais sous le signe de l’oxymoron, ceux qui se disent : la « culture du marché », la « guerre humanitaire » et celui qui ne se dit pas mais qui les résume tous : le despotisme de la liberté.

Cette situation suggère une autre vision de l’histoire que celle qui a cours dans les grands moyens officiels d’information.

Tout en s’opposant « formellement », verbalement, aux précédents systèmes de domination, le fascisme, le nazisme, le communisme, la démocratie totalitaire les prolonge, les améliore, les parachève. Il y avait beaucoup de naïveté dans les moyens de coercition employés par ces idéologies qui, au moins, ne cachaient pas leurs véritables desseins. Les nouveaux maîtres du monde, les « oligarques », comme on les appelle en Russie, ont compris qu’il était vain de croire à la possibilité, à long terme, de conditionner l’être humain de l’extérieur, par le chantage, par la menace, par la torture, par la violence. Il est beaucoup plus facile et plus efficace de l’acheter. Le viol des consciences se perpètre aujourd’hui non du dehors, collectivement, mais du dedans, individuellement. Les individus eux-mêmes renoncent à leur individualité qu’ils troquent contre « les coupons de privatisation ». On assiste à la privatisation du monde, mais cette « privatisation » signifie la véritable fin de la conscience de soi de chaque Existence Particulière. »

UI.jpg

Et page 243, il poursuit : « Comme dans les anti-utopies de Zamiatine et d’Orwell, les individus perdent leur « particularité » pour devenir des numéros interchangeables, identiques. Cette élimination se concrétise par la fin de l’art et par le suicide de la philosophie. La crise de l’art moderne correspond à la destruction des valeurs esthétiques par les valeurs économiques et sociales. La rationalisation de l’empirisme logique annule le concept même d’ Existence Particulière. »

Quant à Witkacy, voici ce qu’il fait dire, page 168 de l’Unique Issue,  à l’un de ses « double », le peintre Marceli : « C’est maintenant seulement que, acculés au mur par la ruine spontanée du système capitaliste, sans même l’aide des forces socialistes en ébullition —la tumeur maligne a tout simplement commencé à pourrir— nous sommes sur le point de créer une culture universelle harmonisée par la régulation centrale de la production et de la répartition des biens dans le monde entier. Nous voulons remplacer l’absence et l’impossibilité d’une puissance régulatrice objective par la création d’un appareil pseudo-objectif, d’un groupe omniscient des cerveaux les plus forts, placés dans des carcasses de castrats du corps, sans appétence, sans intérêt pour la vie, un appareil qui régulerait la totalité de la vermine humaine sur la totalité de notre planète bien-aimée, une totalité absolue, car qui ne s’y soumet pas devra périr automatiquement. »

Voici, pour ceux qui le découvriraient, deux extraits tirés de « l’Inassouvissement ».

I.jpg

« Mais tout semblait se dérouler dans un autre monde, quelque part au loin, au-delà d’une mystérieuse barrière qui était cependant en lui-même et non dans la réalité extérieure. Il n’était pas lui-même dans tout cela. Il se demandait avec étonnement : « Comment ? Donc c’est bien moi et c’est bien ma vie unique ? C’est comme cela qu’elle s’écoule et non autrement, parmi des milliards de possibilités ? Et jamais, plus jamais autrement — mon Dieu ! » Il sombrait dans un abîme vertigineux, dans un souterrain, dans une prison où régnait la douleur sèche, éternelle et étouffante de l’  « être-tel » (et non de l’ « être-autre »). Et il n’y avait pas d’issue. » (p.173)

« Oh ! où était la justice en ce monde ? mais ce qui était le pire, c’était que l’indignation, l’humiliation, la vexation, la colère, tout passait ou se changeait en un désir inconnu jusqu’alors, confinant à l’absolu sexuel incommensurable. La saloperie absolue obtenue à l’aide d’un transformateur intérieur qui transformait les « contenus » quelconques en une seule et unique espèce : sexuelle. Où était-il vraiment, sacré nom de Dieu, ce Zypcio détesté (on ne savait déjà plus par qui — c’était comme pour elle) ? Il y avait quelque chose qui souffrait salement, anéanti par cette femme personnelle, aplati comme une crêpe. Mais où était sa personnalité ? Elle s’était dissipée dans la nuit sauvage et magique de mars qui s’étendait sur Ludzimierz. En même temps que lui et sa tragédie, ce palais tout entier semblait être un petit pépin craché par on ne savait qui, au milieu de la menace de la nature et des événements imminents — si seulement ils avaient pu voir cela ! Mais pour eux, leurs propres problèmes et souffrances emplissaient l’univers jusqu’au bord. Les fictions notoires ne pouvaient leur faire mépriser leur importance personnelle — ils étaient un bétail sain. »(p. 221)

Photo W2.jpg

On consultera avec profit le Cahier Witkiewicz N° 4 "Colloque de Bruxelles" aux éditions l'Age d'Homme.

A voir également: Witkiewicz, dramaturge génial en avance sur son temps; Anna Fialkiewicz-Saignes; Danuta Najdyhor; les videos suivante, malheureusement en polonais mais intéressantes par l'image.


 



Lire la suite

24/02/2012 | Lien permanent

REVERIES D'UN PAIEN MYSTIQUE

Highlands, Ecosse,GustaveDore1875.jpg

Gustave Doré 1875: Highlands, Ecosse

Louis MENARD publie ses « Rêveries d’un Païen Mystique » chez Lemerre en 1876, il a alors 54 ans ; de nouvelles éditions augmentées suivront en 1886, 1890, 1895, 1909 et 1911. L’édition actuelle, publiée en 1990 par Guy Trédaniel reprend le texte de 1909. Elle est présentée par Gilbert ROMEYER DHERBEY, Professeur à l’Université de Paris-Sorbonne.

Louis Ménard, né à Paris rue Gît-le-Cœur (un nom prédestiné !) le 19 octobre 1882, meurt dans sa ville natale à l’âge de 79 ans le 9 février 1901. Condisciple de Baudelaire au lycée Louis-le-Grand, il intègre l’Ecole Normale Supérieure en 1843. Il n’y restera pas longtemps, son tempérament farouchement indépendant le portant à s’affranchir très vite de la tutelle de ses maîtres. Après des études de Lettres il s’exerce à la chimie ( dont il avait quelque peu tâté en compagnie de Baudelaire en préparant la confiture verte du club des « Haschischins ») et découvre en 1846 le collodion, mélange de nitrocellulose, d’éther et d’alcool. Ses recherches dans ce domaine contribueront à mettre au point la nitro-glycérine.

Louis Ménard.jpg

Poète romantique dans l’âme, Ménard prend fait et cause pour la Révolution de 1848 aux côtés de Proudhon. Séduit par le blanquisme, ses publications lui valant condamnation il s’exile en Angleterre puis en Belgique où il fera la connaissance de Marx.

Bénéficiant de l’amnistie impériale, Louis Ménard, ayant réintégré Paris se consacre à l’étude des sociétés et des religions antiques et plus particulièrement à la Grèce ancienne. Cet engouement le conduira à soutenir et publier deux thèses : « De la morale avant les philosophes » (1860) et « Du polythéisme hellénique » (1863). En 1893 paraîtra chez Delagrave en deux volumes sa monumentale « Histoire des Grecs » (1032 pages). Pour Louis Ménard, les religions sont les fondations des sociétés humaines, et tout en découle. Dans sa première thèse, il note que  « Les religions sont la vie des peuples (…) l’art, la science, la morale et la politique s’en déduisent comme une conséquence de son principe. ». Et voici ce qu’il écrit dans sa seconde thèse et que cite Gilbert Romeyer Dherbey :  « Cette fusion intime entre le religieux et le quotidien, ce que l’on pourrait appeler un sens religieux de l’immanence, se résume dans l’expérience de ce que le Grec appelle le divin, et qui sans cesse éclate à ses yeux émerveillés. Rien ne lui est plus étranger que l’idée d’un Dieu lointain, et plus encore d’un Dieu caché ; sans cette proximité du divin, la prière serait inutile et le culte absurde. »

louis ménard,rêveries,mystique,païen,trédaniel,sorbonne,romeyer dherbey,paris,baudelaire,révolution,romantique,thèse,religion,morale,grecs,polythéisme,leconte de lisle,commune,ormuz,ahriman,diable,dieu,lumière,ténèbres,céline,danois,mazet,céleste,mandarin,vivisection,évangile,darwinisme,néron,providence,créateur,charité,orsini,charlotte corday,çakya-mouni,gustave doré

Ce « Païen mystique », ami de Leconte de Lisle,  qui rejoindra un temps l’école des peintres de Barbizon et soutiendra la Commune de 1871, est surtout connu pour ses « Rêveries » qui sont une suite de 30 tableaux dont un peu moins de la moitié sont suivis de poèmes. Dans le premier tableau où s’affrontent les contraires qui ne sont que la vieille histoire du combat de la Lumière et des Ténèbres ou si l’on préfère d’Ormuz et d’Ahriman, il fait parler le Diable :  « … La vie ne s’entretient que par une série de meurtres, et l’hymne universel est un long cri de douleur de toutes les espèces vivantes qui s’entredévorent. L’homme, leur roi, les détruit toutes ; il faut des millions d’existences pour entretenir la vôtre. Quand vous ne tuez pas pour manger, vous tuez par passe-temps ou par habitude, et votre empire n’est qu’un immense charnier. »

Rappelons-nous CELINE, dans une vision très ahrimanienne, lui aussi notait qu’il n’y avait pas de bonheur dans ce monde, qu’il n’y avait que des malheurs plus ou moins grands ; à quoi il ajoutait que ça n’était pas le bon Dieu qui gouvernait, mais le Diable.

Céline.jpg

Il est probable, sinon certain que Céline ait lu Louis Ménard, puisque les « Rêveries » comptaient au nombre des ouvrages consultés par l’exilé danois dans sa prison, à la Vestre Faengsel, entre décembre 1945 et février 1947 (page 198 in « Images d’exil », par Eric Mazet et Pierre Pécastaing, du Lérot éditeur 2004).

Louis Ménard, pour lequel au commencement était la religion (dans l’acception étymologique qui ne trompe pas), Louis Ferdinand Céline pour lequel au commencement était l’émotion, se rejoignent en cela que tous deux, mystiques à leur manière, avaient senti les liens secrets qui les attachaient aux âmes des souffrants « étincelles du feu céleste tombées des calmes régions de l’éther dans la sphère agitée de la vie. » (11e texte des Rêveries : « Lettre d’un mythologue »).

Nul doute qu’il y ait antériorité du phénomène religieux sur les autres faits sociaux ; ce qu’à bien montré Henry CORBIN dans son gros ouvrage « En Islam iranien », volume 1 collection TEL:  « Le phénomène religieux, la perception de l’objet religieux, est un phénomène premier (un Urphaenomen), comme la perception d’un son ou d’une couleur. Un phénomène premier n’est pas ce que l’on explique par autre chose, quelque chose que l’on fait dériver d’autre chose. Il est donné initiale, le principe d’explication, ce qui explique beaucoup d’autres choses. » Ce que nos sociétés décadentes ont perdu de vue, qui ont dans le même temps, perdu le sens des valeurs et de la première d’entre elles : le sacré.

Voici, dans son intégralité, le 28e texte des Rêveries d’un Païen Mystique :

 

LETTRE D’UN MANDARIN

 Au directeur de la Critique philosophique.

 

 

Monsieur,

L’Europe est très fière de sa civilisation. Les peuples de l’Extrême-Orient, frappés des avantages matériels que vous donnent les applications de vos sciences, envoient, depuis quelques années, leurs enfants étudier dans les écoles de l’Occident. Ces jeunes gens ont pu comparer votre état moral à celui de leurs compatriotes, et permettez-moi de vous dire que cette comparaison n’est pas toujours à votre avantage. Voulez-vous permettre à un étudiant bouddhiste de répondre quelques mots à un article publié dans votre dernier numéro sur les bienfaits de la vivisection ?

L’auteur de cet article parle avec un suprême dédain de la Ligue antivivisectionniste, dont les adhérents ne sont, suivant lui, que « des natures toutes de sentiment et de passion, chez lesquelles le raisonnement n’a point de part au conseil ». M. le docteur P. se trompe : la Ligue antivivisectionniste, dont je m’honore de faire partie, ne repose pas, comme il le croit, sur une nervosité maladive, mais sur un principe de raison, ou ce qui vaut mieux encore, sur un principe de conscience. Lors même que les expériences de M. Pasteur seraient utiles, ce qui est contesté, cela ne prouverait pas qu’elles soient justes.

Où ai-je donc lu cette phrase : « Il est avantageux qu’un seul homme périsse pour la nation ? » Je crois que c’est dans l’Evangile, qui condamne évidemment la politique utilitaire, car il met ce mot dans la bouche de Caïphe, un des meurtriers de votre Dieu. Il est vrai que le texte parle d’un homme, et non d’un autre mammifère ; mais la morale n’est-elle impérative qu’entre les êtres de même espèce ? Si, comme l’espère M. Renan, le Darwinisme produisait, par sélection, une race d’animaux supérieure à l’espèce humaine, cette race aurait-elle le droit de nous soumettre, dans son intérêt, à des expériences de vivisection ? Je suis étonné de trouver dans la Critique philosophique le point de vue de la justice absolue subordonné à celui d’une utilité supérieure : cela conduit aux arguments tirés de la raison d’Etat. La veuve de Claude Bernard, pour réparer les crimes de la physiologie expérimentale, a ouvert un asile de chiens. Au jugement dernier, cette offrande expiatoire d’une humble conscience de femme pèsera plus, dans l’infaillible balance, que toutes les découvertes de son mari.

Il n’y a pas de conquête scientifique qui vaille le sacrifice d’un sentiment moral. Or le premier de tous, celui qui nous révèle la loi de Justice, c’est le sentiment de la pitié. On voit un être qui souffre, on se dit : »comme je souffrirais si j’étais à sa place ! » et on souffre avec lui, comme l’indique l’étymologie même du mot sympathie, en grec, compatir ; ce sentiment est plus vif à l’égard des êtres qui se rapprochent de nous par leur organisme : on s’apitoie sur un vertébré plus que sur un insecte, parce que l’insecte nous paraît moins susceptible de douleur. La compassion est fondée sur l’analogie des systèmes nerveux, et non sur la hiérarchie intellectuelle, et personne n’admet que, pour épargner une souffrance à un homme d’esprit, on puisse l’imposer à un imbécile. S’il s’agit d’une hiérarchie morale, c’est bien autre chose encore : prétendra-t-on qu’aux yeux de l’éternelle Justice, Néron est plus élevé dans l’échelle des êtres que mon bon chien qui me défend et donnerait sa vie pour moi ? Dans le ciel bleu de l’Idéal, la bonté est bien au-dessus de l’intelligence. Le Diable est très intelligent : voudriez-vous lui ressembler ?

En infligeant aux animaux des tortures imméritées, vos savants, qui ne croient pas à la métempsychose, n’ont pas l’excuse de dire qu’elles sont l’expiation de fautes commises dans une existence antérieure. Toute souffrance injuste est un crime de Dieu : par la vivisection, l’homme s’associe à ce crime. Ce n’est pas le péché qui accuse la Providence, puisqu’il est notre œuvre ; ce n’est même pas la douleur de l’homme, qui n’est qu’une épreuve pour son courage, comme l’ont si bien dit les Stoïciens : c’est la douleur des êtres inconscients et impeccables, des animaux et des enfants. Avant qu’il y eût des hommes sur la terre, la vie s’entretenait comme aujourd’hui par une série de meurtres. Il y avait des dents aiguës et des griffes acérées qui s’enfonçaient dans les chairs saignantes. Qui osera dire que cela est un bien ? Si le Créateur n’a pas voulu ou pas pu épargner à ses créatures, je ne dis pas la mort, mais la douleur, son œuvre est mauvaise, et il aurait mieux fait de rester dans son repos. Voilà pourquoi nous refusons de l’adorer ; les images qu’on voit dans nos pagodes ne sont pas celles du Dieu qui a fabriqué, avec une férocité ingénieuse, les griffes rétractiles du tigre, les crochets venimeux de la vipère et les âmes sans pitié des savants vivisecteurs, ce sont les images d’un homme qui n’a jamais fait souffrir volontairement aucune des créatures vivantes, et qui les embrassait toutes, sans distinction, dans son inépuisable et universelle charité.

Mandarin.jpg

Cette charité bouddhique, qui s’étend aux animaux, vous paraît très ridicule, car vous n’admettez pas que l’homme ait des devoirs envers ses frères inférieurs.Peut-être la conscience n’est-elle pas la même en Orient et en Occident. Bien des choses me le font craindre. Vous êtes implacables pour les vaincus dans les luttes civiles, mais vous êtes pleins de tendresse pour les criminels de droit commun ; la peine de mort vous répugne, excepté en matière politique, et alors l’adoucissement des mœurs vous suggère des euphémismes : les assassinats de prisonniers ne sont plus que des exécutions sommaires, et le progrès des sciences vous permet de remplacer la guillotine par une mitrailleuse. Votre jury trouve toujours des circonstances atténuantes pour les parricides. Vous avez des trésors d’indulgence pour les parents qui torturent leurs enfants : ils en sont quittes pour quelques mois de prison. Il ne se passe guère de semaine sans que les journaux racontent quelque horrible histoire d’enfants martyrs et ils ne manquent pas d’ajouter que la police a eu toutes les peines du mode à empêcher le peuple de lyncher ces scélérats, coupables du plus lâche de tous les crimes. On ne prendrait pas tant de précautions pour protéger un insurgé contre les fureurs bourgeoises, les coups d’ombrelle des belles dames, les coups de canne des jolis messieurs. Il est vrai que si l’insurrection réussit, les rebelles deviennent des héros de juillet, et vous gravez leurs noms sur une colonne de bronze. Car vos jugements se modifient dans un sens ou dans l’autre, quand vos intérêts sont en jeu : vous vous indignez contre Orsini, mais vous glorifiez Charlotte Corday, et un de vos poètes l’appelle l’Ange de l’assassinat.

Toutes ces choses, et bien d’autres encore, me font croire que les occidentaux, plus civilisés que nous sous le rapport matériel, n’ont pas des idées très nettes sur la morale. Et pourtant si on n’avait pas cette pauvre petite lumière tremblotante de l’impératif catégorique, il ne resterait plus qu’à dire avec Çakya-Mouni et M. de Hartmann :  « Que le monde finisse, puisque rien ne peut le corriger ! ».

 

                                                                                                      Lou-Yi.

Mandarin à bouton de cristal. 

Lire la suite

TCHEKHOV A SAKHALINE

tchekhov assis.jpg

Qu’on imagine à 9000 kilomètres de Moscou, au large de la Sibérie, une île tout en longueur battue par la pluie et par les vents, au climat hostile connaissant des écarts annuels de température de plus de 60°, aux épais brouillards, au relief parfois difficile surtout dans sa partie sud, aux sols ingrats tapissés de marécages ou couverts par l’impénétrable taïga et on aura une idée de ce que découvrit Anton TCHEKHOV lorsqu’il débarqua à Sakhaline le 5 juillet 1890.

A ces hostilités naturelles il faut ajouter la colonie pénitentiaire peuplée de criminels de droits commun des deux sexes et de détenus politiques que les Russes y déportèrent dès 1857, assurés qu’ils étaient de ne plus les voir paraître sur le continent.

couverture.jpg

Le récit de Tchékhov est passionnant ; à ses talents de médecin, il ajoute ceux d’ethnologue et de géographe confirmés auquel rien ne doit échapper des spécificités de l’île qu’il a choisi d’étudier. A trente ans, c’est un homme dans la force de l’âge qui se lance dans l’aventure. Il le faut ! parce que la traversée de l’immense Sibérie, partie en train partie en bateau, en voiture et à pied, équivaut à un véritable parcours du combattant. Quoique malade, il lui faut affronter le froid atroce qui sévit nuit et jour auquel s’ajoutent les intempéries qui le pénètrent jusqu’aux os et, aux premiers rayons de soleil l’agressivité des bataillons de moustiques assoiffés de sang. Les accidents de voiture ne sont pas rares sur le parcours et le franchissement des coupures naturelles s’avère, le plus souvent, problématique.

taiga siberie.jpg

Taïga sibérienne

Parvenu à Nikolaïevsk, à l’embouchure du fleuve Amour, il ne lui reste plus qu’à passer la Manche de Tartarie pour poser enfin le pied sur l’île du Diable ! Dès lors plus rien ne va échapper à l’observateur sagace qu’est notre aventurier. Tout est prétexte à, descriptions, analyses et exposés scrupuleux du milieu qu’il découvre. Le lecteur marche dans ses pas et mesure à quelles extrémités de misère et d’infamie en est arrivée la population, tant locale qu’allogène, de Sakhaline…

Ce sont les Japonais les premiers qui explorèrent l’île au XVIIe siècle ; puis vint le tour des Russes. D’un commun accord, les deux empires se partagèrent le territoire pour moitié, le sud revenant au Japon jusqu’à ce que ce dernier, en 1875,  propose à la Russie d’échanger sa part contre les Kouriles. Dès lors, elle devenait seul propriétaire de ce morceau déshérité de terre insulaire de 1000 kilomètres de long sur une largeur variant de 6 à 160 kilomètre au gré de la latitude.

carte sakhaline livre.jpg

Tchékhov débarque à Sakhaline en été ; il lui faut donc franchir la passe sur le Baïkal qui, comme il l’écrit, « est  tenu de toucher Sakhaline plusieurs fois par été, au Poste d’Alexandrovsk et à celui de Korsakovsk, au sud… » Le reste de l’année, la Manche prise par les glaces transformant l’île en archipel, les plus téméraires où les insensés peuvent toujours tenter de la traverser à pied…

detroit sakhaline.png

Détroit de Tartarie

Sakhaline, que borde sur sa côte orientale la mer d’Okhotsk, est grande comme deux fois la Grèce ou si l’on préfère, une fois et demie le Danemark.

Dès qu’il arrive à Alexandrovsk, Tchékhov est frappé de la pauvreté de la nature : « … ce ne sont que souches carbonisées ou troncs de mélèzes desséchés par le vent et les incendies, dressés comme des aiguilles de porc-épic. (…) Pas un pin, pas un chêne, pas un érable — rien que des mélèzes étiques, pitoyables, comme rongés qui, loin de faire, comme en Russie, l’ornement des forêts et des parcs, dénoncent un sol palustre, misérable et un climat rigoureux. » Quant aux maisons, elles sont tout bonnement à l’image du reste, pauvres et bâties de bois. L’auteur s’y attardera quand il visitera les isbas des « relégués » ou les iourtes des Giliakhs et des Aïnos, les naturels du lieu.

aino.jpg

Aïnou

Le Commandant et le Gouverneur de l’île le reçoivent avec d’autant plus d’aménité qu’ils pensent que leur hôte a été détaché sur place par une société savante ou un journal. Il n’en est rien, c’est de son propre chef que Tchékhov est venu passer trois mois à Sakhaline. Il reçoit néanmoins l’autorisation de se rendre où bon lui semblera  et de rencontrer qui il voudra hormis les détenus politiques.

Fort de ces autorisations, il commence par établir méthodiquement, sur des fiches imprimées à cet effet, un recensement de la population des colonies qu’il visite. Tâche ingrate et fastidieuse mais ô combien précieuse ! Les fiches, qui possèdent douze entrées, font apparaître (outre les renseignements coutumiers tels que le nom, l’âge, le sexe, l’adresse) la qualité des recensés (on sait s’il s’agit de forçats, de relégués, de paysans proscrits ou de citoyens libres), leur religion, leur niveau d’instruction et s’ils reçoivent ou non des subsides de l’état.

Il se déplace d’isba en isba et il constate trop souvent que rien ne lui parle « de soin ménager, de confort, de solidité du foyer. La plupart du temps, je trouve le propriétaire seul, célibataire rongé d’ennui, qui semble paralysé par son oisiveté forcée et par la lassitude. (…) Le poêle est éteint, en fait de vaisselle, il n’y a qu’une marmite et une bouteille bouchée avec du papier. »

Il commence par explorer le centre de l’île autour de la Douïka, vallée à l’origine inexploitable que le travail de galérien des forçats a permis de mettre quelque peu en valeur, mais à quel prix ! « Ajoutez à cette somme de labeur et de lutte où l’on vit des hommes travailler dans l’eau jusqu’à la ceinture, les gelées, les pluies glaciales, le mal du pays, les humiliations, les verges, des tableaux terribles viendront envahir votre imagination. »

détenus ferres.jpg

Ferrage des prisonniers

En poursuivant le récit de Tchékhov, on mesure la misère des détenus et leur condition de vie désastreuse: 

« Tous les travaux de construction et l’essouchement furent effectués par les forçats. Jusqu’en 1888, date où fut édifiée l’actuelle prison, ils vivaient dans des huttes dites « iourtes ». C’étaient des cabanes en rondins enterrés à une profondeur de deux archines à deux archines et demie (un mètre quarante à un mètre soixante-quinze) avec des toits de terre battue à double pente. Les fenêtres étaient petites, étroites, à ras du sol, il y faisait noir surtout l’hiver, lorsque les iourtes étaient recouvertes de neige. L’eau du sous-sol montait parfois jusqu’au niveau du plancher, le toit de terre et les murs poreux à demi pourris ruisselaient constamment, de sorte qu’il régnait dans ces caves une humidité terrifiante. Les hommes dormaient sans quitter leur pelisse. Autour de ces masures le sol et l’eau du puits étaient constamment souillés de fiente humaine et de toute sorte de déchets, car il n’y avait ni cabinets ni décharge pour les ordures. »

Au sort des hommes voués à l’épuisement, à la violence, à la boisson, aux accidents et aux maladies pernicieuses il faut ajouter celui des femmes qui pour survivre, libres ou détenues, n’avaient d’autre issue que de se livrer à la débauche et d’y contraindre leurs propres filles dès leur jeune âge.

Lors de sa visite de la prison d’Alexandrovsk, il note le peu de soins apportés à la nourriture des prisonniers, l’absence totale d’hygiène, la promiscuité et ses conséquences à quoi s’ajoute l’absence totale du moindre élément de confort :

« Le forçat rentre des travaux qu’il effectue le plus souvent par mauvais temps, les vêtements transpercés et les souliers pleins de boue ; il n’a pas où se sécher ; il suspend une partie de ses habits près de son bas-flanc, et l’autre, encore mouillée, il l’étend sous lui en guise de literie… »

forçats assis.png

Il n’y a guère que la nature pour offrir quelque réconfort et si le mélèze partout domine, il demeure néanmoins quelques lieux privilégiés comme la vallée de l’Arkaï pour retenir l’attention du narrateur:

« Outre la beauté de sa disposition, elle est si riche en couleurs, que je ne vois pas trop comment éviter la comparaison usée du tapis bariolé et du kaléidoscope. Voici une verdure épaisse, gorgée de sucs, avec ses bardanes géantes toutes mouillées encore d’une pluie récente ; juste à côté, sur un petit espace qui ne fait guère plus de trois sajènes (six mètres) verdoient un peu de seigle, puis un carré d’orge, puis encore des bardanes, derrière une minuscule pièce d’avoine, puis un carré de pommes de terre, deux tournesols malingres à la tête pendante, puis un triangle de chanvre vert foncé, ici et là se redressent fièrement les candélabres de quelques ombellifères ; toute cette mosaïque est parsemée de petites touches roses, pourpre et vermillon posées par les pavots. »

A Douï, Tchékhov visite la colonie agricole de Sakhaline ; c’est à peine si la prison doit lui envier quelque chose ! Les dortoirs sont occupés par des forçats dont certains accompagnés de leur femme et de leurs enfants. Il les décrit tour à tour, tous sont logés à la même enseigne ; dans l’un d’eux : « un surveillant, un sous officier, sa femme âgée de dix-huit ans, et leur fille ; un forçat et son épouse — de condition libre ; un colon forcé ; un forçat, etc. A ces locaux dignes des Barbares, à ces conditions de vie telles que des jeunes filles de quinze et seize ans sont contraintes de dormir côte à côte avec des forçats, le lecteur peut juger du manque de respect, du mépris avec lesquels sont traités ici ces femmes et ces enfants qui sont pourtant venus volontairement, comme on tient peu à ces êtres, et comme on est loin de toute idée de colonisation agricole. »

cellules.png

Les détenus s’ouvrent à lui, racontent leurs crimes et leurs misères ; beaucoup d’assassins récidivistes, de voleurs impénitents et de falsificateurs. Ce peuple de déchus n’a plus rien à attendre sinon le pire qui consiste à recevoir les verges, le fouet ou à être envoyé aux mines. Et c’est chaque jour trois à quatre cents forçats qui sont désignés pour extraire de la couche carbonifère un mauvais charbon. Quant à ceux qu’on envoie aux travaux routiers dans le froid glacial ou les tempêtes de neige, leur sort ne vaut guère mieux. Mais le pire ne réside pas dans la dureté des travaux miniers où tout se fait à bras d’homme y compris le voiturage des wagonnets qu’il faut pousser et tirer sur des pentes impossibles, il tient « à l’ambiance, la bêtise et la malhonnêteté des gradés inférieurs, qui font qu’à chaque pas les détenus ont à souffrir l’arrogance, l’injustice et le caprice. »

forçats en travaux.jpg

Travaux routiers

Valent-ils mieux que les cafards et les punaises qui sont l’un des fléau de Sakhaline ?  « Les murs et le plafond étaient recouverts d’une sorte de crêpe de deuil qui ondulait comme poussée par la brise ; quelques points isolés qui allaient et venaient en hâte et sans ordre, permettaient de deviner de quoi était faite cette masse pullulante et moirée. On entendait des bruissements, des chuchotements à moitié étouffés, à croire que cafards et punaises tenaient quelque hâtif conciliabule avant de se mettre en chemin. »

Il semble, dans cet enfer, que seuls les Ghiliak aient été de nature à apporter quelque note de gaîté. Tchékhov s’attache à les décrire, note leur sociabilité, il observe que « leur expression ne trahit aucunement le sauvage ; elle est toujours réfléchie, humble, naïvement attentive ; tantôt elle s’éclaire d’un sourire large et béat, tantôt elle devient pensive et douloureuse comme celle d’une veuve. » Ils se sont adaptés au climat rude de l’île et ont en conséquence construit leurs iourtes (d’été et d’hiver) et façonné leurs vêtements. Et le narrateur d’ajouter que les Ghiliak, contrairement aux détenus, « n’ont rien de belliqueux, qu’ils répugnent aux querelles et aux bagarres et s’accommodent pacifiquement de leurs voisins. »

Contrairement au nord et au centre de Sakhaline, le sud de l’île paraît plus hospitalier :

« Les colonies du Sud ont des particularités qui ne sauraient échapper à quiconque arrive du Nord. En premier lieu, il y a moins de misère. (…) Les habitants paraissent plus jeunes, plus sains, plus vigoureux (…) On en trouve qui, à vingt ans ou vingt-cinq ans, ont déjà purgé leur peine et occupent les lots qu’on leur a assignés. »

Curieusement, et cela n’échappe pas au médecin qu’est Tchékhov, cette partie de l’île est marquée par la fréquence des empoisonnements à l’aconit (Aconitum napellus).

Il s’attarde, en véritable anthropologue, à nous décrire les aborigènes du Sud que sont les Aïno et s’interroge sur leur probable disparition du fait des guerres, de la stérilité des femmes et surtout des maladies que sont le scorbut, la syphilis et la variole. Comme les Ghiliak, les Aïno sont doux et ne supportent pas la violence ; en quoi ils ne furent guère difficiles à soumettre !

C’est dans le sud de l’île que se sont établis le plus souvent les « propriétaires forçats » :

« Lorsqu’il a fini son temps, le condamné est libéré des travaux forcés et passe dans la catégorie des colons relégués. Ce qui se fait sans délai.(…) Après dix années de résidence à titre de colons forcés, les relégués bénéficient du statut de paysan, condition nouvelle qui leur apporte des droits importants. »

Tchékhov évoque la vie des villages et de leurs autorités, puis il se penche, au chapitre suivant, sur la question féminine.

tchékhov,sakhaline,île,sibérie,tartarie,moscou,russes,taïga,colonie,détenus,forçats,relégués,amour,japonais,kouriles,korsakovsk,mélèzes,ghiliak,aïno,détroit,neige,glace,froid,isba,iourte,galérien,mines,prison,barbares,cafards,punaises,médecin,alexandrovsk,urss

Alionuska, Victor VASNETSOV 1881

La plupart des femmes sont venues rejoindre leurs époux ou un membre de leur famille. Le narrateur nous prévient : « Ce sont pour la plupart des victimes de l’amour ou du despotisme familial. » Compte tenu de la prédominance de la population masculine de l’île, on imagine le sort réservé aux femmes qu’on prostitue, qu’on vend, qu’on loue, qu’on prête… Quand un convoi de prisonnières arrive sur l’île, les plus jeunes et les plus belles sont filtrées pour être affectées comme domestiques chez les fonctionnaires ou leur servir de compagnes :

« La prison s’est totalement désistée des forçates en faveur de la colonie. Lorsqu’on les emmène à Sakhaline, on ne songe ni à leur châtiment ni à leur amendement, mais à leur aptitude à engendrer des enfants et à tenir une ferme.(…) On voit quelquefois arriver au bagne une vieille femme et sa fille déjà adulte ; elles entrent toutes deux en concubinage chez des colons et se mettent à accoucher à qui mieux mieux. »

Dans le dernier tiers de sa relation, Tchékhov se livre à une étude démographique, sociologique et économique de l’île dont la principale ressource est consacrée à l’activité de la pêche quand la saison s’y prête, c’est-à-dire très peu de jours dans l’année. Le reste du temps, il faut faire avec les très maigres ressources locales, insuffisantes à nourrir la population laquelle doit affronter comme elle le peut la famine qui frappe en priorité le jeune âge :

Lire la suite

23/03/2012 | Lien permanent

3 JANVIER 1893

 

drieu chat.jpg

 

Le 3 janvier 1893 Pierre DRIEU la ROCHELLE voit le jour à Paris, et c’est dans la même ville qu’il se suicidera cinquante-deux ans plus tard, plus par inclination naturelle que par dérobade devant les comités d’épuration…

Ce solitaire, rongé par la causticité du temps et le constat quotidien qu’il faisait sans complaisance de lui-même, confesse tout au long de son œuvre nourrie par « l’obsession de la décadence » ses regrets de n’avoir pu incarner l’idée qu’il se faisait de l’Homme.

Ainsi commence « LA SUITE DANS LES IDEES » :

 

suite.jpg

 

« Aussi loin que je remonte dans la conscience de ma vie, j’y trouve le désir d’être un homme. (…) Oui, je me rappelle ce désir d’être un homme ; c’est à dire debout, fort, celui qui frappe, et qui commande, ou qui monte sur le bûcher. (…)  Dès mon enfance, je m’éloignai des hommes. Dès mon enfance, je négligeai mon corps. (…) C’est à trente ans que je vois que je ne suis pas un homme, que je n’ai jamais été un homme. J’ai donc manqué ma vie, puisque je n’ai pas accompli mon désir. (…) Je ne suis pas un homme parce que j’ai laissé s’échapper de moi la force et l’adresse. (…) Je ne suis pas non plus un homme parce que je ne suis pas un amant. J’ai perdu ma femme parmi les femmes. (…) Je ne suis pas non plus un homme parce que je ne suis pas un saint. (…) Je ne suis pas non plus un homme parce que je ne suis pas un poète. (…) Non, je suis la caricature de tout, ayant tout gardé dans mon sein avare et hésitant, où cela a tourné et pourri.

… O passant, ô lecteur, ceci est mon dernier livre. Je n’écrirai plus après cela que des romans, je disparaîtrai. J’ai compris que la dernière noblesse qui me reste c’est de disparaître. Je ne suis pas un homme. »

Ainsi la Mort, l’« étrange cavalière », aura-t-elle poussé prématurément le pion victorieux sur l’échiquier le 15 mars 1945. C’est elle, par transposition, qui le salue dans « L’ADIEU A GONZAGUE » :

 

feu.jpg

 

 « Je suis bien heureux que tu te sois tué. Cela prouve que tu étais resté un homme et que tu savais bien que mourir c’est l’arme la plus forte qu’ait un homme.

Tu es mort pour rien mais enfin ta mort prouve que les hommes ne peuvent rien faire au monde que mourir, que s’il y a quelque chose qui justifie leur orgueil, le sentiment qu’ils ont de leur dignité –comme tu l’avais ce sentiment-là toi qui as été sans cesse humilié, offensé- c’est qu’ils sont toujours prêts à jeter leur vie, à la jouer d’un coup sur une pensée, sur une émotion. Il n’y a qu’une chose dans la vie, c’est la passion et elle ne peut s’exprimer que par le meurtre –des autres et de soi-même.

… Il aurait fallu si peu de chose pour t’apprivoiser, pour te réenchanter. Il faut si peu de chose pour changer de philosophie, pour qu’elle monte la rue au lieu de la descendre.

Il faut si peu de chose ? Mais ce ne sont que les plus grossiers appâts qui t’auraient rattaché à la vie, à nous. La vie ne pouvait remporter sur toi qu’une bien médiocre victoire.

L’ argent, le succès. Tu n’avais à choisir qu’entre la boue et la mort.

Mourir, c’est ce que tu pouvais faire de plus beau, de plus fort, de plus. »

manuscrit.jpg

Manuscrit du texte. @J.L Bitton

 

 

Drieu a choisi la mort volontaire comme d’autres ont choisi la carrière des armes, ou le cloître : par vocation. Ayant été lui-même et jusqu’au bout la matière de son œuvre (« J’ai envie de raconter une histoire. Saurai-je un jour raconter autre chose que mon histoire ? »)(1) il l’aura conduite au noir très noir pour trouver « sa » lumière, en accord avec le point de vue de Ladislav Klima : « L’homme qui se respecte quitte la vie quand il veut ; les braves gens attendent tous, comme au bistrot, qu’on les mette à la porte. »

Ainsi l’idée obsessionnelle de suicide qui jalonne l’œuvre de l’auteur du FEU FOLLET, n’apparaît-elle pas comme anéantissement mais plutôt comme « ouverture », accomplissement ou moyen, pour lui, de « devenir un homme ».

C’est dans « RECIT SECRET », l’un de ses textes le plus troublant où la Mort se promène en filigrane, que l’écrivain exprime au mieux la fascinante cohabitation qu’il entretient avec elle :

 

récit.jpg

 

« Je remonte encore à l’enfance, non pour la raison qu’on y trouve toutes les causes, mais pour celle-ci que l’être est tout entier dans son germe et qu’on trouve des correspondances entre tous les âges de la vie. Je suis né mélancolique, sauvage. (…) Je savais qu’il y avait en moi quelque chose qui n’était pas moi et qui était beaucoup plus précieux que moi. Je pressentais aussi que cela pourrait se goûter beaucoup plus exquisement dans la mort que dans la vie et il m’arrivait de jouer non seulement à être perdu, à jamais échappé aux miens, mais aussi à « être mort ». (…) Un jour, je sus qu’il y avait un mouvement qui se produisait parfois chez un homme, et qui s’appelait le suicide.

… Je ne croyais nullement, en me donnant la mort, contredire à l’idée que j’ai toujours sentie vivante en moi de l’immortalité. C’était, au contraire, parce que je croyais à l’immortalité que je me précipitais si vivement vers la mort. Je professais que ce qu’on appelle la mort n’est qu’un seuil et qu’au-delà continue la vie, ou du moins, quelque chose de ce qu’on appelle la vie, quelque chose qui en est l’essence. »

N’est-ce point lui, le méditatif, qu’on retrouve au travers de son personnage des MEMOIRES de DIRK RASPE ?:

 

Dirk.jpg

 

« Je marchais, je marchais du matin au soir. J’ai aimé la marche depuis mon enfance et il y a eu bien des moments où j’ai cru que c’était presque la seule joie que pouvait me donner la vie, avec le tabac. Quand on marche, on n’est nulle part et l’on est partout, on jouit de rien comme de tout. On s’épanche dans soi-même qui s’épanche dans le monde. Le moi s’assouvit de ce qui est son incessant et profond besoin : dépasser ces petits obstacles qu’il est lui-même et que sont les moi des autres pour atteindre à tout. Il sait que dans tout il y a quelque chose qui est bien plus son cœur que lui-même. »

N’est-ce point lui qui s’exprime encore à travers « CHARLOTTE CORDAY », l’héroïne de sa pièce de théâtre ?:

 

corday.jpg

 

« Je suis seule, entourée d’une grande violence, d’un grand bruit. Je suis dans le monde, et c’est comme le couvent. Au loin, un grand bruit et moi toujours seule. Ce couloir sombre qui menait au cloître… Seule avec mon âme. Elle me dit des choses que le monde ne me répète pas. Hier, mon âme me parlait de l’immense amour du Christ. Aujourd’hui, elle me dit le sublime dévouement de Brutus. C’est mon grand’père Corneille qui me parle par mon âme. Vivait-il donc dans un temps plus fort ? Qu’est devenue la France, la noblesse de France ? Ah ! mes héros, je ne puis penser qu’à vous, car les vivants me déçoivent à mort. »

La haine des « justiciers » de l’épuration qui n’auraient pas manqué de le cueillir s’il ne les avait devancé, était-elle si différente de celle des septembriseurs de 92 ?

 

Drieu debout.jpg

 

Drieu, qui plaçait son œuvre entre celle de Céline et celles de Montherland et de Malraux, donne ce conseil à Victoria Ocampo au sujet de « Voyage au bout de la nuit » dans une lettre qu’il lui adresse le 3 mars 1933 (2):

« Je suis navré à l’idée que tu ne peux pas comprendre Céline. C’est l’autre face de l’univers que tu ne connais pas, la face de la pauvreté ou de la laideur, ou de la faiblesse. Je persiste à croire que c’est un livre sain. Ce sont tous les gens malsains à Paris qui le détestent. C’est tellement l’Europe d’après guerre, l’Europe de la crise permanente, l’Europe de la révolution, l’Europe qui crève, qui va faire n’importe quoi pour ne pas crever. »

La décadence des valeurs, et celle de l’Europe, il n’a cessé de la dénoncer et c’est par la qu’il est proche de Céline :

« Je me suis trouvé comme tous les autres écrivains contemporains devant un fait écrasant : la décadence. Tous ont dû se défendre et réagir, chacun à sa manière, contre ce fait. Mais aucun comme moi –sauf Céline- n’en a eu la conscience claire. »  

Et toujours dans « SUR LES ECRIVAINS », voici ce qu’il disait de Louis-Ferdinand Céline :

 

ecrivains.jpg

 

« Céline a été par certains détesté, méprisé, nié dès le premier jour. Quand il apparut brusquement dans la littérature, il y eut tout de suite, aussi bien dans les chapelles que dans diverses épaisseurs du public, un mouvement de crainte. Alors, il ne s’agissait pas de politique.

Céline a eu le même sort que la vérité. L’élite n’a pas voulu regarder en face l’un plus que l’autre ; elle a fermé les yeux sur la force de Céline comme sur la force des événements. Et sans doute continue-t-elle encore. Elle peut continuer.

(…) Céline est en plein dans une des grandes traditions françaises, celle de la pensée immédiate, qui se saisit de l’affaire humaine dans les termes physiques du moment, à son niveau de plus grande urgence, au niveau populaire.

(…) Céline, lui, est bien équilibré. Céline a le sens de la santé. Ce n’est pas sa faute si le sens de la santé l’oblige à voir et à mettre en lumière toute la sanie de l’homme de notre temps. C’est le sort du médecin qu’il est, du psychologue foudroyant et du moine visionnaire et prophétisant qu’il est aussi.

celine.jpg

 

 

Il y a du religieux chez Céline. C’est un homme qui ressent les choses sérieusement et qui, en étant empoigné, est contraint de crier sur les toits et de hurler au coin des rues la grande horreur de ces choses. Au Moyen Age, il aurait été dominicain, chien de Dieu ; au XVIe siècle, moine ligueur. Il y a du religieux chez Céline dans le sens large du mot : il est lié à la totalité de la chose humaine, bien qu’il ne la voie que dans l’immédiat du siècle. Et peut-être, dans un sens plus étroit, y a-t-il du chrétien chez lui ? Cette horreur de la chair… Mais, somme toute, non. Cette horreur n’est que pour la chair avariée. Au-delà, Céline voit une chair lavée, lustrée, sauvée, pétillante de gaîté, élancée de joie. Cela éclate, entre autres, aux dernières pages de son livre, Les Beaux Draps. »

Concluons avec Jean Mabire qui lui a consacré un livre, « Drieu parmi nous » :

« Il y a chez Drieu beaucoup de junker, pas mal de clergyman et un peu de M. Homais. Ce Prussien britannique fait songer à quelque potard normand qui aurait lu Gobineau plutôt que Voltaire et rêverait de ses ancêtres vikings dans une petite bourgade voilée de crachin.

Mais Drieu c’est aussi un don Juan triste qui erre sur les quais de la Seine à la recherche d’une compagne, c’est aussi un Saint-Just désabusé qui se rend à un meeting en quête d’une patrie. Drieu c’est parfois la solitude de Robinson Crusoé et la délicatesse du Gilles de Watteau. Et puis c’est encore et c’est enfin un vigoureux quinquagénaire qui fume lentemlent un paquet de cigarettes américaines, qui avale ses comprimés de gardénal, qui arrache le tuyau du gaz et qui nous laisse en plan avec un livre de mystique hindoue sur la table de nuit et un mandat d’amener brusquement sans objet chez le juge d’instruction… »

drieu1914.jpg


   Orientations de lecture :

-      L’incontournable biographie de Pierre ANDREU et Frédéric GROVER : « Drieu la Rochelle », (parue en 1979 chez Hachette.)

-      Dominique Desanti : « Drieu la Rochelle ou le séducteur mystifié » (Flammarion,1978)

-      Jean Mabire : « Drieu parmi nous » (Editions du Trident,1988)

-      Pol Vandromme : « Drieu la Rochelle » (Editions Universitaires, 1958)

-      Jean-Louis Saint-Ygnan : « Drieu la Rochelle ou l’obsession de la décadence » (Nouvelles Editions Latines,1984)

-      Jean-Marie Hanotelle : « Drieu et la déchéance du héros » (Hachette, 1980 

  Renvois:

(1) "Etat Civil", page 7 (Gallimard, l'Imaginaire/14, 1977)

(2) Cité par Frédéric Grover dans "Sur les Ecrivains", page 150 (Gallimard, NRF, 1964)

 

Lire la suite

03/01/2011 | Lien permanent

LADISLAV KLIMA ou le solipsisme appliqué

(Reprise augmentée d’un texte que j’ai eu l’occasion de publier une première fois dans la revue l’Originel, numéro 6 de juillet 1996, éditions Charles Antoni)

 

Profil.jpg

En 1904 paraît à Prague un ouvrage intitulé « Le Monde comme Conscience et comme Rien. ».C’est un texte décapant qui ne recevra pas l’accueil attendu par son auteur, le jeune philosophe Ladislav KLIMA. Ce dernier n’a sans doute pas choisi son titre à consonance schopenhauerienne au hasard ; il présente son livre comme un « précis d’indifférence nihilisto-illusionniste » s’inscrivant pour partie dans le sillage de l’œuvre de Nietzsche (« le nihilisme est notre délassement à nous. ») .

Prague bleue.jpg

(Prague vers 1900)

Le texte annonce d’emblée la couleur du chaos, c’est un précis de décomposition des idées reçues, début prometteur pour celui qui fera des principes d’alogicité et de contradiction le moteur de son œuvre. Ce livre, qui aurait dû faire l’effet d’un pavé dans la mare, passa inaperçu ou presque ; quelle conclusion en tirer ? Klima y répond lui-même dans une lettre adressée le 16 juillet 1905 à Emanuel Chalupny. Il estime « que le public pachydermique, face à une œuvre de l’esprit, perçoit aussi peu ce qu’elle a de provoquant que ce qu’elle a de valorifique, autrement dit qu’il est totalement sans tête, qu’il n’y a que son dos où le frappant puisse, sous forme de bâton frapper. ».

Ce ton, dont Klima ne se départira plus, positionne très tôt ce rebelle en l’apparentant aux grands moralistes, esprits libres affranchis des passions, souvent plus en accord avec le comportement des animaux qu’avec celui des hommes.

Aristide.jpg

Certaines de ses observations nous vaudront des maximes de cette veine : « Si les braves gens appliquaient au perfectionnement de leur caractère autant de soin qu’au polissage de leurs chaussures, l’humaine espèce aurait meilleure mine »(1) et sa méfiance à l’égard des hommes s’exprime au travers du constat qu’il fait de leur lâcheté : « la volonté d’esclavage est le fondement de l’univers. Elle est l’essence de l’homme, la clef de son être, le secret de sa « culture ». (2)   Il observe que c’est la même servilité qui anime la plupart des œuvres de ses contemporains et les rend dépendantes d’autrui, comme si, de toute évidence, il ne devait rien y avoir de nouveau sous le soleil alors que le soleil, comme l’observe Héraclite, « est non seulement chaque jours nouveau, mais sans cesse toujours nouveau ». Par conséquent « une seule question décide de la valeur de toute œuvre : à quel point est-elle souveraine ? à quel point soumise ? »(3)

On peut dire de celle de Klima qu’elle est originale en ce sens qu’elle n’a guère eu d’antécédent et que personne avant lui n’avait osé s’aventurer en direction du solipsisme radical, chemin qui ne mène nulle part pour la philosophie classique, position intenable pour un esprit libre… Avec le brio qui le caractérise et sa maîtrise du verbe, Klima étaye pourtant et développe un discours rien moins que « philosophique », même si l’auteur, sur ce chapitre émettait les réserves que l’on sait. Celui qui, sa vie durant, se sera évertué à sauter dans l’abîme —« ce n’est qu’en sautant qu’on peut arriver à quelque chose »(4)— aura réussi son suicide intellectuel en coupant à sa manière la tête au corbeau pour ne plus voir le monde avec les yeux de l’habitus, nevermore .

 

THESEE.jpg

Il n’y a pas, derrière cet acte, la recherche d’un quelconque bonheur, ni la recherche d’une quelconque vérité raisonnée ou raisonnable —« la vérité n’est pas à chercher dans la philosophie, mais dans la praxis, dans la vie »(5) mais bien plutôt l’affirmation d’une volonté « auto-commandante ». Que cette dernière prenne le sentier de la guerre et se batte en priorité contre le moi social est dans l’ordre des choses ; elle démolit, dans le même temps, tout ce que l’humaine raison a empilé de concepts idéaux : c’est la « métaphilosophie » qui commence « là où on repousse à coups de pied la « métaphysique », le monde, la réalité, l’existence-vérité, la science, l’homme… »(6)

C’est par là aussi que commence la gestation de celui qui se qualifiait lui-même de « noir monstre métaphysique » à l’instar du protagoniste d’un de ses romans auquel il fait dire : « Moi seul, noir monstre métaphysique, rêvant éternellement, Moi seul, je peux être Dieu ! »(7)

Vouant sa vie à la quête de l’Etre-Dieu, il fallait à Klima une trempe peu commune, une détermination sans failles, l’enjeu n’étant pas sans risques ! « On ne plaisante pas avec ces petites choses-là ; la folie subite est bien l’accident le plus inoffensif qui puisse arriver au petit animal que l’on est. »(8)

Cinquante années de vie pas commune s’achèveront dans un hôpital pour tuberculeux, mais, rideau !... l’apothéose avait eu lieu des années avant, et le philosophe avait payé durement son écot : « J’ai payé ma victoire d’un immense chaos provisoire… »(9). Parce qu’il y a peu d’appelés et peu d’élus dans ce voyage en solitaire (« La plupart des gens ne meurent qu’au dernier moment, d’autres commencent et s’y prennent vingt ans à l’avance et parfois davantage. Ce sont les malheureux de la terre. ») (10) Klima, en bon guerrier, n’aura pas baissé la tête devant Némésis la Glorieuse.

 

dessin.jpg

 (Dessin Agaric)

Aujourd’hui le public francophone peut accéder à l’œuvre grâce aux efforts non comptés de sa traductrice Erika Abrams ; elle seule a su tirer de l’ombre où il dormait ce philosophe trop longtemps oublié à l’Est. On ne réveille pas innocemment ce genre de tigre… Les chasseurs de grands fauves auront bien du mal à l’abattre, et c’est tant mieux puisque —pour parodier Dominique de Roux— « ce sont les temps du grand changement qui maintenant, viennent. »(11).

En parcourant la biographie de l’auteur, parue dans le premier volume imprimé en France (« Je suis la Volonté Absolue »), on comprend mieux le monde de celui qui, l’ayant réduit à son schéma mental, pouvait écrire : « L’univers est l’ouvrage de mes arides conjectures et de mes routines psychiques, un schéma, rien de plus, et son énormité est réductible à l’énormité d’une mystification. »(12).

 

Enfant.jpg

Né le 22 août 1878 en Bohème (Domazlice), très tôt orphelin de mère, le jeune Ladislav entre au lycée de Zagreb en 1895 ; il y découvre les œuvres de Schopenhauer et de Nietzsche et s’insurge contre le système éducatif : « quiconque n’était pas idiot-né devait forcément s’idiotifier sur les bancs de l’école. »(13) ; voilà qui le positionne et le détermine « à ne fréquenter aucune école, à n’embrasser aucun état »(14), prémisses d’un dilettantisme propice à l’émergence du « ludibrionisme » —jeu permanent avec l’univers— qui le caractérisera plus tard. On sent, dès cette époque, la rupture du lien social et le rejet de toute autorité extérieure. Cinq années suivront de « simples tâtonnements dans le noir »(15) au cours desquelles le jeune philosophe cherchera à aiguiser ces facultés supérieures qu’il reconnaît aux seuls félidés —« la plus splendide efflorescence de la vie »(16)— et qui sont incontestablement celles du guerrier (il les évoque observant le comportement d’un chaton en présence du danger, bel exemple d’art martial !...). « Le spectacle qu’offre un tigre du Bengale est non seulement beau mais sublime ! »(17). Cette admiration sans limites n’aura d’égale que la compassion qu’il éprouvera sa vie durant pour les animaux : « La façon dont les humains se comportent envers les animaux est terrible ; plus terrible encore, superlativement terrible, est la façon dont ils les regardent. »(18).

 

Tigre.jpg

 

De 1900 à 1903, expériences variées touchant à la déoessence. L’auteur expose ses sensations dans son autobiographie : « Durant les années où d’autres s’échinent à passer des examens et à se lancer dans une carrière, je n’eus d’autres occupations que de me promener sans fin dans les futaies à la recherche de nymphes et de châteaux hallucinatoires, me roulant tout nu dans la mousse et dans la neige, menant des combats terribles avec un Dieu qui s’était mis en tête de vivre à l’état de veille, en tant qu’homme. »(19).

En 1904 publication du « Monde ». Suivront trois années d’intense activité littéraire dont peu de choses, malheureusement, auront été conservées, Klima brûlant souvent le soir même ce qu’il écrit le jour…

1908 : abandon de la littérature au profit de la seule « philosophie pratique systématique », « mon but étant de tuer toute souffrance, d’atteindre le calme immuable, bienheureux, au moyen d’une manière de tout voir philosophique et aeterniste, ordonnée et régie par des commandements souverains. »(20).

Le 13 août 1909, dans des circonstances particulières, il semble que les efforts soient couronnés de succès puisque Klima se trouve en face de « la pensée la plus téméraire, la plus terrible, la plus sublime qu’homme ait jamais eue : être dès cette vie ici-présente, essentiellement et réellement, pleinement et intégralement, DEUS CREATOR OMNIUM ! »(21).

En 1910, à 32 ans, il prend une résolution décisive : « au moyen d’une maîtrise absolue de l’intellect, atteindre pleinement au Plus Haut… Deux ans de violences inouïes faites au processus de la pensée… »(22). Il s’adonne sans différer à ces travaux d’Hercule en bonne connaissance de l’Ennemi (« Notre intellect est un professionnel non pareil du mensonge ») (23) avec les déroutes inhérentes à ce genre de quête, lucidement surmontées : « ce qui vient d’arriver, succès ou échec, peu importe, est bon, ne serait-ce, par exemple, que pour la simple raison que c’est arrivé. »(24). Qu’on se rappelle sur le chapitre le propos de Nietzsche (ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort).

Bruegel-Mort-3.jpg

(Pieter BRUEGHEL)

Le 1er octobre de la même année, connu sous l’appellation de « journée cholupicienne », constitue l’acmé d’ une praxis philosophique que Klima narre par le menu à Antonin Pavel dans une lettre écrite d’Horousanky le 20 mai 1914 ; Erika Abrams y voit à juste titre « l’un des textes clef » de son œuvre. A partir de ce moment, et sans doute pour compenser le porte à faux où l’ont conduit ses exercices quotidiens  souvent brutaux de philosophie pratique et d’érémitisme pour l’aider à supporter ou à oublier le monde extérieur « automystification géniale »(25), « processus de contradiction »(26), Klima s’adonne à l’alcool et s’en explique : « c’est l’alcool qui me sauva, le rhum et l’alcool absolu… je ne dessoûlais pas de toute la seconde moitié de l’an 12 ni de l’an 13. »(27). Il est , en parallèle, attiré par le suicide dont l’idée obsessionnelle représente à ses yeux « l’expression la plus élevée et la plus pure du vouloir-vivre » . La mort volontaire est un privilège qui permet de quitter élégamment le théâtre d’ombres de la comédie humaine avant son dernier acte, « l’homme qui se respecte quitte la vie quand il veut, les braves gens attendent tous, comme au bistrot, qu’on les mettent à la porte. »(28).

En 1915, poussé par le dénuement, Klima se résout à accepter quelque emploi, ressentant néanmoins « la moindre somme gagnée comme le summum de l’infection, le moindre travail social comme le comble de l’infamie… »(29). On le retrouvera chauffeur d’une locomobile à pomper l’eau d’une rivière, puis gardien d’une usine désaffectée, enfin, en 1917, associé et contremaître d’un atelier de fabrication d’un ersatz de tabac… tâches inutiles, sans doute, mais évocatrices de l’univers burlesque où l’asocial n’a plus sa place.

1918 : publication d’articles philosophiques et polémiques.

1919 : début du « règne de Dyonisos » puis hibernation en 1920.

En 1922 commence sa « lutte héroïque contre tout. ».

Atteint de tuberculose pulmonaire, la mort emporte à Prague le 19 avril 1928, celui qui était parvenu à en tuer l’idée même : « Pour autant qu’il soit certain que je suis, je suis certainement immortel. L’un et l’autre —idem— « je suis » et « je serai »—tautologie—. Car le présent est dans son fond éternité, car l’éternité n’est rien d’autre qu’un présent sans bornes : existence et immortalité sont synonymes. »(30).

Masque mortuaire.jpg

Il nous reste maintenant à voir quels sont les thèmes de l’œuvre klimaienne tout entièrement tournée vers l’éveil de la Conscience  et la conquête de la Liberté par la réalisation du Grand-Œuvre qu’est l’Etre-Dieu : « l’humanité a crée l’idée de Dieu. Moi, je créerai sa personne. »(31).

Une telle entreprise reflète un cheminement intellectuel hors du commun.

Que Klima ait trouvé dans les écrits de Nietzsche, Schopenhauer et Berkeley de quoi étayer sa vision du monde, et que le Nihilisme, raz de marée du début de siècle ait pu séduire un tel esprit n’a rien d’étonnant. Cependant le philosophe a su gérer ses sources et s’en détacher suffisamment pour élaborer sa propre pensée dans un style qui n’appartient qu’à lui ; il s’en explique : « Longtemps j’ai vogué lâchement dans les eaux du stoïcisme, du spinozisme, du dyonisisme à la Nietzsche, de l’upanishadisme, —mais tout cela était loin d’être moi, cette manière d’agir ne pouvait évidemment pas me convenir à moi, —à mon instinct absolutiste fondamental… »(32).

On l’imagine mal, en effet, aux ordres d’un quelconque maître à penser en dépit de la « contamination » qu’évoque Jan Patocka. En radicalisant le solipsisme, Klima n’a pas enfermé sa pensée (contrairement à la remarque de Brezina), il lui a plutôt donné des ailes et permis d’accéder à ce que Mandiargues appelle, dans son introduction au « Musée Noir », « l’innocence farouche d’un univers enfin déchaîné ». Cette pensée a su se frayer des passages dans cette jungle et arpenter des territoires incontournables ; elle ne s’est pas érigée en système mais a constitué une ontologie libérée des entraves du Temps, centrée sur le primat de la Volonté qui s’exprime par le vouloir-vouloir, dans l’éternel présent.

Adolf Chwala.jpg

(Adolf CHWALA)

Comment s’étonner dès lors du regard sans complaisance qu’il porte sur la philosophie et les professeurs de philosophie plutôt malmenés dans ses romans ? « La philosophie est le foyer de la servilité humaine. Tout ce qu’on peut trouver d’autre en fait de chienneries et d’ignom

Lire la suite

CHAMP de BATAILLE

 

Les corbeaux s'abattent du haut des grands chênes dans les labours, et parce que l'automne est propice aux ripailles, ils fouillent la terre grasse inlassablement de leurs becs pointus, à la recherche des graines. Je les observe aller, venir, se quereller ou s'égailler selon, à grands coups d'ailes à la moindre alerte, car ils sont prudents...

Ces corbeaux-là, qui ne sont peut-être après tout que des corneilles, m'évoquent ceux des champs de bataille ; et d'autant plus, que c'est aujourd'hui le quatre-vingt-onzième anniversaire de l'armistice qui mit fin à la « Grande Guerre ». Ou la « grande boucherie », comme on voudra... c'est la même chose...

...« Toutes ces viandes saignaient énormément ensemble. »

Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit, 1932

 

Il est de coutume d'honorer les morts et ceux des guerres ont droit, comme les autres au respect des vivants. Aussi n'ai-je n'ai rien contre les commémorations dans la mesure où elles restent discrètes. Dès l'instant où elles servent de prétexte à des manœuvres ou des épanchements qui ne profitent qu'à ceux qui les orchestrent, je m'en méfie énormément...

 

gusbofa.jpg
Gus Bofa (La Baïonnette)

 

La Grande Guerre  -dont pas une commune de France ne porte le deuil au travers de ses monuments aux morts, et dont chacun sait qu'elle a saigné à blanc sans états d'âme tout ce qu'il y avait de forces vives dans les nations des principaux belligérants- c'est au bas mot dix millions d'hommes tués au combat, sans compter les civils et tous ceux morts des suites de leurs blessures, ou qui ont volontairement mis fin à leurs jours.

 

 

P1020336A.jpg

Butte de Vauquois, mai 2008

Rien que pour la seule France -et parce qu'il faut mettre la viande sur la table pour comprendre- si on les alignait côte à côte au garde-à-vous comme à l'exercice, ceux qui sont tombés sur le champ de bataille, ça couvrirait sans mal un peu plus de 900 kilomètres, soit à peu de chose près la distance Dunkerque-Perpignan... Quant au volume de sang dont ils ont abreuvé les sillons, ça équivaudrait à le comparer au débit du Danube à Tulcea qui en temps normal est de  6 500 000 litres... On pourrait comme ça se livrer à d'autres calculs très accusateurs... Ca changerait rien, le fait est là. Et depuis que le monde est monde, si on comptabilisait de la sorte ceux qui ont laissé leur peau dans des conflits, on n'en finirait pas... Tout de même, ça donne à réfléchir sur la nature de l'homme « être doué de raison » ! Et puis, ne l'oublions pas, quand les passions qui l'enchaînent se libèrent , ou que les intérêts de ceux qui mènent le monde lui jouent du pipeau, le pauvre type, c'est toujours lui qui trinque dixit l'auteur du « Voyage », qui n'a pas tord :

... « Il existe pour le pauvre en ce monde deux grandes manières de crever, soit par l'indifférence absolue de vos semblables en temps de paix, ou par la passion homicide des mêmes en la guerre venue. »

 

Commémorons ce 11 novembre avec ceux qui l'ont vécue, la  grande guerre  qui n'en finissait pas, et qu'ils pensaient être la « der des der », certains qui ont écrit ces lignes n'en sont pas revenus, comme l'artilleur Paul Lintier, regardé par Jean Norton Cru comme l'un des plus fiables rapporteurs, avec Maurice Genevoix, André Pézard et Robert Désaubliaux, des atrocités du champ de bataille.

Lintier mort à 23 ans le 15 mars 1916 a produit deux œuvres qui pèsent leur poids de souffrance : « Ma pièce » (1916) et « Le tube 1233 » (paru en 1917), préfacé par Henri Béraud.

Rapportons avec Norton Cru, cet extrait du premier des deux textes, il traduit bien l'observation du cuirassier Destouches qu'on est « puceau de l'horreur comme de la volupté ».

... « Ah ! si j'échappe à l'hécatombe, comme je saurai vivre ! Je ne pensais pas qu'il y eût une joie à respirer, à ouvrir les yeux sur la lumière, à se laisser pénétrer par elle, à avoir chaud, à avoir froid, à souffrir même. Je croyais que certaines heures seulement avaient du prix. Je laissais passer les autres. Si je vois la fin de cette guerre, je saurai les arrêter toutes, sentir passer toutes les secondes de vie, comme une eau délicieuse et fraîche qu'on sent couler entre ses doigts. Il me semble que je m'arrêterai à toute heure, interrompant une phrase ou suspendant un geste, pour me crier à moi-même : Je vis, je vis ! Et dire que tout à l'heure, peut-être, je ne serai qu'une chair informe et sanglante au bord d'un trou d'obus ! »

 

dix_cadavre_dans_les_barbel_s_1924.jpg

 

 

Le fantassin Louis Barthas, dans des accents proches, ne nous dit pas autre chose ; il rapporte ce qu'il voit de l'horreur et ce qu'il pense de la folie des hommes, lui qui ne rêvait que de fraternité nous fait partager ce banquet des ténèbres où la mort se met à table :

... « Un obus venait tout près de creuser un trou énorme et déterrer un cadavre qui fut mit en lambeaux, sur lequel des milliers de mouches goulues se précipitèrent.

Ah ! ces mouches du charnier de Lorette qui se répandaient jusqu'à l'arrière du front, quel immonde dégoût elles nous inspiraient. Elles s'insinuaient partout, dans les quarts, les gamelles, les marmites, bourdonnaient sans cesse autour de nous, butinaient des morts aux vivants et des vivants aux morts ! »

 

Il y a des pages, dans « La Ruée » de Robert Desaubliaux que l'on retrouve chez d'autres ; il ne s'agit point de plagiat, mais de « choses » vues ensemble, et tellement terribles, qu'il n'y a pas trente six façons de les dire :

... « L'aspect du chemin devient encore plus sinistre. Dans la boue, sur des talus, partout des cadavres ont été projetés : les uns courbés la face contre terre, les autres hideusement contorsionnés dans une pose grotesque ou tragique avec un rictus épouvantable qui découvre les dents et les yeux ouverts qui dévisagent les passants. Français et Boches sont mêlés, broyés, déchiquetés.

-      Voilà ce qui s'appelle mourir au Champ d'Honneur, observe une voix.

On marche sur des fusils cassés, des sacs éventrés, des brosses, des chemises, des paquets de lettres, des photographies, des bidons, des pansements, des caisses, des torpilles qui n'ont pas éclaté, des casques, des capotes ! Les sacs à terre déchirés, déchiquetés, émiettés, sont éparpillés sur le sol. Il y en a des milliers de toutes les couleurs, en toile, en laine, en soie, mêlés à la boue, au sang, aux membres arrachés, à des intestins, à des débris de chair sanglants, à des têtes coupées, à des corps sans tête, partout des cadavres ! des cadavres !!! Des corps mutilés étalent des viscères, tendent des moignons atroces au bout desquels la boue et le sang ont fait avec l'étoffe déchirée des franges noires. »

 

C'est suffisamment éloquent... et pourtant, ne faut-il retenir des champs de bataille que l'immense gâchis des corps et des âmes ? ou voir dans la guerre -à l'instar de ceux qui restent persuadés qu'elle peut être rédemptrice- autre chose qu'une abomination ? Et il s'en trouvera toujours pour dire : c'est comme ça qu'on l'aime...

Voici ce qu'écrit à ce propos La Tour du Pin dans ses souvenirs rapportés par Jean Norton Cru :

... « J'éprouve une sorte d'ivresse sauvage à galoper à travers ces champs saccagés, couverts dépaves humaines, d'ennemis massacrés. Secrètement, je me prends à souhaiter que la guerre ne soit pas dans l'avenir abolie. J'ai connu tout à coup clairement le sentiment, jusqu'alors un peu confus, de sa nécessité, de sa sauvage et glorieuse grandeur, et n'ai pas, comme certains l'horreur de ses spectacles et la haine de ses ruines.

... Je goûte le symbole de la guerre où je survis, et sa fatalité, et j'aime sa chaleur meurtrière qui est celle de la flamme même de la vie, concentrée entre les deux pôles éternels : l'amour et la mort ».

Voilà son vrai visage, qui est celui de Janus, le paradoxe de l'inconciliable qui nous enferme et qui nous étreint, le drame d'Eros et de Thanatos qui faisait dire à Jünger :

... «  Au combat, qui dépouille l'homme de toute convention comme des loques rapiécées d'un mendiant, la bête se fait jour, monstre mystérieux resurgi des tréfonds de l'âme. Elle jaillit en dévorant geyser de flammes, irrésistible griserie qui enivre les masses, divinité trônant au-dessus des armées. Lorsque toute pensée, lorsque tout acte se ramènent à une formule, il faut que les sentiments eux-mêmes régressent et se confondent, se conforment à l'effrayante simplicité du but : anéantir l'adversaire. Il n'en sera pas autrement, tant qu'il y aura des hommes. »

Ernst Jünger, La guerre comme expérience intérieure.

 

brueghel triomphe de la mort.jpg

Breughel, le Triomphe de la Mort, Musée du Prado

 

 

Nous en conviendrons avec Thomas Hobbes : « Homo homini lupus », puisqu'il s'en trouvera toujours un, c'est entendu, pour casser une mâchoire d'âne sur la tête de l'autre.

 

 

 

P1020332A.jpg

 

Butte de Vauquois, entonnoir de mine

 

 

Et pour terminer cet hommage à tous ceux qui sont morts glorieusement (ou non) au cours de ce terrible quinquennat, jusque et y compris à ceux qu'ont pas eu de chance et qui se sont fait tuer après le coup de sifflet de l'armistice ou la tombée de rideau, comme on veut, rapportons ces pages d'un petit trésor que nous ne saurions passer sous silence, les « Mémoires d'un Rat » :

... «  Ce qui fait paraître excessif le sacrifice que la patrie exige de notre vie, c'est que nous oublions que nous devons mourir un jour.

... Et pourtant, la mort, m'écriais-je, ce n'est pas ces images répugnantes, ce cortège hideux, ces puantes métamorphoses ? Toutes ces visions macabres n'existent que pour les vivants et ne sont que les conséquences de la mort.

La véritable cause de ma révolte instinctive, ce n'est même pas l'horreur du néant, mais une invincible répugnance à entrer dans l'inconscient. Peu m'importe que chaque partie de moi-même subsiste et se survive, si ce qui fait l'unité de ma personne disparaît, c'est à dire ma conscience et ma mémoire ! ».

 

 

 

Orientation de lectures :

Louis- Ferdinand CELINE : « Voyage au bout de la nuit » (Pléiade)

Jean-Norton CRU : « Témoins » (Presses universitaires de Nancy)

Louis BARTHAS : « Les carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier, 1914-1918 » (La Découverte)

Robert DESAUBLIAUX : « La ruée » (Presses de la Renaissance)

Ernst JUNGER : « La guerre comme expérience intérieure », « Le boqueteau 125 » (tous deux aux éditions Christian Bourgois), « Orages d'acier » (Le Livre de Poche).

Pierre CHAINE : « Mémoires d'un rat » (Texto).

 

Trois ouvrages dont nous n'avons pas donnés d'extraits méritent d'être lus :

-      « La Guerre de 14-18 racontée par un Allemand », de Werner Beumelburg (chez Bartillat), préfacé par Gérard Chaliand qui dit de l'œuvre : « Werner Beumelburg a écrit un des rares très bons livres sur la Grande Guerre... A la rigueur de l'historien il joint, de façon sensible, le savoir de la peau. Le sentiment physique de la guerre est ici présent. »

-      « Le cuirassier blessé, Céline 1914-1916 », de Jean Bastier (dans la très belle édition du Lérot, de Jean-Paul Louis), qui doit beaucoup au récit de Désaubliaux ( Céline était engagé au 12ème Cuirassier, Désaubliaux au 11ème)

-      « Gaspard », roman de René Benjamin (Prix Goncourt 1915, Fayard), à lire en dépit de la critique peu favorable de Norton Cru (critique ne portant que sur la valeur historique et non littéraire).

 

 

statistiques 14-18.jpg

 

 

 

 

 

 

P1020381A.jpg

Argonne, mai 2008

 



 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Lire la suite

LES GRANDS ABATTOIRS SOUS LA LUNE

« Je n’ai pas toujours pratiqué la médecine, cette merde. » (Céline, « Mort à Crédit »).

 

médecine, covidiens, Diafoirus, Céline, Ivan, Illich, praticien, spécialiste, Némésis, médicalisation,  santé, masque, épidémie, maitres, flûte, tango, religieux, prêtres, mépris, opinion, droit, La Fontaine, peste, choléra, mortalité, symptômes, iatrogène, tératogène, eau, vaccin, injection, nanoparticule, marché, nréprouvés, théorie, complot, peuple, oligarchie, morgue

(Némésis, temple grec.)

Cette confession du praticien que fut le docteur Destouches pourrait ne paraître qu’outrancière si elle n’était vérifiable, et d’autant plus à l’heure covidienne, quand de trop nombreux Diafoirus médiatisés nous assènent leurs « vérités » en trahissant sans vergogne le principe fondamental du serment d’Hippocrate qu’ils prêtèrent un jour : « Primum non nocere »

médecine, covidiens, Diafoirus, Céline, Ivan, Illich, praticien, spécialiste, Némésis, médicalisation,  santé, masque, épidémie, maitres, flûte, tango, religieux, prêtres, mépris, opinion, droit, La Fontaine, peste, choléra, mortalité, symptômes, iatrogène, tératogène, eau, vaccin, injection, nanoparticule, marché, nréprouvés, théorie, complot, peuple, oligarchie, morgue

Louis-Ferdinand Céline est mort trop tôt, tout comme Ivan Illich qui dénonçait dans son essai « Némésis médicale », paru en 1975 en version française, l’aliénation du praticien par l’industrialisation de la santé, prônant la redécouverte par l’homme de l’art d’une « médecine générale ». On imagine, à l’heure où tout n’est qu’affaire de « spécialistes », qu’elles conclusions seraient les siennes sur ce qu’est devenu l’objet de son étude, plus de quarante cinq ans après l’avoir rédigée !

Ouvrons « Némésis » ; voici ce qu’il nous dit dans l’avant-propos de ce texte remarquable: « J’envisage l’entreprise médicale comme paradigme pour illustrer l’institution industrielle. La médicalisation pernicieuse de la santé n’est qu’un aspect d’un phénomène généralisé : la paralysie de la production des valeurs d’usage par l’homme, comme conséquence de l’encombrement par des marchandises produites pour lui. »

Dans l’introduction à ce même essai il poursuit : « L’entreprise médicale menace la santé. La colonisation médicale de la vie quotidienne aliène les moyens de soins. Le monopole professionnel sur le savoir scientifique empêche son partage… / … La médicalisation de la vie est malsaine pour trois raisons : au-delà d’un certain niveau, l’intervention technique sur l’organisme ôte au patient les caractéristiques du vivant qu’on désigne communément par le mot de « santé » ; l’organisation nécessaire pour soutenir cette intervention devient le masque sanitaire d’une société destructrice ; et finalement, la prise en charge de l’individu par l’appareil biomédical du système industriel ôte au citoyen tout pouvoir de maîtriser politiquement ce système. »

Il faut lire « Némésis médicale » pour voir combien ce texte répond aux interrogations qu’un esprit libre et éclairé est en droit de se poser au sujet de l’actuelle « épidémie » covidienne, d’essence éminemment politique, ravageuse d’esprits bien plus que de corps, qui fait trembler les faibles au rythme saccadé du tango, tant ce que les maîtres de ballet ont dit la veille, est infirmé par ce qu’ils annoncent le lendemain…

Baratin bien entendu que tout cela, qui confine au « religieux » puisqu’il s’agit de croire en la pensée dogmatique, assénée sur fond de matraquage médiatique d’urgence dite « sanitaire ». Matin, midi et soir, et cela depuis plus de deux ans quasi sans interruption, quand la morgue le dispute à la suffisance, il faut voir avec quel mépris la valetaille journalistique des sycophantes au pouvoir manipule l’opinion. C’est le procédé courant grâce auquel tout totalitarisme prend racine : d’abord instiller la peur, ensuite promettre des lendemains radieux sans cesse repoussés aux calendes grecques. Dès l’instant où se mettent en place des mesures restrictives chaque jour plus coercitives les unes que les autres, sans qu’on puisse démontrer qu’elles sont indispensables, il n’y a plus d’état de droit, c’est l’arbitraire.

Nous y sommes. Et nous y sommes grâce à la complicité d’une fraction tout de même non négligeable du corps médical, inféodée aux grands trusts pharmaceutiques dont l’objectif premier est d’engranger toujours plus de capitaux tant les conflits d’intérêts ont atteint des sommets himalayens et que l’argent, qui pollue tout, demeure le maître du monde.

Ce genre de « pacte », car ç’en est un, n’est pas nouveau, le partage des intérêts étant aussi vieux que le monde, coquins se sont toujours entendus comme larrons en foire pour plumer dindons. Sur le chapitre, La Fontaine avait tout compris et de son côté Ivan Illich, sur celui des soins, l’avait fort bien vu :

« L’entreprise médicale est devenue un danger majeur pour la santé. Contrairement au mythe que son rituel engendre :

  1. les sociétés nanties d’un système médical très coûteux sont impuissantes à augmenter l’espérance de vie, sauf dans la période périnatale ;
  2. l’ensemble des actes médicaux est impuissant à réduire la morbidité globale ;
  3. les actes médicaux et les programmes d’action sanitaires sont devenue les sources d’une nouvelle maladie : la maladie « iatrogène ». L’infirmité, l’impuissance, l’angoisse et la maladie engendrées par les soins professionnels dans leur ensemble constituent l’épidémie la plus importante qui soit et cependant la moins reconnue ;
  4. les mesures prises pour neutraliser la iatrogenèse continueront à avoir un effet paradoxal, elles rendront cette maladie médicalement incurable encore plus insidieuse, tant que le public tolérera que la profession qui engendre cette maladie la cache comme une infection honteuse et se charge de son contrôle exclusif... / …

Il s’agit de susciter, dans un peuple de consommateurs de santé, la prise de conscience que seul le profane a la compétence et le pouvoir nécessaires pour renverser une prêtrise sanitaire qui impose une médecine morbide. Il s’agit de démontrer que seule l’action politique et juridique peut maîtriser ce fléau contagieux qu’est l’invasion médicale, qu’elle se manifeste sous la forme d’une dépendance personnelle ou d’une médicalisation de la société. 

L’assainissement de la médecine est une tâche politique et juridique qui doit se fonder sur l’analyse des dommages sociologiques et psychologiques que les soins professionnels produisent. »

Cet assainissement nécessaire réclamé par Illich semble être loin de se produire quand on observe la tournure que prennent, chaque jours les événements.

Deux ans de recul permettent à l’heure qu’il est, à n’importe quel esprit tant soit peu éclairé, d’observer que ce qu’on nous a vendu comme devant être une épidémie redoutable quasi foudroyante ne l’était pas. Tout au plus s’agit-il d’ une mauvaise grippe dont les plus faibles ne se relèvent pas. Rien de comparable aux épidémies de peste, de cholera-morbus ou même des ravages causés par la grippe espagnole (1918-1921) dont on ne connaîtra sans doute jamais le nombre exact des victimes tant le spectre est large de leur évaluation (de 50 à 100 millions de morts).

Au premier janvier 2022, un peu plus de 5 millions 300 mille décès étaient attribués au coronavirus dans le monde. Reste à savoir s’il s’agit là de mortalité strictement due au seul virus ayant frappé des individus en bonne santé ou de mortalité s’additionnant à des comorbidités, facteur hautement aggravant.

Il ne s’agit donc pas, pour ceux qui exploitent le phénomène, de mettre en place une urgence sanitaire mais bien une urgence politique à seules fins de soumettre les éléments récalcitrants (il s’en trouve heureusement encore quelques uns !) des populations mondiales, en interdisant aux médecins de soigner, dès l'apparition des premiers symptômes, par des remèdes qui ont fait leur preuve. Le terrible dans cette affaire, c’est que les populations, en grand nombre, ne discernent plus le réel de sa parodie, de là leur soumission volontaire, tel que l’avait exposé La Boétie dans son discours de la servitude. Quant au petit nombre, il conviendra de le soumettre de façon autoritaire par la force, comme cela en prend aujourd’hui le chemin.

A ceux qui douteraient encore que ce fléau n’est pas tombé subitement des nues mais relève plus vraisemblablement d’une opération d’enfumage mondial concerté de fichage et contrôle des individus, annoncée d’ailleurs à l’avance, je dirais : « Vous avez des yeux et ne voyez pas ! vous avez des oreilles et n’entendez pas ! La Vérité sort du puits et le mensonge de leur bouche ; posez-vous une seule question :  « POURQUOI INSISTENT-ILS TANT ? » Vous aurez la réponse !

Oui, pourquoi insistent-ils tant pour vous faire porter le masque, pour vous imposer la distanciation sociale, pour vous contraindre au confinement, pour vous imposer le passe-sanitaire, et demain, si rien ne les arrête, pour vous pousser sous la seringue mortifère qu’une science médicale iatrogène et tératogène impose à bourrage de crâne quotidien. Toutes mesures, rappelons-le s’appliquant également à vos enfants.

médecine, covidiens, Diafoirus, Céline, Ivan, Illich, praticien, spécialiste, Némésis, médicalisation,  santé, masque, épidémie, maitres, flûte, tango, religieux, prêtres, mépris, opinion, droit, La Fontaine, peste, choléra, mortalité, symptômes, iatrogène, tératogène, eau, vaccin, injection, nanoparticule, marché, nréprouvés, théorie, complot, peuple, oligarchie, morgue

J’aimerais savoir combien parmi vous se sont posés la question de savoir ce que contiennent ces milliards de petits flacons à l’eau translucide qui assurément ne tombe pas du ciel ! Dès l’instant où l’on n’en sait rien, on peut supposer que ce mystérieux liquide n’est pas une eau de « vie », que c’est peut-être bien, même, une eau de « mort », brouet du Diable, que l’on est en droit, dès lors, de refuser, prudence oblige !

médecine, covidiens, Diafoirus, Céline, Ivan, Illich, praticien, spécialiste, Némésis, médicalisation,  santé, masque, épidémie, maitres, flûte, tango, religieux, prêtres, mépris, opinion, droit, La Fontaine, peste, choléra, mortalité, symptômes, iatrogène, tératogène, eau, vaccin, injection, nanoparticule, marché, nréprouvés, théorie, complot, peuple, oligarchie, morgue

(Hans Schäufelein, 1517)

On trouve de tout sur la Toile, et pas forcément des bêtises quand on sait faire le tri qui s’impose. Si l’on s’informe sur ce que sont ces vaccins –qui n’en sont pas, du moins tel qu’on l’entend pour ceux qui sont issus d’agents infectieux- on verra qu’il s’agit d’injections à ARN messager pour la majorité d’entre-elles. Quant à savoir ce que contiennent exactement ces injections, outre le fait qu’elles soient chargées de nanoparticules, je le répète, on n’en sait rien. Ce que l’on sait, est qu’elles n’en sont encore qu’au stade expérimental, n’ayant reçu à ce jour qu’une autorisation conditionnelle de mise sur le marché, raison suffisante pour s'en abstenir …

Des voix se sont élevées, de la plus haute autorité en matière d’épidémiologie et de virologie pour inciter à la prudence, pour mettre en garde contre, disons les probables sinon certains, dommages collatéraux, voire les décès qu’un tel mélange détonnant,  pourrait bien entraîner. Ces voix, une conjuration de traîtres, de vendus et de Bien-Pensants, tous inféodés à l’oligarchie régnante, s’est élevée pour les discréditer faute de pouvoir les faire taire… Et l’opinion, qui comme chacun sait se fait à Paris, l’opinion, n’entend pour le moment qu’une musique : celle des Covidistes ou Covidiens, mauvais joueurs de flûte. Quand donc, le troupeau des convaincus et des soumis cessera-t-il de marcher sous la lune au chant des sirènes en direction des abattoirs ?

 

médecine,covidiens,diafoirus,céline,ivan,illich,praticien,spécialiste,némésis,médicalisation,santé,masque,épidémie,maitres,flûte,tango,religieux,prêtres,mépris,opinion,droit,la fontaine,peste,choléra,mortalité,symptômes,iatrogène,tératogène,eau,vaccin,injection,nanoparticule,marché,nréprouvés,théorie,complot,peuple,oligarchie,morgue

(Abattoir de La Villette, échaudoir des veaux)

Alors, devons-nous craindre le pire ? Sans doute puisque le pire, dit-on, est toujours certain. Nous pouvons donc le craindre sauf si, emportés par leur folie criminelle, ceux qui mènent le bal font un faux pas, et ils le feront tôt ou tard, parce que la peur qu’ils ont instillée au cœur de la Cité commence à les gagner par là où ils ne l’attendaient pas : les récalcitrants, les réprouvés, les irréductibles, enfin le dernier carré des combattants tient bon et donne l’exemple qui sous peu, risque d’être contagieux. Cet exemple, c’est celui de la résistance et la résistance, en vertu de la théorie du partisan, finit toujours par l’emporter.

A ceux qui douteraient encore de l’imposture programmée et craindraient de se voir traiter de complotistes - esquive facile de ceux qui précisément exploitent hypocritement les émotions en tirant les ficelles de la théorie de la « Théorie du Complot »- je conseillerais, en allant aux bonnes sources, de s’informer sans crainte ni tremblement tant que l’information disponible encore, circule.

La mort, en soi n’est pas grand chose lorsqu’elle est naturelle et vient au crépuscule de l’existence. Le terrible c’est quand on vous y pousse avant le terme sans que vous ne l’ayez demandé et dans des conditions bien vicieuses encore !

L’Histoire est en la matière bonne conseillère et les grands crimes du passé éclairent ceux d’aujourd’hui. Ceux qui l’ont oublié devraient y réfléchir à deux fois parce que demain, de plus en plus de voix s’élèveront sur fond de scandales sanitaires et sociétaux dévoilés qui feront tomber les têtes de l’hydre les unes après les autres.

médecine, covidiens, Diafoirus, Céline, Ivan, Illich, praticien, spécialiste, Némésis, médicalisation,  santé, masque, épidémie, maitres, flûte, tango, religieux, prêtres, mépris, opinion, droit, La Fontaine, peste, choléra, mortalité, symptômes, iatrogène, tératogène, eau, vaccin, injection, nanoparticule, marché, nréprouvés, théorie, complot, peuple, oligarchie, morgue

(Konrad Lykosthenes, 1557)

« L’histoire n’a pas besoin du passé ! Voilà ce qu’en arrivent à dire les Bien-Pensants. De quoi a-t-elle donc besoin ? du futur ?... Et ce sont ces gens-là qui écrivent l’histoire…

Que peut-on maintenant leur objecter, à eux tous, que peut-on opposer à ce choeur d’ignorance compacte ? Comment faire pour leur expliquer, maintenant ?

Un pays où il est impossible d’échanger librement l’information voit à la longue se creuser un abîme d’incompréhension entre les catégories entières de citoyens : tant de millions d’un côté, tant de millions de l’autre.

Nous cessons tout simplement d’être un seul peuple

Lire la suite

11/01/2022 | Lien permanent

Page : 1 2